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Rapport Nord-Sud

Le rapport Nord-Sud est le rapport produit en 1980 par une commission indĂ©pendante initiĂ©e par l’ex-chancellier social-dĂ©mocrate allemand Willy Brandt, afin d’étudier en profondeur les problĂšmes du sous-dĂ©veloppement et de la pauvretĂ© dans le monde, Ă  la demande de la Banque mondiale.

Willy Brandt, PrĂ©sident de la commission Ă  l’origine du Rapport nord-sud

Son rapport, intitulĂ© « Nord-Sud : un programme de survie », a permis de diffuser largement une comprĂ©hension profonde des diffĂ©rences radicales de dĂ©veloppement entre pays du Nord et pays du Sud. Sa couverture qui s’orne d’une carte du monde qui met en Ă©vidence la limite nord-sud dĂ©limitant le « nord » riche et le « sud » sous-dĂ©veloppĂ© a gravĂ© la notion dans les esprits[1]. Il a aussi Ă©tabli un consensus sur les mesures concrĂštes Ă  mettre en Ɠuvre pour rĂ©duire les disparitĂ©s Ă©conomiques entre le nord et le sud. Cependant, les propositions prĂ©sentĂ©es par les membres Ă©minents et divers de la Commission n’ont jamais Ă©tĂ© adoptĂ©es par les gouvernements en raison de la guerre froide et un manque de volontĂ© politique collective parmi les dirigeants mondiaux.

Mandat de la Commission Nord-Sud

Fin 1976, alors qu'il venait d'ĂȘtre Ă©lu Ă  la tĂȘte de l’Internationale socialiste, Willy Brandt reçut une lettre du prĂ©sident de la Banque mondiale, Robert McNamara. trĂšs prĂ©occupĂ© par l’arrĂȘt des nĂ©gociations entre les pays industriels et les pays en voie de dĂ©veloppement qui avaient Ă©tĂ© menĂ©es depuis 1975 dans le cadre de la confĂ©rence sur la coopĂ©ration Ă©conomique internationale de Paris (CCEI). McNamara souhaitait former une commission indĂ©pendante de haut niveau pour crĂ©er un dialogue Nord-Sud et en proposait la prĂ©sidence Ă  Willy Brandt. AprĂšs l'acceptation de ce dernier le , l’initiative rencontra une forte rĂ©sistance du cercle du G77. AprĂšs un long travail de persuasion des partenaires internationaux, Willy Brandt put enfin fonder officiellement la nouvelle « commission indĂ©pendante sur les problĂšmes de dĂ©veloppement international », plus couramment nommĂ©e « commission Nord-Sud » ou « Commission Brandt ». Elle commença son travail le au chĂąteau de Gymnich, prĂšs de Bonn[2].

Membres de la Commission Brandt

Les vingt membres choisis par Willy Brandt venaient de sept pays industriels et de onze pays en voie de dĂ©veloppement, le "Sud" Ă©tait donc majoritaire. Au plan des orientations politiques, la commission Ă©tait extrĂȘmement diverse ; parmi les reprĂ©sentants du "Nord" se trouvaient par exemple un conservateur, l’ancien Premier ministre britannique Edward Heath, un banquier, l'AmĂ©ricain Peter G. Peterson, un social-dĂ©mocrate, le SuĂ©dois Olof Palme, un socialiste français, Edgard Pisani, un syndicaliste, le Canadien Joe Morris, la journaliste et rĂ©dactrice en chef du Washington Post Katharine Graham. Du cĂŽtĂ© du "Sud", la palette allait du dĂ©mocrate-chrĂ©tien chilien Eduardo Frei au prĂ©sident du parlement algĂ©rien Layachi Yaker en passant par le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Commonwealth Shridath Ramphal, de Guyana[2].
Cette diversité et les qualifications des membres de la Commission Brandt[3] explique son caractÚre à la fois expert, pluridisciplinaire et humanitaire[4] :

