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Propaganda Due

Propaganda Due (prononciation italienne : [pro.pa.ˈɥan.da ˈduː.e]) ou P2 est une loge maçonnique dĂ©pendant du Grand Orient d'Italie de 1945 Ă  1976, puis une loge pseudo-maçonnique (Ă©galement qualifiĂ©e de loge « noire Â» ou loge « clandestine Â») dont l’existence Ă©tait illĂ©gale (au regard de la constitution italienne interdisant les loges secrĂštes et l’appartenance de reprĂ©sentants de l’État Ă  des organisations secrĂštes) de 1976 Ă  1981.

Propaganda Due
Histoire
Fondation
Dissolution
Organisation
Fondateur
Piano di rinascita democratica (d)
Personnes clés

Durant les annĂ©es pendant lesquelles la loge Ă©tait dirigĂ©e par Licio Gelli, P2 a Ă©tĂ© impliquĂ©e dans plusieurs affaires criminelles italiennes, dont la faillite de la banque Ambrosiano Ă©troitement liĂ©e au Vatican, les assassinats du journaliste Mino Pecorelli et du banquier Roberto Calvi et des affaires de corruption reliĂ©es au scandale des pots-de-vin de Tangentopoli. Les agissements troubles dans le cadre de la P2 ont commencĂ© Ă  ĂȘtre rĂ©vĂ©lĂ©s au dĂ©but des annĂ©es 1980, avec les enquĂȘtes sur la faillite de l’empire financier de Michele Sindona, un banquier liĂ© Ă  la mafia et au Vatican.

La P2 a parfois Ă©tĂ© qualifiĂ©e d’« État dans l’État », ou de « gouvernement de l’ombre ». La loge comprenait parmi ses membres des journalistes influents, des Ă©lus parlementaires, des industriels et des officiers militaires de haut rang. Les noms de Silvio Berlusconi, de l'hĂ©ritier du trĂŽne d’Italie et des chefs des trois branches des services secrets italiens sont notamment apparus dans les listes de membres de la loge.

En perquisitionnant la villa de Licio Gelli, la police a trouvé un document baptisé « Plan de la renaissance démocratique », qui appelait à la concentration des médias, à la suppression des syndicats et à la réécriture de la Constitution de la République italienne.

En dehors de l’Italie, la P2 a Ă©galement Ă©tĂ© active en AmĂ©rique latine pendant la pĂ©riode de la guerre sale.

Création

La loge Propaganda a Ă©tĂ© fondĂ©e en 1877 Ă  Turin, sous le nom de « Propaganda Massonica » (Propagande maçonnique). Cette loge Ă©tait frĂ©quentĂ©e par des politiciens et des hauts-fonctionnaires de toute l’Italie qui ne pouvaient pas participer aux rĂ©unions de leur propre loge et incluait des membres importants de la noblesse piĂ©montaise.

Cette loge n'était pas vraiment secrÚte car des personnages éminents en faisaient partie comme Zanardelli, ministre de la Justice ou le poÚte Carducci. La « propagande » de cette loge consistait à diffuser les valeurs maçonniques (progrÚs, laïcité et liberté) à travers les institutions politiques et citoyennes. Cette loge a été créée dans la mouvance insurrectionnelle de l'époque pour permettre que des frÚres comme Garibaldi échappent aux devoirs de maçons et puissent se réunir entre eux, en dehors des temples et des rites maçonniques. Cette organisation élitiste, en dehors de la légalité maçonnique, ne communiquait pas toujours le nom de ses membres à l'obédience[1].

Le nom a Ă©tĂ© changĂ© en « Propaganda Due » aprĂšs la Seconde Guerre mondiale, quand le Grand Orient d'Italie a numĂ©rotĂ© ses loges. Dans les annĂ©es 1960, la loge Ă©tait moribonde, organisant peu de rĂ©unions. La loge originelle n’avait plus grand-chose Ă  voir avec celle que Licio Gelli a dĂ©veloppĂ©e aprĂšs y ĂȘtre entrĂ© en 1966, deux ans aprĂšs avoir Ă©tĂ© lui-mĂȘme initiĂ© comme franc-maçon[2].

