Sexual Minorities Uganda
Sexual Minorities Uganda (SMUG), parfois traduit en Minorités sexuelles en Ouganda, est une organisation non gouvernementale faîtière pour la défense des droits LGBT en Ouganda.
Fondation |
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Sigle |
(en) SMUG |
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Zone d'activité | |
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Organisation faîtière |
Objectif | |
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Ntinda |
Pays |
Fondateur |
Victor Mukasa (en) |
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Directeur |
Frank Mugisha (depuis ) |
Personnes clés | |
Récompenses | |
Site web |
Elle est fondée en 2004 par Victor Mukasa (en) et dirigée par Frank Mugisha à partir de 2007.
Fondation
Sexual Minorities Uganda est fondée par Victor Mukasa (en), un homme trans, le [1] - [2]. L'année précédente, Mukasa avait participé à la création de l'ONG lesbienne Freedom and Roam Uganda. L'influence de cette dernière avait poussé à l'organisation de plusieurs autres groupes LGBT indépendants dans le pays, qui parfois ne se connaissaient pas entre eux. Ces groupes sont cependant plus actifs dans le soutien entre personnes LGBT que dans le militantisme pour leurs droits[1] - [3].
L'année suivante, dix-huit de ces groupes se réunissent en une coalition militante, sous le leadership de Mukasa[1] - [3]. S'y retrouvent notamment Icebreakers Uganda, Freedom and Roam Uganda, Right Companion, Lesgabix, Integrity Uganda, Spectrum Uganda, Gay and Lesbian Alliance[3] et Transgender Initiative Uganda[4].
SMUG est créée dans le but de coordonner les actions militantes des différentes organisations LGBT du pays et de promouvoir des revendications communes au nom de l'ensemble des minorités sexuelles. SMUG met aussi en place du soutien pour les victimes de violences, de harcèlement et d'arrestations[5].
Lors de la fondation de SMUG, Victor Mukasa subit une pression importante de la part des autorités[5]. Même si quelques figures émergent dans les années suivantes — David Kato, Kasha Jacqueline Nabagesera de Freedom and Roam Uganda, Frank Mugisha —, la majorité des membres préfèrent rester anonymes, par crainte de la répression, à la fois juridique et sociale. Cet anonymat rendait difficile l'existence d'une voix unifiée entre personnes LGBT dans la lutte pour les droits[3]. Frank Mugisha est nommé en 2007[6] directeur général[7] de Minorité sexuelles en Ouganda[8]. Victime d'un harcèlement policier, il quitte l'Ouganda durant un mois en 2008 pour le Kenya[6].
Sexual Minorities Uganda est suspendue le par le Bureau national des organisations non gouvernementales. Il reproche à l'organisation de ne pas être enregistré officiellement. En 2012, pourtant, SMUG avait tenté de se déclarer en association, mais l'enregistrement avait été refusé en raison de son nom, qualifié d'« indésirable »[9].
Actions notables
Plainte contre le gouvernement
Un an après la fondation de SMUG, en 2005, la police fait une descente au domicile de Victor Mukasa, sans mandat valable. Elle l'arrête et lui confisque des documents relatifs à son militantisme. Il devient la cible de commentaires homophobes de la part des médias, du gouvernement et de personnes engagées dans la lutte contre le sida. Une fois libéré[10], pour se protéger, il doit fuir le pays pendant deux ans[10] pour l'Afrique du Sud[3].
Victor Mukasa porte plainte contre le gouvernement en 2008, avec Yvone Oyo. Il l'accuse d'intrusion, du vol, d'arrestation illégale et de traitement inhumain et dégradant. Ils sont tous deux dédommagés de 7 000 dollars environ, la juge Stella Arach-Amoko (en) estimant qu'il y avait une « atteinte aux droits humains des suspects par la police »[1] et à leur vie privée[11], mais sans reconnaître de rapport avec l'homosexualité ou un « abus de pouvoir »[trad 1]. Il s'agit de la première fois que des militants LGBT portent plainte contre l'État ougandais, et une victoire pour la communauté du pays[1] - [12].
