Restaurant géorgien en France
Le premier restaurant gĂ©orgien en France a Ă©tĂ© introduit par les rĂ©fugiĂ©s politiques gĂ©orgiens aprĂšs lâinvasion de leur pays par les armĂ©es de la Russie soviĂ©tique en fĂ©vrier et mars 1921[1].
Avant la Seconde Guerre mondiale
Les pionniers de la restauration gĂ©orgienne en France des annĂ©es 1920 ne bĂ©nĂ©ficient pas dâune clientĂšle communautaire suffisante ; lâeffectif des rĂ©fugiĂ©s politiques gĂ©orgiens dĂ©passe Ă peine le millier[2]; ils se tournent vers une population qui connait la cuisine gĂ©orgienne et lâapprĂ©cie, la population des rĂ©fugiĂ©s politiques russes dont lâeffectif est cent fois supĂ©rieur et qui lâa pratiquĂ©e Ă lâĂ©poque des tsars[3]; ils sâimplantent sur la CĂŽte dâAzur ou en rĂ©gion parisienne, avec des fortunes diverses. Peuvent ĂȘtre citĂ©s les restaurants gĂ©orgiens Ă Cannes, Juan-les-Pins ou Nice de Nicolas TchĂšrkessi, Simon MikĂ©ladzĂ©, Sacha Khinsiachvili ou Tatarkhan AntadzĂ©.
De 1944 Ă 1991
Un restaurant situĂ© dans le Quartier de la Monnaie Ă Paris tient une place particuliĂšre dans lâhistoire gastronomique gĂ©orgienne en France, celui du 13 rue SĂ©guier : HĂ©lĂ©nĂ© PĂ©radzĂ© [Note 1] et Micha TsagarĂ©li[Note 2] y proposent de la cuisine gĂ©orgienne et animent ainsi un point de rencontre relativement connu en rĂ©gion parisienne. Ă la LibĂ©ration deux populations particuliĂšres sây croisent, dâune part celle des anciens soldats gĂ©orgiens de lâArmĂ©e rouge, faits prisonniers par les Allemands, envoyĂ©s en France comme auxiliaires civils ou comme serveurs en armes, rĂ©fractaires au retour obligatoire en URSS et venus chercher des adresses pour entrer en clandestinitĂ©, dâautre part celle les officiers soviĂ©tiques du NKVD â dont des GĂ©orgiens â en mission officielle en France afin de sâassurer des rapatriements, venus trouver un moment de dĂ©tente avec la cuisine gĂ©orgienne[4].
Fin des annĂ©es 1940, les restaurateurs cĂšdent leur Ă©tablissement parisien pour sâĂ©tablir Ă Leuville-sur-Orge; ils ouvrent un hĂŽtel-restaurant, face Ă lâentrĂ©e principale du domaine gĂ©orgien, devenu un lieu de rassemblement festif en fin de semaine et durant les vacances pour quelques privilĂ©giĂ©s, plus quâun lieu de prĂ©paration politique Ă la chute du pouvoir soviĂ©tique en GĂ©orgie. Les ingrĂ©dients nĂ©cessaires Ă la table gĂ©orgienne et aux banquets Ă©maillĂ©s de discours et de chants polyphoniques sont rĂ©unis[5] â dits supra â, jusques aux parties de cartes aux enjeux financiers rĂ©prouvĂ©s par l'archiprĂȘtre de la communautĂ©[6].
Durant les annĂ©es 1960 Ă 1980, un troisiĂšme restaurant gĂ©orgien marque lâhistoire de la gastronomie gĂ©orgienne en France, "La Toison dâOr" ; situĂ© dans le XVe arrondissement, il est tenu par deux frĂšres qui ont fait leurs armes Ă Cannes, Apollon et Tatarkhan AntadzĂ©; le tout Paris y accourt pour lâexotisme de sa cuisine, le pittoresque des lieux (boiserie) et lâĂ©nergie dĂ©bordante des deux octogĂ©naires qui nâhĂ©sitent pas â aprĂšs le coup de feu â Ă rejoindre les tables et Ă y entonner des chants polyphoniques[7].
AprĂšs 1991
Le retour Ă lâindĂ©pendance de la GĂ©orgie et lâouverture des frontiĂšres entraĂźnent une Ă©migration Ă©conomique, notamment vers la France : plusieurs restaurants gĂ©orgiens sâouvrent Ă Paris dâabord, dans les 1er, 5e, 6e et 18e arrondissements, ainsi quâĂ Rennes, Caen, Nancy, Nice et Metz. Certains durent quelques annĂ©es, dâautres sâinstallent plus dĂ©finitivement ; certains sâĂ©quipent de four traditionnel (tonĂ©) permettant la prĂ©paration de pains et de plats Ă lâancienne[8], dâautres ouvrent en parallĂšle une Ă©picerie fine ou une cave Ă vin proposant des produits importĂ©s[9] - [10], dâautres encore adaptent leur cuisine aux goĂ»ts de la clientĂšle locale[11] ou organisent des animations culturelles[12].
