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Profil (aérodynamique)

Le profil d'un Ă©lĂ©ment aĂ©rodynamique est sa section longitudinale (parallĂšle au vecteur vitesse). Sa gĂ©omĂ©trie se caractĂ©rise par une cambrure (inexistante s'il est symĂ©trique), une Ă©paisseur et la distribution de l'Ă©paisseur (rayon du bord d'attaque, emplacement de l'Ă©paisseur maximale). À fluide, vitesse et angle d'attaque donnĂ©s, cette gĂ©omĂ©trie dĂ©termine l’écoulement du fluide autour du profil, par consĂ©quent l'intensitĂ© des forces gĂ©nĂ©rĂ©es Ă  tout moment, portance et traĂźnĂ©e. Le nombre de Reynolds et le nombre de Mach permettent de dĂ©crire numĂ©riquement l’écoulement.

Histoire

Le fait qu'une surface plane placĂ©e dans un flux d'air avec une incidence produit une force est une observation trĂšs ancienne, qui trouve notamment son application dans les moulins Ă  vent. Les premiers travaux scientifiques sur les profils aĂ©rodynamiques ont commencĂ© Ă  la fin du XIXe siĂšcle, basĂ©s sur la supposition qu'une forme incurvĂ©e, plus proche de la forme d'une aile d'oiseau, serait plus efficace[1]. Les premiers dĂ©veloppements Ă©taient expĂ©rimentaux et basĂ©s sur la mĂ©thode des essais comparatifs. En 1884 H.F. Phillips brevette une sĂ©rie de profils basĂ©s sur des observations rĂ©alisĂ©es dans une soufflerie alimentĂ©e naturellement. À la mĂȘme Ă©poque Otto Lilienthal travaille sur des formes d'aile basĂ©es sur ses observations des oiseaux. Il formalise ses recherches dans son ouvrage « Le vol de l'oiseau, bases de l'art du vol » paru en 1889, dans lequel apparaissent les premiers graphiques de polaires[2].

Les premiers avions disposaient gĂ©nĂ©ralement de profils trĂšs fins et cambrĂ©s, que l’on croyait alors plus efficaces sur la base d'observations en soufflerie, rĂ©alisĂ©es Ă  l'Ă©poque Ă  faible vitesse et Ă©chelle rĂ©duite (faible nombre de Reynolds) favorisant ce type de profil[3]. En consĂ©quence de nombreux avions Ă©taient de configuration biplan pour disposer de suffisamment de surface portante, un profil fin ne permettant pas de construire des ailes longues et suffisamment rĂ©sistantes, notamment en torsion. À partir de 1917 Ludwig Prandtl dispose d'une soufflerie suffisamment grande pour rĂ©aliser des essais grandeur nature et met en Ă©vidence certains aspects du comportement des profils Ă©pais, dont le coefficient de portance maximal est plus Ă©levĂ© Ă  finesse comparable. Il met Ă©galement au point des mĂ©thodes analytiques permettant de prĂ©dire les performances des profils cambrĂ©s[3].

Durant les annĂ©es 1930 le NACA systĂ©matise l’étude des performances de profils. L’organisation Ă©tablit les classifications Ă  4 et 5 chiffres, encore utilisĂ©es de nos jours. À partir de 1939 des profils laminaires sont tracĂ©s Ă  partir de mĂ©thodes analytiques. Ils prĂ©sentent une meilleure finesse dans une gamme de coefficients de portance donnĂ©e. À partir de 1950 les profils supercritiques sont mis au point ; ils permettent d'atteindre la vitesse des avions de ligne qui volent en rĂ©gime transsonique avec des Ă©paisseurs de profil plus fortes, apportant des gains structurels (rigiditĂ©, masse) et pratiques (volume disponible).

Aujourd'hui, la puissance de calcul des ordinateurs et les outils de calcul numĂ©rique permettent de sĂ©lectionner les profils des ailes d’un nouvel avion Ă  partir d’essais numĂ©riques.

Portance et finesse

Portance et traßnée sur un profil.

Le profil dĂ©termine les forces aĂ©rodynamiques qui s'exercent sur l'Ă©lĂ©ment quand il est en mouvement dans l'air. Il est utilisĂ© pour gĂ©nĂ©rer une portance, c'est-Ă -dire une force perpendiculaire Ă  la direction de l’écoulement en un lieu oĂč il n'est pas dĂ©viĂ© par la prĂ©sence du profil (c’est-Ă -dire loin en amont du profil, ou encore « Ă  l'infini amont »).

