Streptozotocine
La streptozotocine (STZ) est une molĂ©cule de la famille des nitroso-urĂ©es, utilisĂ©e comme agent alkylant Ă visĂ©e antinĂ©oplasique ou comme antibiotique. Elle est particuliĂšrement toxique envers les cellules ÎČ des Ăźlots de Langerhans chez les mammifĂšres, elle est Ă ce titre indiquĂ©e dans le traitement des insulinomes et employĂ©e en recherche mĂ©dicale dans lâinduction chimique du diabĂšte de type 1 chez des modĂšles animaux.
streptozotocine | |
Identification | |
---|---|
Nom UICPA | 2-dĂ©soxy-2-({[mĂ©thyl(nitroso)amino]carbonyl}amino)-ÎČ-D-glucopyranose |
Synonymes |
streptozocine |
No CAS | |
Code ATC | L01 |
DrugBank | DB00428 |
PubChem | 29327 |
ChEBI | 9288 |
SMILES | |
InChI | |
Propriétés chimiques | |
Formule | C8H15N3O7 |
Masse molaire[1] | 265,220 6 ± 0,010 2 g/mol C 36,23 %, H 5,7 %, N 15,84 %, O 42,23 %, 265,221 g/mol |
Données pharmacocinétiques | |
Biodisponibilité | 17 - 25% (100% si IV) |
Métabolisme | Hépatique, rénal |
Demi-vie dâĂ©lim. | 35 Ă 40 minutes |
Considérations thérapeutiques | |
Classe thérapeutique | Antinéoplasique |
Voie dâadministration | IV |
Grossesse | Contre-indiqué |
Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire. | |
Historique
La streptozotocine a Ă©tĂ© identifiĂ©e vers la fin des annĂ©es 1950 en tant quâantibiotique naturel Ă large spectre[2] - [3] - [4], isolĂ©e Ă partir dâune souche de la bactĂ©rie Gram-positive Streptomyces achromogenes var. streptozoticus[5]. Des scientifiques du laboratoire pharmaceutique Upjohn, basĂ© Ă Kalamazoo (Michigan) et maintenant partie de Pfizer, ont dĂ©couvert en 1958-1959 cette molĂ©cule dans un Ă©chantillon de sol contaminĂ© par la bactĂ©rie et prĂ©levĂ© dans « un sol sablonneux, non cultivĂ©, dans une rĂ©gion de prairie » Ă Blue Rapids (Kansas). Un brevet leur a Ă©tĂ© accordĂ© en . En 2019, Balskus et al. ont apportĂ© de nouveaux Ă©lĂ©ments de comprĂ©hension de la biosynthĂšse de la streptozotocine, en mettant en Ă©vidence le cluster de gĂšnes responsable de la production chez Streptomyces achromogenes et en dĂ©couvrant la fonction de la SznF, une mĂ©tallo-enzyme Ă fer non-hĂ©minique, qui permet de former la liaison N-N dans le pharmacophore N-nitroso-urĂ©e par rĂ©arrangement oxydatif[6].
Durant les annĂ©es 1960, les scientifiques ont constatĂ© que la streptozotocine Ă©tait sĂ©lectivement cytotoxique envers les cellules ÎČ des Ăźlots de Langerhans, ce qui permet dâentraver lâinsulinosĂ©crĂ©tion. Ces dĂ©couvertes ont suscitĂ© un intĂ©rĂȘt concernant lâutilisation de la molĂ©cule dans des modĂšles animaux du diabĂšte sucrĂ©[7] - [8] et dans le traitement des cancers des cellules ÎČ[9]. Dans les annĂ©es 1970, le National Cancer Institute entreprend des Ă©tudes sur lâindication de la streptozotocine en tant quâanticancĂ©reux. Le mĂ©dicament obtient une autorisation de mise sur le marchĂ©e par la FDA en 1982, sous le nom commercial Zanosar. Le brevet ayant expirĂ© depuis longtemps, de nombreuses formulations gĂ©nĂ©riques sont aujourd'hui disponibles.
MĂ©canismes d'action
La structure de la streptozotocine correspond Ă un 2-dĂ©soxy-D-glucose substituĂ© en C2 par un groupe N-nitroso-N-mĂ©thylurĂ©e[10]. Elle entre dans les cellules grĂące au transporteur GLUT2, mais nâest pas reconnue par les autres transporteurs de glucose. Cela explique sa toxicitĂ© relative envers les cellules ÎČ, puisque celles-ci ont un niveau dâexpression de GLUT2 trĂšs Ă©levĂ©. La streptozotocine peut Ă©galement pĂ©nĂ©trer dans les hĂ©patocytes. Comme d'autres agents alkylants, elle exerce sa toxicitĂ© en causant la mĂ©thylation des bases puriques de l'ADN, causant des adduits covalents, et peut mĂȘme entraĂźner des ruptures des brins d'ADN[11]. La streptozotocine est Ă©galement une molĂ©cule donneuse de NO qui gĂ©nĂšre des ROS, contribuant Ă la dĂ©terioration de l'ADN. Tous ces dommages Ă l'ADN stimulent la voie de rĂ©paration PARP, ayant pour consĂ©quences une diminution de l'ATP et une augmentation du NAD+ ; la contribution de ces derniĂšres est certainement plus importante dans la diabĂ©togenĂšse que la gĂ©notoxicitĂ© seule[12].
