AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Revolver (album)

Revolver est le septiĂšme album studio des Beatles, paru le au Royaume-Uni et trois jours plus tard aux États-Unis, avec une liste de chansons lĂ©gĂšrement diffĂ©rente. EnregistrĂ© sur une pĂ©riode de trois mois, il est souvent considĂ©rĂ© comme un album majeur de leur carriĂšre et l'un des plus influents de tous les temps par les critiques, figurant entre autres Ă  la onziĂšme place dans la liste de 2020[1] des 500 plus grands albums de tous les temps du magazine Rolling Stone et Ă  la troisiĂšme place, dans la liste de 2003[2].

Revolver confirme le tournant du style musical des Beatles amorcĂ© avec Rubber Soul. DĂ©laissant leur image de « bons garçons », les Beatles marquent avec cet album le dĂ©but de l'Ăšre psychĂ©dĂ©lique. Leur crĂ©ativitĂ© artistique se dĂ©bride et continuera avec l'album suivant, Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, en 1967. Les Beatles sont dans une pĂ©riode oĂč les tournĂ©es incessantes font place Ă  un travail continu en studio.

Historique

Contexte

Avec Revolver, enregistrĂ© aux studios EMI entre le et le , les Beatles deviennent un vĂ©ritable groupe de studio et s'Ă©cartent de plus en plus de la scĂšne[3]. Deux exemples sont frappants Ă  ce titre : d'une part, aucune des quatorze chansons prĂ©sentes sur l'album n'est pratiquement conçue, pensĂ©e ou seulement apte Ă  ĂȘtre jouĂ©e en concert (dans la configuration deux guitares, une basse et une batterie) et aucune ne l'a d'ailleurs Ă©tĂ© par le groupe durant ses derniers concerts en Allemagne, au Japon, aux Philippines et aux États-Unis, cet Ă©tĂ©-lĂ  — Ă  l'exception notable de Paperback Writer, chanson indissociable de la pĂ©riode de rĂ©alisation de cet album, mais parue indĂ©pendamment en single. D'autre part, lorsqu'ils entrent en studio pour la premiĂšre session d'enregistrement de Revolver, le titre auquel ils s'attaquent est Tomorrow Never Knows, oĂč tout ce qu'il est possible de faire avec la technologie de l'Ă©poque et mĂȘme beaucoup plus, va ĂȘtre mis en Ɠuvre[3] - [4].

Dans la foulée de Rubber Soul (1965), les Beatles peuvent aller de plus en plus loin dans l'innovation technique et créatrice et s'affranchir de toutes les rÚgles.

« En studio, leurs idĂ©es devenaient bien plus efficaces. Ils commençaient par me dire ce qu'ils voulaient, et puis ils me rĂ©clamaient d'autres idĂ©es et d'autres moyens pour traduire ces idĂ©es. En Ă©coutant Revolver, on peut se rendre compte que les garçons Ă©coutaient beaucoup de disques amĂ©ricains et demandaient ensuite : « Est-ce qu'on peut obtenir cet effet-lĂ  ? ». Ils voulaient que nous fassions des choses extrĂȘmes, mais cette fois, au mixage, ils utilisaient au maximum l'Ă©galisation : ils voulaient un son trĂšs pointu pour les cuivres, mais aussi supprimer toutes les basses. Nous utilisions tout le registre des Ă©galisations sur le disque, et si cela ne suffisait pas, nous le repassions Ă  l'Ă©galisation pour dĂ©multiplier. Nous obtenions les sons les plus bizarres, chose que les Beatles aimaient et qui Ă  l'Ă©poque fonctionnait. »

— George Martin[5]

Innovations techniques

« De façon incroyable, toutes les pistes de Revolver ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es dans le studio, sous nos propres yeux. Les Beatles n'avaient pas rĂ©pĂ©tĂ© auparavant, il n'y avait eu aucune prĂ©-production. Quelle extraordinaire expĂ©rience ce fut de voir chaque chanson se dĂ©velopper et fleurir confinĂ©e entre ces quatre murs ! Quasiment tous les aprĂšs-midis, John, Paul ou George arrivaient avec une feuille de papier gribouillĂ©e avec des paroles ou une sĂ©quence d'accords, et en un jour ou deux, nous avions une nouvelle merveille couchĂ©e sur bande. À chaque fois, je pensais Wow, Ă  quoi va ressembler la prochaine ?, ce qui me donnait la volontĂ© de rendre le son encore meilleur pour essayer de dĂ©passer ce que nous avions dĂ©jĂ  fait »

