Totoaba macdonaldi
Totoaba macdonaldi, le Totoaba[1], unique représentant du genre Totoaba, est une espÚce de poissons de la famille des Sciaenidae qui est endémique du golfe de Californie (Mexique).
Totoaba
VU A2bcd : Vulnérable
Ce grand poisson argentĂ©, marin et estuarien, mesurait autrefois jusquâĂ deux mĂštres m de long. Câest le plus grand des poissons de la famille des Sciaenidae[2].
Ce poisson est notamment caractérisé par une capacité à émettre un « croassement » (permis par le frottement de sa vessie natatoire contre ses muscles abdominaux)[3].
Autrefois abondant, il fait lâobjet dâune surpĂȘche et dâun intense braconnage qui ont conduit ce poisson, pourtant trĂšs fĂ©cond[4], Ă ĂȘtre classĂ© dans la liste des espĂšces menacĂ©es (liste rouge de lâUICN ; classĂ© en danger critique d'extinction depuis 1996)[5]. MalgrĂ© plus de 40 ans de mesures de protection, sa population continue Ă rĂ©gresser en raison du fait que sa vessie natatoire est vendue Ă haut prix en Chine (parfois plus que son poids en or) comme mets de grand luxe (pouvant atteindre 40 000 $ le kg) ou comme ingrĂ©dient de la mĂ©decine traditionnelle chinoise, ce qui a incitĂ© les cartels mexicains Ă en entretenir une pĂȘche illĂ©gale (raison pour laquelle ce poisson est parfois dĂ©nommĂ© « cocaĂŻne aquatique/blanche »).
Un autre indice de surpĂȘche est le fait que la taille des plus grands spĂ©cimens pĂȘchĂ©s ne cesse de se rĂ©duire (dans les annĂ©es 1950 elle Ă©tait de 2 m pour 100 kg, mais on ne trouve plus dans les annĂ©es 2010 que de petits spĂ©cimens ; or ce poisson nâest sexuellement mature quâĂ partir de six ans[3]. Selon Valenzuela-Quiñonez et al. en 2015, lâespĂšce semblait donner quelques signes dâamĂ©lioration dĂ©mographique[6], mais elle pourrait ĂȘtre en situation de goulot dâĂ©tranglement gĂ©nĂ©tique.
Habitat et répartition
Ce poisson nâest trouvĂ© que dans le golfe de Californie (essentiellement dans le nord), jusquâĂ l'estuaire du fleuve Colorado.
Il partage son aire de rĂ©partition avec la Vaquita (un petit cĂ©tacĂ© classĂ© parmi les espĂšces les plus menacĂ©es du monde), en raison du braconnage au filet du Totoaba. Jusque dans les annĂ©es 1920 environ le Totoaba Ă©tait bien plus largement rĂ©pandu et abondant ; avec de jeunes adultes signalĂ©s dans le sud du golfe, dans des zones de rĂ©cifs rocheux ou autour dâautres larges confluents (ces sous-populations sont maintenant considĂ©rĂ©es comme Ă©teintes)[3].
Description
Ce grand poisson prédateur est argenté. Son museau pointu est dépourvu de barbillons et ses yeux sont petits.
Sa mùchoire inférieure est légÚrement saillante. Sa bouche possÚde une double rangée de dents.
Le Totoaba est dotĂ© dâune longue nageoire dorsale nettement divisĂ©e en deux parties, la postĂ©rieure Ă©tant la plus longue. Il est dotĂ© de nageoires pectorales trĂšs longues qui lâaident Ă fouiller le sĂ©diment pour y dĂ©tecter ses proies[3].
Mode de vie
Les alevins et juvĂ©niles de Totoaba macdonaldi passent les deux premiĂšres annĂ©es de leur vie dans le delta du fleuve Colorado. PassĂ© cette pĂ©riode, ils migrent vers le sud, jusquâen mer de CortĂ©s.
Câest un poisson benthique, c'est-Ă -dire qui vit sur le fond oĂč il se nourrit de crustacĂ©s (crabes et crevettes) et de poissons, mais pas Ă trĂšs grande profondeur (on le trouve jusquâĂ 25 m environ, et jusquâĂ 50 m au moins en mer de Cortez[7]).
Reproduction
Le frai se produit une fois par an (entre fĂ©vrier et avril semble-t-il) aprĂšs que les individus sexuellement matures se soient rassemblĂ©s au centre du golfe de Californie pour entamer une migration annuelle vers lâembouchure du Colorado (oĂč les eaux Ă©taient il y a encore quelques dĂ©cennies chaudes et peu salines).
AprĂšs quelques semaines passĂ©es dans lâestuaire ils pondent et migrent vers la mer de Cortez (le long du rivage Est de la Basse-Californie).
Les alevins passent environ deux ans dans le Colorado. Ils sâadaptent ensuite peu Ă peu Ă lâeau salĂ©e, en gagnant la mer pour rejoindre les adultes.
Sa durĂ©e de vie est actuellement estimĂ©e Ă 25-30 ans, et lâĂąge moyen pouvait autrefois ĂȘtre dâenviron 15 ans, mais on ne trouve plus dâindividus trĂšs ĂągĂ©s et on manque de donnĂ©es anciennes[8].
