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Tunnel ferroviaire du Saint-Gothard

Le premier tunnel du Saint-Gothard, tunnel ferroviaire Ă  double voie de 15 km de long, fut construit de 1872 Ă  1881, mille mètres plus bas que le col alpin du mĂŞme nom, qui s'Ă©lève Ă  2 108 m. Il relie Göschenen au nord, dans le canton d'Uri Ă  Airolo dans le canton du Tessin. L'entrĂ©e nord est Ă  1 106 m d'altitude, le point culminant Ă  1 151 m et la sortie Ă  1 142 m. Les trains parcourent le tunnel en onze minutes.

Tunnel ferroviaire du Saint-Gothard
Image illustrative de l’article Tunnel ferroviaire du Saint-Gothard
Portail Nord à Göschenen.

Type Tunnel ferroviaire
GĂ©ographie
Pays Drapeau de la Suisse Suisse
Traversée Massif du Saint-Gothard
Altitude 1 151 m
CoordonnĂ©es 46° 39′ 46″ nord, 8° 35′ 19″ est
Exploitation
Exploitant CFF Infrastructure
Mode de transport Train
Caractéristiques techniques
Longueur du tunnel 15,003 km
Nombre de tubes 1
Nombre de voies par tube 2
Construction
DĂ©but des travaux 1872
Fin des travaux 1881
Ouverture Ă  la circulation 1882
GĂ©olocalisation sur la carte : canton d'Uri
(Voir situation sur carte : canton d'Uri)
Tunnel ferroviaire du Saint-Gothard
GĂ©olocalisation sur la carte : canton du Tessin
(Voir situation sur carte : canton du Tessin)
Tunnel ferroviaire du Saint-Gothard
GĂ©olocalisation sur la carte : Suisse
(Voir situation sur carte : Suisse)
Tunnel ferroviaire du Saint-Gothard

Le , un nouveau tunnel ferroviaire, le tunnel de base du Saint-Gothard, a Ă©tĂ© mis en service après plus de dix-sept ans de travaux. Long de plus de 57 km, il est le tunnel le plus long du monde.

Histoire

Genèse du tunnel

Action du Comité du St. Gotthard en date d’octobre 1860.

L'axe ferroviaire transalpin du Saint-Gothard fut imaginĂ© dès 1851 par l'ingĂ©nieur Gottlieb Keller, qui mit ce projet Ă  l'Ă©tude dès 1853. En 1863, quinze cantons ainsi que deux compagnies de chemin de fer formèrent une « Union du Gothard » pour soutenir cette idĂ©e. Trois ans plus tard, le Conseil fĂ©dĂ©ral approuva le projet en le prĂ©fĂ©rant Ă  celui d'un tunnel empruntant le Lukmanier (Grisons). Le comitĂ© du chemin de fer du Gothard a chargĂ© dès l'annĂ©e 1867 l'ingĂ©nieur Robert Gerwig en collaboration avec l'ingĂ©nieur A. Beckh d'Ă©tudier un projet d'un chemin de fer allant de FlĂĽelen Ă  Biasca et Locarno avec plans et devis avec des Ă©tudes spĂ©ciales sur un grand tunnel d'environ 15 km passant sous les sommitĂ©s du Gothard.

La ligne ferroviaire du Saint-Gothard et son tunnel furent concĂ©dĂ©s Ă  la Compagnie du chemin de fer du Saint-Gothard, fondĂ©e le et prĂ©sidĂ©e par le principal artisan de l'Union du Gothard, le Zurichois Alfred Escher (fondateur du CrĂ©dit Suisse). Afin de rĂ©unir les fonds nĂ©cessaires, la Compagnie fit appel aux deux grands pays intĂ©ressĂ©s par l'ouverture de cet axe de communication nord-sud : l'Allemagne[1] et l'Italie, signataires avec la Suisse d'un « traitĂ© du Gothard » (), investirent respectivement 20 et 45 millions de francs sur les 187 millions nĂ©cessaires. La Compagnie n'avait d'ailleurs pas hĂ©sitĂ© Ă  soudoyer un dĂ©putĂ© allemand, en lui versant 25 000 francs pour qu'il plaide la cause du projet au Reichstag.

Otto Gelpke

Quand, après de longues négociations, les initiateurs du tunnel ferroviaire du Gothard purent se consacrer aux problèmes techniques, les extrémités du tunnel furent choisies selon des critères topographiques et géologiques. Il s’agissait de points séparés par des kilomètres de montagnes aux sommets parfois même inaccessibles et il appartenait alors à un géomètre de déterminer l’azimut, la distance et la pente entre ces deux points et d’en déduire les directions d’attaque.

