AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Streptozotocine

La streptozotocine (STZ) est une molĂ©cule de la famille des nitroso-urĂ©es, utilisĂ©e comme agent alkylant Ă  visĂ©e antinĂ©oplasique ou comme antibiotique. Elle est particuliĂšrement toxique envers les cellules ÎČ des Ăźlots de Langerhans chez les mammifĂšres, elle est Ă  ce titre indiquĂ©e dans le traitement des insulinomes et employĂ©e en recherche mĂ©dicale dans l’induction chimique du diabĂšte de type 1 chez des modĂšles animaux.

streptozotocine
Image illustrative de l’article Streptozotocine
Identification
Nom UICPA 2-dĂ©soxy-2-({[mĂ©thyl(nitroso)amino]carbonyl}amino)-ÎČ-D-glucopyranose
Synonymes

streptozocine

No CAS 18883-66-4
Code ATC L01AD04
DrugBank DB00428
PubChem 29327
ChEBI 9288
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule C8H15N3O7
Masse molaire[1] 265,220 6 ± 0,010 2 g/mol
C 36,23 %, H 5,7 %, N 15,84 %, O 42,23 %, 265,221 g/mol
Données pharmacocinétiques
Biodisponibilité 17 - 25% (100% si IV)
Métabolisme Hépatique, rénal
Demi-vie d’élim. 35 Ă  40 minutes
Considérations thérapeutiques
Classe thérapeutique Antinéoplasique
Voie d’administration IV
Grossesse Contre-indiqué

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Historique

La streptozotocine a Ă©tĂ© identifiĂ©e vers la fin des annĂ©es 1950 en tant qu’antibiotique naturel Ă  large spectre[2] - [3] - [4], isolĂ©e Ă  partir d’une souche de la bactĂ©rie Gram-positive Streptomyces achromogenes var. streptozoticus[5]. Des scientifiques du laboratoire pharmaceutique Upjohn, basĂ© Ă  Kalamazoo (Michigan) et maintenant partie de Pfizer, ont dĂ©couvert en 1958-1959 cette molĂ©cule dans un Ă©chantillon de sol contaminĂ© par la bactĂ©rie et prĂ©levĂ© dans « un sol sablonneux, non cultivĂ©, dans une rĂ©gion de prairie » Ă  Blue Rapids (Kansas). Un brevet leur a Ă©tĂ© accordĂ© en . En 2019, Balskus et al. ont apportĂ© de nouveaux Ă©lĂ©ments de comprĂ©hension de la biosynthĂšse de la streptozotocine, en mettant en Ă©vidence le cluster de gĂšnes responsable de la production chez Streptomyces achromogenes et en dĂ©couvrant la fonction de la SznF, une mĂ©tallo-enzyme Ă  fer non-hĂ©minique, qui permet de former la liaison N-N dans le pharmacophore N-nitroso-urĂ©e par rĂ©arrangement oxydatif[6].

Durant les annĂ©es 1960, les scientifiques ont constatĂ© que la streptozotocine Ă©tait sĂ©lectivement cytotoxique envers les cellules ÎČ des Ăźlots de Langerhans, ce qui permet d’entraver l’insulinosĂ©crĂ©tion. Ces dĂ©couvertes ont suscitĂ© un intĂ©rĂȘt concernant l’utilisation de la molĂ©cule dans des modĂšles animaux du diabĂšte sucrĂ©[7] - [8] et dans le traitement des cancers des cellules ÎČ[9]. Dans les annĂ©es 1970, le National Cancer Institute entreprend des Ă©tudes sur l’indication de la streptozotocine en tant qu’anticancĂ©reux. Le mĂ©dicament obtient une autorisation de mise sur le marchĂ©e par la FDA en 1982, sous le nom commercial Zanosar. Le brevet ayant expirĂ© depuis longtemps, de nombreuses formulations gĂ©nĂ©riques sont aujourd'hui disponibles.