  • Willy Brandt, ex-chancelier de la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale d’Allemagne (1969-1974), laurĂ©at du Prix Nobel de la paix 1971, prĂ©sident de commission
  • Abdlatif Yousef Al-Hamad (Koweit), diplomate et banquier, Directeur gĂ©nĂ©ral du Fonds koweĂŻtien pour le DĂ©veloppement Ă©conomique arabe
  • Rodrigo Botero Montoya (Colombie), ancien ministre des finances de Colombie (1974-1976), Ă©diteur et rĂ©dacteur en chef du pĂ©riodique Estrategia Economica y Financiera,
  • Antoine Kipsa Dakoure (Haute Volta), Ministre du Plan (1970-1976) et Ministre coordinateur de lutte contre la sĂ©cheresse au Sahel (1973-1975)
  • Eduardo Frei Montalva (Chili), ancien prĂ©sident du Chili (1964-1970)
  • Katharine Graham (USA), PrĂ©sidente du Conseil d’administration du Washington Post, Ă©diteur du Washington Post (1969-1979)
  • Edward Heath (Royaume-Uni), ancien Premier ministre (1970-1974),
  • Amir H. Jamal (Tanzanie), Ministre des Finances, membre du gouvernement depuis 1962,
  • Lakshmi Kant Jha (Inde), gouverneur de l’État de Jammu-et-Cachemire, ancien gouverneur de la Banque de rĂ©serve de l'Inde (1967-1970), ancien ambassadeur aux États-Unis (1970-1973)
  • Khatijah Ahmad (Malaisie), Ă©conomiste et banquier, fondatrice et Directrice gĂ©nĂ©rale de KAF Discounts Ltd (sociĂ©tĂ© de crĂ©dit et services financiers) depuis 1974,
  • Adam Malik (IndonĂ©sie), vice-prĂ©sident de la RĂ©publique d’IndonĂ©sie (1978-1983), PrĂ©sident de l’AssemblĂ©e nationale indonĂ©sienne (1977-1978), Ministre des affaires Ă©trangĂšres (1966-1977), prĂ©sident de l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies (1971-1972)
  • Haruki Mori (Japon), ex-ambassadeur en Grande-Bretagne (1972-1975), vice-ministre des Affaires Ă©trangĂšres (1970-1972), ambassadeur auprĂšs de l’OCDE (1964-1967)
  • Joe Morris (en) (Canada), prĂ©sident Ă©mĂ©rite du CongrĂšs du travail du Canada, PrĂ©sident du Conseil d’Administration du Bureau International du Travail (1977-1978), Vice-PrĂ©sident de la ConfĂ©dĂ©ration internationale des syndicats libres (1976-1978)
  • Olof Palme (SuĂšde), ex-Premier ministre (1969-1978)
  • Peter G. Peterson (USA), PrĂ©sident du Conseil d’Administration de Lehman Brothers-Kuhn, Loeb & Co, SecrĂ©taire d’État au commerce (1972-1973)
  • Edgard Pisani (France), sĂ©nateur, membre du Parlement europĂ©en, Ministre de l’Équipement (1966-1967), Ministre de l’Agriculture (1961-1965) (M. Pisani remplaça M. MendĂšs-France, qui dut renoncer en 1978 pour raisons personnelles)
  • Shridath Ramphal (Guyana), SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Commonwealth, Ministre des Affaires Ă©trangĂšres et de la Justice (1972-1975), Procureur gĂ©nĂ©ral et Ministre d’État pour les Affaires extĂ©rieurs (1966-1972)
  • Layachi Yaker (AlgĂ©rie), Ambassadeur en URSS (1979-1982), vice-prĂ©sident de l'assemblĂ©e nationale (1977-1979), ministre du commerce (1969-1977)
  • Jan Pronk (Pays-Bas), trĂ©sorier honoraire et membre ex officio de la commission, Ministre du DĂ©veloppement et de la CoopĂ©ration (1973-1977), maĂźtre-assistant auprĂšs du professeur Jan Tinbergen (1965-1971)
  • Göran Ohlin (sv) (SuĂšde), secrĂ©taire exĂ©cutif et membre ex officio de la commission, Professeur d’économie Ă  l’UniversitĂ© d’Uppsala depuis 1969, employĂ© de la Commission Pearson (en) (1968-1969)
  • Dragoslav Avramovic (en) (Yougoslavie), directeur du SecrĂ©tariat et membre ex officio de la commission, cadre au sein de la Banque Mondiale (1965-1977), conseiller spĂ©cial auprĂšs de la CNUCED sur la stabilisation des cours des marchandises (1974-1975)

Contenu

La commission Nord-Sud se rĂ©unit Ă  dix reprises, pour plusieurs jours, tous les deux-trois mois en neuf sites diffĂ©rents d’Europe, d’Afrique, d’AmĂ©rique et d’Asie. En raison des fortes divergences d’opinions entre ses membres elle mit plus de temps que prĂ©vu pour rendre ses conclusions. AprĂšs d'Ăąpres et intenses discussions, le rapport final fut terminĂ© en [2].

Le rapport Brandt observe d'abord qu'une grande disparitĂ© de niveau de vie existe de part et d’autre de la limite Nord-Sud et suggĂšre en consĂ©quence d’organiser un grand transfert de ressources des pays dĂ©veloppĂ©s aux pays en dĂ©veloppement. Les pays du Nord sont extrĂȘmement riches en raison de leur succĂšs commerciaux dans le domaine des produits manufacturĂ©s, alors que les pays du Sud souffrent de la pauvretĂ© en raison de leur spĂ©cialisation dans le commerce des biens intermĂ©diaires, oĂč les revenus d'exportation sont faibles.