La mission de définir les directions d’attaque fut confiée en 1869 au jeune ingénieur Otto Gelpke. Il créa, comme on le faisait déjà avec succès depuis deux siècles, un réseau de triangulation. Composé de onze triangles, celui-ci reliait les sommets entre Göschenen et Airolo. Il équipa chaque sommet de piliers en pierre de taille, sur lesquels on pouvait fixer soit un signal, soit un théodolite. Gelpke fit alors construire des maisonnettes-observatoires à toit mobile sur deux points du réseau situés sur l’axe théorique, en retrait des deux portails de Göschenen et d’Airolo, puis fixa dans le rocher au-dessus des futurs portails des cibles définissant ainsi l’axe du tunnel. Ce dispositif devait garantir durablement la position et la direction théorique du tunnel, protéger les instruments qui guideraient les premiers hectomètres de percement et permettre un contrôle d’azimut par des observations astronomiques. Il autorisait surtout l’utilisation, à la place du théodolite, d’une simple lunette d’alignement pour l’implantation progressive de l’axe rectiligne.

En haute montagne, il mesura avec soin, soit vingt-quatre fois chacun, tous les angles du rĂ©seau. Le massif du Gothard constituant une frontière climatique, la nĂ©bulositĂ© ne permettait que rarement d’observer simultanĂ©ment dans toutes les directions, ce qui compliquait le travail du topographe. Tout fut pourtant exĂ©cutĂ© en quelques mois, ce qui constitue un exploit compte tenu des moyens de l’époque. Une analyse ultĂ©rieure des mesures de Gelpke atteste une prĂ©cision des directions de 0,7 milligrades (mgon), ce qui correspond Ă  la largeur du petit doigt Ă  une distance d’un kilomètre. En 1872, alors que le percement du tunnel devait dĂ©buter, la direction des travaux se vit contrainte de dĂ©placer le portail sud d’environ 150 mètres, ce qui entraĂ®na une modification de la direction du tunnel. Une nouvelle triangulation n’aurait pas Ă©tĂ© nĂ©cessaire pour y remĂ©dier. Si la direction des travaux s’est cependant dĂ©cidĂ©e Ă  faire observer un second rĂ©seau, c’est qu’elle voulait bĂ©nĂ©ficier des meilleures assurances possibles aux vues de la jonction des galeries.

Carl Koppe

La direction des travaux engagea alors Carl Koppe (1844-1910). Par souci d’indépendance, celui-ci adopta un réseau différent de celui de Gelpke, avec de longues visées entre les extrémités nord et sud. Koppe introduisit une méthode de calcul révolutionnaire. En l’appliquant globalement à l’ensemble des mesures, il améliora la fiabilité des résultats en réduisant l’erreur moyenne sur une direction à 0,3 mgon. Par rapport à Gelpke, il obtint une différence d’orientation de l’ordre de 0,2 mgon à Airolo et à Göschenen et une influence globale du réseau inférieure à quatre centimètres sur l’erreur de percement : le travail de Gelpke aurait suffi et Koppe en apportait la preuve, tout en fournissant un prodigieux matériel de mesure expérimental pour le développement des méthodes de compensation des réseaux géodésiques, des méthodes dont on ne saurait se passer aujourd’hui[2].

La construction

Ouvriers du chantier de la ligne.
Portail nord en 1875.
Perforatrice pneumatique de 1873.
Locomotive à air comprimé vers 1875.

La construction du tunnel, après un appel d'offres international avec un délai très court, fut attribuée le à la société basée à Genève « Entreprise du Grand Tunnel du Gothard » société en commandite, dirigée par Louis Favre, ingénieur genevois. Il avait l'espoir d'être en mesure d'utiliser l'expérience acquise dans la construction du tunnel du Mont-Cenis récemment achevé. À cet effet, Favre s'est assuré l'engagement des mineurs et ingénieurs de ce précédent chantier, tandis que le matériel périmé utilisé dans cette construction lui a été imposé par la convention. Jean-Daniel Colladon est l'ingénieur conseil de l'entreprise du grand tunnel du Gothard pour les questions concernant les compresseurs, la fourniture de l'air comprimé et leur entraînement, les perforatrices ainsi que pour d'autres problèmes hydrauliques ou techniques.