Un profil gĂ©nĂšre Ă©galement une force de traĂźnĂ©e lorsqu’il est dĂ©placĂ© dans un fluide. Cette force, peu souhaitable car s’opposant au dĂ©placement, dĂ©pend fortement de la portance gĂ©nĂ©rĂ©e.

Une caractĂ©ristique essentielle d’un profil est ainsi sa finesse, c'est-Ă -dire le rapport entre la portance et la traĂźnĂ©e qu’il gĂ©nĂšre. La finesse d’un profil dĂ©pend principalement de trois facteurs :

Coefficients de force

Il est possible de mettre en Ă©vidence, grĂące Ă  l’analyse dimensionnelle[4], que la force aĂ©rodynamique qui s’applique sur un Ă©lĂ©ment dĂ©pend globalement d’un nombre rĂ©duit de paramĂštres. Par exemple, la portance maximale que peut gĂ©nĂ©rer un corps est proportionnelle Ă  sa surface, Ă  la masse volumique de l’air, et au carrĂ© de sa vitesse.

Pour comparer la force aérodynamique générée par un profil à différentes échelles et différentes vitesses, on utilise le concept de coefficient de force de section :

oĂč est la force aĂ©rodynamique Ă©tudiĂ©e, par unitĂ© de largeur ;
est la masse volumique du fluide ;
est la vitesse d’écoulement ;
est une surface de rĂ©fĂ©rence reprĂ©sentative de l’échelle de l’élĂ©ment (dans le cas du profil d'une aile, usuellement, la surface de ladite aile).

Le symbole (parfois notĂ© [5] ou [6]) est utilisĂ© pour le diffĂ©rencier de , le coefficient de force d’un corps en trois dimensions. On peut l’interprĂ©ter comme Ă©tant le coefficient de force par unitĂ© de largeur (mĂštre d’envergure pour une aile, par exemple).

Parce qu’il permet de s’affranchir des effets d’échelle, le coefficient de force est un concept extrĂȘmement utile et couramment utilisĂ© pour comparer les profils.

La portance et la traĂźnĂ©e d’un profil, montrĂ©es sur une polaire des vitesses, sont liĂ©es l’une Ă  l’autre

Coefficient de portance du profil

On dĂ©finit le coefficient de portance d’un profil comme le coefficient de force perpendiculaire au dĂ©placement[7] :

oĂč est la portance par unitĂ© de largeur.

Le coefficient de portance maximal du profil est un indicateur de sa capacitĂ© Ă  fournir une portance donnĂ©e Ă  faible vitesse, au sein d’un fluide de faible masse volumique.

Coefficient de traßnée de profil

Le coefficient de traßnée de profil () est défini de façon similaire, avec la force de traßnée . La traßnée étant par définition opposée au déplacement, il est toujours souhaitable de minimiser .

On montre de façon analytique, et on mesure expĂ©rimentalement, que le coefficient de traĂźnĂ©e d’un profil est fortement dĂ©pendant du coefficient de portance. Un profil donnĂ© a ainsi gĂ©nĂ©ralement un coefficient de portance permettant un rapport , c'est-Ă -dire une finesse, de valeur maximale.

Géométrie du profil

Vocabulaire aéronautique utilisé pour décrire les profils aéronautiques

Les profils d'ailes destinés à produire une portance à des vitesses subsoniques ont généralement un bord d'attaque arrondi, une épaisseur maximale placée vers le tiers avant, et un bord de fuite fin sur l'arriÚre.

La corde de profil est un segment de droite entre le bord d'attaque et le bord de fuite. Elle est notée c[8].

L'épaisseur maximale est la distance notée h maximale entre l'intrados et l'extrados de l'aile[8].

On obtient l'Ă©paisseur relative en faisant le rapport de l'Ă©paisseur maximale et de la corde.

La ligne moyenne du profil (à mi-distance du dessus et du dessous) est généralement courbée ou « cambrée » dans la direction de la portance désirée. La distance entre la corde et le sommet de la ligne moyenne s'appelle la flÚche. Le rapport de la flÚche à la corde s'appelle la cambrure.

FlĂšche = f
Cambrure = f / c

Les voiles d'un navire, les pales d'un boomerang, les stabilisateurs d'un sous-marin, la dĂ©rive, la quille, le safran d'un voilier, l'hĂ©lice d'un avion, le rotor d'un hĂ©licoptĂšre, mais aussi les coquilles de palourdes, les nageoires des poissons et les rĂ©miges des oiseaux peuvent ĂȘtre dĂ©crits selon ce modĂšle.