MĂ©canismes d'action

La structure de la streptozotocine correspond Ă  un 2-dĂ©soxy-D-glucose substituĂ© en C2 par un groupe N-nitroso-N-mĂ©thylurĂ©e[10]. Elle entre dans les cellules grĂące au transporteur GLUT2, mais n’est pas reconnue par les autres transporteurs de glucose. Cela explique sa toxicitĂ© relative envers les cellules ÎČ, puisque celles-ci ont un niveau d’expression de GLUT2 trĂšs Ă©levĂ©. La streptozotocine peut Ă©galement pĂ©nĂ©trer dans les hĂ©patocytes. Comme d'autres agents alkylants, elle exerce sa toxicitĂ© en causant la mĂ©thylation des bases puriques de l'ADN, causant des adduits covalents, et peut mĂȘme entraĂźner des ruptures des brins d'ADN[11]. La streptozotocine est Ă©galement une molĂ©cule donneuse de NO qui gĂ©nĂšre des ROS, contribuant Ă  la dĂ©terioration de l'ADN. Tous ces dommages Ă  l'ADN stimulent la voie de rĂ©paration PARP, ayant pour consĂ©quences une diminution de l'ATP et une augmentation du NAD+ ; la contribution de ces derniĂšres est certainement plus importante dans la diabĂ©togenĂšse que la gĂ©notoxicitĂ© seule[12].

InjectĂ©e Ă  des doses faibles et rĂ©pĂ©tĂ©es (20 Ă  40 mg/kg) chez le rat ou la souris, la streptozotocine diminue l'insulinosĂ©crĂ©tion sans pour autant entraĂźner la mort cellulaire, ce qui permet de mimer chez l'animal l’insulite (en) rencontrĂ©e dans le diabĂšte de type 1. Le dĂ©clenchement de la rĂ©action inflammatoire des Ăźlots ÎČ est rendu possible par la production de cytokines pro-inflammatoires et par le recrutement de macrophages — alors que la pathologie humaine est associĂ©e Ă  un recrutement de lymphocytes T.

À des doses Ă©levĂ©es (100 Ă  200 mg/kg) et en injection unique, la streptozotocine entraĂźne la destruction rapide des cellules ÎČ. La rĂ©gĂ©nĂ©ration spontanĂ©e des cellules est toutefois possible, ce qui limite la pertinence du modĂšle murin.

Utilisations

La streptozotocine est titulaire d’une AMM dans le traitement des adĂ©nocarcinomes mĂ©tastatiques des Ăźlots de Langerhans et des tumeurs carcinoĂŻdes mĂ©tastasĂ©es[13]. En raison de sa forte toxicitĂ© rĂ©nale, hĂ©patique et hĂ©matologique, et de son efficacitĂ© mitigĂ©e, son utilisation est gĂ©nĂ©ralement limitĂ©e aux patients pour lesquels le cancer ne peut ĂȘtre rĂ©sĂ©quĂ© par chirurgie ou aprĂšs Ă©chec d’une chirurgie. Chez les patients traitĂ©s, la streptozotocine permet de rĂ©duire la taille de la tumeur et d’attĂ©nuer les symptĂŽmes, en particulier l'hypoglycĂ©mie secondaire Ă  la sĂ©crĂ©tion excessive d'insuline par les insulinomes[14]. La posologie classique est de 500 mg/m2 par administration, rĂ©alisĂ©e en IV, Ă  la frĂ©quence d’une injection par jour pendant 5 jours. Les cures doivent ĂȘtre espacĂ©es de 6 semaines[13].

Comme l'alloxane, la streptozotocine est utilisĂ©e depuis longtemps dans la recherche scientifique pour crĂ©er des modĂšles animaux de diabĂšte sucrĂ© et d'insulite Ă  faible dose, et d'hyperglycĂ©mie Ă  forte dose, notamment chez les souris et les rats[15] mais aussi chez les lapins ou les poissons. Les modĂšles de diabĂšte chimiquement induits sont peu coĂ»teux, relativement simples d'exĂ©cution et rapides, en comparaison aux modĂšles gĂ©nĂ©tiques (souris NOD (en)). Ces modĂšles sont potentiellement intĂ©ressants pour tester de nouvelles formulations de l'insuline, pour Ă©tudier la transplantation d'Ăźlots pancrĂ©atiques (en), ou pour tester des mĂ©dicaments empĂȘchant la mort des cellules ÎČ. Toutefois, les modĂšles d'induction chimique ont de nombreux inconvĂ©nients : les agents chimiques peuvent ĂȘtre toxiques pour d'autres organes, les rĂ©sultats sont variables selon la lignĂ©e, le sexe et le rĂ©gime alimentaire, il n'existe pas de protocole standardisĂ© de prĂ©paration et d'administration des produits chimiques, et le diabĂšte induit est gĂ©nĂ©ralement moins stable et potentiellement rĂ©versible.

La streptozotocine a également été employée pour modéliser la perte de mémoire dans la maladie d'Alzheimer chez la souris[16].