Une des conditions de l'adjudication fixait Ă  huit ans la durĂ©e du chantier. Si le temps de construction convenu Ă©tait dĂ©passĂ©, il Ă©tait menacĂ© d'une amende de 5 000 francs par jour de retard, la première demi annĂ©e et 10 000 francs pour la pĂ©riode suivante. En cas de fin anticipĂ©e du chantier, le montant de la prime serait identique. Aucune clause de force majeure ou d'imprĂ©vu n'avait Ă©tĂ© prise dans ce contrat inique signĂ© par Favre qui ne comprenait pas l'allemand et qui jusque-lĂ  n'avait eu aucun problème avec les entreprises contractantes françaises avec lesquelles il avait travaillĂ©. Il faut ajouter que L. Favre se fiait aux spĂ©cifications indiquĂ©es dans le cahier des charges concernant les dĂ©bits des cours d'eau[3] devant produire la force hydraulique pour les machines servant au percement du tunnel ainsi qu'aux hypothèses gĂ©ologiques.

La construction a dĂ©butĂ© Ă  Airolo au portail sud le et le de la mĂŞme annĂ©e au nord (Göschenen). Ă€ la fin de celle-ci, 101 mètres furent percĂ©s Ă  la main du cĂ´tĂ© sud et seulement 18 mètres du cĂ´tĂ© nord.

Au cours du percement du tunnel de nombreuses avancées techniques furent faites : l'utilisation de perforatrices pneumatiques performantes et l'utilisation dès 1873 de la dynamite qui remplaça la poudre noire utilisée comme explosif au tunnel du Mont-Cenis. Malgré tout, les rapports entre la compagnie du chemin de fer et l'Entreprise du Grand Tunnel du Gothard furent dès l'adjudication des travaux exécrables principalement à cause d'une différence de culture entre la vision française de l'équipe de Louis Favre et celle toute germanique de la compagnie du Saint Gothard, mais aussi à cause des ordres et contre-ordres reçus. Ce n'est qu'au troisième ingénieur en chef[4], Gustave Bridel ingénieur ECP, nommé par cette dernière que les rapports s'améliorèrent. La pression due au délai contractuel très serré explique peut-être le peu d'attention qui fut accordée aux conditions de travail des ouvriers.

Ces derniers, originaires pour la plupart de la région du Piémont et de Lombardie en Italie, durent vivre en effet dans des conditions particulièrement difficiles, entassés dans des baraquements exigus et privés de tout confort. Les habitants des vallées ont largement profité et exploité l'arrivée de ces ouvriers. Quant aux conditions de travail, elles étaient dramatiques en raison des accidents, de la chaleur régnant dans les galeries (près de 33 °C) ou de l'atmosphère polluée par les poussières : 307 ouvriers y trouvèrent la mort, sans compter les 900 victimes de maladies comme la silicose ou en raison de la chaleur et de l'humidité, de l'ankylostomose, une maladie parasitaire responsable d'anémie. Sa présence est l'objet d'une controverse, certains médecins ayant nié son existence, mais est définitivement attestée par le médecin Édouard Bugnion[5] - [6].

Les ouvriers, dont l'effectif varia entre 2 000 et 4 000, Ă©taient payĂ©s entre 4 et 5 francs par jour, mais il fallait retrancher Ă  cette somme les frais de logement et de nourriture (2,50 francs) ainsi que l'achat du matĂ©riel et une retenue de 30 centimes par jour pour l'huile des lampes.

Favre a augmentĂ© le nombre de travailleurs en permanence. Ă€ Göschenen ont travaillĂ© un maximum de 1 645 ouvriers et de 1 302 Ă  Airolo. Le , une grève Ă©clata Ă  Göschenen[7]. Au nombre d'environ deux mille, les ouvriers demandaient un franc de plus par jour et que les 24 heures de la journĂ©e fussent rĂ©parties, non plus en trois, mais en quatre Ă©quipes. En outre, l’entrepreneur, lorsqu’il remettait, avant la fin du mois, des acomptes aux ouvriers sur leur paie, leur donnait non de l’argent, mais des bons en papier. Comme les aubergistes et les marchands n'acceptaient ce papier qu’en dĂ©duisant un escompte, les travailleurs se voyaient obligĂ©s, s’ils ne voulaient pas subir cette perte, d’acheter leurs vivres et autres objets de consommation dans les magasins de l’entreprise.
Ă€ cause de ces mouvements protestataires, inquiets Ă  l'idĂ©e de prendre du retard et de devoir verser des indemnitĂ©s, Favre absent, ses adjoints firent appel au gouvernement uranais, qui envoya quelques policiers, bientĂ´t renforcĂ©s par une vingtaine de miliciens civils armĂ©s et inexpĂ©rimentĂ©s (auxquels l'Entreprise Favre fut contrainte de verser une indemnitĂ© de 3 000 francs). Le 28 juillet, et après une charge Ă  la baĂŻonnette (accueillie Ă  coups de pierre par les grĂ©vistes), la milice d’Uri ouvrit le feu qui fit quatre morts, une dizaine de blessĂ©s et treize prisonniers. Le , une partie des grĂ©vistes reprit le travail, les autres quittèrent la Suisse[8]. Cet incident relança le dĂ©bat sur les conditions de travail et la protection des travailleurs.