Il est courant que le profil utilisĂ© sur un vĂ©hicule ou par un animal soit modifiĂ© en fonction du rĂ©gime de vol. Ainsi, les oiseaux cambrent leurs ailes, et les appareils civils dĂ©ploient leurs dispositifs hypersustentateurs, lorsqu’ils Ă©voluent Ă  faible vitesse (notamment Ă  l’atterrissage). De mĂȘme, par faible vent, on augmentera la surface et la cambrure des voiles d’un voilier.

SĂ©lection d’un profil

Le choix d'un profil d'aile est une étape importante de la conception aérodynamique, car il influe sur la forme et la taille des ailes et des stabilisateurs, et partant de là, les dimensions de l'aéronef tout entier. L'étude aérodynamique d'un profil d'aile qui se faisait en soufflerie se fait maintenant par le calcul (en 2 D, à allongement infini). L'étude d'une aile (avec un allongement fini) ou de l'avion complet se fait en 3 D (CFD) et en soufflerie.

Les caractĂ©ristiques gĂ©omĂ©triques correspondant le mieux Ă  une application donnĂ©e seront dĂ©terminĂ©es en fonction d’une multitude de contraintes souvent contradictoires, par exemple :

  • avoir une finesse Ă©levĂ©e (par exemple, pour l’aile d’un avion en rĂ©gime de croisiĂšre). Cela demande en gĂ©nĂ©ral un profil de faible Ă©paisseur relative et de faible cambrure ;
  • pouvoir maintenir une portance Ă  faible vitesse, ou avec une faible surface alaire (par exemple, pour une manƓuvre d’un avion en approche). Cela demande d’atteindre un haut coefficient de portance, ce qui est favorisĂ© par un bord d'attaque Ă  grand rayon, une forte cambrure et une couche limite turbulente ;
  • avoir une forte Ă©paisseur, notamment Ă  l'emplanture dans le cas d’une aile Ă  fort allongement :

Il existe, en plus de ces contraintes d’ordre pratique, des contraintes imposĂ©es par l’écoulement du fluide.

RĂ©gimes d’écoulement

Le nombre de Reynolds et le nombre de Mach sont deux Ă©chelles permettant de dĂ©crire la nature de l’écoulement du fluide autour du profil.

Influence du nombre de Reynolds

Influence du nombre de Reynolds sur l’écoulement autour d’un profil

Un élément déterminant est le nombre de Reynolds, noté : c'est le rapport entre les forces d'inertie des molécules du fluide et les forces de viscosité de ce fluide (donc rapport sans unité). La valeur de dépend des dimensions du corps (généralement la corde ), de la vitesse de déplacement et de la viscosité cinématique du fluide (prononcer nu) :

Re est généralement trÚs faible dans les milieux denses et visqueux, et plus élevé dans les milieux fluides et peu denses. En aéronautique, Re est généralement exprimé en millions (106)[9].

Application Corde
(m)
Vitesse
(m/s)
Re
papillon 0,025 0,3 500
oiseau 0,050 6 20 000
avion modĂšle 0,15 9 100 000
avion lĂ©ger 1,50 50 5 Ă— 106
avion de ligne 3,50 230 50 Ă— 106


Reynolds des corps volants et autres corps.

Plus le nombre de Reynolds augmente, et plus la couche limite qui entoure le profil a tendance Ă  devenir turbulente tĂŽt. Une couche limite turbulente se traduit par une traĂźnĂ©e de friction plus importante qu’une couche limite laminaire (un peu moins du double). En revanche, elle permet d’atteindre un plus grand angle d'attaque (et ainsi un plus grand coefficient de portance) avant l’apparition du dĂ©crochage (voir Crise de traĂźnĂ©e des profils).


Un mĂȘme profil a ainsi un comportement diffĂ©rent Ă  diffĂ©rentes Ă©chelles :

  • un coefficient de frottement plus faible Ă  petite Ă©chelle (lorsque le nombre de Reynolds est faible) ;
  • une robustesse au dĂ©crochage plus grande Ă  grande Ă©chelle (lorsque le nombre de Reynolds est grand).

Un profil en mouvement prĂ©sente gĂ©nĂ©ralement une partie amont (prĂšs du bord d'attaque) oĂč la Couche limite est laminaire (faible coefficient de frottement) et une partie aval oĂč cette Couche limite est turbulente (coefficient de frottement plus fort). La position longitudinale de la transition entre ces deux parties dĂ©pend :

  • du profil utilisĂ© (rĂ©partition longitudinale des champs de pression) ;
  • du nombre de Reynolds ;
  • de l'Ă©tat de surface du profil :
    • rugositĂ©,
    • rĂ©gularitĂ© de la courbure.

