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René Binet (architecte)

Joseph René Binet, né le [1] à Chaumont (Yonne), et mort le à Ouchy (Lausanne, Suisse), est un architecte, décorateur, peintre et théoricien de l'art français.

René Binet
Image illustrative de l'article René Binet (architecte)
René Binet photographié à son domicile par Dornac vers 1900.
Présentation
Naissance
Chaumont (France)
DĂ©cès (Ă  44 ans)
Ouchy (Suisse)
Nationalité française
Mouvement Art nouveau, orientalisme, Belle Époque
Activités Architecte, décorateur, peintre
Formation École nationale supérieure des beaux-arts
Ĺ’uvre
Projets Porte monumentale pour l'Exposition universelle de 1900
Magasins du Printemps, 1907-1910
Distinctions Prix Rougevin, 1896 - LĂ©gion d'honneur, 1900

Biographie

René Binet est le fils du brigadier à la pose du chemin de fer (à la Compagnie des chemins de fer Paris-Lyon-Marseille) sénonais Savinien Joseph Binet (né le 04 février 1828 à Chaumont) et de Marie Grosset (née le 29 mars 1839 à Etigny), mariés le 10 janvier 1866 à Etigny. Il a une sœur, Marguerite, née en 1878. La famille s'installe à Sens entre 1873 et 1881[2].

René Binet architecte

La Porte monumentale de l'Exposition universelle de 1900

René Binet a réalisé la Porte monumentale, place de la Concorde, pour l’Exposition universelle de 1900 à Paris.

Commandée en , et construite de à mi-, René Binet eut plusieurs sources en tête lors de la conception : des souvenirs d’enfance aux architectures polychrome de Venise, du Traité des couleurs de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) aux travaux du biologiste allemand Ernst Haeckel (1834-1919), dont Binet aimait se plonger dans les cinquante volumes conservés à la bibliothèque du Muséum national d'histoire naturelle de Paris comme l'indique Esquisses décoratives (1902), son magistral ouvrage préfacé par Gustave Geffroy, dans lequel il détaille sa méthodologie[3].

Binet voulait réaliser quelque chose « qui n’a jamais été fait en architecture, une architecture de couleur et de lumière ». Ainsi cette porte a été remarquée, non pas par la polychromie en elle-même, mais comme étant la première tentative de domestication de l’électricité au service de la couleur et de l’architecture.

En , il est nommé chevalier de la Légion d'honneur[1].

Les magasins du Printemps de la mode, et autres réalisations

Binet est, à partir de 1907 et jusqu'à sa mort l'architecte du nouveau « magasin 2 » des grands magasins du Printemps dans l'ilot voisin de celui du « magasin 1 » (1881-1883, Paul Sédille). Il le laisse partiellement inachevé en 1911 et la reprise des travaux, compliquée en temps de guerre, est reportée à l'après-guerre. Le magasin est plus imposant que celui de Sédille (tours d'angle plus hautes et plus proéminentes, hall de vente ou « atrium » élevé grâce aux ascenseurs à une hauteur de six niveaux au lieu de quatre), au décor encore plus ostentatoire (art nouveau) et couvert d'une impressionnante coupole en mosaïque de verre coloré réalisée par le maître-verrier Brière[4].. Les travaux de construction de l'aile manquante touchent à leur fin lorsque le bâtiment est ravagé par un violent incendie le , soit environ six mois avant l'inauguration projetée pour le mois de [5].

Il réalise également la maison de retraite de Couilly-Pont-aux-Dames, des ponts, des bureaux de P.T.T., le théâtre populaire du Temple, la maison Cravoisier à Sens…[6].

Binet et l'orientalisme

L'architecture orientaliste Ă  l'Exposition universelle de 1900

À la fin du XIXe siècle, mais plus précisément à partir de l'Exposition universelle de 1851 à Londres, on voit se manifester des débats sur ces apports orientaux pour les arts décoratifs qu’il est intéressant de restituer pour rendre compte du climat de l’époque.