La mort de l'ingénieur Louis Favre sur le chantier, en 1879.

Louis Favre, qui avait rencontrĂ© des difficultĂ©s imprĂ©vues en raison de la nature du sol[9] et dut faire face Ă  des dĂ©passements du devis constatĂ©s dès 1876, fit un malaise au kilomètre « 3 », lors d'une visite d'inspection du chantier et mourut Ă  l'intĂ©rieur du tunnel d'une rupture d'anĂ©vrisme le Ă  l'âge de 53 ans. La direction de l'entreprise a Ă©tĂ© reprise par l'ingĂ©nieur français Édouard Bossi. Les Ă©quipes de construction du nord ont entendu pour la première fois, le de la mĂŞme annĂ©e, le bruit des explosions produit par les Ă©quipes de construction du sud. Seulement 422 m sĂ©paraient alors les deux sites. Après sept ans et cinq mois, ce fut le samedi Ă  18 h 45 que la première perforatrice traversa la paroi depuis le front d'attaque nord du tunnel. Par ce trou, les ouvriers passèrent une boĂ®te contenant une image de Favre Ă  l'autre Ă©quipe. Le dimanche , le percement fut totalement achevĂ© ; le dĂ©calage entre les deux galeries fut de 33 cm sur la transversale et seulement de cm sur la hauteur.

Pour la construction de ce tunnel furent utilisées pour la première fois des locomotives à air comprimé pour excaver les matériaux hors du tunnel. Ces locomotives avaient l’avantage de ne produire ni fumées ni gaz toxiques difficiles à évacuer dans un tunnel.

Il est intĂ©ressant de souligner que les lignes d'accès au tunnel construites par les propres chantiers de la compagnie du Chemin de fer du Gothard ne furent achevĂ©es qu'après l'achèvement du grand tunnel. Au total, la mise en service fut retardĂ©e de deux ans (dĂ©but des travaux le , inauguration du tunnel au trafic le [10]) et la Compagnie du Gothard attaqua les hĂ©ritiers de Louis Favre en justice[11]. Le rapport final de la ConfĂ©dĂ©ration suisse sur la construction du tunnel du Gothard prĂ©sentait un coĂ»t final de 66,67 millions de francs. Par rapport au devis de 1869 de 59,6 millions de francs, il en rĂ©sultait un dĂ©passement de 11,9 %.

J.-Daniel Colladon s'exprime ainsi[12] : « En analysant les causes qui ont surtout contribué à la rapidité extraordinaire du percement du Saint-Gothard, à côté des mérites personnels de Louis Favre, on doit insister surtout sur les points suivants :

  1. Le plan général d’exécution, suivi dès l’origine par Louis Favre ;
  2. Les perfectionnements importants et nombreux adoptés pour les installations mécaniques et l’utilisation rationnelle des forces hydrauliques disponibles ;
  3. L’emploi de nouveaux compresseurs d’air à grande vitesse dans lesquels des améliorations importantes et l’injection d’eau pulvérulente permettaient de comprimer l’air à plusieurs atmosphères sans réchauffement notable ;
  4. L’usage de divers systèmes nouveaux de perforatrices très perfectionnées et des affûts de formes variées, permettant de donner une grande extension à la perforation mécanique et de mieux utiliser la puissance de travail de l’air comprimé ;
  5. L’adoption de la dynamite remplaçant la poudre comprimée dont on s’était servie au mont Fréjus ;
  6. L’emploi de nouvelles locomotives mues par l’air comprimĂ© Ă  12 et 14 atmosphères, servant au transport dans toutes les parties du tunnel oĂą l’excavation de la cunette Ă©tait assez avancĂ©e pour qu’on pĂ»t y placer une voie de chemin de fer large d’un mètre.

Le système général d’exploitation adopté par l’entrepreneur, était lié à l’attaque du tunnel par le haut ; au mont Fréjus, la galerie d’avancement avait au contraire été pratiquée par le bas. Ce dernier système, préférable peut-être dans les terrains meubles, ne se prête pas aussi bien dans le rocher solide à un rapide avancement de l’excavation et du revêtement de la voûte… ».

