Robert Barriot
Robert Barriot né à Châteauroux le et mort à Chezal-Benoît le est un peintre, émailleur et sculpteur français.
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Il est considéré par ses pairs comme l’un des plasticiens les plus doués de sa génération et comme « le plus grand émailleur de tous les temps[1] ». Avec ses grands émaux sur cuivre repoussé de dimensions exceptionnelles (plus de 3 m de haut d’un seul tenant), il révolutionne 5 000 ans d’histoire de l’émail. À ce jour les plus grands émaux répertoriés, en dehors de ceux de Robert Barriot, sont ceux de Pierre Courteys (1559) au musée national de la Renaissance d'Écouen[2]. Dans son ouvrage sur Robert Barriot, Maurice Croze cite les propos d'Andreù Vilasis[3] (émailleur, ex-professeur de l’École des arts appliqués de Barcelone, expert et critique d’art international) sur celui qu'il considère comme « Le Pape de l'émail » : « Robert Barriot est comme émailleur, un géant de l’émail. Comme artiste, c’est un homme de la Renaissance. C’est un artiste complet, exécutant et dominateur de plusieurs disciplines de l’Art. Même avec les techniques actuelles, nul artiste de notre époque, je peux le dire franchement, n’est capable de réaliser l’œuvre monumentale de Robert Barriot[4]. »
Biographie
Enfance : 1898-1916
Robert Barriot est né le à Châteauroux (Indre). Son père Ernest, Gabriel, Emile Barriot, employé à la préfecture, va bientôt devenir percepteur, personnage important ayant accès à la classe bourgeoise. Sa mère Rose, Renée, Amélie Papiot est présentée comme une aristocrate d’une grande beauté. Fils de notable, il est envoyé au lycée national de Châteauroux d’où est sorti un bon nombre d’hommes illustres et hors du commun, Maurice Rollinat, poète a séduit le Paris branché de Sarah Bernhardt, Albert Laprade, le futur grand architecte, que ni sa collaboration avec Lyautey, ni son élévation à la présidence de l’Institut de France, ne pourront le détourner de son enracinement berrichon.
Au cours de ses études secondaires, il a la chance d’avoir de remarquables professeurs de dessin. Ainsi Jean Baptiste Bourda, élève d'Eugène Devéria, a enseigné le dessin et la peinture à Bernard Naudin, Ernest Nivet, Jean Giraudoux et Albert Laprade. Dès 1914, Robert Barriot dans cet environnement favorable va s’initier au modelage, au dessin et au pastel. Il reçoit également l’enseignement de madame Odette Bourdin, qui va l’introduire dans un nouveau monde, l’étude des antiquités qui lui permettra d’entreprendre la restauration de statues dans les petites églises du Berry pendant la guerre et notamment la statue de la Vierge miraculeuse de Cluis-Dessous, statue en marbre blanc du XIVe siècle, qui fait l’objet d’un pèlerinage très fréquenté sous le nom de Notre Dame de la Trinité.
Par ailleurs, Robert Barriot, révèle un goût très prononcé pour la musique. Dès l’âge de 12 ans, il apprend le violon avec le comte de Gravelin. Il poursuivra son étude du violon avec l’ancien chef d’orchestre du Majestic City, célèbre parc d’attraction du 7e arrondissement de Paris, qui fonctionnera de 1911 à 1927. Malgré son amour pour la musique, c’est sa vocation de dessinateur qui l’emportera sur le désir qu’il a d’être violoniste. Cependant, cet apprentissage de la musique lui sera d’un précieux secours lorsque, devenu parisien, pour subvenir aux besoins matériels de sa vie d’étudiant, il sera conduit à jouer dans des cours d’immeubles, dans de petits orchestres et donner des leçons de violon.
En 1916, Louis Lumet, inspecteur des écoles d'art à Paris conseille à Barriot de tenter le concours de l’École nationale supérieure des arts décoratifs à Paris qui lui permettra d’acquérir la connaissance et l’expérience des techniques de l’art. À l’été 1917, à Crozant, il sera reçu dans la résidence de vacances d’Eugène Morand[5], directeur de l’École nationale supérieure des arts décoratifs , qui l’a remarqué et l’encourage. Il n’oubliera ni les rencontres ni les conseils, mais avant tout il gardera le précepte fondamental que lui avait enseigné le sculpteur Jean Baffier « L’art ne s’apprend pas à l’école, toute recherche est personnelle ». Durant toute sa vie, Robert Barriot n’aura de cesse de chercher, tâtonner, se tromper, parfois désespérer, mais il se sent tenace et inventif.