— Geoff Emerick[6]

Aux cĂŽtĂ©s de George Martin et des Beatles, un tout jeune ingĂ©nieur du son fait donc ses dĂ©buts : Geoff Emerick, Ă  peine ĂągĂ© de 20 ans[3]. Il va d'entrĂ©e de jeu changer la façon d'enregistrer la batterie en positionnant les micros plus prĂšs des fĂ»ts, en « assourdissant » la grosse-caisse Ă  l'aide de vĂȘtements placĂ©s Ă  l'intĂ©rieur — le jour mĂȘme de son entrĂ©e en fonction, le — et la basse, en se servant d'un haut-parleur comme micro placĂ© en face de l'ampli[7]. Emerick ignore dĂ©libĂ©rĂ©ment les rĂšgles strictes Ă©dictĂ©es dans les studios EMI et se met totalement au service des Beatles avides d'expĂ©rimentations[4]. Pour eux, un autre membre du personnel technique d'EMI, Ken Townsend, invente le moyen de ne plus avoir Ă  doubler sa propre voix, l'automatic double tracking et Ă  partir de celui-ci invente le flanger[3].

Enfin, le groupe et l'Ă©quipe technique vont utiliser davantage de bandes sonores qu'Ă  leur habitude, du fait des nombreuses expĂ©rimentations qu'ils vont mettre en place pour chaque chanson. A cette Ă©poque, ils utilisent des machines Ă  4 bandes, ce qui contraint l'enregistrement des instruments et des voix ; la solution consiste alors Ă  fusionner plusieurs pistes en une seule pour gagner de la place et permettre un mixage plus clair. Par exemple, le quartet figurant sur Eleanor Rigby est enregistrĂ© sur quatre bandes distinctes ; celles-ci sont ensuite mixĂ©es sur une seule, libĂ©rant ainsi trois bandes qui sont alors rĂ©employĂ©es pour la voix et les chƓurs. À titre de comparaison, sur les deux prĂ©cĂ©dents albums, seules 2 chansons avaient nĂ©cessitĂ© plus de 4 pistes tandis que sur Revolver, le total s'Ă©lĂšve Ă  11 chansons[3].

Au total, l'album nĂ©cessite plus de 300 heures d'enregistrements et de mixage[3].

Premier son inversé de l'histoire du rock

I'm Only Sleeping est rĂ©putĂ©e pour contenir le premier solo de guitare inversĂ© (jouĂ© par George Harrison) — ou tout simplement, en compagnie de Rain enregistrĂ©e quelques jours plus tĂŽt, la premiĂšre bande musicale jouĂ©e Ă  l'envers — de l'histoire du rock.

Quant à savoir comment cet effet fut découvert, selon Paul McCartney, le groupe était en train d'enregistrer le solo de guitare de George Harrison lorsque le technicien chargé du magnétophone mit la bande à l'envers :

« Ça jouait Ă  l'envers, « bordel qu'est-ce qui se passe ? ». Cet effet ! Personne n'avait alors entendu de choses Ă  l'envers. On a dit « mon dieu, c'est fantastique, on peut faire ça pour de bon ? ». Alors George Martin, bĂ©ni soit-il, Ă©tant favorable Ă  ce genre d'idĂ©e et plutĂŽt aventureux pour une « grande personne raisonnable » a rĂ©pondu « oui, je crois que c'est possible ». Alors on l'a fait et c'est ce jour-lĂ  que nous avons dĂ©couvert la guitare Ă  l'envers. C'Ă©tait un beau solo en fait. Ça sonne comme quelque chose qu'on ne pourrait pas jouer. »

— Paul McCartney[8]

La version que donnent John Lennon et George Harrison est différente. C'est en fait John qui aurait accidentellement enclenché à l'envers, chez lui, la bande de travail de la chanson Rain enregistrée quelques jours avant I'm Only Sleeping et serait revenu aux studios tout heureux de sa trouvaille[9]. On l'entend ainsi chanter à l'envers à la fin de Rain, George Harrison se chargeant de transformer l'essai à la guitare sur I'm Only Sleeping.