Plus tard, il déclare :

« Au Saint-Gothard, Louis Favre qui s'est élevé seul, entreprend un tunnel incomparablement plus difficile, avec la chaîne d'un contrat léonin, où toutes les clauses sont une menace contre lui. Le tunnel de quinze kilomètres est percé en sept années et cinq mois, son coût est de dix à douze millions moindre que celui du mont Cenis, et Favre meurt victime des persécutions qu'il a endurées et la Compagnie du Gothard qu'il a sauvée d'une liquidation probable, n'a pas de plus grande préoccupation après son décès que de s'emparer des millions de son cautionnement en ruinant à fond sa famille et en spoliant les commanditaires ».

Tunnels hélicoïdaux

Tunnels hélicoïdaux du Gothard, région de Wassen.

L’implantation des sept tunnels hélicoïdaux à proximité du portail nord fut bien moins délicate que celle du tunnel principal, contrairement à ce qu’imagine le grand public : la longueur restreinte de ces ouvrages écartait le risque d’une dérive importante de l’axe. Koppe a résolu le problème en créant à proximité des tunnels de petits réseaux locaux incluant les éléments géométriques principaux de ces courbes : points d’entrée et de sortie ainsi que leurs tangentes. Il en a publié les schémas dans la revue Eisenbahn des 7 et .

Les travaux des rampes d'accès au grand tunnel ont été achevés après le percement et la terminaison de ce dernier. Ces chantiers étaient effectués directement sous la responsabilité de la Compagnie du chemin de fer.

DĂ©fense du tunnel

Fort d'Airolo.
1 - Couloir de liaison du fort d'Airolo.
2 - Détail de la défense du portail sud.
3 - Corps de garde aux alentours de 1890.

Des rumeurs couraient toujours sur une installation militaire secrète dans le tunnel ferroviaire du Saint-Gothard. Elle comporterait divers dispositifs, dont entre autres un tunnel de liaison entre le tunnel du chemin de fer et le fort d'Airolo (de), situé plus haut sur la route du col du Saint-Gothard. Lors de la construction du tunnel ferroviaire, l'armée suisse étudia la défense du front sud. Trois années furent nécessaires pour cette planification. Il fut alors décidé de construire un fort au-dessus d'Airolo, à proximité de la route menant au col, ainsi qu'un corps de garde (voir image 3) et une casemate situés à l'entrée sud du tunnel ferroviaire. Ces plans furent changés à maintes reprises et des constructions ainsi que des aménagements supplémentaires furent alors réalisées.

En 1887, la construction du fort d'Airolo dĂ©buta et fut achevĂ©e en 1889. Il fut aussi reconnu comme le fort le plus moderne d'Europe. Il avait pour mission de protĂ©ger le tunnel ferroviaire du Gothard, ouvert en 1882. Cette annĂ©e-lĂ , l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche s'Ă©taient constituĂ©es en alliance contre la France. Pour disposer en tout temps d'un accès Ă  l'installation de protection depuis le nord, une galerie fut percĂ©e. Longue de 1,3 km, elle dĂ©bouchait Ă  une cinquantaine de mètres de l'entrĂ©e du tunnel ferroviaire (voir image 1). En cas d'urgence, l'armĂ©e suisse envisageait de boucler l'accès sud de la galerie et de contrĂ´ler l'entrĂ©e nord du tunnel depuis le fort.

La construction du tunnel de liaison entre le fort et le tunnel ferroviaire avait pour but de permettre de communiquer sans courir aucun danger, comme des tirs ennemis ou des avalanches, mais également de permettre le déplacement des troupes en toute discrétion. Ce tunnel est entièrement revêtu de granit et son sol était dallé. À deux endroits, le long de celui-ci, se trouve un élargissement qui permet de se croiser facilement, mais également d'y déposer du matériel.

L'accès à celui-ci se situe dans un fossé proche de l'entrée du fort et il aboutit à une cinquantaine de mètres avant le tunnel ferroviaire dans une section plus grande, fermée par une porte blindée (voir image 2). Avant celle-ci, le tunnel s'élargit permettant ainsi de réduire la pression due aux passages des trains et, quelques mètres avant, un autre couloir part sur la droite aboutissant dans l'ancien tunnel qui servit auparavant pour la construction du tunnel ferroviaire. C'est celui-ci qui servait d'ordinaire à l'accès au tunnel de liaison. Un important bâtiment qui servait de local de garde se situe à l'entrée du tunnel ferroviaire et il est équipé d'ouvertures munies de volets métalliques et d'embrasure de tir.

