Retrait-gonflement des argiles
La notion de retrait-gonflement des argiles (ou RGA) désigne les mouvements alternatifs (et souvent répétés dans le temps) de retrait et de gonflement du sol respectivement associés aux phases de sécheresse et réhydratation de sols dits « gonflants » ou « expansifs »[1].
Certaines argiles peuvent perdre 10 % de leur volume en séchant et en gagner autant en se réhydratant. Les lents mouvements différentiels du sol induits par ce retrait-gonflement peuvent détruire les structures ou infrastructures trop peu élastiques pour y résister dans le sol. Ce phénomène affecte saisonnièrement et plus ou moins cycliquement[2] (ou exceptionnellement, selon le contexte) les constructions légères et leurs fondations. Il peut aussi dégrader certains ouvrages d'art et tous les réseaux enterrés (dont les réseaux d'évacuation ou de distribution d'eau, qui sont parfois en amiante-ciment).
Peu spectaculaire car essentiellement lent et souterrain, il ne se traduit en surface que par quelques fentes, désordres ou mouvements de sols. Mais qui peut avoir de graves conséquences (fragilisation ou destruction de fondation, de maisons ou routes, de câbles, tuyaux et autres réseaux ou conduites enterrés...). L'ampleur des dommages « dépend étroitement des variations de teneur en eau dans le sol en dessous des fondations et de la rigidité de celles-ci »[3]. On sait techniquement, sans surcoût important, construire sur des sols argileux gonflants[4], mais peu de constructions anciennes avaient suffisamment anticipé l'ampleur du risque de RGA et son aggravation liée au dérèglement climatique.
L'indemnisation des dommages induits par le RGA est source de coûts souvent élevés pour les propriétaires, pour la puissance publique et les assureurs ; c'est en France « le second poste d'indemnisation aux catastrophes naturelles »[5].
Cet aléa est à prendre en compte par les particuliers et la puissance publique dans les plans et programmes d'adaptation au changement climatique[6].
Histoire du concept
Cet aléa était autrefois supposé surtout toucher les pays à climat chaud, arides ou semi-aride, mais depuis le dernier quart du XXe siècle il concerne les zones argileuses de tous les pays tempérés.
Ce risque devrait augmenter en fréquence et s'aggraver en intensité, en raison du nombre croissant de constructions (cf périurbanisation croissante, artificialisation du paysage, etc.), des prélèvements accrus d'eau en surface et dans les nappes phréatiques, des drainages agricoles et sylvicoles de surface (qui peuvent exacerber les sécheresses et leur durée) et surtout en raison du dérèglement climatique.
Les composantes microstructurale (MEB, porosimétrie, etc.)[7] et physicochimique du phénomène, parfois très complexe, font également l'objet de recherches[8].
Minoration, voire invisibilisation du phénomène
Dans l’espace public, politique et médiatique, alors que des millions de maisons sont concernées dans le monde avec des coûts élevés, le sujet semble faire l’objet de peu controverses et de communication[9] ; il apparait comme un risque naturel « médiatiquement invisible »[10].
Une étude sociologique française a porté sur les raisons journalistiques, politiques, techniques ou encore administratives qui « incitent différentes parties prenantes à chercher ou non la médiatisation du risque argileux »[9]. Elle conclut que « le risque argileux est vécu ou présenté comme un risque dépolitisé aux enjeux faiblement médiatisés, ce qui limite la prise de conscience du phénomène par le grand public et la prise de décisions visant à en réduire l'impact »[9].
Cette étude montre que certains propriétaires préfèrent ne pas parler du problème (pour ne pas dévaloriser la valeur de leur maison), ce qui tend à confirmer des travaux antérieurs, par exemple de Lambert, Claeys et Arnaud en 2017 qui avaient mis en évidence[11] une « alliance objective d’agents immobiliers, de propriétaires, d’opérateurs (notaires et assureurs) »[12].
