Tremplin (aéronautique)
En aĂ©ronautique, un tremplin est une rampe incurvĂ©e permettant Ă un avion de dĂ©coller depuis une piste dâune longueur infĂ©rieure Ă sa distance de dĂ©collage normale. En envoyant l'avion vers le haut, le dĂ©collage peut ĂȘtre effectuĂ© Ă une vitesse infĂ©rieure Ă celle oĂč lâaile devient portante, en lui permettant de continuer Ă accĂ©lĂ©rer en lâair plutĂŽt que sur la piste. Les tremplins sont principalement utilisĂ©s pour lancer des avions Ă partir de porte-avions dĂ©pourvus de catapultes.
Principe
Un aĂ©ronef Ă voilure fixe doit effectuer une longue accĂ©lĂ©ration pour parvenir Ă dĂ©coller, la portance gĂ©nĂ©rĂ©e par les ailes augmentant en fonction de la vitesse. Lorsque celle-ci devient suffisamment Ă©levĂ©e, la force de portance dĂ©passe le poids de lâappareil, et celui-ci devient capable de voler. Lorsque lâaĂ©ronef ne peut utiliser que ses propres moteurs pour atteindre sa vitesse de dĂ©collage, une piste longue est nĂ©cessaire au dĂ©collage. Sur un porte-avions, la courte longueur du pont dâenvol ne permet pas Ă la plupart des avions dâatteindre leur vitesse de dĂ©collage avant dâarriver au bout du pont. Dans un tel cas, la portance Ă©tant infĂ©rieure Ă la gravitĂ©, l'appareil perdra de l'altitude une fois que ses roues auront quittĂ© le pont, et finira par tomber dans la mer.
Pour Ă©viter cela, placer un tremplin Ă l'extrĂ©mitĂ© du pont dâenvol permet de donner un lĂ©ger angle dâincidence positive Ă lâavion, ce qui convertit une partie de sa vitesse horizontale en vitesse ascensionnelle. La vitesse de lâappareil Ă©tant toujours insuffisante pour gĂ©nĂ©rer une portance suffisante, son taux de montĂ©e commencera Ă diminuer dĂšs qu'il quittera le pont dâenvol[1]. Lâemploi du tremplin donne Ă l'avion plus de temps pour continuer Ă accĂ©lĂ©rer en lâair : ainsi, au moment oĂč sa vitesse ascensionnelle sera tombĂ©e Ă zĂ©ro, sa vitesse horizontale sera suffisante pour que les ailes produisent la portance nĂ©cessaire au vol. Lâavion se retrouve donc en vol, sans jamais ĂȘtre descendu sous le niveau du pont dâenvol[2].
Beaucoup de marines militaires ne peuvent disposer que de porte-aĂ©ronefs dĂ©pourvus de catapultes : les avions de leurs aĂ©ronavales ne peuvent donc dĂ©coller quâĂ lâaide de leurs propres moteurs. Dans ce cas, lâutilisation dâun tremplin permet le dĂ©collage dâappareils plus lourds que ne le permettrait un pont horizontal. Toutefois, cette technique ne permet pas le dĂ©collage avec une charge utile aussi Ă©levĂ©e que ce que permet lâemploi de catapultes[3].
Historique
Dans les premiers temps de lâaĂ©ronautique navale, il est possible pour les porte-avions de se contenter de virer face au vent et dâaccĂ©lĂ©rer Ă pleine vitesse, celle-ci venant sâajouter Ă la celle de l'avion pour permettre son dĂ©collage. Durant la Seconde Guerre mondiale, lâaugmentation du poids des avions embarquĂ©s rend souhaitable le dĂ©veloppement de procĂ©dures de dĂ©collage assistĂ©. Cela conduit Ă la mise au point pour lâUS Navy de catapultes accĂ©lĂ©rant les avions jusquâĂ leur vitesse de dĂ©collage, utilisables en particulier pour le lancement dâappareils lourds, ou lorsquâun changement de cap nâĂ©tait pas souhaitable[4]. Une autre technique est employĂ©e par la Royal Navy en 1944 lors de lâopĂ©ration Mascot contre le cuirassĂ© allemand Tirpitz : un tremplin temporaire est installĂ© Ă l'extrĂ©mitĂ© du pont d'envol du HMS Furious pour aider au dĂ©collage des Fairey Barracuda chargĂ©s de bombes[5].
Lâaugmentation continue de la masse des appareils embarquĂ©s aprĂšs la Seconde Guerre mondiale conduisit Ă craindre que les catapultes ne puissent plus suffire Ă faire dĂ©coller les nouveaux appareils. Ainsi, en 1952, paraĂźt une Ă©tude de la NACA qui propose l'utilisation d'un tremplin placĂ© aprĂšs la catapulte[6] - [2].
