AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Rapport entre sujet et prédicat

En syntaxe il y a plusieurs visions concernant le rapport entre sujet et prédicat du point de vue hiérarchique.

Dans certaines grammaires scolaires traditionnelles, le sujet et le prĂ©dicat sont considĂ©rĂ©s comme les deux constituants fondamentaux de la phrase simple. Parmi elles, certaines prennent en compte deux rapports syntaxiques, la coordination et la subordination, prĂ©cisent que le prĂ©dicat s’accorde avec le sujet, mais ne traitent pas du statut hiĂ©rarchique de l’un par rapport Ă  l’autre[1].

Pour une autre grammaire traditionnelle qui admet seulement l’existence des rapports de coordination et de subordination, Avram 1997, le rapport entre ces constituants « est encadrĂ© Ă  la subordination grĂące Ă  l’accord, qui indique que le prĂ©dicat s’oriente d’aprĂšs le sujet comme un dĂ©terminant d’aprĂšs son dĂ©terminĂ© ; cependant, ce rapport a des particularitĂ©s qui font parler d’un rapport d’inhĂ©rence ou d’interdĂ©pendance, comme d’un rapport diffĂ©rent aussi bien de la subordination que de la coordination »[2].

D’autres grammaires traditionnelles, comme Balogh 1971, Grevisse et Goosse 2007 ou KĂĄlmĂĄnnĂ© Bors et A. JĂĄszĂł 2007, qui considĂšrent elles aussi le sujet et le prĂ©dicat comme les constituants principaux de la phrase, adoptent l’idĂ©e de rapport d’interdĂ©pendance[3], de prĂ©dication[4] ou prĂ©dicatif[5].

Certaines grammaires scolaires combinent des visions traditionnelles avec certaines non traditionnelles. Parmi celles-ci il y en a qui acceptent partiellement d’idĂ©e du rapport d’interdĂ©pendance[6], mais d’autres la rejettent complĂštement et affirment que le sujet est subordonnĂ© au prĂ©dicat[7], en adoptant cette vision de grammaires non traditionnelles comme TesniĂšre 1959.

Arguments pour l’interdĂ©pendance

La qualification du rapport entre sujet et prĂ©dicat comme spĂ©cifique, ni de coordination ni de subordination, mais d’interdĂ©pendance, part de l’impossibilitĂ© de dĂ©finir le sujet et le prĂ©dicat d’une façon satisfaisante. Leurs dĂ©finitions ne peuvent ĂȘtre que circulaires : le sujet est dĂ©fini par ses rapports avec le prĂ©dicat, et le prĂ©dicat par ses rapports avec le sujet. En fait, leur relation serait de solidaritĂ© rĂ©ciproque[8].

L’interdĂ©pendance entre sujet et prĂ©dicat est tout d’abord logique. En prenant pour exemple une phrase comme (hu) A lĂĄny olvas « La fille lit », on constate que les deux constituants de la phrase limitent rĂ©ciproquement leurs sphĂšres sĂ©mantiques. Il y a de nombreux lecteurs possibles, mais en prĂ©cisant le sujet, on limite Ă  une certaine sphĂšre les larges possibilitĂ©s du prĂ©dicat. À propos de la fille Ă©galement, on peut dire beaucoup de choses, mais dans cette phrase on choisit, parmi de nombreuses possibilitĂ©s, celle qu’elle lit. Par consĂ©quent, du point de vue logique, il y a rĂ©ciprocitĂ© entre les deux constituants[9].

Il y a rĂ©ciprocitĂ© du point de vue structurel aussi. En gĂ©nĂ©ral, les deux constituants portent des morphĂšmes diffĂ©rents, spĂ©cifiques Ă  leur nature, mais se caractĂ©risent par certains traits grammaticaux communs, principalement le nombre et la personne, ainsi que, dans certaines langues et dans certains cas, le genre. Ainsi, les deux constituants se rĂ©fĂšrent l’un Ă  l’autre. Ces traits sont imposĂ©s par le sujet au prĂ©dicat par le phĂ©nomĂšne d’accord, alors que le prĂ©dicat impose, par le phĂ©nomĂšne de rection, une certaine forme au sujet, par exemple, dans les langues Ă  dĂ©clinaison, un certain cas grammatical, spĂ©cifiquement le nominatif[10] - [9].

