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Prise du palais de justice de Bogota

La prise du palais de justice de Bogota par le M-19 est une prise d'otages qui a eu lieu les 6 et , dans le contexte du conflit armĂ© colombien. Le , 35 guĂ©rilleros du M-19 parviennent Ă  s'emparer du palais de justice de Bogota, oĂč ils retiennent 350 personnes dont onze des 25 juges de la Cour suprĂȘme de justice de Colombie. La reprise du bĂątiment par l'armĂ©e le fait prĂšs de 100 morts, dont seuls 68 seront identifiĂ©s. L’évĂšnement est encore aujourd’hui sujet Ă  polĂ©mique, depuis qu'il a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© que certains otages disparus durant les combats, que l'on pensait tuĂ©s par la guĂ©rilla, avaient en rĂ©alitĂ© Ă©tĂ© abattus par l’armĂ©e aprĂšs leur libĂ©ration.

Prise du palais de justice de Bogota
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Informations générales
Date 6-7 novembre 1985
Lieu Bogota, Colombie
Casus belli Attaque du palais de justice de Bogota
Issue Reprise du bùtiment par l'armée colombienne
Belligérants
Colombie ColombieMovimiento 19 de Abril M-19
Forces en présence
1 500 soldats35 guérilleros
Pertes
11 morts33 morts
1 capturé (exécuté)
Otages:
43 morts
10 disparus (exécutés)

Conflit armé colombien

Batailles

Années 1970
AnorĂ­

Années 1980
Palais de justice

Années 1990

Années 2000

Années 2010

Contexte

En 1982, le conservateur nouvellement élu président Belisario Betancur, constatant le peu de résultats des politiques de répressions observées par ses prédécesseurs, propose d'engager des négociations avec les guérillas. Longtemps dénoncés comme de simples bandits ou criminels, le caractÚre politique des motivations des guérilleros est reconnu et, pour la premiÚre fois, un gouvernement concÚde l'existence de « raisons objectives » au développement de la lutte armée colombienne. Les guérillas répondent favorablement à cette politique d'ouverture, et en 1985 les FARC constituent en association avec une fraction de l'ELN, le Parti communiste et d'autres acteurs politiques civils l'Union patriotique. Le M-19 convient également d'un cessez-le-feu avec le gouvernement[1].

Cette nouvelle stratĂ©gie du pouvoir colombien Ă  l'adresse des guĂ©rillas est nĂ©anmoins loin d’emporter l'adhĂ©sion de tous. Les États-Unis qui, dirigĂ©s par Ronald Reagan, cherchent Ă  appliquer en AmĂ©rique latine une politique intransigeante de contre-insurrection acceptent trĂšs mal l'idĂ©e de nĂ©gociations. L'ambassadeur amĂ©ricain Lewis Tambs s'emploie ainsi Ă  torpiller les nĂ©gociations et forge durant cette pĂ©riode l'expression de « narco-guĂ©rilla ». Par ailleurs, de grands propriĂ©taires terriens, alarmĂ©s par le discours introduit par les ex-guĂ©rilleros dans le dĂ©bat politique national en matiĂšre de rĂ©forme agraire, entreprennent de renforcer des groupes paramilitaires privĂ©s qui constitueront ultĂ©rieurement les AUC. Restent enfin les puissants cartels de drogue du pays qui possĂ©daient dans les annĂ©es 1980 et 1990 une influence considĂ©rable sur la classe politique colombienne grĂące Ă  l'effet de la corruption, et nourrissaient une relative inquiĂ©tude Ă  voir Ă©merger une nouvelle mouvance politique apparemment moins mallĂ©able[2].

Dans ce contexte, l'Union patriotique fait rapidement l'objet d'une rĂ©pression sanglante Ă  laquelle prennent part cartels de drogue et paramilitaires, mais aussi certains secteurs de l'armĂ©e et de la police. Cette campagne d'assassinats se poursuit plusieurs annĂ©es et laisse des milliers de militants tuĂ©s, ainsi que la plupart des Ă©lus du parti et ses candidats aux Ă©lections prĂ©sidentielles. De son cĂŽtĂ©, le M-19 dĂ©nonce des attaques de l'armĂ©e contre ses forces (dont notamment l'assassinat de l'un de ses dirigeants politiques) et l’inflexibilitĂ© du gouvernement sur les thĂ©matiques sociales abordĂ©es au cours des nĂ©gociations. Le mouvement imagine alors de rĂ©pliquer aux assassinats politiques et violations de trĂȘve par une action spectaculaire dont l’impact mĂ©diatique permettrait Ă©galement de dĂ©noncer avec grands Ă©chos Belisario Betancur, dĂ©sormais trĂšs nĂ©gativement perçu par les guĂ©rilleros.

Prise du palais

Le , Ă  11 h 35, un commando de 35 guĂ©rilleros, dont dix femmes, prennent d'assaut le palais de justice de BogotĂĄ depuis le sous-sol. Ils parviennent Ă  prendre le plein contrĂŽle du bĂątiment aprĂšs avoir Ă©liminĂ© la rĂ©sistance des gardes de sĂ©curitĂ© du bĂątiment, dont deux sont tuĂ©s dans une fusillade, et prennent en otages 350 personnes, parmi lesquelles onze juges de la cour suprĂȘme. Le groupe rebelle fait diffuser un communiquĂ© dans lequel il exprime sa volontĂ© d'organiser un procĂšs du prĂ©sident Belisario Betancur et de reprendre les nĂ©gociations.