Expérimentation et psychédélisme

Un autre exemple de nouveautĂ© est Tomorrow Never Knows (« Demain ne sait jamais », encore un accident de langage signĂ© Ringo Starr[5]). Premier morceau enregistrĂ© mais dernier titre de Revolver, c'est un cas particulier : jouĂ© sur un seul accord (le do), incluant des boucles sonores prĂ©parĂ©es par Paul, des bandes mises Ă  l'envers, accĂ©lĂ©rĂ©es, mixĂ©es en direct avec plusieurs magnĂ©tophones en sĂ©rie actionnĂ©s par autant d'ingĂ©nieurs du son — une dizaine — envoyant les boucles Ă  la demande vers la table de mixage, il ouvre l'Ăšre du rock psychĂ©dĂ©lique et peut aussi ĂȘtre considĂ©rĂ© comme le titre prĂ©curseur de la techno. Les prouesses de George Martin et des ingĂ©nieurs du son des studios EMI — Ă  commencer par Geoff Emerick — vont jusqu'Ă  rĂ©pondre aux demandes de John Lennon, dĂ©sirant que sa voix Ă©voque celle du dalaĂŻ-lama chantant du haut d'une montagne. Ils Ă©laborent cet effet en faisant passer la voix de John dans une cabine Leslie conçue Ă  l'origine pour les orgues Hammond[3]. L'effet produit par les haut-parleurs rotatifs de la cabine Leslie, appliquĂ© Ă  la voix de Lennon, donne l'impression qu'elle surgit de l'au-delĂ [4].

« De tous les morceaux des Beatles, c'est celui qui ne pourrait pas ĂȘtre reproduit : il serait impossible de remixer aujourd'hui la bande exactement comme on l'a fait Ă  l'Ă©poque ; le « happening » des bandes en boucle, quand elles apparaissent puis disparaissent trĂšs vite dans les fluctuations du niveau sonore sur la table de mixage, tout cela Ă©tait improvisĂ©. »

— George Martin[10]

Parution et réception

Revolver sort le , soit huit mois aprĂšs la parution de Rubber Soul, ce qui est Ă  l'Ă©poque le plus grand Ă©cart de publications entre deux albums du groupe[3]. Il paraĂźt Ă©galement trois mois aprĂšs Pet Sounds des Beach Boys et, comme ce disque venu des États-Unis Ă©tait une forme de rĂ©ponse Ă  Rubber Soul, Revolver est comme la rĂ©ponse des Beatles.

L'album est un gros succĂšs commercial des deux cĂŽtĂ©s de l'Atlantique. Les Beatles Ă©galent le record d'Elvis Presley de 7 LP Ă  la premiĂšre place des hit-parades. Au Royaume-Uni, l'album prend immĂ©diatement la tĂȘte des charts le , y culmine 7 semaines consĂ©cutives et y reste 34 semaines en tout[3]. Il s'agit de la seconde meilleure vente d'albums de l'annĂ©e 1966, derriĂšre The Sound of Music, bande-son du film La MĂ©lodie du bonheur. À noter que le podium est complĂ©tĂ© par Rubber Soul, album immĂ©diatement prĂ©cĂ©dent des Beatles[11]. Le succĂšs est similaire aux États-Unis oĂč l'album reste 6 semaines Ă  la tĂȘte des charts[12] et y reste pas moins de 77 semaines[3]. Il est maintenant certifiĂ© 5 fois platine par la RIAA[13].

En , Ray Davies, leader des Kinks, commente chacune des chansons de l'album dans le magazine Disc and Music Echo. Le rĂ©sultat est selon lui mitigĂ© : qualifiant d'une part Yellow Submarine de sottises et Taxman de chanson un peu limitĂ©e, il apprĂ©cie tout de mĂȘme Here, There and Everywhere, I'm Only Sleeping et Good Day Sunshine, cette derniĂšre Ă©tant pour lui un vrai retour aux sources pour les Beatles. En fin de compte, Davies dĂ©clare prĂ©fĂšrer l'album prĂ©cĂ©dent, Rubber Soul, Ă  Revolver[14].