Ă€ l'intĂ©rieur du tunnel ferroviaire, Ă  environ 50 et 100 mètres, deux positions de lance-flammes sont installĂ©es, ainsi que deux autres niches pouvant ĂŞtre Ă©quipĂ©es de mitrailleuses. L'ancien tunnel, qui servit pour la construction, est Ă©galement muni de mĂŞmes niches. L'entrĂ©e nord du tunnel ferroviaire est Ă©galement fortifiĂ©e, mais seulement de l'extĂ©rieur. Un escalier souterrain permettait de gagner, depuis le corps de garde, la galerie de fusiliers situĂ©e en peu plus haut de l'entrĂ©e tunnel ferroviaire. Les deux portails sont protĂ©gĂ©s par des chambres de mines permettant ainsi la destruction des entrĂ©es et de faire ainsi cesser le trafic nord-sud, si important pour l'Allemagne et l'Italie.

Son existence ne fut révélée qu'en 2009, lors de la cérémonie du 120e anniversaire du Saint-Gothard[13] - [14] - [15].

Spécification

À noter que le portail nord du tunnel comporte deux tubes. Le second fut construit en 1960 et, quatre-vingt mètres après, il rejoint le tube principal.

L'avenir

À la suite de l'inauguration du tunnel de base en , l'avenir de la ligne du Saint-Gothard qui emprunte le tunnel « historique » se pose pour les autorités. Celles-ci prévoient d'effectuer en 2025 une évaluation afin de décider s'il y a lieu d'y effectuer des investissements à long terme. Un classement de ligne au patrimoine mondial de l’UNESCO, à l'instar du chemin de fer rhétique de l'Albula et de la Bernina dans les Grisons, n'a pour l'instant pas abouti[16].

L’exploitation

Bellinzona 1882.

Du 22 au a été célébrée l'inauguration avec plus de 600 clients venus de toute l'Europe, cependant, Alfred Escher n’a pas participé.

Le tunnel fut ouvert au trafic le de Lucerne Ă  Chiasso (frontière italienne), sur une section opĂ©rĂ©e par la compagnie ferroviaire Gotthardbahn, avec des locomotives Ă  vapeur. Le premier sac de courrier fut transportĂ© par Alois Zgraggen (1822-1888), conducteur de la dernière diligence qui a circulĂ© sur la route du col. En 1883, première annĂ©e complète de l’exploitation de la ligne du Saint-Gothard, 250 000 voyageurs et 300 000 tonnes de marchandises ont transitĂ© par le tunnel. La ligne fut ensuite reprise par les CFF en 1909 Ă  la suite de la signature, avec l'Allemagne et l'Italie de la convention du Gothard.

En 1897, tous les jours, 61 trains passaient par le tunnel. Ă€ travers la fumĂ©e des locomotives Ă  vapeur, les travaux d'entretien du chemin de fer ont Ă©tĂ© beaucoup plus difficiles. Par consĂ©quent, un système de ventilation fut installĂ© en 1902 avec une capacitĂ© de 800 ch en fonctionnement. Avec le soutien des vitesses naturelles de l'air de courants d'air ont Ă©tĂ© atteints au nord de portail et de 2,2 Ă  3,0 m/s au portail sud de 2,6 Ă  3,6 m/s.

Le tunnel fut Ă©lectrifiĂ© en 1920, initialement avec une tension d'alimentation rĂ©duite Ă  7,5 kV Ă  cause des dĂ©fauts d’isolation dus Ă  la suie dĂ©posĂ©e sur les isolateurs par la fumĂ©e des locomotives Ă  vapeur qui continuaient Ă  circuler. Un an plus tard, la traction vapeur fut entièrement remplacĂ©e par la traction Ă©lectrique et la tension d'alimentation dans le tunnel put ĂŞtre augmentĂ©e Ă  15 kV le pour ĂŞtre homogène avec le reste de la ligne.

Dès la première année le trafic dépassa 1 million de voyageurs pour croître progressivement jusqu'à 5 millions en 1956, cette ligne devint le principal axe traversant la chaîne alpine du Nord vers le Sud. La vitesse moyenne qui était de 31 km/h en 1882 fut portée à 45 km/h en 1922 après l’électrification puis à plus de 60 km/h en 1956.

Commentaires

Fausses donnĂ©es - MM. Gerwig et Beckt dans le projet 1864-1665 de percement et le rapport technique publiĂ© en 1865 affirment : « on ne manquera pas de puissantes chutes d’eau sur les deux versants du Gothard ; la Reuss et le Tessin en donnent plus qu’il n’en faudra ; sur le versant mĂ©ridional on pourra en outre utiliser la Tremola ». L’avancement des travaux dĂ©pendant avant toute chose de la force motrice hydraulique annoncĂ©e Ă  l’entrepreneur qui seule lui assure un aĂ©rage suffisant et la force mĂ©canique indispensable. Sa bonne foi a Ă©tĂ© surprise, il Ă©tait impossible matĂ©riellement Ă  Favre de vĂ©rifier les donnĂ©es fournies par la compagnie du Gothard et par les ingĂ©nieurs en chef successifs. Pendant les 4 Ă  5 mois d’hiver, par exemple, les dĂ©bits d'eau disponibles ne correspondaient qu’à 30 ou 40 % de ce qui avait Ă©tĂ© stipulĂ© du cĂ´tĂ© mĂ©ridional de l’ouvrage.