Ătat, pressions et menaces sur la population
En moins de quelques dĂ©cennies, la mĂ©tapopulation de Totoaba macdonaldi a Ă©tĂ© plus que dĂ©cimĂ©e (95 % du stock aurait disparu), au dĂ©triment aussi de sa diversitĂ© gĂ©nĂ©tique. La gĂ©nĂ©tique de lâespĂšce nâa fait lâobjet que de quelques Ă©tudes rĂ©centes, aprĂšs une forte rĂ©gression de la population, mais ces donnĂ©es -avec dâautres techniques dâidentification molĂ©culaire[9]- ont contribuĂ© Ă limiter le trafic et les exportations sous de fausses Ă©tiquettes[10]).
Les causes possibles de sa rĂ©gression et disparition locale sont multiples[11], mais outre une pĂȘche involontaire (« bycatch ») dans des filets ciblant dâautres espĂšces[12], il sâagit notamment de la dĂ©gradation de son environnement de frai (le Colorado est chargĂ© de mĂ©taux, polluants divers dont engrais et de pesticides et avant dâarriver Ă lâestuaire, une grande partie de son eau (90 % environ) a Ă©tĂ© dĂ©tournĂ©e pour produire de lâeau potable, industrielle ou dâirrigation, ce qui conduit Ă saliniser des eaux autrefois trĂšs douces Ă saumĂątres indispensables pour les alevins de Totoabas[13], au dĂ©triment de cette espĂšce et dâautres[14]).
Lâautre problĂšme majeur est une surpĂȘche. Ce poisson est une proie facile en raison dâun habitat circonscrit et de routes de migration et zones de reproduction bien connues des pĂȘcheurs et braconniers ; il est intensivement recherchĂ© dĂšs les annĂ©es 1920), et la surpĂȘche est aggravĂ©e par un contexte de braconnage (qui persiste encore en 2017[3]).
DĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1930 le Mexique en prenait dĂ©jĂ 200 Ă 400 t/an, puis de 1935 Ă 1948 ces tonnages augmentent Ă 1 000 Ă 2 200 t/an (pour les seuls dĂ©barquements officiellement comptabilisĂ©s). Le pic historique est atteint en 1942 puis les tonnages chutent jusquâen 1975 en dĂ©pit de lâintensification de la pĂȘche et de lâutilisation par les pĂȘcheurs de moyens toujours plus sophistiquĂ©s (sondeurs, sonars, etc.)[3]. En 1975, seuls 58 t sont dĂ©barquĂ©es, ce qui conduit lâĂtat du Mexique a totalement interdire sa pĂȘche ; interdiction quâil nâa jamais pu ou su faire respecter. Vers 1982 plus de 130 000 Totoabas sont encore victimes de la pĂȘche commerciale, sportive ou de loisir chaque annĂ©e.
Des programmes de sensibilisation finissent par faire dans un premier temps trĂšs significativement diminuer la pĂȘche de loisir et sans doute son braconnage[3]. Dans les annĂ©es 1990 on cherche Ă modĂ©liser la viabilitĂ© de sa population, avec des rĂ©sultats encore prĂ©occupants[15].
Mais vers 2005 en Chine un poisson de la mĂȘme famille (SciaenidĂ©s), Bahaba taipingensis, sâĂ©teint aussi en raison de sa surpĂȘche. Il est victime du fait que sa vessie natatoire est considĂ©rĂ©e comme un produit de grand luxe en Chine, et comme ingrĂ©dient de la mĂ©decine traditionnelle chinoise (pour traiter certains problĂšmes cardiaque ou cutanĂ©s, voire pour soigner des troubles de la fertilitĂ©[3]). Les marchands chinois cherchent alors un substitut Ă ces vessies, et ils le trouvent chez Totoaba macdonaldi dont les prix au marchĂ© noir vont alors exploser (vessies natatoires vendues 1 000 Ă 5 000 $ lâunitĂ© aux Ătats-Unis et parfois bien plus de 10 000 $ en Asie, devenant une nouvelle source de profit pour les cartels mexicains (contrebande estimĂ©e en millions de dollars/an)[3].
Conservation de l'espĂšce
Les toutes premiÚres tentatives de contrÎle ou protection dateraient des années 1940[16].
En 1975 ce poisson Ă©tait de plus en plus souvent pĂȘchĂ© dans lâestuaire (avant mĂȘme quâil ait pu se reproduire) et il restait si peu dâindividus que la durĂ©e du frai Ă©tait passĂ©e de plusieurs mois Ă moins de trois semaines Lâinterdiction de sa pĂȘche, puis son inscription dans la liste nationale dâespĂšces menacĂ©es et la crĂ©ation dâune rĂ©serve protĂ©gĂ©e autour de lâestuaire du Colorado ont commencĂ© Ă porter leur fruits, mais sans pouvoir arrĂȘter la surpĂȘche de lâespĂšce[3].