Les années Montparnasse : 1916-1938
Le Paris des années 1920-1930 était le centre de la littérature occidentale, des beaux-arts, de l’architecture, de la mode et des années folles. C’est dans ce Paris qui attirait et monopolisait toutes les formes de créations durant l’une des périodes les plus exaltantes de ce siècle, que Robert Barriot fit ses premiers pas. La vie trépidante s’offrait à lui où les rencontres se faisaient au gré des créativités dans ce Montparnasse mythique.
Il s’établit au 9, rue Campagne-Première, une rue mythique dont la célébrité ne va cesser de s’amplifier et qui abritera de grands noms de l’art et de la littérature.
En 1917, Robert Barriot se présente au concours de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris où il est admis dans l’atelier de Fernand Cormon.
La période Arts déco
Cette vie exaltante dans le Montparnasse des années 1920-1930 sera riche en rencontres. Son insatiable passion pour les arts l’amènera à l’apprentissage et à la pratique de 24 métiers d’art.
Ses premières expositions aux Beaux-Arts de Paris et au Salon d'automne lui valurent les honneurs du jury et les premières récompenses. En 1920, il obtient le premier prix pour le décor du char du bal de la Horde.
Il travaille successivement pour les plus grands noms du spectacle. Il va créer pour Mistinguett, les premières incrustations de strass sur ses chaussures de scène, des décors de théâtre pour Landorf et Pierre Brasseur et il sera le premier à inventer les décors en lumière projetée. De nombreux créateurs font également appel à lui dans les domaines de la mode pour Paul Poiret, de la broderie pour les brodeurs réunis, Marcel, Riqueur et Willerme, le modélisme et cartonnage de luxe pour les parfumeries et chocolateries Pivert, Houbigan, Enzière, Rigaud, la Maison Flament et Devallon. Il sera également un adepte de Raymond Duncan et apprendra la tapisserie. Il travaille pour de nombreuses éditions et revues avec les illustrations en gravures, etc. Il conçoit des flaconnages pour les parfums Lanvin, Rigaud, Irsch et René Lalique.
En 1925, il obtient une médaille d’argent à l’Exposition internationale des Arts décoratifs de Paris et un an plus tard en 1926, une médaille d’or à l’Exposition internationale Arts décoratifs de Madrid.
Il note dans ses écrits : « 1929 - Grand Prix pour la création de costumes pour les derniers Ballets russes à Paris[6] ». Sa poterie à Ponchon (Oise) a été pillée pendant la guerre par l'occupant allemands ; toutes les œuvres, poteries, dessins et archives ont disparu.
La vie à Montparnasse, où la richesse des rencontres au gré de ses apprentissages avait forgé en Robert Barriot les bases solides de son éclectisme, allait donner un essor à ses créations, pour en faire l’un des plus grands émailleurs de tous les temps.
Le renouveau de l'art sacré en France
Pour mieux comprendre les activités artistiques de Robert Barriot dans l’art sacré et sa présence dans les nombreuses expositions organisées à Paris, il faut se référer aux différents courants artistiques de l’époque, avec l'élan de créativité qui fusionnait de toutes parts pour donner naissance à un art nouveau dans les années 1920-1930. Maurice Denis, fondateur des Ateliers d'art sacré déclarait : « L’art religieux est l’aile marchante de l’art moderne : le renouveau de l’art religieux, dans les premières années du XXe siècle, n’était pas autre chose, précise-t-il que les jeunes tendances en architecture, art décoratif, peinture et sculpture, appliquées à l’art sacré ».
Robert Barriot fera partie de ces groupements d’artistes et s’inscrira à la Société de Saint-Jean qui faisait appel à la créativité, sans restriction, mais exigeait seulement d’être chrétien. Depuis son origine la Société de Saint-Jean regroupait des artistes, des esthètes, des amateurs d’art, d’archéologie et des ecclésiastiques.