Toutefois, l'album est considĂ©rĂ© comme Ă©tant l'un des plus importants de l'histoire du rock et il est mis Ă  l'honneur dans les diffĂ©rents classements de magazines tels Rolling Stone[15] ou Time Magazine[16]. Il occupe par ailleurs la premiĂšre place chez Q Magazine[17] et VH1[18]. PopMatters dĂ©crit l'album comme « l'Ɠuvre des membres du plus grand groupe de musique pop, au sommet de leur art et conscients de l'ĂȘtre »[19]. Le AllMusic le considĂšre comme « l'ultime album de pop moderne, mĂȘme aprĂšs Sgt Pepper »[20]. En 2014, L’Osservatore Romano, l'organe officiel du Vatican, a mĂȘme placĂ© le disque en premiĂšre place des 10 meilleurs albums pop de l'histoire[21]. Il est Ă©galement citĂ© dans l'ouvrage de rĂ©fĂ©rence de Robert Dimery Les 1001 albums qu'il faut avoir Ă©coutĂ©s dans sa vie et dans un considĂ©rable nombre d'autres listes[22].

Ce succÚs à la fois critique et commercial a incité d'autres artistes à reprendre l'album dans son intégralité :

  • Revolver Jazz de Don Randi Trio (Reprise, 1966) ;
  • The Revolver Suite par Bozo Allegro (Marx Music, 1998) ;
  • Revolver Reloaded par diffĂ©rents artistes (Mojo Records, 2006).

Caractéristiques artistiques

Évolution crĂ©ative

« Si Rubber Soul a été l'album de l'herbe, Revolver est celui de l'acide. »

— John Lennon[5]

En 1966, les Beatles ont grandi. Ils frĂ©quentent les clubs et les boĂźtes de nuit Ă  la mode, oĂč ils passent du temps avec les artistes en vue du moment, dont les Stones et les Animals[5]. Ils chargent Barry Miles, personnage important de la scĂšne underground de Londres, de leur envoyer les derniĂšres publications avant-gardistes[23]. Paul McCartney en particulier s'intĂ©resse Ă  la vie culturelle londonienne, maintenant qu'il y habite et ouvre la galerie d'art Indica avec John Dunbar et Peter Asher ; il Ă©coute des gens comme Karlheinz Stockhausen et va voir des piĂšces de thĂ©Ăątre. George Harrison, qui a rĂ©cemment assistĂ© Ă  un concert de Ravi Shankar, se passionne pour la musique indienne — qu'il qualifie en 1966 de « seule grande musique actuelle » — et entraĂźne les autres Beatles avec lui[5]. Le psychĂ©dĂ©lisme, mouvement de contre-culture liĂ© Ă  la consommation de drogues hallucinogĂšnes, est propagĂ© par des personnalitĂ©s comme Timothy Leary et Owsley Stanley. Ainsi, tout le contexte de l'Ă©poque va largement influencer les compositions des Fab Four, les inspirer et les ouvrir Ă  d'autres horizons.

Pendant longtemps, le rĂ©pertoire des Beatles se constituait exclusivement de chansons conventionnelles Ă  propos de filles et d'amour. Leur premiĂšre chanson Ă  dĂ©roger Ă  cette rĂšgle est Nowhere Man, parue sur l'album Rubber Soul fin 1965. Avec Revolver, cette tendance se confirme et la galerie de thĂšmes et de personnages s'Ă©largit encore. Sont abordĂ©s : un percepteur, une bigote solitaire, le sommeil et la paresse, le capitaine d'un sous-marin jaune, un docteur douteux et mĂȘme le Livre des morts tibĂ©tain. À quelques exceptions prĂšs, les textes de Revolver sont directement inspirĂ©s des expĂ©riences personnelles des Beatles[24], contrairement Ă  leurs dĂ©buts oĂč ils avaient gĂ©nĂ©ralement tendance Ă  imaginer les situations de leurs chansons. Une page de l'histoire du groupe est donc tournĂ©e, ses membres Ă©tant au sommet de leur collaboration et de leur cohĂ©sion.