La franc-maçonnerie italienne avait Ă©tĂ© interdite par le rĂ©gime fasciste de Benito Mussolini, mais a pu renaĂźtre aprĂšs la Seconde Guerre mondiale dans l’Italie sous influence amĂ©ricaine. Cependant, sa tradition de libre-pensĂ©e de l’époque du Risorgimento a Ă©tĂ© supplantĂ©e par un anticommunisme fervent. La progression de l’influence politique de la gauche Ă  la fin des annĂ©es 1960 a profondĂ©ment inquiĂ©tĂ© les francs-maçons italiens. En 1971, Lino Salvini, le grand maĂźtre du Grand Orient d’Italie, la principale obĂ©dience maçonnique du pays a confiĂ© Ă  Licio Gelli, vĂ©nĂ©rable maĂźtre entre 1970 et 1981, la mission de rĂ©organiser la loge P2[3].

Radiation par le Grand Orient

En 1974, il est proposĂ© en interne d’effacer la P2 de la liste des loges maçonniques du Grand Orient d'Italie. Cette dĂ©cision est acceptĂ©e Ă  une Ă©crasante majoritĂ©. Cependant, en 1975, le grand maĂźtre Lino Salvini Ă©met un mandat pour une nouvelle loge P2. En 1976, Ă  la demande de Gelli, le Grand Orient la suspend sans la radier. Gelli Ă©tant toujours actif dans les instances nationales du Grand Orient deux ans plus tard, finançant la rĂ©Ă©lection de Lino Salvini comme grand maĂźtre. En 1981, un tribunal maçonnique confirme que le vote de 1974 signifiait que la loge P2 avait cessĂ© d’exister et que la loge de Gelli fonctionnait depuis cette date de maniĂšre illĂ©gale[2].

Révélations

La loge P2 a Ă©tĂ© dĂ©couverte par les procureurs enquĂȘtant sur le banquier Michele Sindona, sur la faillite de la banque Ambrosiano et ses liens avec la mafia[4]. Une liste de membres de la loge a Ă©tĂ© dĂ©couverte dans la villa de Gelli Ă  Arezzo lors d’une perquisition en et contenait 962 noms, parmi lesquels d’importants reprĂ©sentants de l’État, plusieurs grands officiers militaires dont les chefs des trois branches des services secrets italiens[3]. Le futur prĂ©sident du Conseil Silvio Berlusconi, qui n’était pas encore entrĂ© en politique, Ă©tait sur cette liste. Victor Emmanuel, le fils du dernier roi d’Italie, y figurait Ă©galement.

Le prĂ©sident du Conseil Arnaldo Forlani (dont le chef de cabinet Ă©tait lui-mĂȘme un membre de la P2) a nommĂ© une commission d’enquĂȘte parlementaire prĂ©sidĂ©e par la dĂ©mocrate-chrĂ©tienne indĂ©pendante Tina Anselmi[3]. NĂ©anmoins, en , Forlani a Ă©tĂ© obligĂ© de dĂ©missionner, le scandale ayant causĂ© la chute de son gouvernement en Ă©claboussant plusieurs membres des partis au pouvoir, dont DĂ©mocratie chrĂ©tienne et le Parti socialiste italien (PSI)[5].

En , de nouveaux documents ont Ă©tĂ© dĂ©couverts cachĂ©s dans le double-fond d’une mallette appartenant Ă  la fille de Gelli, Ă  l’aĂ©roport de Rome-Fiumicino. Les deux documents Ă©taient intitulĂ©s « Memorandum sulla situazione italiana » (Memorandum sur la situation italienne) et « Piano di rinascita democratica » (Plan de renaissance dĂ©mocratique), et ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme le programme politique de la P2. Selon ces documents, les principaux ennemis de l’Italie Ă©taient le Parti communiste italien (PCI), second parti politique italien en nombre de voix, et les syndicats. Ils devaient ĂȘtre isolĂ©s, et la coopĂ©ration avec les communistes, qui avait Ă©tĂ© proposĂ©e dans le « compromis historique » d’Aldo Moro (assassinĂ© par les Brigades rouges en 1978) devait ĂȘtre empĂȘchĂ©e[3].

