QUESS
QUESS (Quantum Experiments at Space Scale en français Expériences quantiques à l'échelle spatiale) est une mission spatiale scientifique développée par l'Agence spatiale chinoise, et pour la charge utile par le Centre national des sciences spatiales (NSSC), dont l'objectif est de tester des télécommunications entre un satellite artificiel appelé Mozi et des installations au sol exploitant le concept de téléportation quantique. Il constitue une percée technologique du programme spatial chinois et une premiÚre étape vers un systÚme réputé inviolable de communications chiffrées[1].
Mozi
Organisation | Centre national des sciences spatiales |
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Constructeur | Université de sciences et technologie de Chine |
Domaine | Satellite scientifique |
Type de mission | Tests de la téléportation quantique |
Statut | opérationnel |
Autres noms |
QSS (Quantum Science Satellite) QUESS (Quantum Experiments at Space Scale) |
Lancement | |
Lanceur | Longue Marche 2D Y32 |
Durée | 2 ans |
Identifiant COSPAR | 2016-051A |
Masse au lancement | 620 kg |
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Orbite | héliosynchrone |
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Périgée | 488 km |
Apogée | 584 km |
Inclinaison | 94,5° ou 97,4° |
Source dâintrication quantique | interfĂ©romĂštre de Sagnac |
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Laser de communication | DĂ©bit de 2,5 Ă 5 gigabits/seconde |
C'est une des cinq missions scientifiques du Programme prioritaire stratégique des sciences spatiales (SPP) mis en place par la Chine dans le cadre de son 12e plan quinquennal de 2011. Le satellite a été lancé le depuis la base de lancement de Jiuquan, située dans le désert de Gobi.
Contexte
En 2011 dans le cadre de son 12e plan quinquennal la Chine met en place le programme prioritaire stratégique des sciences spatiales (SPP) et confie au Centre national des sciences spatiales (NSSC), centre de recherche rattaché à l'Académie chinoise des sciences, la gestion et le développement de cinq missions scientifiques ambitieuses : les satellites DAMPE et HXMT dans le domaine de l'astrophysique, QUESS pour les télécommunications quantiques, ShiJian-10 qui embarque des expériences de biologie spatiale et KuaFu qui doit étudier l'influence du Soleil sur l'atmosphÚre terrestre[2].
La téléportation quantique
La tĂ©lĂ©portation quantique est un protocole de tĂ©lĂ©communication qui repose sur le transfert de l'Ă©tat quantique (Ă©nergie cinĂ©tique, spinâŠ) d'un systĂšme vers un autre en utilisant l'intrication quantique. Deux particules sont dites intriquĂ©es en mĂ©canique quantique lorsque leur Ă©tat quantique est corrĂ©lĂ© c'est-Ă -dire que l'Ă©tat quantique global des deux particules est fixĂ© et que la mesure de l'Ă©tat quantique d'une particule permet de dĂ©duire l'Ă©tat quantique de l'autre particule. La tĂ©lĂ©portation quantique exploite ce phĂ©nomĂšne ; des paires de particules intriquĂ©es sont produites par un dispositif optique et une particule de chaque paire est transmise vers un rĂ©cepteur situĂ© Ă grande distance. La mesure de l'Ă©tat quantique de l'une des deux particules influe de maniĂšre instantanĂ©e sur la mesure de la particule Ă©loignĂ©e. Comme la mesure de l'Ă©tat quantique change celui-ci, un systĂšme de tĂ©lĂ©communications reposant sur ce concept est thĂ©oriquement complĂštement sĂ©curisĂ©.
L'agence Xinhua rapporte ainsi que « La mission de deux ans du satellite sera de développer des communications quantiques à l'épreuve du piratage, permettant aux utilisateurs d'envoyer des messages en toute sécurité et à des vitesses plus rapides que la lumiÚre »[3] - [4].
Nom
La veille du lancement, le satellite est nommé Mozi en l'honneur du philosophe chinois ayant vécu au Ve siÚcle av. J.-C.[1] - [5]
Lancement
Le satellite est lancĂ© le Ă 1 h 40 locales ( Ă 17 h 40 UTC) depuis la base de lancement de Jiuquan, dans le dĂ©sert de Gobi au nord de la Chine, par la fusĂ©e Longue Marche 2D Y32 qui le place sur une orbite hĂ©liosynchrone dont l'apogĂ©e est de 584 km et le pĂ©rigĂ©e de 488 km avec une inclinaison de 97,4°. Le lanceur dĂ©ploie Ă©galement un CubeSat 6U scientifique espagnol appelĂ© ÂłCat-2, et le satellite scientifique chinois de 110 kg LiXing-1 (LX-1) (ćæäžć·) pour Ă©tudier la haute atmosphĂšre[6] - [7].