Selon Roger Marx, René Binet s’inspire de l’Orient dans cette porte de l’Exposition universelle de 1900 : « Les suggestions de l’art musulman ne paraissent point étrangères au style de la porte monumentale flanquée de mâts minarets, et on la croirait volontiers imaginée par quelques conteurs des Mille et Une Nuits, lorsque le soir, elle tend à travers les ténèbres son diadème lumineux d’améthyste et d’émeraudes. » Le critique confirme l'accueil favorable qu’il réserve à ces constructions venues d’ailleurs, et il rend grâce à l’allure orientale qu’il retrouve dans l’œuvre de l’architecte René Binet qui a conçu la porte monumentale de l’Exposition universelle.

Dans les références à l'Orient, Roger Marx pointe les influences de l’art islamique qui élargissent la sphère de l’orientalisme, et démontre une véritable correspondance entre les représentations de l’Orient en peinture, en littérature, et dans cette architecture d’exposition.

« Il est Ă  l'Exposition, peu de monuments aussi favorisĂ©s du sort que celui-ci. Qu'ils le veuillent on non, des millions de visiteurs seront contraints de le contempler, et, nous l'espĂ©rons, de l'admirer. On se rend compte des difficultĂ©s qui Ă©taient Ă  vaincre pour obtenir de bons rĂ©sultats avec un monument de cette situation et de cette destination. Il convenait, en effet, que, pour ĂŞtre monumentale, l'entrĂ©e principale de l'Exposition demeurât cependant d'un usage essentiellement pratique. Il convenait aussi que, premier monument soumis Ă  la critique des arrivants, cette porte, tout en Ă©tant de note originale, ne dĂ©paysât pas trop brusquement l'Ĺ“il encore habituĂ© au classicisme architectural de la place de la Concorde. Il semble que M. Binet et ses collaborateurs aient heureusement rĂ©solu ce problème double. D'abord, en effet, la Porte monumentale aura cet avantage d'ĂŞtre merveilleusement facile Ă  l'Ă©coulement du public, en dedans et en dehors, grâce Ă  un système de guichets, qui sont dĂ©jĂ  en place, et dont, par consĂ©quent, nous est bien apparue l'Ă©conomie. […] Pour entrer, on usera des dix-huit guichets, soit neuf de chaque cĂ´tĂ©. Mais ces dix-huit guichets constituent, en rĂ©alitĂ©, trente-six entrĂ©es, car chacun d'eux est sĂ©parĂ© en deux par une balustrade mĂ©tallique en forme de losange allongĂ©. C'est Ă  l'intĂ©rieur de ce losange que seront postĂ©s les agents de service. Les oblitĂ©rateurs de tickets et les encaisseurs se tiendront eux dans les baraques placĂ©es aux intervalles des guichets. Ajoutons que le sol est, Ă  ces entrĂ©es, disposĂ© en dos d'âne, de façon Ă  diminuer le danger des poussĂ©es de foule. Si, maintenant, vous voulez savoir le nombre de personnes qui, grâce Ă  ce système de guichets, pourront pĂ©nĂ©trer dans l'Exposition par la Porte monumentale, apprenez qu'on est arrivĂ© au chiffre minimum de 1 000 Ă  la minute, soit, par heure, 60 000, y compris le temps nĂ©cessaire pour le paiement des entrĂ©es et l'oblitĂ©ration des tickets. M. Binet, dans un premier projet, avait mĂŞme trouvĂ© le moyen de faire pĂ©nĂ©trer 90 000 personnes par heure, en disposant des passages souterrains, mais, tel quel, projet dĂ©finitivement adoptĂ© suffira, et, sous ce rapport, l'Exposition de 1900 aura rĂ©alisĂ© encore un grand progrès sur celle de 1889.