Les chantiers du Cardinal
L’art chrétien et les groupements d’artistes naissent simultanément et se renouvellent avec les grands mouvements de fond qui vont bouleverser l’église. L’autre fait marquant de la fin des années 1920, est la nomination du cardinal Verdier à l’archevêché de Paris. Il sera non seulement une figure populaire, mais sera également un ardent artisan de l’action catholique de l'art sacré missionnaire. Il créera le moyen technique idéal à la réalisation de ce vaste projet avec l'Œuvre des chantiers du Cardinal, ayant pour mission la construction de nombreuses églises dans Paris. Les églises alors en construction sous l’égide de Jean Verdier, allaient donner un formidable essor à l’art sacré, en faisant appel à tous ces artistes choisis dans les ateliers d’art sacré pour en assurer la décoration. Robert Barriot a été choisi par l’architecte Paul Tournon pour décorer la façade de l’église Notre-Dame-des-Missions pour l’Exposition coloniale de 1931.
Pour honorer cette importante commande, il loue une poterie à Allone. Il réalisera la façade en grès émaillé grand feu représentant des motifs orientaux, pour rappeler les pays de religion bouddhique. Cette réalisation monumentale est attribuée actuellement par erreur à Raymond Virac et Lorimi. Il réalisera également la statue de Notre-Dame-des-Missions en grès émaillé de 2,50 m, d’après les dessins de Roger de Villiers. Cette église démontée après l’Exposition coloniale a été reconstruite à Épinay-sur-Seine. Elle a été classée par les monuments historiques en 1993.
Un chantier dans la tourmente de la guerre : l'Ă©glise Sainte-Odile de Paris
En 1934, Jean Verdier confie la construction d’une église dans le 17e arrondissement de Paris à Edmond Loutil. Le , Jean Verdier vient donner le premier coup de pioche sur le terrain, offert par la Ville de Paris. Jacques Barge, jeune architecte de 31 ans a été choisi pour la réalisation de l’église dédiée à sainte Odile, patronne de l’Alsace.
En 1938, Loutil, plus connu sous son nom d’écrivain Pierre l’Ermite, confie à Robert Barriot la réalisation d’un retable pour décorer le maître autel de son église en construction, Sainte-Odile à Paris. Cette commande marquera un tournant décisif dans ses orientations artistiques et sa conception de l’émail.
À la première entrevue de Robert Barriot, Pierre l’Ermite savait qu’il était en présence d’un artiste, capable de lui offrir l’embellissement du maître-autel et lui donner toute sa magnificence. Cette rencontre scellera entre les deux hommes une amitié sans faille. Pierre l’Ermite sera son plus fidèle soutien dans les moments les plus sombres lors de son expulsion de l’église en 1953 et l’aidera à se réinstaller dans le Berry.
En 1936, il rencontre Michelle Houlle, jeune flûtiste qui deviendra sa femme. Leur vie sera faite de passion pour l’art et de bonheur familial avec la naissance de cinq enfants, dont deux naîtront dans l’auditorium de l’église Sainte-Odile. Elle sera a ses côtés à chacune des cuissons et son plus fidèle soutien dans les moments difficiles. Pour permettre à Robert Barriot de réaliser cette importante commande, Pierre l’Ermite installe ses ateliers dans la crypte de l’église et sa famille dans l’auditorium situé au-dessus du porche. La crypte présentait l’avantage d’être un espace suffisamment grand pour permettre le repoussage du cuivre et le calme nécessaire sans occasionner des nuisances sonores pour le voisinage. La conception d’un retable en cuivre repoussé émaillé n’était pas chose facile. Cela représentait pour Robert Barriot, non seulement un défi, mais le début d’une aventure dans laquelle il s’était engagé.
Le plus grand défi de toute l’histoire de l’émail : l’émaillage du retable de l'apocalypse selon la deuxième vision de saint Jean
Robert Barriot en créant en 1939 le retable de l’église Sainte-Odile de Paris[7], composé de sept panneaux de 317 × 70 cm, d’une seule pièce en cuivre repoussé et émaillé, a réalisé un chef-d’œuvre qu’aucun artiste émailleur avant lui m’avait tenté ou même imaginé.
