Tombe de Philippe II de Macédoine
La tombe de Philippe II se situe prĂšs de l'antique Aigai, premiĂšre capitale du royaume de MacĂ©doine. La fouille du site de VergĂna, ville moderne prĂšs d'Aigai, a rĂ©vĂ©lĂ© lors de fouilles effectuĂ©es en 1977 sous la direction de ManĂłlis AndrĂłnikos les tĂ©moignages les plus prĂ©cieux de l'art prĂ©-hellĂ©nistique. Parmi les onze tombes dĂ©gagĂ©es, celle attribuĂ©e Ă Philippe II, le pĂšre dâAlexandre le Grand, est restĂ©e inviolĂ©e jusqu'Ă cette date. Son architecture, le dĂ©cor peint et le riche mobilier funĂ©raire attestent la formation prĂ©coce d'un art de cour proprement hellĂ©nistique. Une autre hypothĂšse suggĂšre qu'il s'agit de la tombe de Philippe III ArrhidĂ©e[1].
Tombe de Philippe II Tombe II | ||
Façade de la tombe avec la fresque de la chasse (avant restauration) | ||
Localisation | ||
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Pays | GrĂšce | |
Région | Macédoine-Centrale | |
Ville | VergĂna | |
CoordonnĂ©es | 40° 17âČ 29âł nord, 22° 11âČ 28âł est | |
GĂ©olocalisation sur la carte : GrĂšce
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Histoire | ||
Ăpoque | Royaume de MacĂ©doine | |
Le site d'Aigai, dont la nécropole royale, est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Historique des fouilles
Les archĂ©ologues se sont intĂ©ressĂ©s aux tumulus autour de VergĂna dĂšs les annĂ©es 1850, en supposant que le site d'Aigai se trouve Ă proximitĂ©. Les fouilles ont commencĂ© en 1861 avec l'archĂ©ologue français LĂ©on Heuzey, parrainĂ© par NapolĂ©on III. Des vestiges d'un grand bĂątiment considĂ©rĂ© comme l'un des palais d'Antigone III Doson (263-221 av. J.-C.), en partie dĂ©truit par un incendie, ont Ă©tĂ© dĂ©couverts prĂšs de Palatitsa. Cependant, les fouilles ont dĂ» ĂȘtre abandonnĂ©es en raison du risque de paludisme. Les excavations suggĂšrent alors qu'il s'agit du site de l'ancienne Valla, une idĂ©e qui a prĂ©valu jusqu'en 1976[2]. En 1937, l'UniversitĂ© de Thessalonique a repris les fouilles. D'autres vestiges de l'ancien palais ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es, mais les fouilles ont Ă©tĂ© abandonnĂ©es lors du dĂ©clenchement de la guerre avec l'Italie en 1940. Les fouilles ont repris pendant les annĂ©es 1950 et 1960 et le reste de la capitale royale a Ă©tĂ© dĂ©couvert, dont le thĂ©Ăątre.
Dans les années 1970, l'archéologue grec Manólis Andrónikos est convaincu qu'une colline appelée le Grand Tumulus cache les tombeaux des rois macédoniens. En 1977, il entreprend une fouille de six semaines et met au jour quatre tombes enterrées, dont deux n'ont jamais été dérangées. Il affirme qu'il s'agit des lieux de sépulture des rois de Macédoine, dont ceux de Philippe II, pÚre d'Alexandre le Grand (tombe II) et d'Alexandre IV, fils d'Alexandre le Grand et de Roxane (tombe III).
Ă partir de 1987, le groupe funĂ©raire des reines a Ă©tĂ© dĂ©couvert, y compris le tombeau d'Eurydice, mĂšre de Philippe II. En 2014, cinq autres tombes royales ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes Ă VergĂna, appartenant peut-ĂȘtre Ă Alexandre Ier et Ă sa famille, ou Ă la famille de Cassandre. Certains artefacts mis au jour Ă VergĂna peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme influencĂ©s par les techniques asiatiques ou mĂȘme importĂ©s de la Perse achĂ©mĂ©nide Ă la fin du VIe siĂšcle av. J.-C. et au dĂ©but du Ve siĂšcle av. J.-C.
