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Sensationnalisme

Le sensationnalisme (appelĂ© parfois journalisme jaune quand il concerne la presse) dĂ©signe l'exploitation systĂ©matique par une partie des mĂ©dias du goĂ»t pour le « sensationnel » d'une partie du public (« ce qui produit une forte impression de surprise, d'intĂ©rĂȘt, d'admiration »[1]). Ces mĂ©dias, pour des raisons d'image, d'audience ou de commerce, usent de « procĂ©dĂ©s » dramatisant certains Ă©vĂ©nements ou Ă©lĂ©ments d'information. Via le choix d'un titre, du vocabulaire, de la typographie, de la photo ou de l'illustration dessinĂ©e, ou par des effets rhĂ©toriques, ils font ressortir certains Ă©lĂ©ments sordides et/ou spectaculaires pour attirer l'attention des spectateurs ou des lecteurs.

Causes de dĂ©cĂšs aux États-Unis versus couverture mĂ©diatique. Le pourcentage d'attention mĂ©diatique pour le terrorisme, l'homicide ou le suicide est beaucoup plus Ă©levĂ© que le pourcentage de dĂ©cĂšs qui en dĂ©coulent.

Dans le monde de l'information, « certains journalistes sont tentés de lui donner plus de poids et de portée qu'elle n'en a réellement »[2].

On parle ainsi de presse à sensations, par contraste avec les journaux d'information et journaux d'opinion, associée à la notion de journalisme de masse[3].

Dans les cas les plus extrĂȘmes, le mĂ©dia va « crĂ©er l'Ă©vĂ©nement » au lieu de « couvrir l'Ă©vĂ©nement » comme il est supposĂ© le faire (l'Ă©clairer par une analyse aussi fine, objective et contextualisĂ©e que possible).

Les ressorts du sensationnalisme

En termes de motivation, selon les cas, il peut reflĂ©ter un enthousiasme rĂ©el de la part du journaliste ou du locuteur et/ou une manipulation de l'information de la part de sa source ou du mĂ©dia qui la relaye ou du journaliste lui-mĂȘme. L'auteur peut manipuler avec intĂ©gritĂ© pour susciter l'intĂ©rĂȘt dans un contexte trĂšs concurrentiel ; pour conduire un lecteur ou auditeur vers un sujet dont l'ensemble des enjeux sera prĂ©sentĂ©, ou de maniĂšre uniquement manipulatoire pour mettre en avant une facette uniquement d'un sujet en cachant d'autres aspects.

La motivation peut ĂȘtre de faire ressortir une information jugĂ©e importante dans le flot des informations ou de la faire ressortir pour drainer des soutiens politiques ou financiers, mĂ©ritĂ©s ou non.

Le sensationnalisme peut ĂȘtre positif (la dĂ©couverte qui va sauver l'humanitĂ© ou la planĂšte) ou nĂ©gatif voire catastrophiste (ex : « gĂšne du crime », ou une expĂ©rience scientifique qui risque d'anĂ©antir le monde dans un trou noir
).

Parfois, il est à double détente, par exemple pour attirer le journaliste ou d'éventuels sponsors à une conférence de presse, puis de la part du journaliste, pour attirer le lecteur.

Le sensationnalisme s'appuie généralement à la fois sur :

  • un effet-surprise, des facteurs d'intĂ©rĂȘt et d'admiration ; Le sensationnalisme est « un rituel rĂ©gulateur dans les sociĂ©tĂ©s modernes dĂ©pourvues des modĂšles de communication d'autrefois. La rupture de la normalitĂ© est la composante de base du sensationnalisme en tant que porte ouverte sur l'extraordinaire, le cachĂ© et l'anomique »[3] ;
  • des facteurs d’angoisse (mort, souffrance, violence, meurtre, viol[4] - [5], sexualitĂ©, la peur de l'inconnu et de l'autre/ xĂ©nophobie, peur des jeunes[6]), d'espoir et de compassion ; il est en cela parfois proche de la dĂ©magogie ;
  • des procĂ©dĂ©s issus de la publicitĂ©, voire de la propagande commerciale ou politique ;
  • une amplification et une simplification outranciĂšre de l'information, associĂ©es Ă  une absence d'analyse critique et Ă  une prĂ©sentation incomplĂšte des enjeux et des consĂ©quences possibles
  • des paroles d'experts ou supposĂ©s tels (souvent tronquĂ©es, simplifiĂ©es)[7].

Histoire, exemples

« J'accuse
 ! » par Émile Zola est le titre d'un article publiĂ© le dans le quotidien L'Aurore, dans le cadre de l'affaire Dreyfus.

Les légendes liées au journalisme attribuent également au groupe de presse de Hearst le déclenchement de la guerre hispano-américaine en 1898 via un article de presse écrite particuliÚrement enflammé sur les nécessités de se lancer dans l'aventure (voir QuatriÚme pouvoir et la notice biographique de William Randolph Hearst).

Le monde mĂ©dical, pharmaceutique et scientifique - en particulier de la vulgarisation scientifique - n'Ă©chappe pas Ă  certains titres sensationnalistes. Ainsi, par exemple, de nombreux titres et manchettes de journaux ont annoncĂ© la fin du Sida, voire du cancer[8] qui peuvent parfois ĂȘtre source de faux espoirs, mais aussi accrocher l'intĂ©rĂȘt pour un sujet qui en bĂ©nĂ©ficiera Ă©ventuellement, au risque d'une critique plus appuyĂ©e. Avec une approche parfois assimilable Ă  de la publicitĂ©, c'est une approche souvent associĂ©e par leurs promoteurs Ă  certaines innovations Ă©mergentes[9] ou techniques coĂ»teuses, mais potentiellement porteuses d'espoir (conquĂȘte de l'espace, chimie fine, mĂ©dicaments, alicaments, nuclĂ©aire, biochimie, cellules souches, biotechnologies et OGM, thĂ©rapie gĂ©nique, agrocarburants de premiĂšre, seconde ou troisiĂšme gĂ©nĂ©ration, internet, ressources fossiles non conventionnelles, etc.).