L’objectif de Gelli Ă©tait de former une nouvelle Ă©lite politique et Ă©conomique pour diriger l’Italie, dans une forme de dĂ©mocratie de droite et autoritaire, guidĂ©e par une prĂ©occupation anticommuniste[6]. La P2 dĂ©fendait un programme de vaste corruption politique : « Les partis politiques, les journaux et les syndicats peuvent ĂȘtre les objets d’éventuelles sollicitations qui pourraient prendre la forme de manƓuvres Ă©conomiques et financiĂšres. La mise Ă  disposition de sommes n’excĂ©dant pas 30 Ă  40 milliards de lires devrait ĂȘtre suffisante pour permettre Ă  des hommes soigneusement choisis, agissant de bonne foi, de conquĂ©rir des positions clĂ©s pour un contrĂŽle global. »[3]

Influence de la P2

Les opinions divergent sur l’influence et la portĂ©e de la P2. Certains commentateurs perçoivent la P2, dans le contexte des annĂ©es de plomb en Italie, comme un gouvernement de l’ombre[7] rĂ©actionnaire, prĂȘt Ă  renverser le pouvoir en cas de victoire Ă©lectorale du PCI. D’autres pensent que ce n’était rien de plus qu’une sordide association de personnes avides de pouvoir et dĂ©sireuses de faire progresser leurs carriĂšres en tissant un puissant rĂ©seau[4]. Quoi qu'il en soit, la P2 a Ă©tĂ© impliquĂ©e dans nombre de scandales et d’affaires mystĂ©rieuses en Italie.

Prise de contrĂŽle du Corriere della Sera

En 1977, la P2 a pris le contrĂŽle du Corriere della Sera, le plus important quotidien italien. À l’époque, le journal Ă©tait dans une pĂ©riode de difficultĂ©s financiĂšres et n’arrivait pas Ă  se faire prĂȘter de l’argent par les banques, car son rĂ©dacteur en chef, Piero Ottone, Ă©tait considĂ©rĂ© comme hostile au parti DĂ©mocratie chrĂ©tienne au pouvoir. Le propriĂ©taire du journal, la maison d’édition Rizzoli, a conclu un accord avec Gelli. Ce dernier a procurĂ© les fonds nĂ©cessaires au redressement du quotidien, via la Banque du Vatican dirigĂ©e par Paul Marcinkus. Ottone a Ă©tĂ© licenciĂ© et la ligne Ă©ditoriale du Corriere a virĂ© Ă  droite[3].

Le journal a publiĂ© un long entretien de Licio Gelli en 1980. L’entretien a Ă©tĂ© menĂ© par l’animateur de dĂ©bats tĂ©lĂ©visĂ©s Maurizio Costanzo, dont l’appartenance Ă  la P2 a Ă©tĂ© dĂ©couverte plus tard. Gelli a affirmĂ© Ă  cette occasion qu’il Ă©tait favorable Ă  la rĂ©Ă©criture de la constitution italienne en s’inspirant du systĂšme prĂ©sidentiel de la CinquiĂšme RĂ©publique française. Quand Costanzo lui demande ce qu’il avait toujours voulu ĂȘtre, il rĂ©pond : « Un marionnettiste. »[3]

Massacre de Bologne et stratégie de la tension

La P2 a Ă©tĂ© accusĂ©e d'avoir participĂ©, aux cĂŽtĂ©s du rĂ©seau Gladio, Ă  la « stratĂ©gie de la tension ». Selon les termes d'un rapport parlementaire rĂ©digĂ© en 2000 par la coalition de L'Ulivo, elle visait Ă  « empĂȘcher Â» « le Parti communiste italien et, dans une moindre mesure, le Parti socialiste italien, d'accĂ©der au pouvoir exĂ©cutif ».