Au sein du tandem Lennon/McCartney, toutes les chansons sont encore Ă©crites en collaboration, mais la patte de leur auteur principal transparait nettement. À ce stade de leur parcours commun d'auteurs-compositeurs, l'un arrive avec une chanson pratiquement finie et l'autre apporte sa touche, pour un pont, pour une idĂ©e musicale ou des paroles supplĂ©mentaires. Cela pourra se poursuivre en studio, oĂč par exemple, toutes les Ă©tonnantes boucles sonores (dont certaines sonnent comme des cris de mouette) audibles dans Tomorrow Never Knows sont l'Ɠuvre de Paul[5].

John Lennon est au meilleur de sa forme et innove notamment avec I'm Only Sleeping — un manifeste de la paresse — oĂč le solo de guitare est passĂ© Ă  l'envers. TrĂšs portĂ© sur la consommation de LSD, il transmet ses expĂ©riences de la drogue dans trois chansons de l'album. Doctor Robert raconte l'histoire — vĂ©ridique — d'un mĂ©decin new-yorkais prĂȘt Ă  prescrire toutes les pilules qu'on lui demandait. Un trip Ă  Los Angeles est Ă  l'origine de son She Said She Said tandis que le crĂ©atif Tomorrow Never Knows, Ă©crit sous acide, traite de prĂ©ceptes du bouddhisme tibĂ©tain. Enfin, il signe And Your Bird Can Sing, petite chanson dans le plus pur style psychĂ©dĂ©lique, qui reprend et dĂ©veloppe des effets de guitare qui n'apparaissaient que discrĂštement Ă  la fin de Ticket to Ride.

De son cĂŽtĂ©, Paul McCartney s'affirme comme mĂ©lodiste douĂ©, sur le chemin qui le mĂšnera Ă  devenir bientĂŽt la figure harmonique dominante du groupe. Il compose trois de ses plus belles chansons, avec For No One, Here, There and Everywhere et Eleanor Rigby. Il Ă©voque dans les deux premiĂšres sa relation avec Jane Asher : tandis que For No One est tirĂ©e d'une dispute, Here, There And Everywhere, aux harmonies vocales inspirĂ©es par les Beach Boys, reflĂšte l'amour idĂ©al. Eleanor Rigby parle d'une vieille dame solitaire qui travaille dans une Ă©glise, et seuls des instruments de musique de chambre sont utilisĂ©s sur la chanson. McCartney Ă©crit aussi pour Ringo Starr un des classiques du groupe, Yellow Submarine, qui sera Ă  l'origine du film homonyme et de sa bande-originale associĂ©e deux ans plus tard. Eleanor Rigby et Yellow Submarine sortent aussi en single « double face A » en mĂȘme temps que Revolver. Ce single restera quatre semaines en tĂȘte du hit-parade britannique[25]. « Macca » est Ă©galement l'auteur de Good Day Sunshine, une chanson ensoleillĂ©e Ă  la Lovin' Spoonful et de Got to Get You into My Life, chanson inspirĂ©e par la Soul et plus particuliĂšrement le "son Motown" oĂč, Ă  l'image de son comparse Lennon, il glisse des allusions Ă  la drogue.

George Harrison n'est pas en reste et franchit un nouveau cap dans son parcours de songwriter, en proposant trois compositions plus abouties que les prĂ©cĂ©dentes, incluant le titre qui ouvre l'album, Taxman. Le sitar, dĂ©jĂ  entendu dans Norwegian Wood, l'a sĂ©duit ; son admiration pour l'Inde, dont il ne se dĂ©partira plus, devient Ă©vidente avec Love You To, composĂ©e spĂ©cifiquement pour l'instrument indien. Il signe enfin I Want to Tell You, oĂč il exprime sa difficultĂ© de s'exprimer avec des mots.

Pochette et titre

Une illustration d'Aubrey Beardsley, artiste dont le style a inspiré la technique de dessin pour la pochette.