LâannĂ©e suivante (1976), le Totoaba est inscrit Ă l'Annexe I de la CITES, puis en 1979, sur la liste des espĂšces menacĂ©es des Ătats-Unis[17]. La pĂȘche ne sâarrĂȘte toujours pas. Les sanctions mexicaines sont potentiellement lourdes « les peines maximales ne sont jamais appliquĂ©es. Alors que le braconnage est aujourdâhui passible de 20 ans de prison et dâune amende de 250 000 $, les derniĂšres condamnations oscillent entre quatre mois et un an de prison. Pourtant, depuis 2013, les saisies se multiplient aux Ătats-Unis et au Mexique, avec des prises records dĂ©passant les trois millions de dollars »[3].
Vingt ans plus tard (en 1996) lâUICN classe lâespĂšce en danger critique d'extinction[5], classement contestĂ© par certains en raison dâinsuffisance de donnĂ©es prĂ©cises sur les captures et sur le nombre restant de spĂ©cimens vivants en Ăąge de se reproduire. Certains experts estiment que lâaire de rĂ©partition et le cycle de vie de lâespĂšce sont stabilisĂ©s depuis 1975, mais sans contester la vulnĂ©rabilitĂ© de l'espĂšce[3].
Dans les annĂ©es 2000, des esquisses de projet de conservation naissent avec des captures dâadultes transfĂ©rĂ©s dans un environnement piscicole sĂ©curisĂ©, avec ensuite rĂ©introduction des Ćufs ou alevins dans le milieu estuarien. Mais aucune Ă©tude fiable n'a portĂ© sur le rĂ©sultat final[3].
De plus capturer des individus en profondeur (25 Ă 50 m) et les remonter en surface les expose Ă des accidents de dĂ©compression pouvant compromettre leur survie, mais des techniques de soins ont Ă©tĂ© mises au point pour capturer des gĂ©niteurs Ă des fins de reproduction en milieu protĂ©gĂ©[7]. Des Ă©tudes ont portĂ© sur lâalimentation des alevins et juvĂ©niles dans leur milieu ou en systĂšme dâaquaculture[18] - [19] - [20] - [21], de mĂȘme que sur des aliments artificiels[22] - [23].
De plus en Chine dans les annĂ©es 2000-2017 le marchĂ©, bien quâinterdit, se pratique ouvertement, avec peu de saisies ou de poursuites[3].
Effets collatéraux sur le marsouin de Californie
Le braconnage de Totoaba macdonaldi se fait souvent au moyen de filets maillants dĂ©rivants (de plusieurs dizaines de mĂštres de long) abandonnĂ©s dans lâaire de vie du Totoaba puis remontĂ©s aprĂšs quelques jours.
Dâautres poissons en sont victimes, ainsi que des petits cĂ©tacĂ©s, ce pourquoi en 2014 le gouvernement mexicain a interdit (pour deux ans) tout filet dĂ©rivant, mesure dont lâeffet sur le marsouin de Californie doit encore ĂȘtre Ă©valuĂ©[24] - [25].
Systématique
Le nom valide complet (avec auteur) de ce taxon est Totoaba macdonaldi (Gilbert, 1890)[26].
L'espÚce est décrite en 1890 par Gilbert sous le protonyme Cynoscion macdonaldi, puis en 1980, Alejandro Villamar (d) crée le genre Totoaba et l'y reclasse sous le taxon actuel Totoaba macdonaldi[26].
Ce taxon porte en français les noms vernaculaires ou normalisés suivants : Acoupa totoaba[1] - [27] - [28], Totoaba[1], Acoupa De Macdonald[27].
Totoaba macdonaldi a pour synonyme[1] :
- Cynoscion macdonaldi Gilbert, 1890
Liens externes
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- (en) Référence The Taxonomicon : Totoaba Villamar, 1980 (consulté le )
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- (en) Référence World Register of Marine Species : taxon Totoaba Villamar, 1980 (+ liste espÚces) (consulté le )
- EspĂšce Totoaba macdonaldi :
- (en) Myers, P. et al., Animal Diversity Web : Totoaba macdonaldi, 2023 (consulté le )
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- (fr+en) Référence EOL : Totoaba macdonaldi (Gilbert 1890) (consulté le )
- (fr+en) Référence FishBase : (consulté le )
- (fr+en) Référence GBIF : Totoaba macdonaldi (Gilbert, 1890) (consulté le )
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- (en) Référence NCBI : Totoaba macdonaldi (taxons inclus) (consulté le )
- (en) Référence The Taxonomicon : Totoaba macdonaldi (Gilbert, 1890) (consulté le )
- (en) Référence UICN : espÚce Totoaba macdonaldi (Gilbert, 1890) (consulté le )
- (en) Référence World Register of Marine Species : taxon Totoaba macdonaldi (Gilbert, 1890) (+ liste espÚces) (consulté le )
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- Long live the totoaba - Retrieved July 11, 2007(en)
- History of the Totoaba - Retrieved July 11, 2007(en)
- Gene Kira, "Sea of Cortez Fishing Gulf of California: The Near-extinction of the species came with stunning rapidity", Western Outdoor News(en)
Notes et références
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Articles connexes
Bibliographie
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