Le sujet et le prĂ©dicat n’ont pas de rĂ©gissant, au contraire, les autres constituants de la phrase leur sont directement ou indirectement subordonnĂ©s. Il y a des cas d’absence de l’un ou de l’autre, mais dans la phrase analysable ils sont toujours indiquĂ©s par un certain facteur[9].

Pour le sujet, ce facteur peut ĂȘtre morphologique, constituĂ© par la dĂ©sinence du verbe, y compris quand elle n’est pas effective, mais zĂ©ro, le sujet Ă©tant implicite dans ce cas. En français, c’est le cas au mode impĂ©ratif seulement (Dormez en paix[11]), mais dans d’autres langues, le sujet peut ĂȘtre implicite Ă  tous les modes personnels: (ro) Știu prea bine ce vrei să-mi spui « Je sais trĂšs bien ce que tu veux me dire »[12] ; (hu) Olvasol « Tu lis »[9] ; (hr) Odlazim « Je m’en vais »[13].

Le facteur se rĂ©fĂ©rant aux deux constituants en leur absence effective peut ĂȘtre sĂ©mantique, lorsqu’ils sont sous-entendus grĂące au contexte verbal, [(ro) – Cine a venit? – Mama « – Qui est venu ? – Maman »[14] ; (hr) Luki o svemu tome ni riječi « MĂȘme pas un mot Ă  Luka sur tout ça »[13]], ou au contexte situationnel : Pardon[15] (= Je te/vous demande pardon), (hu) Vizet! « De l’eau ! » (= « Je demande de l’eau »)[9].

Arguments pour la subordination

Une grammaire traditionnelle pour l’essentiel, Lengyel 2000, accepte en partie l’idĂ©e de l’interdĂ©pendance, en la limitant Ă  l’aspect logique du rapport, et en affirmant que du point de vue grammatical, le sujet est subordonnĂ© au prĂ©dicat. Cette opinion est fondĂ©e, entre autres, sur le fait qu’il n’est pas toujours nĂ©cessaire que le sujet soit exprimĂ© par un mot Ă  part, et que le prĂ©dicat peut constituer une phrase analysable effectivement dĂ©pourvue de sujet[16], comme le font les verbes exprimant certains phĂ©nomĂšnes naturels : (fr) Il pleut[17], (ro) E cald « Il fait chaud »[18], (hu) Havazik « Il neige »[19].

Une grammaire structurale comme celle de Lucien TesniĂšre traite uniquement de l’aspect grammatical du rapport. Pour elle, le prĂ©dicat est la seule base de la phrase, dont dĂ©pend un certain nombre de constituants de celle-ci appelĂ©s actants. Ils dĂ©nomment les animĂ©s ou les inanimĂ©s qui participent Ă  ce que le verbe exprime et dĂ©pendent de celui-ci par des restrictions de forme. Les actants sont le sujet et les complĂ©ments d'objets (direct et indirect d’attribution) du prĂ©dicat. Ainsi, le sujet est inclus parmi les subordonnĂ©s au prĂ©dicat. En fonction de son sens, le verbe a une certaine valence, pouvant ĂȘtre avalent (sans aucun actant), monovalent (avec sujet seulement), bivalent (avec sujet et un objet) ou trivalent (avec sujet et les deux espĂšces d’objets)[20].

TesniĂšre reprĂ©sente les rapports syntaxiques par des arbres appelĂ©s stemmas. Par exemple, par l’arbre de la phrase Alfred parle lentement, il illustre la vision qu’il conteste, selon laquelle le sujet et le prĂ©dicat ont le mĂȘme statut hiĂ©rarchique. Par l’arbre de la phrase (la) Filius amat patrem « Le fils aime le pĂšre », il reprĂ©sente sa vision sur le sujet et le complĂ©ment comme Ă©tant tous les deux subordonnĂ©s au prĂ©dicat avec le mĂȘme statut hiĂ©rarchique[21].

Cette vision se retrouve dans des grammaires descriptives non traditionnelles actuelles. Par exemple, pour É. Kiss 2006 aussi, le sujet est rĂ©gi par le verbe au mĂȘme titre que le COD et les complĂ©ments qui dĂ©nomment des personnes et des choses, auxquelles elle ajoute les complĂ©ments qui dĂ©nomment des lieux et des notions de temps, qui participent tous Ă  ce que le verbe exprime. Elle en exclut les complĂ©ments qui ne dĂ©nomment pas, tel le complĂ©ment circonstanciel de maniĂšre[22].