Campagne « Let Us Live in Peace »
Le mouvement LGBT ougandais se développe en 2007 grâce un militantisme plus important[3]. La mise en place par Sexual Minorities Uganda[13] d'une campagne médiatique publique[3] coordonnée de 45 jours[14], nommée « Let Us Live in Peace » (« Vivons en paix »)[13], permet à la communauté de davantage se souder[3], de gagner en visibilité et de devenir plus homogène[1]. Elle permet également l'établissement d'enclaves LGBT dans la capitale Kampala[3]. Enfin, elle attire une attention importante, au niveau national comme au niveau international[11].
La campagne est lancée en partie en réaction au meurtre d'une étudiante lesbienne à Kampala[11]. Elle débute le par une conférence de presse, la première de l'histoire du militantisme ougandais. Ils sont rejoints par plusieurs militantes des droits de l'homme, dont Jessica Nkuuhe, Sarah Mukasa et Beatrice Were (en). Pour se protéger, la plupart des militants présents s'anonymisent en se masquant le visage. Il y est question de LGBTIphobies, de la violation de leurs droits humains[1], du harcèlement policier[3] et du silence sur la prévention du VIH/SIDA[13].
Quatre jours plus tard, un pasteur homophobe, Martin Ssempa, rassemble plusieurs centaines de militants anti-LGBT à Kampala, sous la bannière d'une « Rainbow Coalition Against Homosexuality ». Ils appellent à « arrêter tous les homos »[1] - [15]. Sheikh Multah Bukenya, leader de la secte salafiste Tabligh en Ouganda, proche du groupe violent Forces démocratiques alliées, appelle à la formation d'un « commando anti-gay ». Il déclare vouloir « éliminer toutes les pratiques anormales, comme l'homosexualité »[trad 2] - [1] - [16]. La police leur répond, qu'elle « accueille tous ceux qui veulent lutter avec [eux] contre le crime avec, mais [qu']ils doivent user de moyens légaux »[trad 3] - [17].
Plainte contre Rolling Stone
En 2010, le tabloïd ougandais Rolling Stone (en) (qui n'a pas de lien avec son homonyme américain) publie une liste de cent noms de personnes présumées homosexuelles, avec leurs adresses et leur photo, appelant à les pendre[18]. Trois membres de Sexual Minorities Uganda visés portent l'affaire en justice, David Kato Kisule, Kasha Jacqueline Nabagesera et Pepe Julian Onziema. Le journal est condamné en à verser 1,5 millions de shillings ougandais d'indemnité à chaque plaignant, le juge estimant que « l'appel à pendre les homosexuels par douzaines tend à menacer terriblement leur droit à la dignité humaine » et que la publication a violé leur droit à la vie privée[19]. Plusieurs personnes outées par Rolling Stone ont été la cible de violences homophobes, et une femme a failli être tuée[20].
David Kato Kisule est assassiné le . Ce crime de haine homophobe[21], fortement médiatisé[22], est condamné à l'international[5], notamment par le président des États-Unis Barack Obama.
Lutte contre la loi anti-homosexualité
Lorsqu'en 2009 un projet de loi anti-homosexualité est déposé, Sexual Minorities Uganda se mobilise fortement contre. Le texte prévoit notamment des peines d'emprisonnement à perpétuité et de mort pour les homosexuels[5].
En 2012, SMUG et le Center for Constitutional Rights (en) des États-Unis intentent une action en justice devant une cour fédérale de district américaine contre l'évangéliste américain Scott Lively (en) pour crime contre l'humanité, en vertu du statut de délit à l'étranger (en) et sur la base du droit international. Ils mettent en cause son travail sur le projet de loi anti-homosexualité[23]. En plus de ses articles contraires aux droits humains fondamentaux[5], ce travail a entraîné la persécution, la torture et le meurtre de plusieurs personnes LGBT. Les requérants accusent Lively d'inciter à la persécution des gays et des lesbiennes et de vouloir les priver de leurs droits[24] - [25].