La pochette de l'album est l'Ɠuvre de Klaus Voormann, ami des Beatles depuis leurs dĂ©buts Ă  Hambourg. Chaque Beatle y est dessinĂ© Ă  la main, dans un style inspirĂ© d'Aubrey Beardsley (exposĂ© Ă  Londres en 1966)[26], avec de gauche Ă  droite et de haut en bas, Paul McCartney, John Lennon, Ringo Starr et George Harrison. Les portraits sont sĂ©parĂ©s par un collage, mĂ©lange de vieilles photos et de dessins. La pochette est entiĂšrement en noir et blanc, ce qui n'Ă©tait plus le cas depuis celle de With the Beatles. Klaus Voormann est prĂ©sent en photo sur la droite de la pochette, prĂšs de sa signature, entre les portraits de Lennon et Harrisson : il devient donc la premiĂšre personne extĂ©rieure au groupe Ă  figurer sur la pochette d'un de leurs albums. Cette crĂ©ation marque un tournant dans l'Ă©volution des pochettes d'albums[3] et lui vaut un Grammy Award pour la meilleure pochette d'album en 1966[27].

Dans une interview au magazine Mojo, en 2006, Voormann en dĂ©voile un peu plus sur l'Ă©laboration de la pochette. D'abord, les Beatles lui avaient fait Ă©couter quelques-uns de leurs nouveaux titres, dont Tomorrow Never Knows. Le morceau l'a sidĂ©rĂ© et il voulait que l'Ă©trangetĂ© qu'elle dĂ©gageait transparaisse aussi sur la pochette de l'album : « Jusqu'oĂč pouvait-il aller ? Jusqu'Ă  quel point pouvait-elle ĂȘtre surrĂ©elle et bizarre ? » Il a donc commencĂ© par dessiner les portraits des Beatles, de mĂ©moire — sauf pour celui de George Harrison qu'il a eu beaucoup de mal Ă  faire —, puis y a ensuite collĂ© les photos rĂ©coltĂ©es auprĂšs du groupe, photos qui, selon lui, laissent voir leur cĂŽtĂ© « gentil ». Finalement, la pochette a fait l'unanimitĂ© auprĂšs du groupe, de George Martin et de Brian Epstein[28].

Avec cette pochette, les Beatles bousculent une nouvelle fois les conventions. En effet, pour la pochette d'album d'un groupe, l'usage était d'utiliser une simple photo sans fantaisie des membres ensemble, comme en témoignent celle de Please Please Me ou encore de My Generation des Who. Avec Revolver, les Beatles proposent la premiÚre pochette entiÚrement pop art[29]. Les maisons de disques concurrentes vont immédiatement suivre le mouvement : pour l'album Face to Face des Kinks, PYE sort une pochette constituée de papillons colorés[30] et Decca crée un dessin pop aux formes étirées pour A Quick One des Who[31]. Les Beatles pousseront plus loin le concept de pochette pop avec celle de leur album suivant, Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band.

Tout comme le titre de Rubber Soul, Revolver est un jeu de mots, se rĂ©fĂ©rant Ă  la fois au revolver en tant qu'arme Ă  feu et au mouvement rotatif (« to revolve » en anglais) des disques lorsqu'ils sont placĂ©s sur un Ă©lectrophone[32]. Les Beatles ont trouvĂ© le titre lorsqu'ils Ă©taient en tournĂ©e au Japon au dĂ©but de l'Ă©tĂ© 1966. À cause des mesures de sĂ©curitĂ©, ils restaient cloĂźtrĂ©s dans leur chambre d'hĂŽtel et se sont finalement arrĂȘtĂ©s sur le mot Revolver, aprĂšs quelques essais infructueux. À l'origine, l'album devait s'appeler Abracadabra, mais les Beatles ont dĂ» se rĂ©tracter lorsqu'ils ont dĂ©couvert qu'un autre groupe avait dĂ©jĂ  utilisĂ© ce nom. AprĂšs ça, les opinions divergeaient : John Lennon voulait comme titre Four Sides of the Eternal Triangle (« Les quatre cĂŽtĂ©s du triangle Ă©ternel ») et Ringo Starr pensait plutĂŽt l'appeler After Geography, pour parodier Aftermath des Rolling Stones, sorti peu avant. Les autres suggestions incluaient Magical Circles, Beatles on Safari, Pendulum et finalement Revolver, dont le jeu de mots mit tous les membres d'accord[32].

Fiche technique

Édition originale

Toutes les chansons sont écrites et composées par John Lennon et Paul McCartney, sauf mention contraire.