Certaines grammaires scolaires actuelles adoptent Ă©galement cette vision, mĂȘme si par ailleurs elles continuent des visions traditionnelles. Pour Becherelle 3 1990, par exemple, le verbe est le noyau de la phrase, autour duquel s’articulent ses autres constituants[23]. Dans Barić 1997, cette idĂ©e apparaĂźt avec la formulation « le prĂ©dicat ouvre des places » Ă  tous ses complĂ©ments et au sujet[24], Ă©tant « le mot de la phrase qui ouvre une place Ă  soi-mĂȘme »[25].

Notes et références

  1. Par exemple Coteanu 1982 ou Bărbuță 2000 (grammaires du roumain).
  2. Avram 1997, p. 323 (grammaire roumaine).
  3. Terme qui apparaĂźt en dehors d’Avram 1997, dans des dictionnaires de linguistique tels Bussmann 1998, (p. 1139, en anglais interdependence) ou Bidu-Vrănceanu 1997 (p. 255, en roumain interdependență), qui ne prennent pas position pour ou contre l’idĂ©e de ce rapport.
  4. Terme utilisé par Grevisse et Goosse 2007 (p. 245) et apparaissant dans Bussmann 1998 (p. 931, article predication 3).
  5. Terme utilisé par Balogh 1971 (p. 288, grammaire hongroise) ou Kålmånné Bors et A. Jåszó 2007 (p. 354, grammaire hongroise).
  6. Par exemple Lengyel 2000 (grammaire hongroise).
  7. Par exemple Barić 1997 (grammaire croate).
  8. Grevisse et Goosse 2007, p. 245-246.
  9. Kålmånné Bors et A. Jåszó 2007, p. 354.
  10. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 255.
  11. Grevisse et Goosse 2007, p. 980.
  12. Bărbuță 2000, p. 23.
  13. Barić 1997, p. 423.
  14. Avram 1997, p. 315.
  15. Grevisse et Goosse 2007, p. 1414.
  16. Lengyel 2000.
  17. Grevisse et Goosse 2007, p. 248.
  18. Bărbuță 2000, p. 240.
  19. Kålmånné Bors et A. Jåszó 2007, p. 375.
  20. TesniÚre 1959, cité par Bidu-Vrănceanu 1997, p. 17.
  21. TesniĂšre 1959, p. 104.
  22. É. Kiss 2006, p. 88 (grammaire hongroise).
  23. Bescherelle 3 1990, p. 283.
  24. Barić 1997, p. 397.
  25. Barić 1997, p. 400.

Sources bibliographiques

  • (ro) Avram, Mioara, Gramatica pentru toți [« Grammaire pour tous »], Bucarest, Humanitas, 1997 (ISBN 973-28-0769-5)
  • (hu) Balogh, DezsƑ ; GĂĄlffy, MĂłzes ; J. Nagy, MĂĄria, A mai magyar nyelv kĂ©zikönyve [« Guide de la langue hongroise d’aujourd’hui »], Bucarest, Kriterion, 1971
  • (hr) Barić, Eugenija et al., Hrvatska gramatika [« Grammaire croate »], Zagreb, Ć kolska knjiga, , 2e Ă©d. (ISBN 978-953-0-40010-8).
  • (en) Bussmann, Hadumod (dir.), Dictionary of Language and Linguistics [« Dictionnaire de la langue et de la linguistique »], Londres – New York, Routledge, 1998 (ISBN 0-203-98005-0) (consultĂ© le )
  • (hu) É. Kiss, Katalin, « 5. fejezet – Mondattan » [« Chapitre 5 – Syntaxe »], Kiefer, Ferenc (dir.), Magyar nyelv, [« La langue hongroise »], Budapest, AkadĂ©miai KiadĂł, 2006 (ISBN 963-05-8324-0), p. 72-107 (consultĂ© le )
  • La grammaire pour tous, Paris, Hatier, colecția Bescherelle, 1990 (ISBN 2-218-02471-3) (Bescherelle 3)
  • (hu) KĂĄlmĂĄnnĂ© Bors, IrĂ©n et A. JĂĄszĂł, Anna, « Az egyszerƱ mondat » [« La phrase simple »], A. JĂĄszĂł, Anna (dir.), A magyar nyelv könyve [« Le livre de la langue hongroise »], 8e Ă©dition, Budapest, Trezor, 2007 (ISBN 978-963-8144-19-5), p. 345-436 (consultĂ© le )

Articles connexes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.