Pour Robert Barriot, la chimie des couleurs prédéterminées à l’avance n’a plus cours. Il conçoit et fabrique un émail pur translucide où les couleurs ne se créent qu’au feu à 1 000° en réaction avec le cuivre où seule la virtuosité de l’artiste intervient pour maîtriser et générer une chromatique unique d’une richesse infinie. Cette nouvelle façon d’obtenir des couleurs avec de l’émail est novatrice, unique et risquée, ce qui lui fit écrire : « Je vous ai dit tout au début que je voulais bien tenter tous ces panneaux en une seule pièce. J’ai fait faire un four spécial. Il me faut maintenant, si je fais un minimum de quatre cuissons par panneau, tenter 28 cuissons identiques avec le même obstacle, le même tour de main et obtenir les mêmes résultats. Je ne crois pas qu’aucune tentative semblable ait été faite jusqu'à maintenant. C’est l’inconnu, l’audace ne me manque pas, mais je ne suis pas encore en pleine possession des éléments favorables et j’hésite. Une petite plaque passe encore, mais sept grands panneaux avec un relief semblable… oui j’hésite à tenter ma chance. Voila la véritable raison apportée au retard, d’autant que si je ratais une seule cuisson, ma vie matérielle serait gravement compromise, quoique vous m’avez assuré que vous ne me laisseriez pas tomber[8]. »
Il fallut plus d’un an de repoussage du cuivre et 49 cuissons à 1 000° pour achever cette création.
Au-delà de cette difficulté, aucun four n’existait pour émailler de telles dimensions. Robert Barriot a dû alors concevoir les plans d’un four de 3,50 × 1 m, alimenté à l’électricité. Il confia la réalisation à l’ingénieur H. Druelle en 1936.
La précédente référence est l’émail de Pierre Courteys, émailleur du XVIe siècle qui a réalisé neuf médaillons ovales en 1559. Ils sont constitués chacun de quatre plaques totalisant une hauteur de 1,65 m[9].
En zone libre : 1940-1945. Au pays de contes et légendes du Berry. La résistance
Paris occupé, le gros œuvre de l’église était presque terminé quand faute d’ouvriers, Pierre L’Ermite se résigna à fermer le chantier. On avait plus besoin d’hommes sur le front que sur les chantiers du cardinal. Robert Barriot, n’ayant pu être mobilisé étant asthmatique, avait choisi de partir en zone libre à Argenton-sur-Creuse en 1940. Il avait fini le repoussage du cuivre. Avant de partir, pour ne pas attirer les convoitises et le pillage des œuvres d’art en place et la réquisition du cuivre, il avait dû cacher ses panneaux dans le clocher qui n’était pas terminé. Le retable mis à l’abri, il allait retrouver son Berry natal et entrer dans la résistance. Il utilisera ses talents artistiques pour fournir de faux papiers en reproduisant les tampons de la kommandantur pour aider des juifs à passer en zone libre.
Pendant toutes ces années passées dans le Berry jusqu’à son retour à Paris en 1945, il se consacre à peindre les paysages à la beauté encore sauvage et typique de la région. Il aimait reproduire au fusain et à la sanguine les gestes de la vie quotidienne où paysans et ribaudes représentaient la France profonde d’une époque à jamais révolue. Très attaché à sa province natale, terre de contes et de légendes, Robert Barriot les transcrira en incunables accompagnés de gravures à la pointe sèche.
Pierre l’Ermite lui avait confié la réalisation pour le clocher de l’église Sainte-Odile d’un coq en cuivre repoussé, installé en pleine occupation, Pierre l’Ermite écrira dans son livre Sainte Odile à Paris : « Un coq qui passe au nez et à la barbe des allemands… »
Mais il sera mitraillé à l’arrivée des armées du général Leclerc à la Libération de Paris. Robert Barriot réalisera un deuxième coq surmonté de la croix de Lorraine.
En pleine occupation, au péril immédiat de la présence allemande, Robert Barriot réalise La Danse macabre (1940-1945).
La Dance Macabre
À l’origine La Danse macabre est un élément, le plus achevé, de l'art macabre du Moyen Âge, du XIVe au XVIe siècle. Par cette sarabande qui mêle morts et vivants, la Danse macabre souligne la vanité, des distinctions sociales, dont se moquait le destin. Cette forme d'expression est le résultat d'une prise de conscience et d'une réflexion sur la vie et la mort, dans une période où celle-ci est devenue plus présente et plus traumatisante. Les guerres — surtout la guerre de Cent Ans. Elle est souvent, dès le début, accompagnée par un instrument de musique. Cette caractéristique appartient au riche répertoire de la symbolique de la Mort, elle charme les hommes avec sa musique. L’instrument évoque le côté séducteur du pouvoir d’enchantement de la musique.