Le phénomène physique
Il concerne les sols argileux ou riches en argile, dits « gonflants » où des constructions ont été faites sans fondations adaptées à ce risque. Le retrait gonflement peut se produire :
- au niveau de la surface où les argiles sont souvent déconsolidées[1] ;
- en profondeur, où l'argile est généralement « surconsolidée » (et donc gonflante quand elle est déchargée : soumise à une moindre pression, après un arasement de surface ou en flanc de carrière par exemple) ou si à la suite de mouvements de nappe (éventuellement induits par l'Homme) sa teneur en eau change (cas des argiles vertes et d'autres argiles plastiques)[1] ;
- selon des axes horizontaux et verticaux (ou angulaires si le litage de la couche d'argile n'est pas horizontal).
Il peut varier
- selon la qualité de l'argile, son litage, la microstructure du sol[13] et le fait qu'elle ait été ou non compactée[14] ;
- selon la proximité de systèmes racinaires d'une végétation à fort potentiel d'évapotranspiration (grands arbres près d'une maison construite sur sol argileux gonflant typiquement, qui peuvent périodiquement, lors des sécheresses amener la couche d'argile à dépasser ses limites de plasticité)[15] ;
- selon les venues d'eau, qui peuvent accentuer le problème[15] ;
- avec le gel, dans certains cas : quand l'argile est plus ou moins gorgée d'eau, elle subit un retrait au gel, qui « pourrait être attribué au phénomène de cryosuction et de séchage des particules d’argiles » ; au dégel, l'argile peut réabsorber de l'eau, et alors augmenter son volume[16].
Diverses études, dont minéralogiques, des argiles ont mis en évidence deux types différents de gonflement :
- Dans les argiles dont la liaisons interfeuillets est très faible (ex : smectites dont montmorillonite sodique et moindrement montmorillonite calcique), les molécules d'eau ou cations hydratés peuvent se fixer en couche monomoléculaire entre deux feuillets voisins à l'intérieur même des particules d'argile. Le gonflement, qui peut alors être très important, est dit intraparticulaire ou inter-feuillets ou interfoliaire[14] ;
- Dans les autres cas le gonflement provient de l'introduction de molécules d'eau, non pas entre les feuillets des particules mais entre les particules d'argile ; le gonflement est moins important, mais toutes les formes d'argiles non saturées en eau sont concernées[14].
Le retrait (qui induit des effets de succion) et le gonflement (effets d'écrasements, qui peuvent survenir après que des fentes de retrait aient été comblées par du sable volant, du sol superficiel, des restes de végétaux morts à l'occasion de la sécheresse, etc.) sont tous deux sources de désordres, parfois très discrets voire invisibles (sur les réseaux enfouis) mais souvent fonctionnellement importants.
Le RGA affecte les constructions, mais aussi les racines des arbres et d'autres végétaux, ainsi que la circulation verticale et horizontale de l'eau et éventuellement de polluants qu'elle pourrait lessiver et faire circuler. Le phénomène de retrait peut être plus rapide et maximal en période de canicule, surtout si elle se prolonge dans le temps. Selon une évaluation les dégâts induits par le seul retrait des argiles lors de la canicule de 2003 en France aurait coûté 1,1 milliard d'euros[17], en 2022 (année marquée par une sécheresse exceptionnelle), rien que les indemnisations ont coûté 2,9 milliards d’euros aux assureurs[18].
Enjeux
Les enjeux sont nombreux, car ces mouvements de sols peuvent causer des effondrements de bâtiments, dégrader des infrastructures (ex : ruptures de canalisation du réseau de distribution d'eau ou d'égouts, source de fuites et de pollution du réseau de distribution et de l'environnement[1]. En 2009, l'ONRC estime que « près de 400 000 maisons individuelles sont situées en zone d'aléa fort »[19].
Les enjeux sont notamment économiques en raison des coûts importants de prévention, détection et réparation, et d'assurance[1] (En France le coût moyen d'indemnisation d'un sinistre retrait-gonflement était vers 1990 « de l'ordre de 15 000 € par maison », selon le Commissariat Général au Développement durable.
- Une étude britannique du DEFRA a conclu que les années de canicule, un budget représentant 15 % de leur budget annuel d'entretien du réseau de transport sera consacré à la réparation des dégâts dus au RGA[20].