Mais c'est aussi un peintre. Il ne lui suffit pas d'aménager une entrée commode ; il voulut encore faire une porte de bel aspect. D'école indépendante, et, de ses voyages en Italie, en Espagne et en Afrique, ayant conservé dans les yeux de chaudes visions d'art, il résolut de nous donner un monument où tous les jeux de la forme et de la couleur contribueraient, comme il arrive aux pays de soleil, à l'effet d'ensemble. Pour la forme, sa porte affecte, en général, l'apparence d'un dôme de style oriental, avec, du côté de la place de la Concorde, deux pylônes élevés. Mais, à notre avis, la plus grande nouveauté de l'œuvre est dans sa couleur. Ayant, en effet, pour premier objet de briller, le jour sous les feux du soleil, et, la nuit, sous l'éclairage électrique, il a fallu couvrir la carcasse du monument de revêtements tels qu'ils pussent, à la lumière naturelle ou artificielle, donner à l'ensemble un aspect vraiment éblouissant. On y est parvenu. L'intérieur de la coupole sera tout doré. Les pylônes seront, sur toute leur partie supérieure, recouverts de lames de « verre américain» bleuté à pointillé d'or, et de teintes dégradées (les plus sombres en bas, les plus claires en haut) obtenues par des bains successifs. Partout, pour le soir, sont piqués des cabochons, bleus ou jaunes d'or, d'où les lampes électriques lanceront des feux colorés. Il se trouve même que certains de ces globes produiront, à leurs alentours, un auréolage qui doublera l'effet de lumière. Ainsi comprise, la porte présentera, de nuit et de jour, l'aspect d'une sorte de vaste mosquée lumineuse à minarets étincelants. On a fait déjà des essais d'éclairage qui ont donné les meilleurs résultats, et M. Binet ainsi que son collaborateur M. Gentil, s'assurent qu'au jour de l'inauguration, Parisiens, provinciaux et étrangers ne seront pas déçus, pour le premier pas qu'ils feront dans l'Exposition, si du moins le soleil est de la fête. Mais n'en serait-il pas, que, la nuit tombée, l'effet, grâce à l'électricité, serait encore saisissant, bien qu'entièrement différent.

Il nous reste à parler de l'importante partie sculpturale que comprend la Porte monumentale, […]. Enfin, dominant la Porte tout entière, planant au-dessus de la proue d'un navire symbolique, voici que se dresse une majestueuse statue, de M. Moreau-Vauthier. Ce n'est pas la traditionnelle allégorie à péplum. C'est une femme de ce temps, moulée dans une robe très moderne et couverte d'un long manteau de bal entr'ouvert. Cette femme, c'est Paris, Paris de 1900, se dégageant du passé et se tournant vers l'avenir, Paris qui, d'un beau geste accueillant des bras, semble inviter le monde à venir puiser de la fierté et de l'espérance dans la vue de l'œuvre pacifique accomplie par un siècle d'humanité. »

— Auteur anonyme, Le Petit Journal, 20 mars 1900[7]

On peut signaler que RenĂ© Binet avait une connaissance très prĂ©cise de l’Orient car il a exĂ©cutĂ© des dessins d’inspiration orientale : dix aquarelles[8], lui furent commandĂ©es par le baron Alphonse Delort de GlĂ©on (1843-1899), ingĂ©nieur des mines Ă©tabli au Caire. Elles reprĂ©sentent, non pas des vues du Caire, mais la fameuse reconstitution que le baron en avait produite sur 1 000 m² Ă  l’occasion de l’Exposition universelle de 1889 Ă  Paris. Cet ensemble, dont seules les aquarelles de Binet nous permettent d’apprĂ©cier la polychromie, se composaient d’une suite de constructions caractĂ©ristiques (portes monumentales, mosquĂ©es, Ă©cole, maisons, Ă©choppes, café…) dĂ©corĂ©es de moulages pris sur place. La mosquĂ©e Ă©tait une copie Ă  l’identique mais rĂ©duite de la mosquĂ©e sĂ©pulcrale de Qayt bay du cimetière Nord du Caire. Toutes les boiseries des maisons Ă©taient authentiques et anciennes : les moucharabiehs provenaient de maisons dĂ©molies dans les vieux quartiers du Caire pour cause d’« haussmannisation ».

Outre l’architecture, on pouvait y contempler le travail que des artisans venus du Caire réalisaient sous les yeux du public.