Ce n’est donc pas un hasard si Robert Barriot réalisa sa Danse macabre (6 × 1 m) pendant la guerre de 1940 en y incluant au milieu de la fresque la domination allemande, le marché noir, le pillage, la souffrance des humbles, sous le regard complice le l’autorité militaire et religieuse. La scène est orchestrée par de grandes orgues ou la Mort y joue sa partition. On y retrouve comme dans la majeure partie de son œuvre sa perception du monde avec une volonté d'humaniser le sacré et de sacraliser l’humain. La dernière scène représente un christ en croix dépourvu de sa couronne d’épines, celle-ci est pourtant bien présente, elle est représentée dans la frise et enserre l’ensemble de l’œuvre, elle lie les destinées. La mort tient une grille entr’ouverte « Que votre volonté soit faite ».
1945-1953 - « Dans le clocher de Sainte-Odile vit un artiste du Moyen Âge »
« […] Si vous allez sur le chantier, vous trouverez le petit Robert Barriot tapant d’une main nerveuse sur les grandes plaques de cuivre rouge où s’inscrivent rugueusement les 24 vieillards de l’Apocalypse » — Pierre l’Ermite, Sainte Odile à Paris.
De retour du Berry en 1945 avec sa famille qui s’était agrandie de trois enfants, Robert Barriot regagna son clocher. Pierre l’Ermite terminait les embellissements de son église et attendait l’émaillage du retable. La vie parisienne reprenait son cours au gré des cuissons, des expositions et des écoles pour les enfants.
La vie artistique de Robert Barriot était indissociable de sa vie familiale. L’auditorium unique pièce d’habitation et salle d’exposition de ses œuvres, représentait pour les visiteurs et les journalistes, le lieu idéal pour réunir les émotions fortes : l’artiste, ses œuvres, sa famille et dans la crypte l’atelier.
De son atelier de la crypte, à l’abri des regards, sortiront jusqu’à son départ en 1953, les plus grandes compositions émaillées, toutes aussi exceptionnelles et uniques au monde.
Le Christ aux larrons (plaque unique en relief de 2 Ă— 0,80 m) 1939-1946
Œuvre étrange reprenant l’image emblématique d’une religion, et pourtant la proximité des corps des deux larrons et celui de Jésus, enchevêtrés, fusionne le pur et l’impur, un bras du supplicié s’est détaché suggérant que le crucifié pendait pitoyablement. Une corde a été utilisée pour rattacher ce bras et rendre la dignité à l’horreur d’une exécution, geste profondément humain, sensible, compassionnel, d’un inconnu, celui qui interroge, questionne, entravé avec ce même cordage, n’est qu’un voleur tourné vers le visage inanimé du prophète. Cette œuvre interpelle notre nature profonde, nos démons, nos espérances, elle fit dire à Olivier Roth « On sent dans toute l’œuvre de Robert Barriot, une volonté d’humaniser le sacré et de sacraliser l’humain ». Robert Barriot disait lui-même : « J’ai décoré un bordel, je l’ai fait avec autant d’intérêt qu’un chemin de croix », c’est un sujet tout aussi humain.
Exposition permanente dans l’auditorium de l’église Sainte-Odile à Paris
Jusqu’en 1953, date de son expulsion de l’église avec sa famille par le nouveau curé, l’abbé Girod de l’Ain, l’auditorium aura été l’écrin privilégié d’expositions permanentes des œuvres de Robert Barriot, cet artiste égaré des siècles, qui défrayait la chronique dans les journaux et qui offrait à tous le privilège d’admirer les plus grands émaux du monde.
L’église Sainte Odile est la seule de toutes les églises de Paris à avoir été non seulement un lieu de culte mais un lieu d’exposition et de vie familiale pendant plus de dix ans. Robert Barriot obtiendra pendant toutes ces années passées à Paris les plus prestigieuses récompenses.
Il obtient une médaille d’or à l’Exposition universelle de 1937 à Paris, est nommé meilleur ouvrier de France en 1939, officier du Mérite artisanal en 1951 et diplômé d’honneur à l’Exposition internationale de Florence. En 1962, il est nommé chevalier de l'ordre national du Mérite.