LâidĂ©e dâemployer un tremplin pour aider au dĂ©collage dâappareils Ă dĂ©collage court et atterrissage vertical comme le Hawker-Siddeley Harrier est Ă©tudiĂ©e en 1973 dans la thĂšse de Master of Philosophy du Lieutenant commander Taylor de la Royal Navy[7]. Des essais sont ensuite effectuĂ©s Ă la base aĂ©rienne de Bedford, en utilisant le prototype de Harrier Ă deux places G-VTOL sur des tremplins de diffĂ©rents angles dâinclinaison[1] - [8]. LâexpĂ©rience montre que les performances du tremplin augmentent avec lâangle de celui-ci : toutefois, lâangle minimum est choisi pour Ă©viter une sollicitation excessive du train dâatterrissage. Ă la suite de ces expĂ©riences, la Royal Navy choisit de munir les porte-avions de classe Invincible dâun tremplin quâils emploieront pour lancer leurs Harrier[9].
Depuis 2017, Ă lâexception de lâUS Navy et de la Marine nationale française, la totalitĂ© des marines militaires possĂ©dant une aviation embarquĂ©e utilisent des tremplins pour lancer leurs aĂ©ronefs Ă voilure fixe[10].
Emploi sur porte-avions
STOBAR
Sur les porte-avions de type STOBAR, les avions embarquĂ©s sont lancĂ©s Ă lâaide dâun tremplin. Le pilote augmente la poussĂ©e du rĂ©acteur en allumant la postcombustion, tout en maintenant lâappareil sur place Ă lâaide des freins. Des cales escamotables dans le pont sont utilisĂ©es pour le garder immobile. Lorsquâil reçoit lâordre de dĂ©collage, le pilote lĂąche les frein, les cales sont escamotĂ©es, et lâavion se met Ă accĂ©lĂ©rer rapidement. Le passage sur le tremplin permet dâenvoyer lâappareil Ă la fois vers le haut et vers l'avant[11].
GrĂące Ă ce systĂšme, un MiG-29 lancĂ© depuis le tremplin du porte-avions Amiral Kouznetsov peut dĂ©coller Ă une vitesse dâenviron 70 nĆuds (130 kilomĂštres par heure) au lieu de 140 kt (259 km/h) â les valeurs exactes dĂ©pendant de divers facteurs, comme le poids en charge de lâappareil[12]. Lorsque lâavion quitte le tremplin, il tombe de 15 mĂštres et ne reprend de l'altitude qu'aprĂšs 8 Ă 10 secondes de vol[13].
STOVL
Sur les porte-avions de type STOVL, les avions Ă dĂ©collage court et atterrissage vertical commencent leur dĂ©collage de façon conventionnelle, les tuyĂšres Ă poussĂ©e vectorielle Ă©tant positionnĂ©es pour fournir une poussĂ©e maximale vers lâavant. Lorsque lâappareil approche du tremplin, les tuyĂšres pivotent pour fournir une poussĂ©e verticale en plus de la poussĂ©e horizontale. Un tel mode de dĂ©collage permet Ă lâappareil dâemporter une masse plus importante que lors dâun dĂ©collage horizontal sans assistance, le tremplin permettant de bĂ©nĂ©ficier dâune impulsion verticale au moment oĂč cela est le plus nĂ©cessaire, câest-Ă -dire lorsque la vitesse de dĂ©collage est la plus basse [14].
Le dĂ©collage Ă lâaide dâun tremplin assure une meilleure sĂ©curitĂ© aux appareils Ă dĂ©collage court que celui depuis un pont plat classique. En effet, par exemple, lorsquâun AV-8B Harrier dĂ©colle du pont plat dâun LHA de lâUS Navy, il termine sa course Ă 18 m au-dessus de lâeau. Dans ces circonstances, il ne peut pas immĂ©diatement prendre dâaltitude, en particulier si le porte-aĂ©ronefs a tanguĂ© durant le dĂ©collage. Avec un tremplin, le mĂȘme Harrier pourra immĂ©diatement prendre de lâaltitude, le seul Ă©lan obtenu grĂące au dispositif le portant de 45 Ă 60 m au-dessus de lâeau[10].
Ainsi, en 1988, une sĂ©rie dâexpĂ©riences menĂ©es lors dâune mission dâun dĂ©tachement de AV-8B Harrier de lâUS Marine Corps sur le porte-aĂ©ronefs Principe de Asturias a permis de constater que, dans des conditions de dĂ©collage qui auraient nĂ©cessitĂ© lâemploi de la totalitĂ© des 230 m du pont dâun LHA de classe Tarawa, le tremplin inclinĂ© Ă 12° du navire espagnol permettait un dĂ©collage en seulement 90 m. Cette amĂ©lioration de la distance de dĂ©collage, spectaculaire pour un navire sans catapultes, est alors qualifiĂ©e de «rien moins qu'incroyable»[10].