- En France en 2005 le Code des assurances a intégré[21] un système de modulation de la franchise pour les communes reconnues en état de catastrophe naturelle pour le même phénomène de façon répétée et n'ayant pas mis en œuvre des actions préventives adéquates (il s'agit d'encourager à l'établissement de PPR, qui peuvent être imposés par les préfets ; en France quelques PPR spécialisés dits « PPR Argile » sont mis en place[22]).
- Une étude a estimé que pour le Languedoc-Roussillon le coût des dommages aux habitations dû au retrait-gonflement des argiles pourrait être multiplié par 3 à 6[23].
Sans urbanisation nouvelle à partir de 2010 environ, le coût moyen annuel des dommages pour les assureurs passerait en France selon l'Onerc d'environ 220 millions d'euros (référence sur la période 1989-2003) à 700 millions d'euros (scénario B2 du GIEC) ou 1 300 millions d'euros (scénario A2) en 2100 ; c'est-à -dire multiplié par un facteur de 3 à 6 [19]. Or l'urbanisation s'est poursuivie, ce qui implique que malgré des efforts d'adaptation, les coûts devraient augmentent significativement ; d'environ 17 % sur la période 2010-2030 si le nombre de maisons individuelles croît de 0,925 % par an.
Avec l'hypothèse d'un surcoût d'adaptation au RGA de 15 % par maison individuelle (adaptation des fondations) « le changement climatique augmente le périmètre des zones pour lesquelles celle-ci est rentable »[19]. Selon le Groupe interministériel « Impacts du changement climatique, adaptation et coûts associés en France », (2009) « l'analyse réalisée sur l'aléa retrait-gonflement des argiles avec évolution des enjeux d'ici 2030 » fait état de « dommages pouvant être multiplié par 10 sur certains départements et plus couramment par 4 ou 5 dans l'hypothèse de changement climatique la plus défavorable par rapport à un scénario d'économie constante (hypothèse de l'absence d'urbanisation nouvelle) »[24]. - À la Suite d'une succession de sécheresses dans les années 1989-1991, le RGA a été intégré au régime des catastrophes naturelles créé en 1982[25]. En 20 ans le RGA est devenu la seconde cause d'indemnisation (après les inondations) ; de 1995 à 2013 son coût de dédommagement a été évalué à 365 M€ par an en moyenne (contre 540 M€ pour les inondations). De 1989 à 2009 selon la Caisse Centrale de Réassurance il a nécessité 4,5 milliards d'euros de remboursement (pour plusieurs centaines de milliers de maisons sinistrées en France métropolitaine)[26].
Les enjeux sont parfois aussi écologiques et agroécologiques, car l'apparition d'un réseau de fentes de retrait dans le sol (après le drainage d'une zone humide perchée sur lit argileux par exemple) peut se comporter comme un nouveau réseau de drainage ralentissant la réhumidification de l'argile. Les fentes de retrait peuvent alors être comblées par des végétaux en décomposition qui vont y faire un feutrage où l'eau circulera d'une manière nouvelle, parfois sans avoir le temps de réhumidifier l'argile superficielle. La végétation interagit de manière complexe avec les substrats argileux[27]. L'assèchement de zones humides peut conduire à un cercle vicieux auto entretenu de minéralisation et perte de la matière organique qui y était stockée, vers l'assèchemnet et des dégradations irréversibles de tourbières (puits de carbone).
Moyens de mesure
Le degré de retrait/gonflement d'une argile ne peut être précisément mesuré qu'au moyen d'un œdomètre[28] et selon G. Philipponnat en 1985 le paramètre le plus important dans la caractérisation de l'expansivité d'un sol est « la pente de la courbe de déchargement de l'oedomètre (Cg) » [1]. Plusieurs composantes du risque de retrait-gonflement peuvent s'évaluer dans un laboratoire de géotechnique[29].
Le « point neutre » ou la profondeur neutre est un point théorique dit « HN » désignant le point situé dans l'axe d'une fondation, au-delà duquel le sol ne subit plus ni retrait ni gonflement[1].