Identification des tombes
Lâidentification du dĂ©funt comme Ă©tant Philippe II repose sur le style des objets archĂ©ologiques mis au jour dans la tombe, tous compris dans une fourchette chronologique allant de 360 Ă 310 av. J.-C. Ă cela sâajoute la corrĂ©lation de certains indices avec ce que les sources antiques ont pu nous apporter. Ainsi on a trouvĂ© deux cnĂ©mides (jambiĂšres de bronze) de taille diffĂ©rente, ce qui implique que leur possesseur, le dĂ©funt, est boiteux. Or nous savons que Philippe II boite Ă la suite dâune blessure de guerre. De mĂȘme, l'examen des restes du dĂ©funt a permis de dĂ©gager les conclusions suivantes : ces restes appartiennent Ă un individu de sexe masculin ĂągĂ© de 41 Ă 49 ans, ayant reçu une blessure sur le quatriĂšme mĂ©tatarse de la main gauche, qui souffre de sinusite, d'une pleurĂ©sie sans doute consĂ©cutive Ă une tuberculose ainsi que d'ostĂ©ophytes ; le squelette fait aussi apparaĂźtre une dĂ©gĂ©nĂ©rescence des vertĂšbres de la colonne vertĂ©brale et un Ă©paississement du tibia que le docteur Antikas attribue Ă la longue pratique de l'Ă©quitation de Philippe II[3]. On a pu Ă©galement dĂ©celer un grave traumatisme osseux au niveau du crĂąne (cĂŽtĂ© droit). Ici encore, les sources antiques nous apprennent que le roi a Ă©tĂ© griĂšvement blessĂ©, lors dâune campagne militaire, par une flĂšche et quâil a perdu l'Ćil droit. On peut Ă©galement souligner que tout indique une inhumation prĂ©cipitĂ©e, car le tombeau nâa pas Ă©tĂ© achevĂ© et les fresques qui auraient dĂ» ĂȘtre peintes Ă l'intĂ©rieur ne l'ont jamais Ă©tĂ©.
Dans le mĂȘme sens, le corps d'une jeune femme reposant dans l'antichambre a rĂ©vĂ©lĂ© les caractĂ©ristiques suivantes : elle Ă©tait ĂągĂ©e d'environ 30 Ă 34 ans, et sa jambe gauche prĂ©sente une fracture du tibia ; il pourrait s'agir du corps de ClĂ©opĂątre, la derniĂšre Ă©pouse du roi, dont on sait quâelle a Ă©tĂ© assassinĂ©e sur lâordre d'Olympias, prĂ©cĂ©dente Ă©pouse de Philippe II, aussitĂŽt aprĂšs la mort de celui-ci, ou bien, selon le docteur Antikas (25 aoĂ»t 2015), d'une princesse scythe au nom inconnu, fille du roi de Scythie Ateas, et sixiĂšme Ă©pouse de Philippe[3] - [4]. Enfin, on a retrouvĂ© dans la tombe une sĂ©rie de petites tĂȘtes dâivoire qui, comparĂ©es aux portraits monĂ©taires ou sculptĂ©s dĂ©jĂ connus par ailleurs, ont Ă©tĂ© identifiĂ©es comme reprĂ©sentant Philippe II et son fils Alexandre.
Il y existe donc de nombreux indices convergents qui invitent Ă considĂ©rer la tombe comme celle de Philippe II, assassinĂ© en 336. NĂ©anmoins ce point de vue a Ă©tĂ© contestĂ© par certains archĂ©ologues. Des chercheurs prĂ©fĂšrent y voir la sĂ©pulture du demi-frĂšre dâAlexandre le Grand, Philippe III, mort en 317. En 2010, une recherche basĂ©e sur une Ă©tude dĂ©taillĂ©e des squelettes, confirme les thĂšses de ManĂłlis AndrĂłnikos et soutient la preuve d'une asymĂ©trie faciale causĂ©e par un possible traumatisme du crĂąne de l'homme, preuve qui est conforme Ă l'histoire de Philippe II[5].
L'identification avec Philippe II est Ă nouveau contestĂ©e en 2015 par l'anthropologue Juan Luis Arsuaga qui voit dans le squelette de la tombe I des Ă©lĂ©ments qui sâaccordent mieux, selon lui, Ă ce que lâon sait de Philippe III[6]. En 2014, les travaux du docteur ThĂ©odoros Antikas, professeur d'anatomie et de physiologie dans des universitĂ©s amĂ©ricaines, sont en faveur de l'identification avec Philippe II.
Architecture
Enfouie sous un tumulus, la tombe II reprend le plan traditionnel des tombes aristocratiques macĂ©doniennes. Contre la chambre et lâantichambre voĂ»tĂ©es est plaquĂ©e une façade stuquĂ©e et peinte. Il nây a aucun lien structurel entre la façade et lâintĂ©rieur de la tombe. Les ordres classiques sont adaptĂ©s librement dans une optique dĂ©corative et fastueuse. Aux extrĂ©mitĂ©s deux pilastres in antis encadrent deux colonnes semi-engagĂ©es d'ordre dorique. Celles-ci soutiennent une architrave flanquĂ©e d'une frise composĂ©e dâune alternance de mĂ©topes lisses et de triglyphes. Alors que lâordre dorique canonique fait attendre un fronton sculptĂ©, celui-ci est remplacĂ© par une haute frise peinte.
DĂ©cor peint
Sur une longueur de 5,56 m et une hauteur de 1,16 m la frise de la tombe II dĂ©ploie une scĂšne complexe figurant les activitĂ©s royales dans les grandes rĂ©serves de chasse royale de la Haute MacĂ©doine. Et surtout ce qui a surpris tous les spĂ©cialistes c'est que cette scĂšne est clairement situĂ©e dans un paysage, avec une ligne de montagnes Ă l'horizon et un bouquet d'arbres au premier plan. Le paysage semblait, avant la dĂ©couverte, n'ĂȘtre apparu qu'ultĂ©rieurement dans un contexte romain. C'est une scĂšne complexe avec plusieurs groupements et plusieurs actions. Ă gauche, tandis quâun chasseur met Ă mort un cerf, aidĂ© par un chien, un cavalier vu de dos poursuit un autre cerf, qui sâenfuit. Ă leur droite, deux chasseurs Ă pied pressent un sanglier en le menaçant de leur Ă©pieu. La scĂšne de droite est plus dense et dramatique : deux cavaliers surgissent de part et dâautre et sâapprĂȘtent Ă porter le coup fatal Ă un lion cernĂ© par deux valets.