Les membres de la P2 Licio Gelli et le chef des services secrets Pietro Musumeci ont Ă©tĂ© condamnĂ©s en derniĂšre instance en 1995 pour avoir tentĂ© d’entraver l’enquĂȘte de police sur l’attentat de la gare de Bologne, qui a tuĂ© 85 personnes et en a blessĂ© plus de 200 le . Selon le journaliste Fabrizio Calvi, « aprĂšs l'enlĂšvement et l'assassinat du prĂ©sident de la dĂ©mocratie chrĂ©tienne Aldo Moro, Licio Gelli rĂ©dige lui-mĂȘme les rapports signĂ©s par le chef du SISDE (it), le gĂ©nĂ©ral Grassini (it), et oriente l'enquĂȘte de ses services secrets. De mĂȘme, il lance les services secrets sur les traces d'une fantomatique organisation internationale aprĂšs l'attentat qui a fait 85 morts Ă  la gare de Bologne le . Â»[8]

Toujours selon Fabrizio Calvi, l'acte fondateur de Licio Gelli a été l'obtention des archives du SISMI, les services secrets militaires. Il serait ensuite devenu le « véritable chef occulte » des services de renseignement italiens, obtenant notamment la nomination du général Vito Miceli (it) à la direction du SID au début des années 1970, et ceci grùce à l'aide de deux membres de P2, le secrétaire et le frÚre du ministre de la Défense Mario Tanassi. En 1978, tant le général Grassini, chef du SISDE (services secrets du ministÚre de l'Intérieur), que Santovito (it), chef du SISMI, ou le préfet Pelosi, chef du CESIS (it), qui coordonne les deux services, sont membres de la loge. Gelli aurait disposé d'un pouvoir tel qu'il aurait pu décider de promotions et de nominations à l'intérieur du SISMI et du SISDE. Il aurait ainsi nommé le général Pietro Musumeci comme chef du bureau de contrÎle et de sécurité du SISMI, malgré le fait que bien d'autres pouvaient prétendre à ce poste[8].

Scandale Banco Ambrosiano

La loge P2 est devenue la cible d’une attention particuliĂšre dans le cadre de la faillite de Banco Ambrosiano (l’une des principales banques de Milan, possĂ©dĂ©e en partie par la Banque du Vatican) et de la mort suspecte en 1982 de son prĂ©sident Roberto Calvi Ă  Londres, qui a d’abord Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme un suicide avant qu’il soit Ă©tabli qu’il s’agissait en fait d’un assassinat maquillĂ©. Certains journalistes ont suggĂ©rĂ© qu’une partie des fonds issus de la banque a Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©e par des membres de P2.

Compte Protezione

L’un des documents retrouvĂ©s en 1981 chez Gelli mentionnait un numĂ©ro de compte bancaire, baptisĂ© « Protezione » (« Protection »), enregistrĂ© Ă  la banque suisse UBS Ă  Lugano. Il dĂ©crivait un paiement de 7 millions de dollars de la part du prĂ©sident de la compagnie pĂ©troliĂšre ENI, Florio Fiorini, via Roberto Calvi, au dirigeant du PSI Claudio Martelli, pour le compte de Bettino Craxi, prĂ©sident du Conseil socialiste de 1983 Ă  1987.

L’ampleur exacte des paiements est devenue claire douze ans plus tard, en 1993, avec les enquĂȘtes de l’opĂ©ration Mani pulite (« Mains propres ») dĂ©voilant un immense systĂšme de corruption politique. L’argent Ă©tait censĂ© ĂȘtre un renvoi d’ascenseur pour un prĂȘt que les dirigeants socialistes avaient arrangĂ© pour renflouer Banco Ambrosiano. Des rumeurs selon lesquelles le ministre de la Justice Claudio Martelli Ă©tait liĂ© Ă  ce compte bancaire avaient circulĂ© dĂšs l’apparition de la P2 dans les dossiers d’instruction. Il avait toujours fermement dĂ©menti ces allĂ©gations. Cependant, quand l’existence de ce lien a Ă©tĂ© formellement rendue publique, il a dĂ» dĂ©missionner[9].

Relations internationales

En dehors de l’Italie, la P2 Ă©tait Ă©galement trĂšs active en Uruguay, au BrĂ©sil, et en Argentine, pendant la pĂ©riode de la guerre sale. Licio Gelli insinuait frĂ©quemment qu’il Ă©tait un ami proche de Juan PerĂłn. RaĂșl Alberto Lastiri, prĂ©sident par intĂ©rim de l’Argentine en 1973, Ă©tait un membre de la loge, de mĂȘme qu’Emilio Massera, membre de la junte militaire argentine dirigĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Videla de 1976 Ă  1978, ainsi que JosĂ© LĂłpez Rega, ministre des Affaires sociales dans le gouvernement de PerĂłn et fondateur de l’Alliance anticommuniste argentine, et le gĂ©nĂ©ral Guillermo SuĂĄrez Mason (es).