C'est un point "relatif" ; ainsi en présence d'une baisse de nappe qui a asséché un site, ce point peut être la base de la couche d'argile gonflante, mais en présence de phénomènes saisonniers de battance de nappe, il sera en zone tempérée environ à 1,5 m de profondeur (en terrain horizontal et vierge de travaux) pouvant atteindre plusieurs mètres à proximité d'arbres à racines profondes selon Biddle[30] (en 1983) ou quand le terrain est en pente (avec alors un risque supplémentaire de solifluxion).
France
Des milliers de sinistres ont été déclarés en France lors des sècheresses de 1976, de 1989 (année où la sécheresse a été reconnue comme un risque assurantiel)[31], de 1990, de 2003, 2005 qui ont été lourdement ressenties par les assureurs.
- de 1989 à 2002 (selon le BRGM) « près de 5000 communes (de plus de 75 départements) ont été déclarées en état de catastrophe naturelle pour les mouvements différentiels de terrains liés au retrait-gonflement des argiles », avec un coût cumulé évalué en 2002 à « plus de 3 milliards d'euros »[32] (chiffre sous estimant la réalité car ne tenant compte que des situations reconnues assez graves par les préfets pour qu'il y ait reconnaissance d'état de catastrophe).
- de 1988 à 2011 en France selon une évaluation[33] le RGA aurait à lui seul couté 7 Md€ au titre du régime d'assurance CAT-NAT (qui ne couvre qu'environ 40 à 60 % des dommages matériels réels).
- En 2022, selon Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs (qui dit représenter 99 % des assureurs), 48 % de la France métropolitaine et 54 % des maisons individuelles sont soumis au RGA (soit environ dix millions de maisons concernées). La couverture au titre des catastrophes naturelles est un partenariat public privé basé, côté assureur, sur une cotisation prélevée sur les contrats d'assurance, à taux unique sur tout le territoire. Environ 30 000 nouveaux dossiers par an sont traités, soit un coût cumulé de 16 milliards d'euros en 30 ans[31]. « En 2022, la sécheresse représente désormais 17 % de la sinistralité climatique - qui concerne tous les événements climatiques, la tempête, la grêle, les inondations (...) le dérèglement climatique accentue le phénomène et le coût des sinistres augmente : alors qu'entre 1989 et 2015, la sécheresse a représenté une part constante d'environ 15 % de la sinistralité climatique, elle est passée à 24 % sur les cinq années suivantes ; alors qu'entre 2015 et 2020, les sinistres liés à la sécheresse représentaient en moyenne 950 millions d'euros par an, ils représenteront, pour 2022, entre 1,9 et 2,8 milliards d'euros, au-delà du triste record de 2003 où la canicule avait occasionné 2,1 milliards d'euros de dommages sur les bâtiments »[31]. France Assureurs (2022) plaide pour renforcer le régime des catastrophes naturelles avec : « le maintien de l'indemnisation dans le régime des catastrophes naturelles ; le maintien de l'arrêté de catastrophe naturelle pour la sécheresse ; le refus d'introduire des critères de gravité ; l'introduction d'une condition de réparation effective du dommage, pour indemniser le sinistre ; la définition d'une stratégie nationale du risque de sécheresse (...) il faut faire évoluer ce régime, pour renforcer sa résilience. »[31]. La gravité et la fréquence des sécheresses sont amplifiées par le réchauffement climatique, et elles coûtent de plus en plus aux assureurs : 1 milliard d'euros par an depuis 2016, contre 500 millions en moyenne de 2000 à 2015[34].
Trois DTU concernent cet aléa (les DTU sont des ensembles de normes techniques, de recommandations, et de savoir-faire sur des thèmes précis de la construction : maçonnerie, sols, fondations, etc…
- DTU 13-11 Conditions techniques applicables aux travaux de fondations superficielles ;
- DTU 13-12 Règles de calcul applicables aux travaux de fondations superficielles en béton, béton armé constituées par des semelles isolées, des semelles filantes, des radiers généraux et des massifs semi-profonds ;
- DTU 20-1 Clauses techniques types d'exécution d'ouvrages de parois et murs de bâtiments en maçonnerie traditionnelle de petits éléments ;
Évolutions réglementaires ?