Finalement, il existe ainsi une architecture que l’on peut finalement qualifier d’orientaliste[9]. C’est le cas bien sûr des expositions universelles qui fournissent de nombreux exemples. Lieux d’importation et d’expérimentation, les expositions proposèrent les premiers exemples de l’utilisation architecturale de la brique émaillée, découverte avec la réduction de la mosquée verte de Brousse, de bains et d’un kiosques du Bosphore, réalisés par Léon Parvillée (1830-1885) en 1867, magnifiée au Palais des Beaux-arts érigé par Jean-Camille Formigé en 1889[10], avant d’être diffusée dans la construction publique et privée[11].

L'Orient et son influence dans le travail de Binet

C’est donc à Paris et dans sa jeunesse que René Binet découvrit l’art oriental, et en particulier ses expressions égyptiennes, dans un savant mélange mêlant fragments authentiques, fac-similé et reconstitutions. Il ne se rendra au Moyen-Orient qu’en 1904, dans le cadre d’une mission qui lui aurait été confiée par l’Académie des beaux-arts. Dans sa demande au ministre, Binet voulait se rendre « en Turquie et Asie mineure afin d’étudier les revêtements céramiques qui ornent les monuments (mosquées, fontaines, cours intérieures, etc.) et qui contribuent pour une large part au caractère des villes d’Orient » et « l’adaptation possible de ce principe de revêtements céramiques, à nos monuments modernes » (lettre de René Binet du ).

René Binet est enterré au cimetière de Sens.

Publications

  • Esquisses dĂ©coratives, prĂ©facĂ© par Gustave Geffroy, Paris, Éditions Émile LĂ©vy, Librairie centrale des beaux-arts, [1902] [nombreuses planches] (en ligne).

Galerie

Notes et références

  1. Bulletin de naissance sur source d'autorité : Archives nationales de France, base Léonore, cote LH/242/83 (en ligne).
  2. Lydwine Saulnier-Pernuit et Sylvie Ballester-Radet (dir.), René Binet, 1866-1911, un architecte de la Belle Époque, Sens, éd. Musées de Sens, 2005, 140 p. [catalogue de l'exposition des Musées de Sens du 3 juillet au 2 octobre 2005].
  3. Ouvrage en ligne sur Archive.org.
  4. Andrew Ayers, The Architecture of Paris : An architectural guide, edition Axel Menges, Stuttgart/London, pp. 170-171 (en ligne).
  5. « Les Nouveaux Magasins du Printemps à Paris sont en flammes », L'Express du midi, 29 septembre 1921.
  6. René Binet, 1866-1911, un architecte de la Belle Époque, Sens, 2005.
  7. erreur dans la référence : http://www.jetons-monnaie.net/p/1900b.html et https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6152887/f1.image
  8. Rue du Caire, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts (en ligne).
  9. Nabila Oulebsir et Mercedes Volait (dir.), L'orientalisme architectural. Entre imaginaires et savoirs, Paris, Picard, avril 2009, 304 p. ([PDF] picard.itnetwork.fr).
  10. « Jean-Camille Formigé, Palais des Beaux-arts », notice sur musee-orsay.fr.
  11. Henri Loyrette (dir.), Sébastien Allard et Laurence des Cars, « La ville moderne », in L’art français. Le XIXe siècle. 1819-1905, Paris, Flammarion, 2006, p. 330, 464 p.
  12. Il s'agit probablement de l'aquarelle commandée à Binet par Alfred Picard, le commissaire général de l'Exposition, pour appuyer le projet : « Il va falloir que vous fassiez une belle aquarelle de votre porte, que le ministre la voie, enfin une belle chose et qu'il ait au moins une heureuse impression sur quelqu'un ». Binet répond : « Je vais très vite, Monsieur, et vous donnerai une aquarelle satisfaisante ». « Je le sais ». Enfin, il écrit : « l'aquarelle pour moi, c'est l'eau pour le poisson ».
  13. photographie extraite du catalogue souvenir de l'Exposition universelle 1900.
  14. Notice sur musee-orsay.fr.

Voir aussi

Buste de René Binet sur sa tombe au cimetière de Sens.

Bibliographie

  • Lydwine Saulnier-Pernuit et Sylvie Ballester-Radet (dir.), RenĂ© Binet, 1866-1911, un architecte de la Belle Époque, Sens, Ă©d. MusĂ©es de Sens, 2005, 140 p.

Articles connexes

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