Caractéristiques du satellite
Mozi est un satellite d'environ 600 kg. Sa charge utile comprend quatre équipements : la source de particules intriquées, le systÚme de communications quantique, l'émetteur quantique et le détecteur d'état quantique.
La source de particules intriquĂ©es est un interfĂ©romĂštre de Sagnac dans lequel un laser en rĂ©gime continu de 405 nm de longueur dâonde centrale assure le pompage d'un cristal optique de KTioPO4. Le faisceau laser de pompe passe dâabord dans un prisme de Wollaston qui le divise en deux faisceaux de polarisations orthogonales. Ces deux faisceaux atteignent simultanĂ©ment le cristal non linĂ©aire ce qui gĂ©nĂšre des paires de photons de 810 nm de longueur dâonde dans des Ă©tats intriquĂ©s[8]. Cette source Ă©met 5,9 millions de paires de photons intriquĂ©s par seconde. Les deux faisceaux intriquĂ©s sont pointĂ©s vers le sol par deux tĂ©lescopes de type Cassegrain dâouvertures 300 mm et 180 mm. Un faisceau laser infrarouge (850 nm) pulsĂ© pour la synchronisation et un faisceau laser vert (532 nm) de guidage leur sont adjoints[9].
Historique du projet
La Chine mĂšne depuis 2003 des expĂ©riences dans le domaine de la tĂ©lĂ©portation quantique[10]. Le professeur Pan Jianwei de l'AcadĂ©mie chinoise des sciences et son groupe de recherches ont effectuĂ© plusieurs percĂ©es dans le domaine de l'Ă©mission de particules intriquĂ©es et de la tĂ©lĂ©portation quantique qui ont permis de crĂ©er des bases solides pour les tĂ©lĂ©communications quantiques Ă longue distance[2]. Les chercheurs de l'USTC Ă©voquent lâintĂ©rĂȘt de lancer un satellite expĂ©rimental dans le domaine de la communication quantique. Un dossier officiel a Ă©tĂ© soumis Ă lâAcadĂ©mie chinoise des sciences (ACS) en 2009.
En 2011, dans le cadre de son 12e plan quinquennal, la Chine met en place le programme prioritaire stratégique des sciences spatiales (SPP) et confie au Centre national des sciences spatiales (NSSC) le développement de cinq missions scientifiques ambitieuses : les satellites DAMPE et HXMT dans le domaine de l'astrophysique, QUESS pour les télécommunications quantiques, ShiJian-10 qui embarque des expériences de biologie spatiale et KuaFu qui doit étudier l'influence du Soleil sur l'atmosphÚre terrestre[2].
Ainsi en , l'ACS place le projet au sein du « Programme prioritaire stratĂ©gique en sciences de lâespace », puis l'approuve en ainsi qu'une collaboration partielle de scientifiques europĂ©ens dont l'Autrichien Anton Zeilinger. La dĂ©finition de la mission et la spĂ©cification du satellite QSS ainsi que le dĂ©veloppement des technologies clĂ©s sont terminĂ©s fin 2012. Les premiers tests Ă©lectroniques des composants ont dĂ©marrĂ© en , et lâassemblage physique du premier prototype a commencĂ© un mois aprĂšs. Celui-ci termine ses essais thermiques en [6].
à la date de lancement du satellite, les physiciens n'avaient réussi à transférer l'état quantique de particules qu'entre des stations terrestres distantes de 300 km[8]. QUESS est la premiÚre expérience de télécommunications entre un satellite et le sol utilisant l'intrication quantique pour transmettre l'information. L'objectif est d'étudier la faisabilité de télécommunications sécurisées utilisant cette technique sur de longues distances[11].
Mission
La Chine espĂšre Ă©difier grĂące Ă ce satellite un systĂšme inviolable de communications chiffrĂ©es. Le principe en est le suivant : les deux parties partagent une clĂ© de chiffrement alĂ©atoire constituĂ©e de photons respectivement intriquĂ©s. Cette clĂ© est alors utilisĂ©e comme un masque jetable pour chiffrer leurs communications. Du fait de l'intrication, toute interception de la clĂ© par une tierce personne est dĂ©tectable. Le satellite doit servir Ă dĂ©montrer l'intĂ©rĂȘt de la technologie quantique dans l'envoi de clĂ©s de chiffrement inviolables[12] pour des communications Ă longue distance[1].
Cet engin est conçu par les Ă©quipes de l'UniversitĂ© de sciences et technologie de Chine (USTC), de lâAcadĂ©mie chinoise des sciences et du centre de microsatellite de Shanghai.