En 2023, la députée Sandrine Rousseau a déposé fin février une proposition de loi visant à modifier le fonctionnement du régime des catastrophes naturelles, jugé trop « complexes, inéquitables et finalement insatisfaisantes » ; en particulier, la responsabilité des constructeurs pourra être engagée pour une période plus longue (en cas de dommages liés au RGA)[34]. Et un rapport parlementaire a porté sur les failles du régime d'indemnisation des sinistres induits par le RGA[35] - [34].
Gestion de l'aléa et des risques associés
Grâce aux progrès croisés des géosciences et de la climatologie, ce risque est théoriquement de plus en plus prévisible et donc cartographiable dans des Plans de prévention des risques généraux ou spécialisés (PPR retrait-gonflement)[36].
Des mesures peuvent donc théoriquement être prescrites pour éviter de construire dans les zones les plus à risque, ou y adapter les techniques d'urbanisme et de construction[37] et en particulier pour les fondations de constructions individuelles[38]. Ainsi doit-il être en France être intégré dans les PPR[39], en s'aidant de la carte géologique de France réalisée par le BRGM[40] pour notamment produire des cartes de risques à échelle départementale[41].
Concernant le bâti, le Groupe interministériel « Impacts du changement climatique, adaptation et coûts associés en France » a en 2009 émis la recommandation suivante :
- « Améliorer les connaissances entre climat et teneur en eau des sols argileux de manière à mieux définir les conditions optimales de fondation des bâtiments. »[24]
Sauf sur de forte pente ou dans certains cas particuliers, une zone, même exposée à un aléa fort de RGA peut rester constructible, si des mesures réglementaires sont respectées (souvent simples et assez peu coûteuses à mettre en œuvre, « ce qui rend acceptable une relative imprécision dans les limites de zonage à l'échelle du parcellaire »)[32].
Alors que les prospectivistes attendent des canicules plus longues, plus fréquentes et plus intenses, entrecoupées de périodes parfois plus pluvieuses ; contexte qui annoncerait une augmentation de la fréquence et de la gravité du RGA[42], la question de la prévention se pose :
- la prévention du risque RGA peut être - dans une certaine mesure - assurée par des mécanismes permettant « une meilleure maîtrise des variations hydriques du sol »[24] de limiter les risques de sécheresse (par une meilleure conservation de l'eau en été dans les régions argileuses ; la réintroduction du castor canadensis en Amérique du nord a montré que via ses barrages, il pouvait jouer localement ce rôle).
- selon Heck (2010) la prévention des dégât les plus graves ou les plus courants peut passer par l'application soigneuse des règles et recommandations de conception et de réalisation en vigueur[43], ce qui implique des campagnes de sensibilisation, information et formation de toutes les parties prenantes. En 2011 en France le Plan national d'adaptation au changement climatique a recommandé d'organiser l'observation des pathologies pour améliorer les outils de sensibilisation aux pratiques de prévention et d'évaluer l'efficience des techniques de fondation adaptées, notamment dans le cas des bâtiments ayant fait l'objet de travaux de renforcement à la suite d'une précédente canicule[44].
Carte de susceptibilité
C'est le préalable à la cartographie des risques ou des dangers (qui après croisement avec le relief et la carte des constructions, réseaux et infrastructures peut conduire à cartographier trois zones ; d'aléa fort, moyen et faible)[32].
Elle est construite à partir de données géophysiques (par le BRGM en France, sur la base des cartes géologiques départementales) en retenant certains facteurs de risques, pour chaque formation géologique affleurante à sub-affleurante :
- nature lithologique de la formation[32]
- composition minéralogique de la phase argileuse : proportion de minéraux gonflants, déterminée d'après la bibliographie ou des analyses diffractométriques aux rayons X[32] ;
- comportement géotechnique du matériau (évalué par des essais de laboratoire et par les retours d'expérience du terrain le cas échéant)[32].
Ces cartographies en partie automatisées ne donnent que des indications de probabilité. Au niveau de la parcelle, seules des études géotechniques complémentaires peuvent confirmer ou non l'aléa[32].