Organisation criminelle

Commission d’enquĂȘte parlementaire

La commission d’enquĂȘte parlementaire prĂ©sidĂ©e par Tina Anselmi a conclu que la loge P2 Ă©tait une organisation criminelle secrĂšte. Des allĂ©gations de relations internationales clandestines ont Ă©tĂ© en partie confirmĂ©es. Il s’agissait principalement de relations avec l’Argentine et certaines personnes suspectĂ©es d’ĂȘtre liĂ©es Ă  la CIA.

Mais rapidement, un dĂ©bat politique a pris le pas sur la partie judiciaire de l’analyse. Le rapport majoritaire indique que les activitĂ©s de la P2 rĂ©sultaient de « la pollution de la vie publique de la nation. Elles visaient Ă  altĂ©rer, souvent d’une façon dĂ©cisive, le fonctionnement correct des institutions du pays, en fonction d’un projet qui avait pour but de saper notre dĂ©mocratie. » Un rapport majoritaire rĂ©digĂ© par l’universitaire Massimo Teodori (it) conclut que la P2 n’était pas seulement une excroissance anormale d’un systĂšme globalement en bonne santĂ©, comme le supposait le rapport de la majoritĂ©, mais un symptĂŽme inhĂ©rent au systĂšme lui-mĂȘme[3].

Nouvelle loi italienne sur les loges secrĂštes

MalgrĂ© leur interdiction sous le rĂ©gime fasciste depuis 1925, les institutions maçonniques avaient Ă©tĂ© tolĂ©rĂ©es en Italie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Une loi spĂ©ciale avait cependant Ă©tĂ© promulguĂ©e pour prohiber les « loges secrĂštes ». Le Grand Orient d'Italie, aprĂšs avoir pris des mesures disciplinaires contre des membres ayant eu des relations avec la P2, a pris ses distances avec la loge elle-mĂȘme. D’autres lois ont depuis interdit l’appartenance Ă  des organisations secrĂštes pour certaines catĂ©gories d’employĂ©s de l’État (en particulier les officiers militaires). Ces lois ont Ă©tĂ© remises en cause par la Cour europĂ©enne des droits de l’Homme. En se basant sur la jurisprudence d’une action en justice d’un officier de la Royal Navy britannique, la Cour europĂ©enne a Ă©tabli l’illĂ©galitĂ©, de toute tentative d’interdire l’appartenance Ă  la franc-maçonnerie Ă  des officiers militaires, ce qui constituerait un manquement aux Droits de l’Homme[10].

Liste de Gelli

La liste dĂ©couverte dans la villa de Licio Gelli le doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e avec prĂ©caution, car elle est censĂ©e ĂȘtre une compilation de membres de la P2 et le contenu du carnet d’adresse Rolodex de Gelli. Beaucoup de ceux qui figurent sur cette liste n’ont apparemment jamais Ă©tĂ© sollicitĂ©s pour faire partie de la P2, et il n’est pas possible de connaĂźtre le nombre exact de personnes sur la liste formellement initiĂ©es. Depuis 1981, certains d’entre eux ont pu faire valoir Ă  la Justice italienne qu’ils se sont tenus Ă  l’écart de la P2[11].

Le , le gouvernement italien d'Arnaldo Forlani a publiĂ© cette liste, ce qui a provoquĂ© le suicide d'un colonel et la tentative de suicide d'un dirigeant dĂ©mocrate-chrĂ©tien, la destitution des chefs des services de renseignement, la retraite anticipĂ©e de dizaines de banquiers et d'industriels, le licenciement de cinq directeurs de grands journaux et des centaines d'enquĂȘtes de police portant sur des fonctionnaires[12]. La commission d’enquĂȘte parlementaire prĂ©sidĂ©e par Tina Anselmi a considĂ©rĂ© que cette liste Ă©tait fiable et authentique. Elle a dĂ©cidĂ© de publier cette liste dans son rapport final intitulĂ© Relazione della Commissione parlamentare d’inchiesta sulla Loggia massonica P2.