Voir aussi

Notes et références

  1. Masse molaire calculĂ©e d’aprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. J. J. Vavra, C. Deboer, A. Dietz et L. J. Hanka, « Streptozotocin, a new antibacterial antibiotic », Antibiotics Annual, vol. 7,‎ 1959-1960, p. 230–235 (ISSN 0570-3131, PMID 13841501, lire en ligne, consultĂ© le )
  3. W. T. Sokolski, J. J. Vavra et L. J. Hanka, « Assay methods and antibacterial studies on streptozotocin », Antibiotics Annual, vol. 7,‎ 1959-1960, p. 241–246 (ISSN 0570-3131, PMID 13832573, lire en ligne, consultĂ© le )
  4. C. Lewis et A. R. Barbiers, « Streptozotocin, a new antibiotic. In vitro and in vivo evaluation », Antibiotics Annual, vol. 7,‎ 1959-1960, p. 247–254 (ISSN 0570-3131, PMID 14416496, lire en ligne, consultĂ© le )
  5. F. Reusser, « Mode of action of streptozotocin », Journal of Bacteriology, vol. 105, no 2,‎ , p. 580–588 (ISSN 0021-9193, PMID 4993338, PMCID PMC248427, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. Tai L. Ng, Roman Rohac, Andrew J. Mitchell et Amie K. Boal, « An N-nitrosating metalloenzyme constructs the pharmacophore of streptozotocin », Nature, vol. 566, no 7742,‎ , p. 94–99 (ISSN 1476-4687, PMID 30728519, PMCID 6369591, DOI 10.1038/s41586-019-0894-z, lire en ligne, consultĂ© le )
  7. K. R. Mansford et L. Opie, « Comparison of metabolic abnormalities in diabetes mellitus induced by streptozotocin or by alloxan », Lancet (London, England), vol. 1, no 7544,‎ , p. 670–671 (ISSN 0140-6736, PMID 4170654, DOI 10.1016/s0140-6736(68)92103-x, lire en ligne, consultĂ© le )
  8. C. C. Rerup, « Drugs producing diabetes through damage of the insulin secreting cells », Pharmacological Reviews, vol. 22, no 4,‎ , p. 485–518 (ISSN 0031-6997, PMID 4921840, lire en ligne, consultĂ© le )
  9. I. M. Murray-Lyon, A. L. Eddleston, R. Williams et M. Brown, « Treatment of multiple-hormone-producing malignant islet-cell tumour with streptozotocin », Lancet (London, England), vol. 2, no 7574,‎ , p. 895–898 (ISSN 0140-6736, PMID 4176152, DOI 10.1016/s0140-6736(68)91058-1, lire en ligne, consultĂ© le )
  10. Ross R. Herr, Heinz K. Jahnke et Alexander D. Argoudelis, « Structure of streptozotocin », Journal of the American Chemical Society, vol. 89, no 18,‎ , p. 4808–4809 (ISSN 0002-7863, DOI 10.1021/ja00994a053, lire en ligne, consultĂ© le )
  11. (en) Alejandro D BolzĂĄn et Martha S Bianchi, « Genotoxicity of Streptozotocin », Mutation Research/Reviews in Mutation Research, vol. 512, nos 2-3,‎ , p. 121–134 (DOI 10.1016/S1383-5742(02)00044-3, lire en ligne, consultĂ© le )
  12. T. Szkudelski, « The mechanism of alloxan and streptozotocin action in B cells of the rat pancreas », Physiological Research, vol. 50, no 6,‎ , p. 537–546 (ISSN 0862-8408, PMID 11829314, lire en ligne, consultĂ© le )
  13. Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), « RCP de la streptozotocine », (consulté le )
  14. R. Brentjens et L. Saltz, « Islet cell tumors of the pancreas: the medical oncologist's perspective », The Surgical Clinics of North America, vol. 81, no 3,‎ , p. 527–542 (ISSN 0039-6109, PMID 11459269, DOI 10.1016/s0039-6109(05)70141-9, lire en ligne, consultĂ© le )
  15. (en) Kenneth K. Wu et Youming Huan, « Streptozotocin‐Induced Diabetic Models in Mice and Rats », Current Protocols in Pharmacology, vol. 40, no 1,‎ (ISSN 1934-8282 et 1934-8290, DOI 10.1002/0471141755.ph0547s40, lire en ligne, consultĂ© le )
  16. Michael Costa, Jamile Bernardi, Tiago Fiuza et Lidiane Costa, « N-acetylcysteine protects memory decline induced by streptozotocin in mice », Chemico-Biological Interactions, vol. 253,‎ , p. 10–17 (ISSN 1872-7786, PMID 27087133, DOI 10.1016/j.cbi.2016.04.026, lire en ligne, consultĂ© le )
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.