Lors de l'exposition à l'Orangerie du Sénat à Paris en 2007[10], Andreù Vilasis commentera ainsi les œuvres exposées : « Les émaux de Robert Barriot sont et resteront la plus grande énigme de l’émaillage pour les émailleurs d’aujourd’hui. Aucun émailleur à l’heure actuelle n’est en mesure de reproduire le travail titanesque et unique de Robert Barriot. Aucune expertise n’a pu situer les œuvres dans les références existantes, aucun classement n’est possible, tant l’œuvre est atypique et dépasse toutes les réalisations depuis plus de 5 000 ans d’histoire de l’émail[3]. »
1953-1970 : retour en Berry
En 1953, Robert Barriot quitte l’église Sainte-Odile pour retourner dans son Berry natal. Il achète une propriété près de Chezal-Benoit dans le Cher. Une grande maison bourgeoise avec des écuries où il pourra installer ses ateliers et remonter son four. Jusqu’à sa mort survenue en 1970, il n’aura de cesse de continuer ses recherches sur la capricieuse alchimie de l’émail avec des réalisations de plus en plus audacieuses.
Il obtient deux couleurs inclassables, insaisissables. Elles n’apparaissent qu’à la cuisson dans un instant très particulier et fugitif. Il les nomma « bleu de cuivre » et « rouge de cuivre ». Elles avaient une importance capitale pour lui. Elles concrétisaient la maîtrise extrême que l’on peut avoir sur la matière, non par une chimie calculée reproductible mais par la virtuosité et le savoir.
La Fade (plaque unique en relief de 80 × 80 cm), figurant une fée sauvageonne, d'un trait pur essentiel, de forme ronde, matrice, la terre, femme seule, sans mise en scène, est une expression où la douleur est présente, sans outrance, mais aussi la concentration indicible de cet effort primordial donnant la vie avec ce mouvement circulaire qui se perpétue, se transmet dans l’enfant en train de naître, s’exprime sans violence avec une extrême douceur et un profond respect.
Dès la réinstallation de son atelier, il transforme son four au propane pour des raisons économiques. En 1954, il exécute pour le compte de l’abbé Girod de l’Ain, le bas du retable qu’il complète avec l’émaillage de sept panneaux en cuivre repoussé de 80 × 80 cm, représentant les sept églises de la Bible.
En 1962, les frères Jan et Joël Martel, sculpteurs, lui confient d’après leur dessin la réalisation d’un ange musicien (Ange à la trompette) pour la cathédrale de Metz qu’il réalise en cuivre repoussé de 2,50 m de haut. Il sera doré à la feuille. Il honore des commandes pour des bâtiments publics, écoles, bibliothèques, banques, églises et pour des collectionneurs privés.
Travailleur infatigable, les projets les plus fous n’auront pas eu l’opportunité d’être réalisés. Il conçoit les plans d’églises entièrement décorées de fresques sur les façades pour les missionnaires du Canada. Ce projet ne sera jamais réalisé. Robert Barriot devait honorer avant tout l’importante commande du retable tandis que se dessinaient à l’horizon les prémices de la guerre.
Joseph-Charles Lefèbvre, cardinal de Bourges et Robert Barriot avaient espéré réaliser le projet le plus exaltant de toute l’histoire de l’émail : un chemin de croix en émail polychrome de 42 × 1,60 m, destiné à la crypte de la cathédrale Saint-Étienne de Bourges. Ensemble ils avaient échoué devant le refus des monuments historiques. Cependant, Joseph-Charles Lefèbvre obtint de l’architecte des monuments historiques de l’époque la réalisation d’un émail sur cuivre repoussé de sainte Jeanne de France, duchesse du Berry (2 × 0,80 m). Il sera inauguré le à la cathédrale Saint-Étienne de Bourges en l’honneur de la canonisation de sainte Jeanne de France en présence de Feltin, archevêque de Paris et de Joseph-Charles Lefèbvre, cardinal de Bourges.
Toujours à la recherche de techniques nouvelles, Barriot se lance dans la réalisation de statues entièrement émaillées de 70 cm de haut, encore un tour de force sans précédent, véritable prouesse technique et merveille de l’alchimie. Il produira à la fin de sa vie des couleurs de plus en plus étonnantes jusqu’aux couleurs délicates des irisés.
Dans ses cartons dorment 20 siècles d’histoire du Berry depuis les Bituriges jusqu’à nos jours. Les illustrations de ce récit devaient être réalisée en incunables. Elles étaient destinées à la vente pour financer la réalisation d’un émail polychrome de 60 × 1 m. Un projet qu’il lui tenait à cœur et qu’il n’aura pas eu le temps de concrétiser, faute de temps et de moyens.
