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Roger Bohnenblust

Roger Bohnenblust, né le à Mulhouse et mort le à Fribourg, est un artiste peintre, dessinateur et graveur suisse.

Roger Bohnenblust
Nom de naissance Roger Bohnenblust
Naissance
Mulhouse, France
Décès
Fribourg, Suisse
Nationalité Drapeau de la Suisse Suisse
Profession

Biographie

Roger Bohnenblust naît à Mulhouse en , dans une famille protestante du Haut-Rhin. Il est le fils de Werner Bohnenblust, monteur électricien originaire de Saint-Gall, né en 1899, et d’Anna, née Neumann, en 1901[1]. A peine trois mois après la naissance de Roger, la famille quitte l’Alsace pour s’établir à Alger[2], où le garçon passe une partie de son enfance.

La famille n’y vit que quelques années avant de venir s’installer en Suisse, en 1935, à Lucerne d’abord, et Lausanne ; cinq ans plus tard,ils élisent domicile à Fribourg. Le père de Roger entre au service des Entreprises Electriques Fribourgeoises en qualité de monteur. Sa mère, quant à elle, tient un kiosque à journaux fréquenté par les étudiants sur le boulevard de Pérolles ; fortement sensible aux arts plastiques, elle encourage vivement Roger à se lancer dans la carrière artistique à laquelle il aspire. Après avoir terminé ses années d’école primaire et secondaire obligatoires dans le quartier du Bourg, il suit d’abord des études de peinture et de graphisme à l’École des Arts et Métiers de Vevey, entre 1947 et 1948, puis se perfectionne dans l’atelier du Fribourgeois René Dessonnaz, illustrateur issu du Technicum cantonal, de 1949 à 1951.

En 1951, désireux d’élargir ses horizons, le jeune Roger part pour Paris. Il y étudie le dessin à l’École du Louvre d’abord, puis la décoration théâtrale et le dessin d’affiche dans l’atelier de Paul Colin (affichiste), lequel l’initie également à l’art de la lithographie. Il le sensibilise aussi au travail de Toulouse-Lautrec dont Bohnenblust s’inspirera pour exécuter certaines oeuvres. En 1977, il réalisera d’ailleurs un cycle de peintures pour l’Embassy, cabaret situé à Fribourg, représentant des danseuses de cancan ou encore une jeune femme nue sortant du bain, réminiscence de son époque parisienne. Attiré par la profusion de spectacles qu’offre la Ville lumière et auxquels il assiste, le Fribourgeois s’essaye également à divers projets de décors d’opéras et de pièces de théâtre, de costumes, notamment pour Agamemnon, Othello ou encore Prométhée, dans l’esprit des cartons exécutés par le décorateur et scénographe Christian Bérard. S’il ne réalise pas, par la suite, de grands décors, on lui doit cependant ceux d’un certain nombre de spectacles, dont "Le Baladin du monde occidental" qui est donné au Collège Saint-Michel (Fribourg) en 1960, décors exécutés en collaboration avec l’artiste et professeur Jean Dousse[3]. Outre ce séjour, il gagne fréquemment la France où l’un de ses oncles maternels réside avec sa famille en région parisienne, à Juvisy-sur-Orge. Il y expose d’ailleurs à plusieurs reprises au "Salon de Juvisy" qui se déroule à la salle des fêtes.

Entre 1952 et 1954, revenu en Suisse, Roger occupe différents ateliers à Fribourg, Bâle et Lausanne et tente de vivre autant que possible de son art, grâce surtout à la réalisation de différents projets publicitaires pour Les Semaines musicales internationales de Lucerne ou encore la Foire suisse de Bâle en 1952, dans un style qui rappelle Jean Cocteau et Hans Erni. Il passe les deux années suivantes au Musée national suisse (Landesmuseum) de Zurich en qualité de dessinateur aux côtés de son vice-directeur, le professeur Emil Vogt, dans le domaine de l’archéologie et des arts appliqués . Au cours de cette période, Bohnenblust développe la minutie et l’amour du détail qui caractériseront ses futurs travaux, à commencer par ceux consacrés aux costumes folkloriques.

Mouvement

En , un petit noyau d’artistes fribourgeois décide de s’unir en vue de mettre sur pied des expositions. Roger compte parmi les initiateurs de cette aventure aux côtés de ses amis Louis et Émile Angéloz, de Jean-Claude Fontana et de Peter Bernold. Ensemble, ils créent le groupe Mouvement et organisent, dans un magasin désaffecté du boulevard de Pérolles, une première exposition. L’association nouvellement formée se donne pour but premier de donner accès à l’art au plus grand nombre et d’offrir, en marge de la très officielle Société des Peintres, Sculpteurs et Architectes Suisses (ancêtre de Visarte), la possibilité aux jeunes artistes de présenter leur travail, sans exigence aucune si ce n’est celle de supporter les autres membres du groupe. Fribourg ne dispose alors d'aucun espace d’art permanent et les cinq amis se lancent, deux ans plus tard, dans la création de la Galerie de la Cité au Court-Chemin [4]. Ses cimaises sont mises à la disposition des membres de Mouvement et leurs amis et Bohnenblust y accroche ses oeuvres fréquemment, seul ou avec plusieurs de ses comparses; on y retrouve aussi bien les peintres Bruno Baeriswyl et Charles Cottet (Suisse) que le photographe Jacques Thévoz ou encore le sculpteur Jean-Jacquees Hofstetter. Fidèle parmi les fidèles, il participe aussi aux différents voyages organisés par le groupe, à Budapest, à Venise et en Bourgogne, et accroche ses toiles en altitude, à Charmey ou aussi à Anzère. En 1966, il est également présent à la galerie AEL, fondée par les frères Angéloz au château de Corbières, pour un accrochage du groupe.