Le juge Michael A. Ponsor (en)[23] déclare en que la persécution fondée sur l'orientation sexuelle est un crime contre l'humanité et que donc la plainte est recevable sur la base du droit international, celui protégeant les droits fondamentaux des homosexuels[3]. Il estime également que la défense de Lively, fondée sur le premier amendement, est « prématurée »[23]. L'année suivante, la Cour s'oppose à une autre tentative d'abandon de l'affaire[26] et organise des auditions en 2016. Le tribunal rejette cependant l'affaire en 2017 en raison de son incompétence juridique[27], citant l'arrêté Kiobel v. Royal Dutch Petroleum Co. (en) pris en 2013[28], mais valide les réclamations de SMUG[27] - [28]. Plusieurs recours et appels sont faits par le SMUG et Scott Lively jusqu'en 2018[27].
Après avoir été plusieurs fois modifiée, et la condamnation à mort supprimée, la loi est finalement adoptée en 2013. Mais face à la pression internationale, elle est annulée dès l'année suivante[29] - [30]. SMUG recense plus de 160 attaques LGBTIphobes dans les quatre mois suivant son adoption[14].
Récompenses
Sexual Minorities Uganda est récompensée en du Prix Rafto décerné par la Fondation Rafto pour les droits humains (en) norvégienne « pour son travail visant à faire appliquer les droits humains fondamentaux pour tous et à éliminer les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre »[trad 4] face à une « homophobie parrainée par l'État »[trad 5] - [1] - [5].
Le même mois, son directeur général Frank Mugisha reçoit le prix Robert F. Kennedy des droits de l'homme de l'organisation américaine Robert F. Kennedy Human Rights (en)[7].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Sexual Minorities Uganda » (voir la liste des auteurs).
Notes
- (en) « The case is not about homosexuality. It is also not about abuse of office. It is about abuse of the suspects human rights by the Police. »
- (en) « We are ready to act swiftly and form this squad that will wipe out all abnormal practices like homosexuality in our society. »
- (en) « The police welcome everybody who wants to work with us to fight crime but they should use legal means. »
- (en) « The Prize is awarded to SMUG for its work to make fundamental human rights apply to everyone, and to eliminate discrimination based on sexual orientation or gender identity. »
- (en) « The Rafto Foundation hereby gives its support to the work against a "state-sponsored homophobia that is spreading across the African continent. »
Références
- (en) Deborah Kintu, The Ugandan Morality Crusade : The Brutal Campaign Against Homosexuality and Pornography Under Yoweri Museveni, McFarland & Company, , 200 p. (ISBN 978-1-4766-2953-7, lire en ligne), p. 129-133 et 138.
- (en) Sexual Minorities Uganda, From Tormentto Tyranny : Enhanced Persecution in Uganda Following the Passage of the Anti-Homosexuality Act 2014, 20 December 2013 – 1 May 2014, , 20 p., PDF (lire en ligne).
- (en) collectif, « Special Issue on LGBT and Queer Studies », Rupkatha Journal on Interdisciplinary Studies in Humanities, no 1 du volume VI, , p. 102-103 (lire en ligne).
- (en) Muna Mire, « Canada's Refusal to Allow Ugandan LGBT Activists into the Country Speaks to a Wider Hypocrisy », sur Vice, (consulté le ).
- (en) The 2011 Rafto Prize to Sexual Minorities Uganda (SMUG) and their leader Frank Mugisha, Bergen, Rafto Foundation for Human Rights (en), , 5 p., PDF (lire en ligne).
- Sophie Boutboul, « Frank Mugisha, figure lumineuse de la lutte pour les droits des homosexuels en Ouganda », sur Le Monde, (consulté le ).