La Commission Brandt a proposé un nouveau type de sécurité mondiale. Il a construit sa réflexion sur une perspective pluraliste qui combine plusieurs périls sociaux, économiques et politiques ainsi que les périls militaires classiques.

Dans l'introduction[5], Willy Brandt mettait en garde avec insistance contre un chaos international « comme rĂ©sultat des famines, des effondrements Ă©conomiques, catastrophes environnementales et Ă©galement du terrorisme. » « La globalisation des menaces et des provocations – guerre, chaos, autodestruction – demande un type de ‘politique intĂ©rieure mondiale’, qui aille bien au-delĂ  de l’horizon des clochers, mais Ă©galement au-delĂ  des frontiĂšres nationales ». Il plaçait les aspects Ă©lĂ©mentaires politiques et moraux au premier plan pour rĂ©veiller les hommes et formulait des objectifs visionnaires : une partie de l’argent consacrĂ© aux dĂ©penses d’armement devait, dans le cadre d’un projet de coopĂ©ration Ă©conomique international, ĂȘtre rĂ©attribuĂ©e, et, d’ici l’an 2000, la faim dans le monde devait ĂȘtre vaincue[2].

Réception et conséquences du rapport

Le rapport arriva au pire moment possible puisque l’entrĂ©e des troupes soviĂ©tiques en Afghanistan, fin , bouleversa le climat politique international, oblitĂ©rant les chances de la nouvelle politique Nord-Sud[2].

Willy Brandt remit nĂ©anmoins le rapport de la commission au secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral des Nations Unies, Kurt Waldheim, le . Le rapport Brandt fit alors l’objet d’une consultation officielle au sein de l’organisation mondiale. La rĂ©percussion publique, Ă  l’époque, resta cependant loin de ce que l’on avait pu espĂ©rer, mĂȘme si le rapport fut traduit en plus de vingt langues et vendu Ă  350 000 exemplaires dans le monde, la moitiĂ© d’entre eux dans le seul Royaume-Uni. Sa diffusion resta trĂšs limitĂ©e en Allemagne comme en France ou aux États-Unis[2].

Bien que trĂšs peu des propositions du rapport aient Ă©tĂ© mises en Ɠuvre, un Ă©vĂ©nement mondial en est tout de mĂȘme rĂ©sultĂ© : la confĂ©rence Nord-Sud de CancĂșn, au (Mexique) qui se tint en . Afin de mettre Ɠuvre ses propres recommandations, la commission Brandt avait proposĂ© de rĂ©unir un sommet rĂ©unissant un nombre limitĂ© de chefs d’État et de gouvernement issus des pays industrialisĂ©s et pays en voie de dĂ©veloppement. Willy Brandt estimait qu’un tel sommet mondial limitĂ© en nombre, serait plus efficace que les nombreuses et colossales confĂ©rences de l’ONU. Finalement 22 chefs d’État et de gouvernement ainsi que le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral des Nations Unies se rĂ©unirent Ă  CancĂșn pour la "ConfĂ©rence internationale pour la coopĂ©ration et le dĂ©veloppement". La mise en place du sommet pouvait ĂȘtre dĂ©jĂ  considĂ©rĂ©e comme un succĂšs[2].

L’équation Brandt

En 2001, soit vingt ans aprĂšs la sortie du Rapport Nord-Sud, James Quilligan, directeur de la communication pour la Commission Brandt de 1980 Ă  1987, publia une mise Ă  jour du Rapport sous le nom de "L'Ă©quation Brandt".

Notes et références

  1. Vincent Capdepuy, « La limite Nord/Sud », Mappemonde, décembre 2007
  2. Article de Wolfgang Schmid, Willy Brandt et le conflit nord-sud, du rapport Brandt à la gouvernance mondiale, cahier n°28 de la série des Cahiers de la Fondation du Chancellier fédéral Willy Brandt, Bundeskanzler-Willy-Brandt-Stiftung d.ö.R, Berlin 2014, (ISSN 1434-6176), (ISBN 9783933090270)
  3. Les éléments de biographies ci-dessous sont à la date de la Commission Brandt, données extraites de Shridath Ramphal, Glimpses of a Global Life, Dundurn, 2014, 608 pages, (ISBN 9781459731288), pp. 587-598
  4. [ http://www.stwr.org/information-centre/reports/brandt-report-summary#Members ]
  5. Willy Brandt, « Das Überleben sichern ». Die Einleitung zum Nord-SĂŒd-Bericht mit einer EinfĂŒhrung von Dirk Messner, Ă©d. par la Bundeskanzler-Willy-Brandt-Stiftung, Berlin, 2013 (Schriftenreihe de la BWBS, 25), p. 46.

Articles connexes

Liens externes

Archives

  • Inventaire du fonds d'archives de la ConfĂ©rence sur la coopĂ©ration Ă©conomique internationale conservĂ© Ă  La contemporaine.


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