Au-delĂ  de Fribourg

S’il expose au moins une fois par an à Fribourg, Bohnenblust « essaye d’internationaliser le plus possible » sa peinture, convaincu que les peintres locaux n’osent trop souvent pas « jouer la carte étrangère » et qu’en cela ils ont tort [5]. Peu enclin à s’attirer les faveurs de l’establishment local, il n’est lui-même pas affilié à la SPSAS et n’expose pas aux salons annuels organisés par cette dernière, leur préférant les galeries, mais aussi dans des lieux plus atypiques. En 1973, il présentera ainsi une série de costumes folkloriques dans un salon de coiffure pour dames, ce qui attisera évidemment la curiosité des clientes, mais aussi des journalistes . En revanche ses toiles franchissent fréquemment les frontières cantonales et de nombreuses galeries romandes et alémaniques lui font l’honneur de leurs cimaises. Que soit à Genève, Lausanne, Berne, Bâle ou Neuchâtel, il expose seul ou en groupe et les journaux régionaux s’en font l’écho. En 1966, certaines de ses oeuvres sont présentées lors d’une émission culturelle à la télévision d’Erevan (Arménie). On retrouve ainsi ses champs de courses aux cimaises de bien des galeries françaises, notamment la Galerie Vendôme, rue de la Paix à Paris, où il expose en , mais également en Italie, en Allemagne et en Belgique. Tout au long de sa carrière, il reçoit de nombreuses distinctions internationales pour son travail, dont une médaille d’or au Salon de Liège, en 1971, pour un grand "Jugement dernier" ; il reçoit également la médaille d’or de la ville de Juvisy, celle de la huitième Biennale d’été de Nice dans la catégorie « futuriste » pour son œuvre "L’envol", mais aussi la médaille d’argent de l’Académie internationale Tommaso Campanella de Rome, ainsi qu’une autre médaille d’argent au Grand Salon International de Charleroi pour la présentation de deux oeuvres et la médaille de bronze des Artistes français de Paris. Outre la France, il effectue des voyages d’études en Tchécoslovaquie (où lui viendra l’idée de la série consacrée aux costumes traditionnels), en Tunisie et en Italie, tant pour participer à des expositions que pour son plaisir personnel.

Le septième art vu par Bohnenblust

En 1958, à la demande d’Hugo Corpataux, directeur de Cortux Films, Roger crée des affiches, pour le cinéma Studio. Des films en 16mm y sont régulièrement projetés et, les bobines arrivant en général sans matériel promotionnel, il est essentiel d’attirer un public aussi large que possible. Comme il n’a pas l’occasion de les visionner au préalable, Bohnenblust reçoit pour chaque film le titre, les noms des acteurs, ainsi qu’un résumé. Il n’a ensuite plus qu’à laisser libre cours à son imagination afin de transcrire, à sa manière, l’ambiance générale du film pour donner aux amateurs l’envie d’assister à la séance. En complément au titre, il ajoute le genre (grand film policier, drame réaliste, film gai, grand film comique) ainsi que les noms des principaux acteurs et parfois le visage du rôle principal : Impasse des Deux-Anges avec Simone Signoret, Simplet avec Fernandel, La Ferme du pendu avec Bourvil ou encore Monsieur Taxi avec Michel Simon. Si le « style Bohnenblust » est reconnaissable à chaque fois, il parvient à rendre, en une seule image, l’atmosphère propre à chaque production en fonction de son genre . Il réalise ainsi une vingtaine d’affiches afin d’illustrer la diffusion de ces films, la plupart du temps des productions françaises des années 1945-48. Notons d’ailleurs que pour chacun, il n’existe qu’une seule et unique affiche, peinte à l’huile sur papier, destinée à circuler auprès des cinémas indépendants où seront ensuite aussi transmises les bobines. Aujourd’hui, seules dix d’entre elles existent encore car les autres, très abîmées ou détruites à cause de leur usage à répétition, n’ont pas pu être conservées [6].