Pour la France métropolitaine (hors ville de Paris), la carte d'exposition au RGA est disponible (téléchargeable), par départements (format SIG Shapefile en coordonnées Lambert 93 ; système RGF93)[45].
Traitement des sols gonflants
Le drainage périphérique des constructions et le traitement à la chaux de sols plastiques fins (argileux en particulier) sont des mesures courantes en terrassement. Ce traitement a été facilité par le développement d'engins de chantier spécialisés et il est devenu très courant dans les travaux publics[46].
Le traitement à la chaux diminue le gonflement des sols très argileux, mais les sols ainsi traités retrouvent un certain comportement de retrait/gonflement après quelques cycles successifs de réhydratation/déshydratation[46]. Le traitement en éprouvette de laboratoire peut ne pas refléter les conditions réelles que l'on cherche à mieux comprendre et modéliser[47].
Les effets successifs d'humidification/séchage sur le comportement d'une argile traitée à la chaux ont été récemment (2017) expérimentalement étudiés dans un remblai expérimental réalisé en argile traitée à la chaux, en parallèle d'expériences de laboratoire conduites sur des échantillons d'argile, traitée ou non en laboratoire[46]. Ce travail a confirmé que le traitement à la chaux ou au ciment réduit fortement le risque de gonflement de l'argile pour le court terme, mais qu'en extérieur, le potentiel de gonflement/retrait réapparait assez rapidement (5 à 8 % de retrait/gonflement dans le remblai expérimental) alors qu'il reste presque nul avec les éprouvettes de laboratoire[46]. Les résultats confirment que l'efficacité du traitement à la chaux ou au ciment sur le gonflement d'une argile plastique tend à diminuer avec le temps[46] - [48].
Prospective
La situation devrait encore empirer, dont en France : « une étude de France Assureurs estime qu'à horizon 2050, le coût des sinistres climatiques doublera par rapport aux trente dernières années, et triplerait même pour la sécheresse »[31].
- Certaines régions (ex : Flandre maritime dans le sud-ouest de la Belgique et dans le département du Nord en France) sont doublement exposées à un risque de submersion marine et très fortement au RGA[22] ; ces deux risques peuvent se combiner dans l'espace et le temps, avec des effets d'aggravation synergique (ex : sécheresse pédologique avec profonds réseaux de fentes dans l'argile suivie d'une phase de submersion par de l'eau de mer) avec alors d'autres risques inattendus de propagation (« conséquences des impacts du changement climatique sur les activités économiques »[49]). Localement certains ouvrages de gestion de l'eau et de lutte contre la submersion pourraient eux-mêmes structurellement souffrir du RGA ;
- alors que le fond de couche routière et le substrat routier peuvent subir des désordres dus au RGA, la couche de roulement et son enrobé subiront aussi une « fatigue climatique » nouvelle, sous l'effet de sollicitations répétées d'amplitudes thermiques importantes, avec des enrobés parfois non prévus pour résister aux températures estivales attendues en 2030-2100[24] ;
- une partie des digues et barrages en terre, sera plus vulnérable au RGA, tout en étant hydrauliquement plus sollicités en saison pluvieuse, avec risques accrus de surverses lors de crues exceptionnelles ou exceptionnellement rapides. Les ouvrages hydrauliques constitués de sols fins (limons/argiles) subiront aussi les conséquences de nouvelles variations de l'état hydrique de leurs matériaux ou des sols sous-jacents (fissures de retrait, gonflements, perte de résistance au cisaillement). Les « scénarii de défaillance » et cartes de risques doivent être réévalués au regard de la prospective climatique, notamment à partir de sites « instrumentés », et ces ouvrages doivent être mieux surveillés et rendus plus résilients[50].
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- carte de France des sols argileux présentant un risque de retrait-gonflement, sur le site argiles.fr
- Accès à la carte interactive de l'ORN (Observatoire des risques naturels) ; le gestionnaire de couches permet d'y faire apparaitre les zones vulnérables au RGA (fort ou faible) et d'autres indicateurs relatifs au RGA.
- portail Infoterre du BRGM (permet de produire des cartes interactives)
bibliographie
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