- (en) « Uganda: LGBTI Rights Activist Frank Mugisha To Receive 2011 Robert F. Kennedy Human Rights Award », sur AllAfrica.com, (consulté le ).
- Florian Bardou, « Le combat risqué des homos ougandais pour décriminaliser l’homosexualité », sur Libération, (consulté le ).
- « Kampala suspend la principale organisation de défense des homosexuels ougandaise », sur Le Monde, (consulté le ).
- (en) Sokari Ekine, « "Maroon the gays": Ugandans facing a barrage of discrimination », New Internationalist, , p. 33.
- Human Rights Consortium 2018, p. 329.
- « Mukasa et autre c. Procureur Général (2008) RADH 248 (UgHC 2008 », sur IHRDA SGBV Database (en) (consulté le ).
- (en) « Uganda: State Homophobia Threatens Health and Human Rights », sur Human Rights Watch, (consulté le ).
- Human Rights Consortium 2018.
- (en) « Ugandans hold anti-gay sex rally », sur BBC News, (consulté le ).
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- (en) Ian Dunt, « Ugandan Muslim sect threaten ‘anti-gay squad’ », sur PinkNews, (consulté le ).
- Audrey Banegas, « Ouganda : Un journal oute 100 gays et invite à les « pendre » », sur Yagg, (consulté le ).
- Judith Silberfeld, « Ouganda : La Justice interdit aux journaux d'outer les homos », sur Yagg, (consulté le ).
- (en) « Court Affirms Rights of Ugandan Gays », sur Human Rights First, (consulté le ).
- « Ouganda : David Kato assassiné », sur BBC News Afrique, (consulté le ).
- Christophe Broqua, « L'émergence des minorités sexuelles dans l'espace public en Afrique », Politique africaine, no 126, , p. 5-23 (lire en ligne).
- (en) Stephanie Barry, « Crimes against humanity lawsuit against anti-gay evangelist Pastor Scott Lively, of Springfield, advances in federal court », sur MassLive, (consulté le ).
- (en) Laurie Goodstein, « Ugandan Gay Rights Group Sues U.S. Evangelist », sur The New York Times, (consulté le ).
- (en) Debra Cassens Weiss, « Suit Alleges Evangelist Violated International Law by Waging an Anti-Gay Campaign in Uganda », sur ABA Journal (en), (consulté le ).
- (en) Andrew Potts, « Scott Lively says being gay is ‘worse than mass murder’ as trial moves forward », sur Gay Star News, (consulté le ).
- (en) « Sexual Minorities Uganda v. Scott Lively », sur Center for Constitutional Rights (en) (consulté le ).
- (en) « Scathing ruling dismisses lawsuit against anti-LGBT hate group leader Scott Lively on narrow jurisdictional ground », sur Southern Poverty Law Center, (consulté le ).
- Gaël Grilhot, « Sexual Minorities Uganda : « modifier la loi, mais aussi les mentalités » », sur RFI, (consulté le ).
- Gaël Grilhot, « En Ouganda, des prêtres et des pasteurs contre l’homophobie », sur Le Monde, (consulté le ).
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- (en) Deborah Kintu, The Ugandan Morality Crusade : The Brutal Campaign Against Homosexuality and Pornography Under Yoweri Museveni, McFarland & Company, , 200 p. (ISBN 978-1-4766-2953-7, lire en ligne), p. 129-133 et 138
- (en) collectif, « Special Issue on LGBT and Queer Studies », Rupkatha Journal on Interdisciplinary Studies in Humanities, no 1 du volume VI, , p. 102-103 (lire en ligne)
- (en) Human Rights Consortium, Envisioning Global LGBT Human Rights : (Neo)colonialism, Neoliberalism, Resistance and Hope, Institute of Commonwealth Studies, School of Advanced Study, University of London, , 462 p., PDF (ISBN 978-0-9931102-8-3, lire en ligne), p. 323