Carte type
Les saveurs et des senteurs de la cuisine gĂ©orgienne relĂšvent du grand nombre dâingrĂ©dients employĂ©s. Les variĂ©tĂ©s de sauces sont nombreuses, aux noix (satsivi, baje), aux prunes (tkhemali) ou aux piments (adjika) par exemple. Les variĂ©tĂ©s de pain dĂ©pendent de la farine employĂ©e (blĂ© ou maĂŻs pour le mtchadi) et de leur prĂ©paration (tonĂ© pour le four traditionnel). Les plats gĂ©orgiens sont lâobjet de prĂ©paration et de prĂ©sentation parfois diffĂ©rentes selon les provinces ; certains classiques peuvent ĂȘtre citĂ©s, galette au fromage (khatchapouri), viandes Ă la sauce aux noix, bĆuf en sauce (tchakhokhbili), raviolis Ă la viande (khinkali), brochettes (mtsvadi), haricots rouge aux noix (lobio), Ă©pinards (pkhali), aubergines aux noix (badridjani nigvzit), aubergines et autres lĂ©gumes (adjapsandali), marinades⊠Parmi les multiples desserts, le yaourt (matsoni) est Ă citer : il a souvent Ă©tĂ© fabriquĂ© depuis les annĂ©es 1920 jusque dans les annĂ©es 1970 dans des ateliers tenus par des rĂ©fugiĂ©s gĂ©orgiens[13]. De fait la carte des restaurants varie selon lâorigine gĂ©ographique du cuisinier et selon les facilitĂ©s dâapprovisionnement en produits semblables aux produits gĂ©orgiens.
Pour les vins, les efforts dâexportation engagĂ©s par la viticulture gĂ©orgienne depuis 2016 ont conduit Ă la disponibilitĂ© en France de pratiquement tous les crus nationaux, y compris le vin orange[14] â un vin naturel, macĂ©rĂ© dans des qvevri enterrĂ©s â dont l'origine date de plusieurs milliers dâannĂ©es.
Notes et références
Notes
- Les femmes géorgiennes gardent souvent leur nom de jeune fille aprÚs le mariage.
- La transcription en langue française des patronymes gĂ©orgiens a Ă©tĂ© stable jusquâĂ la fin du XXe siĂšcle : les rĂšgles constituĂ©es par lâintermĂ©diation de la langue russe, confirmĂ©es par la LĂ©gation de la RĂ©publique dĂ©mocratique de GĂ©orgie en France (1921-1933) et proches de la prononciation en langue gĂ©orgienne, Ă©taient utilisĂ©es sans exception ; elles le sont encore aujourdâhui par le ministĂšre français des Affaires Ă©trangĂšres et par la plupart des universitaires français sâintĂ©ressant Ă la GĂ©orgie. Lâusage a progressivement changĂ© avec lâintermĂ©diation de la langue anglaise et la dĂ©finition dâune translittĂ©ration latine proche de la transcription anglaise (2002). Ainsi áááá áá áŻááááźáá«á donne Guiorgui DjavakhidzĂ© en transcription française et Giorgi Javakhidze en transcription anglaise (et en translittĂ©ration latine). La transcription en langue française des noms de villes a obĂ©i Ă une Ă©volution similaire, áááŁá áááá devient OzourguĂ©ti en transcription française et Ozurgeti en transcription anglaise (et translittĂ©ration latine), avec une difficultĂ© supplĂ©mentaire liĂ©e au changement de nom de certaines villes durant lâĂ©poque soviĂ©tique (OzourguĂ©ti sâest appelĂ©e MakharadzĂ© durant 70 annĂ©es).
Références
- Mirian Méloua, « Les restaurants géorgiens en France », sur Colisée, .
- Georges Mamoulia, Les combats indĂ©pendantistes des Caucasiens entre URSS et puissances occidentales. Le cas de la GĂ©orgie (1921-1945), Paris, LâHarmattan, , 448 p. (ISBN 978-2-296-09476-5), p. 29.
- Gilles Fumey, « LâexcĂšs au banquet ? Le cas du supra gĂ©orgien », sur Food 2.0 Lab, .
- Pierre Kitiaschvili, Du Caucase Ă lâAtlantique. De lâArmĂ©e rouge aux maquis de France, Bordeaux, Biscaye Imprimeur, , 148 p. (ISBN 2-9500683-0-8), p. 138.
- « Supra : banquet géorgien », sur La Cité du Vin, Bordeaux, .
- Mirian Méloua, « Nicolas Saralidzé (1914-1991), déporté géorgien, anonyme parmi les anonymes », sur Colisée, .
- Salomé Zourabichvili, Une femme pour deux pays, Paris, Grasset, , 295 p. (ISBN 978-2-246-69561-5 et 2-246-69561-9), p. 17.
- « Toné géorgien » (consulté le ).
- Sophie Brissau, « Le Colchide », sur Food and Sens, .
- « Tamada », sur le Petit Futé (consulté le ).
- « Pirosmani », sur Le Petit Futé (consulté le ).
- Didier Hemardinquer, « Saveurs géorgiennes au Tbilissi », sur Est républicain, .
- Mirian Méloua, « Le yaourt géorgien en France », sur Colisée, .
- « Le vin orange, la 4Ăšme couleur du vin », sur LâExpress, .