Les profils dits « laminaires » (on devrait dire Ă  laminaritĂ© Ă©tendue et mĂȘme Ă  laminaritĂ© Ă©tendue de la Couche limite) sont des profils Ă  bord d'attaque plus fin et Ă  Ă©paisseur maximale reculĂ©e (vers 40 Ă  45 % de la corde) dont la zone revĂȘtue d'une Couche limite laminaire est plus Ă©tendue (vers l'aval) que celle des profils dits « classiques » ou « turbulents ». La transition de la Couche limite peut ainsi reculer jusqu'Ă  60 ou 70 % de la corde, ce qui abaisse notablement le Coefficient de friction du profil. Les profils laminaires ne sont cependant exploitables que dans une plage rĂ©duite de coefficients de portance et d'angles d'attaque. En dehors de cette plage, leur traĂźnĂ©e est plus Ă©levĂ©e que celle d'un profil classique. Ce sont d'autre part des profils nĂ©cessitant plus de prĂ©cision Ă  la fabrication, plus de soin (Ă©tat de surface) et moins tolĂ©rants en utilisation (plage de vitesse optimale plus Ă©troite).

Influence du nombre de Mach

On distingue plusieurs régimes de vol dans lesquels un profil fonctionne de maniÚre trÚs différente :

  • en rĂ©gime subsonique, les lois du mouvement de Newton peuvent expliquer la portance comme une rĂ©action de l'aile Ă  la dĂ©viation vers le bas de l'Ă©coulement de la masse d'air. L'aile dĂ©vie de l'air vers le bas donc cet air dĂ©viĂ© soulĂšve l'aile. Marginalement, l'air accĂ©lĂ©rĂ© par la cambrure du profil au-dessus de l'aile ou par l'angle d'attaque positif entraĂźne une dĂ©pression par effet Bernoulli aspirant l'aile vers le haut ;
  • en rĂ©gime transsonique, l'air est accĂ©lĂ©rĂ© Ă  une vitesse proche ou supĂ©rieure Ă  la vitesse du son, crĂ©ant des ondes de choc au niveau de l'aile, qui changent profondĂ©ment les caractĂ©ristiques mĂ©caniques du systĂšme aile-flux d'air (les voilures dites « supercritiques » rĂ©duisent l'apparition de ces ondes et leurs effets indĂ©sirables, permettant un vol Ă  vitesse plus proche de Mach 1) ;
  • en rĂ©gime supersonique, c'est la pression due aux ondes de chocs formĂ©es tout autour de l'aile (et de l'aĂ©ronef) qui produisent les forces : le centre de ces pressions sur l'aile est ramenĂ© vers l'arriĂšre et la surface frontale de l'aile face au flux supersonique devient un paramĂštre dĂ©terminant pour la traĂźnĂ©e : dans ces conditions on utilise prĂ©fĂ©rentiellement des profils en forme de losange trĂšs aplati.

Aux vitesses supersoniques, l'écoulement devient turbulent. Pour contrer ces effets, les ingénieurs ont d'abord fait aspirer les instabilités par de nombreux petits trous (ou fentes). Puis ils ont intégré aux ailes des dispositifs passifs équivalents[10].

Notes et références

  1. (en) Ilan Kroo, « History of Airfoil Development », sur Stanford Course AA 241: Aircraft Design Synthesis and Analysis (consulté le )
  2. Musée Otto-Lilienthal Chronique de l'aviation
  3. (en) « A Short History of Airfoils », sur www.flyingmag.com
  4. (en) Houghton, E. L.; Carpenter, P.W., Aerodynamics for Engineering Students, Butterworth Heinmann, , 5e Ă©d. (ISBN 0-7506-5111-3) section 1.4.2
  5. (en) Phillips, Warren F., Mechanics of Flight, Wiley & Sons, , 2e Ă©d. (ISBN 978-0-470-53975-0) p.3
  6. (en) Bertin, John J.; Cummings, Russel M., Aerodynamics for Engineers, Pearson Prentice Hall, , 5e Ă©d., 732 p. (ISBN 978-0-13-227268-1), p. 106
  7. (en) Phillips, Warren F., Mechanics of Flight, Wiley & Sons, , 2e Ă©d. (ISBN 978-0-470-53975-0), p. 3
  8. Institut Mermoz (Rungis, Val-de-Marne) et Impr. Révolution), Brevet d'initiation aéronautique (BIA), Institut Mermoz, dl 2019 (ISBN 978-2-86248-216-3 et 2-86248-216-1, OCLC 1140372304, lire en ligne), p. 175
  9. On peut approcher rapidement le Reynolds longitudinal d'un Ă©coulement dans l'air en effectuant le produit , produit oĂč et sont exprimĂ©s en m/s et m.
  10. F-16XL Ship #2 Supersonic Laminar Flow Control Dryden Flight Research Center.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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