Édition française

L'édition française originale est identique en tout point sauf pour le décompte d'introduction (One, two, three, four, one, two) de Taxman - qui est également le début de la bande - qui est pris par erreur par le technicien pour une indication de son homologue britannique et purement et simplement coupé. De plus, sur l'étiquette du disque de ce premier pressage, le titre de la chanson I Want to Tell You est erronément inscrit I Want to Love You[33].

Édition amĂ©ricaine

Comme l'Ă©diteur amĂ©ricain publiait par habitude des albums avec onze ou douze chansons et non quatorze, l'Ă©dition amĂ©ricaine de Revolver ne comportait pas les titres I'm Only Sleeping, And Your Bird Can Sing et Doctor Robert, toutes chantĂ©es par John Lennon, qui avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© placĂ©s sur l'album Yesterday and Today, paru sept semaines plus tĂŽt en AmĂ©rique du Nord[3]. Cette version, rĂ©duite donc Ă  onze chansons, durait environ 28 minutes, contre environ 35 minutes pour l'Ă©dition anglaise. On n'y entend donc Lennon comme chanteur principal que sur deux chansons.

RĂ©Ă©dition

En , la version américaine de ce disque est publié sur CD pour la premiÚre fois dans la collection The U.S. Albums[34].

InterprĂštes

The Beatles

Musiciens additionnels

Sur Eleanor Rigby

Sur Yellow Submarine

Équipe de production

  • George Martin : producteur
  • Geoff Emerick : ingĂ©nieur du son

RĂ©Ă©ditions

Comme tous les albums des Beatles, celui-ci a été réédité sur CD en 1987 et en version remastérisée en 2009.

Special Edition

Revolver Special Editions

Albums de The Beatles

Le , il est annoncé que des éditions remixées et augmentées de l'album seront publiées le [35]; une version Super Deluxe avec cinq CD ou quatre disques vinyles avec un livre à couverture rigide de 100 pages, une version Deluxe comprenant deux disques et finalement l'album seul remixé par Giles Martin et Sam Okell en utilisant la technique de séparation des différents sons en utilisant un algorithme d'intelligence artificielle effectué par Emile de la Rey développé par la WingNut Films Productions Ltd de Peter Jackson et utilisé pour le documentaire The Beatles: Get Back[36]. La réédition atteint la premiÚre position de plusieurs listes de ventes et accÚde la 4e place à son entrée du Billboard 200 album chart[37].

Album original remixé

L'album d'origine est remixĂ© par Martin et mis en marchĂ© sous forme de tĂ©lĂ©chargement, de vinyle 180 grammes noir, en picture-disc et en CD, cette derniĂšre avec un livret accompagnateur.

Édition Deluxe

Cette édition de deux CD inclus l'album originel remixé, en plus d'un livret de 40 pages.

Édition Super Deluxe

Cette version en cinq CD comprend toujours l'album originel remixĂ© en plus de deux disques de rĂ©pĂ©titions et d'improvisations. Le quatriĂšme disque contient un nouveau mixage de l'album mono et un EP contenant les deux chansons du single remixĂ©es en stĂ©rĂ©o et en mono. Une version de quatre 33 tours vinyles 180 grammes et un extended play 12 pouces est aussi disponible. Est Ă©galement inclus un livre de 100 pages Ă©crit par Kevin Howlett. Cette collection est aussi offerte en tĂ©lĂ©chargement[36].

Clips

Une lyrics video d'animation de Taxman, réalisée par Danny Sangra, est sortie le deux semaines avant la mise en marché de la réédition[38].

Le , une vidéo de la chanson I'm Only Sleeping est mise en ligne. Pendant plusieurs mois, l'artiste et réalisatrice Em Cooper (en), qu'on voit à la fin du clip, a peint à la main sur celluloïd chacune des images[39].