Selon une interprĂ©tation, Philippe II serait le cavalier barbu, et Alexandre le jeune cavalier placĂ© exactement au centre de la composition, dans lâaxe de la façade [8]. Cette scĂšne met en valeur la bravoure de la dynastie argĂ©ade, selon une image de la souverainetĂ© dâinfluence orientale. LâexĂ©cution est celle dâun maĂźtre de la peinture[9].
Mise en valeur du site de VergĂna
Le musĂ©e du tumulus de Philippe II, inaugurĂ© en 1993, a Ă©tĂ© construit sur les tombes les laissant in situ et montrant le tumulus tel qu'il a Ă©tĂ© avant les fouilles. Ă l'intĂ©rieur du musĂ©e, il y a quatre tombes et un petit temple, le hĂ©roon, construit pour le groupe funĂ©raire de Philippe II. Les deux tombes les plus importantes (II et III) n'ont pas Ă©tĂ© saccagĂ©es et contiennent les principaux trĂ©sors du musĂ©e. Le site des tombes est facilement accessible et on peut descendre jusquâaux portes des tombes depuis le musĂ©e qui prĂ©sente les nombreuses piĂšces trouvĂ©es dans les tombes. On y trouve en particulier des diadĂšmes et des coffrets en or, ainsi que de la vaisselle en argent en parfait Ă©tat de conservation. Lâensemble se trouve sous le tumulus qui a Ă©tĂ© reconstituĂ© grĂące Ă un toit vĂ©gĂ©talisĂ©.
- Tumulus dit « la Grande Toumba »,.
dans lequel se situe la tombe de Philippe II. - Entrée des tombes royales.
- Le larnax de Philippe II.
- Larnax de Philippe II avec le soleil de Vergina.
Notes et références
- François Queyrel, La sculpture hellénistique. Royaumes et cités, t. 2, Hermann, , 435 p., 29 cm (ISBN 979-1-0370-0162-7, SUDOC 249218119), p. 16-17. .
- ManĂłlis AndrĂłnikos, « Anaskafi sti Megali Toumpa tis Verginas », Archaiologica Analekta Athinon, no 9, 1976, p. 127â129.
- (el) Article et vidéo du 10 octobre 2014, sur le site du journal grec tovima.gr
- (en) T. G. Antikas et L. K. Wynn-Antikas, « New Finds from the Cremains in Tomb II at Aegae Point to Philip II and a Scythian Princess », International Journal of Osteoarchaeology, vol. 26,â , p. 682â692 (abstract, consultĂ© le )
- (en) Musgrave, Prag , Neave, Fox, White, « The Occupants of Tomb II at Vergina. Why Arrhidaios and Eurydice must be excluded », International Journal of Medical Sciences, no 7 (6),â (lire en ligne, consultĂ© le )
- A-t-on retrouvé les restes de Philippe II, le pÚre d'Alexandre le Grand ? « Copie archivée » (version du 8 septembre 2016 sur Internet Archive), sciencesetavenir.fr, 21 juillet 2015. Voir aussi un article similaire dans « Pour la Science » du 23/07/2015.
- Pour une image de la restitution proposée, voir , sur WordPress.com., en 2011.
- Sophie Descamps-Lequime (dir.), 2007, p. 53-54.
- « La tombe de Philippe II à Vergina-Aigai : une nouvelle lecture de la peinture de la Chasse », sur Musée du Louvre, (consulté le ). Bonne image de la restitution de la peinture. Questions posées par la scÚne.
Annexes
Bibliographie
- AgnĂšs Rouveret, « La tombe de Philippe II et la nĂ©cropole royale de Vergina », Les Dossiers d'archĂ©ologie, no 259,â 2000-2001, p. 134-139 (ISSN 1141-7137).
- Sophie Descamps-Lequime (dir.) et Musée du Louvre (Paris). Département des antiquités grecques, étrusques et romaines (éditeur scientifique) (actes du colloque de mars 2004), Peinture et couleur dans le monde grec antique, 5 Continents et Musée du Louvre (isbn erroné), , 240 p. (ISBN 978-2-901785-68 (édité erroné), 88-7439-375-X et 978-88-7439-375-6).
- Miltiade Hatzopoulos, The Burial of the Dead (at Vergina) or the Unending Controversy on the Identity of the Occupants of Tomb II, in Tekmeria, 9, 2008, pp. 91-118 lire en ligne
- (en) Musgrave, Prag , Neave, Fox, White, « The Occupants of Tomb II at Vergina. Why Arrhidaios and Eurydice must be excluded », International Journal of Medical Sciences, no 7 (6),â (lire en ligne, consultĂ© le )