InjectĂ©e Ă des doses faibles et rĂ©pĂ©tĂ©es (20 Ă 40 mg/kg) chez le rat ou la souris, la streptozotocine diminue l'insulinosĂ©crĂ©tion sans pour autant entraĂźner la mort cellulaire, ce qui permet de mimer chez l'animal lâinsulite (en) rencontrĂ©e dans le diabĂšte de type 1. Le dĂ©clenchement de la rĂ©action inflammatoire des Ăźlots ÎČ est rendu possible par la production de cytokines pro-inflammatoires et par le recrutement de macrophages â alors que la pathologie humaine est associĂ©e Ă un recrutement de lymphocytes T.
Ă des doses Ă©levĂ©es (100 Ă 200 mg/kg) et en injection unique, la streptozotocine entraĂźne la destruction rapide des cellules ÎČ. La rĂ©gĂ©nĂ©ration spontanĂ©e des cellules est toutefois possible, ce qui limite la pertinence du modĂšle murin.
Utilisations
La streptozotocine est titulaire dâune AMM dans le traitement des adĂ©nocarcinomes mĂ©tastatiques des Ăźlots de Langerhans et des tumeurs carcinoĂŻdes mĂ©tastasĂ©es[13]. En raison de sa forte toxicitĂ© rĂ©nale, hĂ©patique et hĂ©matologique, et de son efficacitĂ© mitigĂ©e, son utilisation est gĂ©nĂ©ralement limitĂ©e aux patients pour lesquels le cancer ne peut ĂȘtre rĂ©sĂ©quĂ© par chirurgie ou aprĂšs Ă©chec dâune chirurgie. Chez les patients traitĂ©s, la streptozotocine permet de rĂ©duire la taille de la tumeur et dâattĂ©nuer les symptĂŽmes, en particulier l'hypoglycĂ©mie secondaire Ă la sĂ©crĂ©tion excessive d'insuline par les insulinomes[14]. La posologie classique est de 500 mg/m2 par administration, rĂ©alisĂ©e en IV, Ă la frĂ©quence dâune injection par jour pendant 5 jours. Les cures doivent ĂȘtre espacĂ©es de 6 semaines[13].
Comme l'alloxane, la streptozotocine est utilisĂ©e depuis longtemps dans la recherche scientifique pour crĂ©er des modĂšles animaux de diabĂšte sucrĂ© et d'insulite Ă faible dose, et d'hyperglycĂ©mie Ă forte dose, notamment chez les souris et les rats[15] mais aussi chez les lapins ou les poissons. Les modĂšles de diabĂšte chimiquement induits sont peu coĂ»teux, relativement simples d'exĂ©cution et rapides, en comparaison aux modĂšles gĂ©nĂ©tiques (souris NOD (en)). Ces modĂšles sont potentiellement intĂ©ressants pour tester de nouvelles formulations de l'insuline, pour Ă©tudier la transplantation d'Ăźlots pancrĂ©atiques (en), ou pour tester des mĂ©dicaments empĂȘchant la mort des cellules ÎČ. Toutefois, les modĂšles d'induction chimique ont de nombreux inconvĂ©nients : les agents chimiques peuvent ĂȘtre toxiques pour d'autres organes, les rĂ©sultats sont variables selon la lignĂ©e, le sexe et le rĂ©gime alimentaire, il n'existe pas de protocole standardisĂ© de prĂ©paration et d'administration des produits chimiques, et le diabĂšte induit est gĂ©nĂ©ralement moins stable et potentiellement rĂ©versible.
La streptozotocine a également été employée pour modéliser la perte de mémoire dans la maladie d'Alzheimer chez la souris[16].
Voir aussi
Notes et références
- Masse molaire calculĂ©e dâaprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
- J. J. Vavra, C. Deboer, A. Dietz et L. J. Hanka, « Streptozotocin, a new antibacterial antibiotic », Antibiotics Annual, vol. 7,â 1959-1960, p. 230â235 (ISSN 0570-3131, PMID 13841501, lire en ligne, consultĂ© le )
- W. T. Sokolski, J. J. Vavra et L. J. Hanka, « Assay methods and antibacterial studies on streptozotocin », Antibiotics Annual, vol. 7,â 1959-1960, p. 241â246 (ISSN 0570-3131, PMID 13832573, lire en ligne, consultĂ© le )
- C. Lewis et A. R. Barbiers, « Streptozotocin, a new antibiotic. In vitro and in vivo evaluation », Antibiotics Annual, vol. 7,â 1959-1960, p. 247â254 (ISSN 0570-3131, PMID 14416496, lire en ligne, consultĂ© le )
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