Notes et références

  1. (en-US) Rolling Stone et Rolling Stone, « 500 Greatest Albums of All Time », sur Rolling Stone, (consulté le )
  2. (en-US) Rolling Stone et Rolling Stone, « The 500 Greatest Albums of All Time », sur Rolling Stone, (consulté le )
  3. (en) Kevin Howlett et Mike Heatley, Revolver (Livret de l'album), Parlophone, , 24 p.
  4. (en) Mark Lewisohn, The Complete Beatles Recording Sessions: The Official Story of the Abbey Road Years, Londres, Hamlyn, (ISBN 0-600-55784-7)
  5. George Harrison, John Lennon, Paul McCartney, Ringo Starr, The Beatles Anthology, Seuil, (ISBN 2-02-041880-0)
  6. Geoff Emerick, Here There and Everywhere, My Life Recording the Music of the Beatles, Gotham Books, 2006, (ISBN 978-1-592-40269-4), p.118-119 et 129
  7. Geoff Emerick, Here There and Everywhere, My Life Recording the Music of The Beatles, Gotham Books, 2006, p. 10-12, (ISBN 978-1-59240-269-4)
  8. Barry Miles
  9. Comme le raconte George Harrison dans le DVD Anthology, disque bonus
  10. George Martin, Summer of love, The Making of Sgt Pepper's, 1995, Trans-Atlantic Publications; New Ed edition
  11. Sharon Mawer, « Album Chart History 1966 », The Official UK Charts Company (consulté le )
  12. Number One Albums of 1966 (USA)
  13. « Gold and Platinum Top 100 Albums », RIAA (consulté le )
  14. Ray Davies, « Ray Davies reviews the Beatles LP », Disc and Music Echo Magazine, (consulté le )
  15. (en) « Album Reviews: Revolver », sur Rolling Stone Magazine, (consulté le ).
  16. Josh Tyrangiel et Alan Light, « The All-TIME 100 Albums », Time Magazine, (consulté le )
  17. « The 100 Greatest British Albums Ever », Q Magazine, (consulté le )
  18. « All Time Album Top 100 » [archive du ], VH1, (consulté le )
  19. David Medsker, « The Beales: Revolver - PopMatters Music Review », PopMatters, (consulté le )
  20. Stephen Thomas Erlewine, « Revolver Review », Allmusic (consulté le )
  21. (en) « The Vatican’s Top Ten Pop Albums of all Time », sur The Bible and Culture, (consultĂ© le ).
  22. « Acclaimed Music », sur www.acclaimedmusic.net (consulté le )
  23. Steve Turner (trad. de l'anglais), L'Intégrale Beatles : les secrets de toutes leurs chansons [« A Hard Day's Write »], Paris, Hors Collection, , 208 p. (ISBN 2-258-04079-5), p. 99-116
  24. Seules 4 des 14 chansons sont purement imaginaires : Eleanor Rigby, Yellow Submarine, Good Day Sunshine et And Your Bird Can Sing.
  25. (en) No. 1 UK Hit Singles of 1966
  26. Bertrand Lemonnier, L'Angleterre des Beatles, Paris, Kimé, coll. « Le sens de l'histoire », , 476 p. (ISBN 2-84174-016-1), p. 259
  27. « Grammy Awards 1966 », Infoplease.com (consulté le )
  28. Martin O'Gorrnan, « Interview de Klaus Voormann sur la pochette de Revolver », Mojo Magazine,‎ [lire en ligne]
  29. Bertrand Lemonnier, La révolution pop dans l'Angleterre des années 60, Paris, La table ronde, , 250 p. (ISBN 2-7103-0289-6), p. 165-166
  30. La pochette de Face to Face des Kinks
  31. La pochette de A Quick One des Who
  32. (en) Notes sur la pochette de Revolver [lire en ligne]
  33. Masanori Yokono, « Odéon and Apple Label 7. Revolver (LSO/SLSO 105) », sur The Beatles Records Collection (consulté le )
  34. (en) Celebrate 50 Years of Globe-Sweeping “Beatlemania” With 13 Albums Mastered for iTunes! - Site officiel
  35. (en) Ali Shutler, « Deluxe boxset of The Beatles’ ‘Revolver’ to be released : It will follow on from deluxe reissues of ‘Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band’, ‘White Album, ‘Abbey Road’ and ‘Let It Be’ », sur NME, (consultĂ© le ).
  36. https://www.thebeatles.com/announcing-revolver-special-editions-news
  37. (en) Keith Caulfield, « The Beatles’ ‘Revolver’ Reissue Tops Multiple Charts, Hits No. 2 on Album Sales », Billboard,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  38. (en) Fraser Lewry, « The Beatles release new animated video for Taxman », Louder Sound,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  39. (en) « The Beatles Debut "I'm Only Sleeping" Music Video », BraveWords,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.