Emploi Ă terre
LâUS Air Force a envisagĂ© lâutilisation de tremplins Ă terre afin de permettre des dĂ©collages depuis des terrains courts, en particulier comme solution au problĂšme posĂ© par la possible destruction des pistes durant la guerre froide. Les Ă©tudes ont permis dâĂ©tablir que lâutilisation dâun tremplin dâun angle de 9° permettait de rĂ©duire de moitiĂ© la course au dĂ©collage d'un F/A-18 Hornet[15].
Classes de porte-aéronefs munis de tremplins
STOBAR
- classe Amiral Kouznetsov ( Marine soviétique puis Marine russe, Marine chinoise - 2 exemplaires, lancés à partir de 1985)
- INS Vikramaditya ( Marine indienne - Converti en 2013)
- Shandong ( Marine chinoise - 2017)
- INS Vikrant ( Marine indienne - 2023)
STOVL
- Classe Invincible ( Royal Navy - 3 ex., 1977)
- HMS Hermes ( Royal Navy puis Marine indienne - Converti en 1981)
- PrĂncipe de Asturias ( Armada espagnole - 1982)
- INS Vikrant ( Marine indienne - Converti en 1983)
- Giuseppe Garibaldi ( Marina Militare - 1985)
- Chakri Naruebet ( Marine royale thaĂŻlandaise - 1997)
- Classe Juan Carlos I ( Armada espagnole, Royal Australian Navy, Marine turque - 4 ex., 2008)
- Cavour ( Marina Militare - 2009)
- Classe Queen Elizabeth ( Royal Navy - 2 ex., 2017)
- Trieste ( Marina Militare - 2022)
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Ski-jump (aviation) » (voir la liste des auteurs).
- (en) John Fozard, « 'Ski Jump' Harrier », Flight International, vol. 110, no 3534,â , p. 1630â1635 (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Reed, « An Analysis of the Effect of a Curved Ramp on the Take-off Performance of Catapult-Launched Airplanes », National Advisory Committee on Aeronautics,
- (en-US) « The Problem with Ski-Jump Aircraft Carriers », Strike Fighter Consulting Inc.,
- (en) Michael Green, Aircraft Carriers of the United States Navy, Pen and Sword, (ISBN 9781473854680), p. 57
- (en) J. D. Brown, Carrier operations in World War II, Seaforth Publishing, (ISBN 9781848320420), p. 25
- (en) Mark Stille, US Navy Aircraft Carriers 1922-45: Prewar classes, Bloomsbury Publishing, (ISBN 9781780968094), p. 5
- « Ski-jump Harrier », Flight International,â , p. 1468 (lire en ligne)
- (en) Hugh Field, « Harrier Rampant », Flight International,â , p. 1487 (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) David Hobbs, The British Carrier Strike Fleet: After 1945., Seaforth Publishing, , 469â472 p. (ISBN 9781612519999)
- (en) Nalls, « Harrier Operations on a Ski Jump », Naval Aviation News, vol. 72, no 4,â , p. 12â13 (lire en ligne [archive du ])
- (en) Yefim Gordon, Sukhoi Su-27 Flanker - WarbirdTech Vol 42, Specialty Press, (ISBN 9781580071963), p. 69
- (en) Yefim Gordon, Mikoyan MiG-29, Hinckley, Midland Publications, (ISBN 9781857802313), p. 84
- (ru) Đ.Đ. ĐĐ°Đ±Đ»ĐŸŃĐșĐžĐč, ĐąŃжДлŃĐč Đ°ĐČĐžĐ°ĐœĐ”ŃŃŃĐžĐč ĐșŃĐ”ĐčŃĐ”Ń Â«ĐĐŽĐŒĐžŃĐ°Đ» ĐŃĐ·ĐœĐ”ŃĐŸĐČ», vol. 7, Moscou, ĐĐŸĐŽĐ”Đ»ĐžŃŃ-ĐșĐŸĐœŃŃŃŃĐșŃĐŸŃ, coll. « ĐĐŸŃŃĐșĐ°Ń ĐșĐŸĐ»Đ»Đ”ĐșŃĐžŃ Â»,â , 36 p. (ISSN 0131-2243, lire en ligne), p. 6.
- (en) David Hobbs, The British Carrier Strike Fleet: After 1945, Naval Institute Press, (ISBN 9781612519999), p. 470
- (en) Elijah W. Turner, « Aircraft Operations from Runways with Inclined Ramps (Ski-jump) »,