La liste compte 962 noms dont celui de Gelli. Certains exĂ©gĂštes ont prĂ©tendu qu’au moins 1 000 noms Ă©taient toujours tenus secrets, car la numĂ©rotation des membres commençait avec le nombre 1 600, ce qui pouvait laisser croire que la liste complĂšte n’avait pas Ă©tĂ© trouvĂ©e[3]. La liste comprend tous les chefs des services secrets italiens, 195 officiers des diffĂ©rentes armes militaires (12 gĂ©nĂ©raux des carabinieri, 5 de la Guardia di Finanza, 22 de l’armĂ©e de terre, 4 de l’armĂ©e de l’air et 8 amiraux), ainsi que 44 dĂ©putĂ©s ou sĂ©nateurs, 3 ministres, un secrĂ©taire de parti politique, des magistrats, quelques prĂ©fets et commissaires, des banquiers et des hommes d’affaires, des hauts-fonctionnaires, des dirigeants de la presse et de chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision[3], et un dirigeant de la Banca di Roma (troisiĂšme banque du pays), ancien directeur gĂ©nĂ©ral de la Banca Nazionale del Lavoro (la plus grande)[5].

Parmi les personnalités notables figurant sur la liste :

  • Federico Carlos Bartffeld, futur ambassadeur d’Argentine en Yougoslavie, dĂ©chu en 2003 de son poste au gouvernement de Nestor Kirchner Ă  la suite d'accusations d’implication dans la Guerre sale ;
  • Silvio Berlusconi, homme d’affaires, futur prĂ©sident du Conseil[13] ;
  • Roberto Calvi, surnommĂ© le « banquier de Dieu »[4] ;
  • Fabrizio Cicchitto, dĂ©putĂ© du Parti socialiste italien (PSI), futur transfuge dans le parti Forza Italia de Berlusconi[5] ;
  • Maurizio Costanzo, animateur de tĂ©lĂ©vision populaire sur les chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision de Berlusconi ;
  • Franco Di Bella, directeur du Corriere della Sera, commanditaire de l’entretien de Licio Gelli[13] ;
  • Publio Fiori, membre de DĂ©mocratie chrĂ©tienne, cible d’un attentat des Brigades rouges, futur ministre du parti Alliance nationale dans le gouvernement Berlusconi ;
  • Orazio Giannini, gĂ©nĂ©ral commandant la Guardia di Finanza de 1980 Ă  1981, qui, le jour de la dĂ©couverte de la liste, aurait tĂ©lĂ©phonĂ© au responsable policier de l’opĂ©ration pour lui dire (selon le tĂ©moignage du responsable en question devant la commission d’enquĂȘte parlementaire) : « Vous devriez savoir que vous avez trouvĂ© des listes. Je suis sur ces listes. Faites attention, car il en est de mĂȘme aux Ă©chelons les plus Ă©levĂ©s. Prenez garde, vous allez ĂȘtre dĂ©passĂ©s par tout cela. »[3] ;
  • Raffaele Giudice, gĂ©nĂ©ral commandant la police financiĂšre (Guardia di Finanza) de 1974 Ă  1978, nommĂ© par Giulio Andreotti, coupable de complicitĂ© de fraude fiscale pour un montant de 2,2 milliards de dollars avec le magnat du pĂ©trole Bruno Musselli[14] ;
  • Giulio Grassini (it), directeur du Service des renseignements et de la sĂ©curitĂ© dĂ©mocratique (it) (SISDE)[14] ;
  • Pietro Longo, secrĂ©taire national du Parti social-dĂ©mocrate italien (PSDI)[13] ;
  • Guillermo SuĂĄrez Mason, gĂ©nĂ©ral argentin condamnĂ© pour des crimes (tortures, enlĂšvements) commis pendant la guerre sale[12] ;
  • Emilio Massera, membre de la junte militaire argentine dirigĂ©e par Jorge Videla de 1976 Ă  1978 ;
  • Pietro Musumeci, directeur adjoint du Service des renseignements et de la sĂ©curitĂ© militaire (SISMI)[14] ;
  • Vito Miceli (it), directeur du Service des renseignements opĂ©rationnels et situationnels (it) (SIOS), arrĂȘtĂ© en 1975 pour conspiration contre l’État dans le cadre de la stratĂ©gie de la tension, futur membre du MSI, parti nĂ©ofasciste[14] ;
  • Carmine Pecorelli, journaliste controversĂ©, proche des services secrets et maĂźtre-chanteur, assassinĂ© le , qui avait Ă©tabli des relations, entre les lignes, dans un article de , entre l’enlĂšvement et assassinat d’Aldo Moro et l’opĂ©ration Gladio ;
  • JosĂ© LĂłpez Rega, ministre argentin des Affaires sociales de 1973 Ă  1976 et fondateur de l’Alliance anticommuniste argentine ;
  • Angelo Rizzoli (it), Ă©diteur, propriĂ©taire du Corriere della Sera, dit « Angelone » pour le distinguer de son grand-pĂšre Angelo Rizzoli[13] ;
  • Giuseppe Santovito (it), chef des services de renseignement de l’armĂ©e (SISMI)[14] ;
  • Michele Sindona, banquier liĂ© Ă  la mafia, empoisonnĂ© en prison[4] ;
  • Bruno Tassan Din, directeur gĂ©nĂ©ral du Corriere della Sera[13] ;
  • Giovanni Torrisi, amiral et chef d’État-major de l’armĂ©e italienne[5].