Il fait partie dâun projet qui a deux principaux objectifs scientifiques :
- expĂ©rimenter la « QKD » â distribution quantique de clĂ©s â Ă grande vitesse entre lâespace et le sol, et la faisabilitĂ© technique dâun rĂ©seau de communication Ă longue distance (plus de 1 000 km en liaison sol-sol et 500 km en liaison espace-sol) ;
- mener des expĂ©riences sur lâintrication quantique et la tĂ©lĂ©portation quantique, pour valider certaines thĂ©ories en physique quantique.
La mission comporte plusieurs tests. Le premier consiste Ă transfĂ©rer l'Ă©tat quantique de particules entre le satellite et deux stations au sol : l'observatoire astronomique de Xinjiang (en) dans l'Ouest de la Chine et l'observatoire de Xinglong Ă Yanshan Ă 200 km au sud de PĂ©kin. Sur le plan thĂ©orique ces tests devraient permettre de vĂ©rifier les inĂ©galitĂ©s de Bell sur une distance de 1 200 km. Un test doit Ă©galement ĂȘtre effectuĂ© entre le satellite et l'observatoire Ali sur le plateau tibĂ©tain. Au total cinq stations de communication quantique au sol en Chine en plus d'une plateforme spatiale de la tĂ©lĂ©portation quantique installĂ©e sur le laboratoire spatial Tiangong 2 et un centre de coordination Ă Shanghai sont impliquĂ©s dans le projet.
Une fois ces tests réalisés avec succÚs la mission doit se poursuivre avec la réalisation d'une liaison intercontinentale entre Vienne et Pékin (via le satellite). Ces objectifs font face à plusieurs difficultés techniques dont la principale concerne la nécessité de pointer les récepteurs au sol de maniÚre suffisamment précise alors que le satellite défile à 8 km/s[8].
Si elles sont rĂ©ussies, la Chine compte lancer trente satellites de communication quantique dâici 2030 pour couvrir l'ensemble de la Terre[6].
En 2017, ce satellite a fait faire un bond au record de portée de l'intrication quantique, le portant de 144 km à l'air libre[13] ou 307 km par fibre optique[14] à 1 203 km en effectuant la transmission d'une paire de photons intriqués vers les stations terrestres de Delingha (plateau tibétain) et l'observatoire Gaomeigu à Lijiang[15].
L'étape expérimentale suivante consiste à transmettre une clé quantique entre Pékin et Vienne, mais selon un protocole différent, les communications vers les deux villes n'étant plus simultanées : les deux clés quantiques sont distinctes mais le satellite transmet une clé classique permettant de les combiner.
Course aux satellites Ă communication quantique
Le lancement de Mozi a lieu alors que les Ătats-Unis, le Japon et d'autres nations souhaitent elles aussi dĂ©velopper cette technologie[1].
Notes et références
- AFP, « La Chine lance un satellite « quantique », une premiĂšre mondiale », Le Figaro,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) « Missions>CAS Strategic Priority Program », sur NSCC (consulté le ).
- (en) Tom Phillips, China launches quantum satellite for 'hack-proof' communications, The Guardian, .
- (en) China launched a "Hack Proof" Satellite, The Mexico Post.
- (en) Patrick Blau, « China sends ground-breaking Quantum Communications Experiment into Orbit », sur spaceflight101.com, .
- Henri Kenhmann, « Lancement du satellite quantique QSS », sur eastpendulum.com (consulté le ).
- (en) Gunter Krebs, « QSS (Mozi) », sur Gunter's space page (consulté le ).
- (en) Ling Xin, « China launches world's first quantum science satellite », sur physicsworld.com, .
- Une intrication quantique entre deux lieux distants de 1200 km.
- (en) Zeeya Merali, « Data teleportation: The quantum space race », Nature (consulté le ).
- (en) WANG Shuzhi, « CSSAR Space Science Cooperation » [PDF], Centre pour les sciences spatiales et la recherche appliquée (CSSAR).
- Harold Thibault et David Larousserie, « La Chine prend de lâavance dans le cryptage des communications », Le Monde, .
- (en) R. Ursin et al., Nature Physics, vol. 3, no 481, 2007.
- (en) B. Korzh et al., Nature Photonics, vol. 9, no 163, 2015.
- Juan Yin et al., « Satellite-based entanglement distribution over 1200 kilometers », Science, vol. 356, no 6343, 2017, p. 1140-1144, DOI: 10.1126/science.aan3211.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- (en) « Présentation du HXMT » [PDF], sur ralspace.stfc.ac.uk (consulté le ).