Après avoir commencé les travaux en 1872 et 1873, l'expérience démontra que les études avaient été très insuffisantes, la Compagnie du Gothard en 1875 fit face à de graves difficultés financières dues aux mauvaises estimations des coûts et des retards, crise due aussi à la chute des actions des compagnies ferroviaires suisses. Elle a dû même suspendre ses constructions en 1876 et diminuer le programme de ses travaux futurs[17]. En passant sous trois directions techniques différentes, sans compter les interrègnes, chacune de ces directions apportant des vues personnelles divergentes des systèmes et des procédés nouveaux. Il faut noter aussi que le peuple zurichois rejeta en 1878 une subvention complémentaire ce qui conduisit Alfred Escher à se retirer de la présidence.

La production quotidienne s’élevait pour l'ensemble des heures de travail Ă  4,47 mètres de moyenne. Par comparaison, la production journalière est de 18 mètres dans la construction du nouveau tunnel de base du Saint-Gothard. En , un effectif maximum est atteint, 4 344 personnes, pour la plupart italiennes, travaillent Ă  Göschenen et Airolo, dont 2 359 Ă  Airolo.

Malgré les nouvelles machines, malgré les efforts constants pour assurer le renouvellement de l'air dans le tunnel, il est évident que l'excavation du tunnel est un chantier dangereux. Les accidents étaient nombreux. 199 ouvriers du chantier sont morts pendant la construction[18]. Sur les 171 décès qui sont mentionnés dans la liste des victimes dans les Archives fédérales, 53 travailleurs ont été écrasés lors de déraillements ou pertes de chargement des wagonnets ou par les locomotives, 49 tués par des chutes de pierres, 46 tués par la manipulation ou explosion de dynamite et 23 tués d'autres accidents. L'un d'eux s'est même noyé. La faute, selon le communiqué officiel de chaque accident provenait de la victime elle-même. Cependant, beaucoup plus d'ouvriers sont décédés au cours des années suivantes à la suite des effets dus à la malnutrition, aux maladies et aux blessures qu'ils avaient subies au cours de la construction.

Monument

En 1932, à l'occasion du 50e anniversaire de la fin du tunnel, le monument créé par l'artiste tessinois Vincenzo Vela (1820-1891) fut érigé le 1er juin 1932. Il l'a créé en 1882 de sa propre initiative et ne reçut aucun paiement. Il est dédié aux victimes les travailleurs du tunnel ferroviaire du Saint-Gothard. Il est à Airolo, proche de la gare.

Locomotives

Quelques locomotives du Gothard :

Vapeur

  • C 5/6.
    C 5/6.

Électriques

  • Ae 6/6 11405.
    Ae 6/6 11405.