Risques et limites

Perte de crédibilité

L'appel au sensationnel est susceptible de nuire à la crédibilité de la source d'information, qui risque de devenir illusion et objet de consommation[3].

DĂ©sinformation

Le sensationnalisme alimente l'ancrage d'informations fausses ou de chiffres trÚs exagérés. Ces erreurs par omission ou exagération peuvent ensuite persister longtemps ou générer des coûts inutiles (pour traiter un problÚme ou une solution qui n'existe pas).

Par exemple, des articles ayant annoncĂ©, Ă  tort, la venue forcĂ©e de 40 000 prostituĂ©es (traite des femmes) pour la Coupe du monde en Allemagne continuent Ă  ĂȘtre citĂ©s comme sources au profit d'affirmations similaires concernant des Ă©vĂ©nements sportifs importants[10].

Dans des cas plus extrĂȘmes, la dĂ©sinformation qu'implique le sensationnalisme peut mettre en danger les personnes qui en font l'objet. Ainsi, dĂ©but 2022, de nombreuses associations LGBT ont pointĂ© du doigt le traitement que de nombreux journaux rĂ©servaient Ă  la transidentitĂ©, qu'elles qualifiaient de sensationnaliste, mensonger et extrĂȘmement dommageable envers les personnes transgenre[11].

Humour et recul critique

L'hebdomadaire satirique Hara-Kiri avait stigmatisé cette pratique à la mort du général de Gaulle en 1970, en titrant « Bal tragique à Colombey : 1 mort ».
Sous le coup d'une interdiction, il devra changer son nom en Charlie Hebdo pour poursuivre sa publication.

Outre l'humour et la dérision, les approches par l'éthique (de l'éthique biomédicale, à l'éthique environnementale) apportent aussi des garde-fous utiles[9].

L'utilisation d'informations truquĂ©es ou l'usage d'un sensationnalisme volontairement outrancier ou inversement le procĂ©dĂ© consistant Ă  accuser Ă  tort quelqu'un ou un mĂ©dia de sensationnalisme et/ou de catastrophisme peuvent ĂȘtre des moyens de discrĂ©diter une source d'information ou ĂȘtre des tentatives de cacher une vraie catastrophe en discrĂ©ditant les sources d'information disponibles. Dans ces derniers cas, le recul critique du lecteur et le recueil de preuves crĂ©dibles permettent - quand la vĂ©ritĂ© est assez facilement accessible - de discriminer la rĂ©alitĂ©. ThĂ©oriquement, le rationalisme et l'approche scientifique peuvent - dans une certaine mesure - contrer le sensationnalisme quand il est liĂ© Ă  des interprĂ©tations empiriques et uniquement subjectives d'un Ă©vĂ©nement, mais il peut parfois aussi ĂȘtre perçu comme une volontĂ© de cacher une information et faire le jeu de partisans d'une thĂ©orie du complot ou d'acteurs cherchant Ă  faire croire Ă  une telle thĂ©orie. Si le sensationnalisme a fait passer une fausse information, difficilement vĂ©rifiable par les citoyens dans le domaine du mythe ou de la « lĂ©gende urbaine », la vĂ©ritĂ© devient difficile Ă  rĂ©tablir.

Notes et références

  1. Larousse
  2. Yanick Villedieu (journaliste scientifique), sensationnalisme et le journalisme scientifique , Dossier littĂ©raire, in QUEBEC FRANÇAIS ÉTÉ 1996 NUMÉRO 102, pages 68 et 69
  3. AWAD G, Du sensationnalisme = On sensationalism ; Humanisme et entreprise ; 1996, no218, p. 1-16 (ISSN 0018-7372) (Lien Inist/CNRS)
  4. Laurent Mucchielli (sociologue); Violences et insécurité. Fantasmes et réalités dans le débat français (La Découverte, 2002)
  5. Laurent Mucchielli (sociologue), Le scandale des « tournantes » (La Découverte, 2005).
  6. VĂ©ronique Le Goaziou (sociologue), Laurent Mucchielli (sociologue), La violence des jeunes en question
  7. Myriame El Yamani, « La mascarade médiatique / Media Mascarade », échos de la profession, Sociologie et sociétés, vol. 22, n° 1, 1990, p. 201-205
  8. Y Villedieu, Le sensationnalisme et le journalisme scientifique ; erudit.org - Québec français, 1996 - erudit.org
  9. J-L Dhondt (2005), « Recherche biomédicale : le débat autour des notions de réduction et d'émergence » Annales de Biologie Clinique. Volume 63, Number 6, Novembre - Décembre 2005
  10. Ann Jordan, Fait ou fiction : que savons nous vraiment sur la traite de personnes ? Document de discussion ; Programme sur la Traite de Personnes et le Travail Forcé ; Centre pour les Droits de la Personne & le Droit Humanitaire (15 pages, PDF) ; 2011-05-03
  11. « TRANSPHOBIE DANS LES MÉDIAS : ÇA SUFFIT ! », sur SOS homophobie (consultĂ© le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Lits, Marc (1999), La presse Ă  sensation. Sensation, sensationnel et sensationnalisme ; UCL - “ ESPO/COMU - DĂ©partement de communication “ ; “MĂ©diatiques : rĂ©cit et sociĂ©tĂ©â€ - Vol. 16, p. 2-5 (1999) ; (ISSN 1374-7452)
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