À la fin de sa vie, un de ses plus grands regrets fut assurément de n’avoir pu réaliser son chemin de croix.
Jusqu’à sa mort survenue le , il gardera auprès de lui les œuvres dont il refusait de se séparer. Elles représentent à ce jour, la plus importante collection d’émaux contemporains avec non seulement plus de 200 émaux polychromes et sur cuivre repoussé, mais elle révèle son insatiable envie de créer dans des domaines aussi divers que les arts décoratifs, la céramique, l’aquarelle, l’enluminure sur parchemin, la gravure, les incunables, fusains et sanguines, décors de théâtre, fresquiste, dessinateur de mode pour les grands noms de la haute couture, dinanderie, etc.
RĂ©compenses et distinctions
- 1925 : médaille d'argent à l'Exposition internationale de Paris.
- 1926 : médaille d'or à l'Exposition des Arts décoratifs de Madrid.
- 1937 : médaille d'or à l'Exposition internationale de Paris.
- 1939 : médaille d'argent d la chambre de commerce de l'Oise.
- 1939 : meilleur ouvrier de France (Ă©mailleur).
- 1947 : médaille de bronze des Arts-Sciences-Lettres.
- 1948 : médaille de bronze de la Société centrale des architectes. Fondation Sédille.
- 1949 : Exposition du Travail, diplômé et membre du jury.
- 1951 : diplĂ´me d'honneur Ă l'Exposition internationale de Florence.
- 1952 : officier du MĂ©rite artisanal.
- 1952 : médaille hors-concours de la chambre des métiers de la Seine.
- 1953 : médaille d'argent des Arts-Sciences-Lettres.
- 1962 : Chevalier de l'ordre national du MĂ©rite.
- 1968 : prix de l'Année à l'exposition du musée d'Art moderne de Paris
- 1969 : hors-concours à l'exposition du musée d'Art moderne de Paris.
Expositions
- 1945-1953 : exposition permanente dans l'auditorium de l'Ă©glise Sainte-Odile de Paris.
- 1955-1970 : exposition permanente au château de la Bruyère à Chezal-Benoît.
- 1972 : chapelle des PĂ©nitents Blancs, Vence.
- 1993 : château-mairie de Tourrettes-sur-Loup, 12e Rencontre des arts, iInvité d’honneur.
- 1994 : 2e Rencontres internationales de l’émail de Morez, invité d’honneur.
- 1995 : musée municipal de l'Émail contemporain à Salou-Tarragone, Espagne.
- 1998-1999 : célébration du centenaire de la naissance de Robert Barriot à l'abbaye de Noirlac.
- 2008 : Centre universitaire de Nice, Le mois de l’Art sacré.
- 2008 : orangerie du SĂ©nat Ă Paris[10].
- 2009/2010 : musée Rétif à Vence[11].
Journées européennes du patrimoine
- 1998 : abbaye de Noirlac.
- 2003 : Ă©glise Sainte Odile, Paris.
- 2004 : Association Robert Barriot, Vence.
- 2009 : musée Rétif, Vence.
Notes et références
- « Portrait de Robert Barriot », Couleur émail, no 4, pp. 2 et 3 (en ligne).
- Ceux-ci sont des médaillons émaillés composés d'un assemblage de quatre panneaux totalisant une hauteur de 1,65 m.
- Maurice Croze, « Portrait d'Andreù Vilasis », Couleur émail, p. 10 (en ligne).
- Maurice Croze, Robert Barriot : connu et inconnu, Publibook, p. 13 (en ligne).
- Père de Paul Morand.
- Il n’existe aucune trace ni document à ce sujet.
- Site officiel de la mairie du 17e arrondissement de Paris.
- Extrait de la lettre de Robert Barriot à Jacques Barges, architecte de l’église Sainte Odile à propos du retable (1939).
- Musée national de la Renaissance (cf. site officiel du musée de la Renaissance))
- Présentation de l'exposition Robert Barriot sur le site Officiel du Sénat.
- Site officiel du Musée Rétif.
Annexes
Bibliographie
Liens externes
- Site officiel
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- (de + en) Artists of the World Online
- (en) Bénézit
- Site officiel.
- Article sur l’œuvre de Robert Barriot sur le site vence-info.fr.