Les grands projets

En parallèle à ses oeuvres de chevalet, Bohnenblust entreprend plusieurs projets d’envergure. Si le plus vaste et le mieux documenté est l’ensemble de sujets bibliques exécutés dans la chapelle du cycle d’orientation du Belluard [7], la liste de ses réalisations murales est longue, et sans nul doute difficilement exhaustive tant sa production est importante. Très demandé, Bohnenblust reçoit de nombreuses commandes qu’il enchaîne sans discontinuer. En 1968, au buffet de la gare de Guin , à la suite d’importants travaux de réfection, une grande salle agrémentée d’une scène est aménagée. Bohnenblust y décore les murs de personnages vêtus de costumes traditionnels singinois représentés dansant lors d’une fête villageoise dans des scènes de la vie quotidienne. Si le bâtiment est aujourd’hui devenu un cabinet médical, les peintures ont fort heureusement été conservées. Pour l’Auberge du Tilleul à Matran, son propriétaire Maurice Volery lui passe commande de la décoration de deux espaces. Dans la grande salle des banquets, l’artiste peint une scène villageoise illustrant trois groupes de figures reprenant des thèmes qui lui sont chers : des personnages en costume folklorique, des footballeurs et des tireurs. Bohnenblust exécute également des scènes de chasse sur les murs de l’une des petites salles attenant au restaurant ; ce sera sa toute dernière œuvre puisqu’il décédera durant la réalisation du projet. Une anecdote raconte que l’artiste, qui avait l’habitude de laisser tout son matériel en plan à la fin de chaque journée de travail, aurait minutieusement nettoyé ses pinceaux et rangé ses couleurs la veille de sa mort.

Un personnage atypique

Personnage indépendant au caractère non-conformiste, Bohnenblust n’a que faire de l’opinion que les autres ont de lui : « Bien sûr qu’on me traite de foireur ! Et pourquoi pas… Je refuse l’image toute faite de l’artiste replié sur lui-même, avant, pendant et après sa création. Tout ça, c’est du folklore. Chaque jour, je redécouvre un monde nouveau, je recrée ma vie à son image – avec une impulsivité qui gêne peut-être certains… Et alors ? » . Lorsqu’au cours d’une autre interview, le journaliste lui demande s’il pourrait totalement renoncer à son métier d’artiste s’il y était forcé, il répond : « Je pourrais très bien me passer de peindre. Voyez-vous, j’affecte envers l’art une sorte d’indifférence lucide et sereine [8]. » Largement ouvert d’esprit, Bohnenblust défend également des idées politiques et sociales avant-gardistes à une époque où le monde est encore très figé. Très enclin à lever le coude, Bohnenblust fréquente les nombreux bars et cafés de Fribourg. S’il a son stamm au Buffet de la Gare, qu’il fréquente en compagnie de ses amis les peintres Ferruccio Garopesani et Pierre Spori, il ne dédaigne pas non plus les bistrots de la Basse-Ville, surtout le café du Paon. Comme beaucoup d’artistes désargentés, il paye fréquemment ses ardoises ou d’autres frais en laissant une peinture, comme en témoignent encore quelques œuvres accrochées au Café du Gothard. Très bohème, sa vie n’a rien à envier à celles de Soutine ou Modigliani et de la faune qui les entourait à l’époque de la Ruche. Le temps avançant, son mode de vie et son hygiène prennent des chemins de traverse, il n’attache plus grande importance à son aspect. À la fin de sa vie toutefois, grâce à d’heureuses rencontres, il changera radicalement ses habitudes, retrouvera de sa superbe et finira même par obtenir son permis de conduire.

Atteint de diabète, son médecin lui prescrit un régime qu’il ne suit pas. Il s’éteint à Fribourg, le , des suites d’une crise cardiaque.

Collections publiques

Notes et références

  1. Acte de naissance no.001341/1929, Service de l’Etat civil, Mairie de Mulhouse.
  2. Fiche domiciliaire Werner Bohnenblust, Service des Archives municipales, Mairie de Mulhouse.
  3. M.F., Le Collège Saint-Michel joue le Baladin du monde occidental, in: "La Liberté", 12 mai 1960, p.7.
  4. Philippe Clerc, Groupe Mouvement : 60 ans d'amitiés et de complicités artistiques, Fribourg, Faim de Siècle, 2019, pp.13-17.
  5. Interview express de Roger Bohnenblust, in: "La Liberté", 21 septembre, p.13.
  6. Béatrice Geinoz-Berset, Bohnenblust à l'Atelier d'Ecuvillens: les affiches oubliées, in: "La Liberté", 11-12 juillet 1987, p.7.
  7. Ville de Fribourg, La Chapelle du CO du Belluard dévoile sa "bande dessinée murale", communiqué de presse, 1 juin 2015 (https://www.ville-fribourg.ch/sites/default/files/2018-07/cmp_chapelle_co_belluard_bande_dessinee_murale1.pdf).
  8. J.B.M., Roger Bohnenblust expose à Fribourg, in: "Journal de Genève", 23 mars 1965, p.10.

Annexes

Bibliographie

  • Philippe Clerc, Groupe Mouvement : 60 ans d'amitiĂ©s et de complicitĂ©s artistiques, Fribourg, Faim de Siècle, (ISBN 978-2-940422-75-3).
  • Philippe Clerc (dir.), Roger Bohnenblust (1929-1979). Des champs de courses aux grandes batailles, vol. 205, Fribourg, Pro Fribourg, (ISSN 0256-1476, prĂ©sentation en ligne).

Liens externes

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