À 13h55 un premier assaut est donnĂ© par l’armĂ©e pour tenter de reprendre le bĂątiment, ce qui contraint les guĂ©rilleros et les otages Ă  se retirer vers les Ă©tages supĂ©rieurs, tandis que les combats se poursuivent. L'assaut est d'une telle violence qu'un otage, le prĂ©sident de la cour suprĂȘme, supplie le gĂ©nĂ©ral chargĂ© des opĂ©rations, avec lequel il peut communiquer par tĂ©lĂ©phone, de suspendre l'action, sous peine de provoquer la mort de toutes les personnes toujours piĂ©gĂ©es. Sa demande n'est pas Ă©coutĂ©e et le gĂ©nĂ©ral fait savoir que le prĂ©sident de la RĂ©publique refuse de nĂ©gocier. L'intensitĂ© des combats s'accentuera encore en soirĂ©e et la reprise totale du bĂątiment ne sera effective que le lendemain matin[3].

Les combats auront laissé 33 guérilleros tués, ainsi que 43 otages et officiellement 11 militaires. Plusieurs personnes (sept employés de la cafétéria du tribunal et trois visiteurs) sont également portées disparues. Tous les guérilleros sont tués sauf deux, dont l'un disparaßt dans les jours qui suivent la reprise du palais de justice. La seule survivante des guérilleros qui ont mené l'attaque est Clara Elena Enciso. Cet épisode est considéré comme « l'un des chapitres les plus tristes et les plus sombres de l'histoire » de la Colombie[4].

Controverses

ExĂ©cutions d'otages par l’armĂ©e

Comme le dévoileront des vidéos divulguées postérieurement, les personnes disparues avaient été évacuées par l'armée et emmenées dans une école militaire pour un débriefing (l'armée craignant que des membres du M-19 ne s'échappent) mais ne seront jamais retrouvées, à l'exception du corps de l'une d'elles retrouvé parmi les corps calcinés à l'intérieur du tribunal (ce qui implique que l'on aurait ramené le cadavre pour camoufler les causes de sa mort).

Le colonel Alfonso Plazas Vega (es), responsable de l'Ă©cole de cavalerie dans laquelle les disparus auraient Ă©tĂ© torturĂ©s et exĂ©cutĂ©s et initialement dĂ©corĂ© pour son action durant les Ă©vĂšnements, est pour le moment le seul inculpĂ©. Selon des tĂ©moignages de militaires placĂ©s sous ses ordres lors de ces Ă©vĂšnements, le colonel aurait fait torturer les disparus puis ordonnĂ© de "pendre ces fils de putes", persuadĂ© qu'il s'agissait de guĂ©rilleros rebelles. Son procĂšs s'Ă©tend dans des conditions difficiles puisque le prĂ©venu engage une succession de manƓuvres procĂ©duriĂšres pour retarder son jugement et refuse d'y assister. Il est finalement condamnĂ© Ă  30 ans de prison le . À la suite de cette condamnation, la juge chargĂ©e du procĂšs, ciblĂ©e par des menaces de mort, quitte la Colombie tandis que la procureure est limogĂ©e[3]. Le procĂšs avait pris une importante connotation politique en raison du soutien qu'avait apportĂ© l'ancien prĂ©sident Álvaro Uribe et une partie de la droite colombienne au colonel Plazas Vega[5].

Participation alléguée du cartel de Medellín

L'Ă©ventualitĂ© d'une participation du cartel de MedellĂ­n a Ă©tĂ© allĂ©guĂ©e par des membres du gouvernement conservateur et certains titres de presse, et confirmĂ©e beaucoup plus tard par « Popeye », un ancien proche de Pablo Escobar, selon qui le cartel aurait payĂ© 2 millions de dollars pour contribuer au financement de l'opĂ©ration. Il se serait agi pour le cartel de dĂ©truire des documents judiciaires et empĂȘcher l'extradition de trafiquants. NĂ©anmoins le M-19 avait Ă  l'Ă©poque rejetĂ© ces accusations de collusion avec les cartels de drogue, version que maintiennent d'anciens dirigeants du groupe dĂ©mobilisĂ©s.

En 1986, la Commission spĂ©ciale d’enquĂȘte, crĂ©Ă©e par le gouvernement, conclut Ă  la non-participation du cartel[6].

Notes et références

  1. « Impressions de Colombie - Les Amis du Monde diplomatique », sur www.amis.monde-diplomatique.fr
  2. Michel Gandilhon, La guerre des paysans en Colombie, de l'autodéfense agraire à la guérilla des FARC, Les nuits rouges, , 216 p.
  3. "Jour fatal en Colombie", documentaire Arte diffusé le 20 avril 2012
  4. (es) « La tragedia del Palacio de Justicia, un monumento a la impunidad »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?), Semana,
  5. « La primera condena por la toma del Palacio de Justicia no aclara dónde estån los desaparecidos », sur prensarural.org
  6. Ana Carrigan, The Palace of Justice: A Colombian Tragedy, Four Walls Eight Windows, 303 p.

Voir aussi

Bibliographie

  • (es) Ana Carrigan, El Palacio de Justicia: Una tragedia colombiana. Icono Editorial, 2009. (ISBN 978-958-8461-06-9).

Liens externes

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