Notes et références

  1. Chaboud 2004, p. 38.
  2. (en) « Anti-masonry Frequently Asked Questions : What was the P2 Lodge ? », Grand Lodge of British Columbia and Yukon.
  3. Ginsborg 2003, p. 144-148.
  4. Stille 1995, p. 39-41.
  5. (en) « Italy : A Grand Master's Conspiracy », Time,‎ (lire en ligne).
  6. (it) La loggia massonica P2 (Loggia Propaganda Due), Associazione tra i familiari delle vittime della strage alla stazione di Bologna del 2 agosto 1980..
  7. Jones 2003, p. 186-187.
  8. Calvi et Schmidt 1988, p. 73.
  9. (en) « Italian minister falls victim to corruption », The Independent,‎ (lire en ligne).
  10. (en) « Human Rights Court Judgment. Landmark victory for Freemasons », Grand Lodge of Scotland.
  11. (en) « Italian Parliament. Licio Gelli's List of P2 Members. 1981 » [archive du ].
  12. Calvi et Schmidt 1988, p. 71.
  13. Ginsborg 2005, p. 30-31.
  14. (it) « Gli apparati militari. Conclusioni », Commissione parlamentare d’inchiesta sulla Loggia massonica P2.

Voir aussi

Bibliographie

  • (fr) Fabrizio Calvi et Olivier Schmidt, Intelligences secrĂštes : Annales de l'espionnage, Paris, Hachette, , 309 p. (ISBN 978-2-01-012556-0)
  • (fr) Jack Chaboud, La franc-maçonnerie : Histoire, mythes et rĂ©alitĂ©s, Paris, J'ai lu, , 93 p. (ISBN 978-2-290-34007-3)
  • (en) Paul Ginsborg, Italy and Its Discontents : Family, Civil Society, State, 1980-2001, Londres, Palgrave Macmillan, , 544 p. (ISBN 978-1-4039-6152-5)
  • (en) Paul Ginsborg, Silvio Berlusconi : Television, Power and Patrimony, Londres, Verso, , 195 p. (ISBN 978-1-84467-541-8, lire en ligne)
  • (en) Tobias Jones, The Dark Heart of Italy : Travels Through Time and Space Across Italy, New york, North Point Press, , 288 p. (ISBN 978-0-571-20592-9)
  • (en) Alexander Stille, Excellent Cadavers : The Mafia and the Death of the First Italian Republic, New York, Vintage, , 467 p. (ISBN 978-0-679-76863-0)

Articles connexes

Vidéographie et radiophonie

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