Traduction

Notes et références

  1. Le tunnel du Gothard est percé avec de l’argent français : Le dernier million fourni en 1877 par l’Allemagne était composé de rouleaux d’or qui portaient encore le timbre français et qui par conséquent proviennent de l’indemnité de guerre de cinq milliards qu’a dû payer la France (Feuille d’Avis de Lausanne 15.11.1877).
  2. TRACÉS no 19. .
  3. J.-Daniel Colladon - Considérations sur l’insuffisance des forces motrices hydrauliques disponibles aux extrémités du tunnel du Saint-Gothard, contradictoirement aux bases du traité entre la Compagnie et M. Louis Favre. Conclusions. Discours prononcé le devant le tribunal fédéral arbitral à Lausanne. (Ch. Schuchardt, imprimeur, Genève, 1885).
  4. Les deux premiers furent l’ingénieur en chef badois Robert Gerwig entre 1872 et 1875, suivi de Konrad Wilhelm Hellwag du Schleswig entre 1875 et 1878.
  5. (en) R Peduzzi et J C Piffaretti, « Ancylostoma duodenale and the Saint Gothard anaemia. », BMJ, vol. 287, no 6409,‎ , p. 1942–1945 (ISSN 0959-8138 et 1468-5833, PMID 6418279, PMCID PMC1550193, DOI 10.1136/bmj.287.6409.1942, lire en ligne [PDF], consulté le )
  6. (en) E. Bugnion, « On the Epidemic Caused by Ankylostomum among the Workmen in the St. Gothard Tunnel », BMJ, vol. 1, no 1054,‎ , p. 382–382 (ISSN 0959-8138 et 1468-5833, PMID 20749811, PMCID PMC2263460, DOI 10.1136/bmj.1.1054.382, lire en ligne, consulté le )
  7. Rapport publié par M. le Commissaire fédéral (Colonel Hold, Conseiller aux États grison) sur la grève de Göschenen et "Observations de l'Entreprise du Grand Tunnel du Gothard" au dit rapport, Lausanne, chez Lucien Vincent, 1876.
  8. « 28 juillet 1875 : la grève ouvrière du Saint Gothard (Suisse) massacrée », sur gauchemip.org (consulté le ).
  9. CNUM - Ă©tat des travaux 1877.
  10. Persée - Les 75 ans du tunnel du Saint-Gothard - 1958.
  11. Dans la Gazette de Lausanne du 21.08.1885 : Compagnie du Gothard et Entreprise L. Favre - En signant le jugement arbitral du 11 avril MM. Schlemmer, ingĂ©nieur Ă  Paris et Meyer Ă  Lausanne ont accompagnĂ© leur adhĂ©sion de quelques rĂ©serves portant sur trois points. Les deux arbitres dĂ©clarent qu’ils eussent volontiers accordĂ© Ă  l’Entreprise du tunnel une indemnisation d’au moins 1 500 000 francs pour les frais qui lui ont Ă©tĂ© occasionnĂ©s par la partie centrale du tunnel, par la haute tempĂ©rature de la roche et l’affluence anormale des eaux, circonstances qui n’avaient pas Ă©tĂ© prĂ©vues dans les conventions. L’équitĂ© et la pratique dans les grands travaux de ce genre commandaient une indemnitĂ© d’autant plus que la Compagnie avait commis une grave erreur d’évaluation en considĂ©rant que les forces d’eau disponibles comme devant suffire en tout temps Ă  la ventilation du tunnel, tandis qu’elles ont Ă©tĂ© reconnues insuffisantes juste au moment oĂą on en avait le plus besoin. Mais le tribunal arbitral a Ă©tĂ© dans sa majoritĂ© d’un autre avis et s’est tenu au droit strict dans l’interprĂ©tation des conventions. Les experts dĂ©clarent en second lieu qu’une indemnitĂ© aurait dĂ» ĂŞtre payĂ©e Ă  l’Entreprise pour les pertes Ă  elle occasionnĂ©es par la crise financière que la Compagnie a traversĂ©e de 1876 Ă  1879. Enfin, une indemnitĂ© plus forte Ă©tait due Ă  l’Entreprise pour les troubles apportĂ©s dans la conduite des travaux par les retards de la Compagnie Ă  fournir Ă  l’Entreprise les types de profil du revĂŞtement en maçonnerie Ă  l’intĂ©rieur du tunnel.
  12. Dans : Mémoire présenté en 1882 à la Société de ingénieurs civils par Colladon ingénieur conseil de l’entreprise L. Favre et Cie.
  13. http://archives.tdg.ch/fort-protegeant-gothard-fete-120-ans-2009-09-10
  14. « fortlitroz.ch/index.php?p=582 »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
  15. http://journal.24heures.ch/galeries/gothard-secrets-fort-airolo
  16. Isobel Leybold-Johnson, « Quel avenir pour la vieille ligne du Gothard? », sur swissinfo.ch, (consulté le ).
  17. E. Bossi : Note au Haut Conseil Fédéral Suisse (1882).
  18. (de)Konrad Kuoni : Der Gotthard gewinnt das Alpenbahnringen. In: Kohle, Strom und Schienen. Verkehrshaus (Hg.), ZĂĽrich 1998, p. 163.

Voir aussi

Source

Bibliographie

  • Louis Figuier, Les nouvelles conquĂŞtes de la science : Grands tunnels et railways mĂ©tropolitains, vol. 2, Paris, Ă©d. Librairie illustrĂ©e/Marpon et Flammarion, , 647 p., p. 219 Ă  351.
  • Kilian T. Elsasser, La Ligne du Gothard, Ă©d. Rossolis, , 192 p. (ISBN 978-2-940365-15-9).
  • Bernard Lescaze, Louis Favre 1826-1879, 1979, rĂ©Ă©ditĂ© par la Commune de ChĂŞne-Bourg en 2007, 86 p.
  • Hans G. Wägli, Louis Favre 1826-1879, Ă©d. SociĂ©tĂ© d'Ă©tude en matière d'histoire Ă©conomique, , 96 p..
  • (de) Hansjakob Burkhardt, Dynamit am Gotthard, Sprengstoff in der Schweiz, hier+jetz, Baden, , 335 p.

Articles connexes

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