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Presse Ă  coller (film)

Une presse à coller est un accessoire de la post-production d’un film de cinéma ou de télévision tourné avec une caméra argentique. Elle était nécessaire au cours du montage lorsque celui-ci était encore effectué à partir d’une copie positive des différents négatifs obtenus pendant le tournage, pour constituer une « copie de travail », c’est-à-dire une sorte de brouillon du film.

Monteuse grattant la pellicule installée sur sa presse à souder (1946).

Elle servait également dans les cabines de projection à assembler les différents programmes ou à réparer les pellicules qui avaient subi une cassure.

Cet accessoire est devenu muséologique, mais sert encore dans les cinémathèques et archives du film pour l’entretien des documents argentiques.

Histoire

Les premiers films, tournĂ©s dès 1891 par l’équipe de Thomas Edison, dirigĂ©e par le premier rĂ©alisateur du cinĂ©ma, William Kennedy Laurie Dickson, ainsi que ceux de leurs successeurs, d’abord Louis Lumière, puis William Heise, Georges MĂ©liès, Alice Guy, etc, sont constituĂ©s d’un seul plan qui dure moins d’une minute, ce qui correspond aux bobines de 15 Ă  20 mètres de pellicule que contiennent les camĂ©ras primitives. « Les inventeurs du cinĂ©ma primitif ne dĂ©rogent pas Ă  l’habitude, tout Ă  la fois photographique et scĂ©nique, de tourner une seule prise de vue pour filmer une action unique dans un mĂŞme lieu. »[1] L’idĂ©e mĂŞme de montage n’a jamais effleurĂ© ces pionniers jusqu’à la fin des annĂ©es 1890.

En revanche, des accidents de tournage se prĂ©sentent parfois. Un coup de manivelle trop violent (vitesse normale : 2 tours Ă  la seconde) peut provoquer la rupture du bobineau de 35 ou 58 mm de large et nĂ©cessite une rĂ©paration sur le champ. Les accessoires indispensables des premiers opĂ©rateurs sont — outre le tissu noir opaque qui permet le chargement et le dĂ©chargement de la pellicule, ainsi que le cadrage Ă  travers celle-ci — une paire de ciseaux et un flacon d’un mĂ©lange d’acĂ©tone et d’acĂ©tate d'amyle, qui sont les dissolvants du celluloĂŻd (le support film). Les opĂ©rateurs doivent en ĂŞtre Ă©quipĂ©s pour effectuer ces rĂ©parations sur les lieux mĂŞmes du tournage, Ă  l’abri de leur tissu noir. La rĂ©paration est faite directement Ă  la main : un coup de ciseaux prĂ©cis, un grattage de la gĂ©latine (la couche photosensible), un peu de colle et un pressage adĂ©quat (comme il est fait de nos jours avec les colles dites super glue au cyanoacrylate de mĂ©thyle) provoquent une collure, ou plus exactement une soudure des deux tronçons. Une autre technique est employĂ©e quand une partie du tournage de la bobine est interrompue pour des causes extĂ©rieures (par exemple quand le sujet s’arrĂŞte de faire ce qui intĂ©resse l’opĂ©rateur) ou quand l’opĂ©rateur soupçonne (Ă  l’oreille) une dĂ©tĂ©rioration des perforations. Un accessoire est prĂ©vu sur les camĂ©ras jusque dans les annĂ©es 1920, sous la forme d’un poinçon qui permet de repĂ©rer sur la pellicule un endroit ratĂ© pour diverses raisons. Lorsque le cadreur dĂ©veloppe la pellicule, une opĂ©ration qui lui incombe au dĂ©but, dans l’obscuritĂ© de son laboratoire (parfois portatif) il peut sentir au bout des doigts les poinçons qui encadrent la partie Ă  supprimer, ce qu’il fait, Ă©vitant un dĂ©veloppement inutile de ce tronçon. Il raccorde alors Ă  la colle les deux parties utiles avant dĂ©veloppement.

Très tôt également, « les opérateurs de projection effectuent couramment en rassemblant plusieurs bobineaux, des collures qui créent un bout à bout facile à projeter et qui leur épargne de recharger la machine à la fin de chaque bobineau. »[2] Ces diverses opérations avant et après tournage, aboutissent à plusieurs conclusions : celle de William Heise et Alfred Clark en pour L'Exécution de Marie, reine des Écossais, une production Edison dans laquelle on voit tomber la tête de Mary sous le coup de hache du bourreau, trucage effectué avec le procédé de l’arrêt de caméra. L’un des plus anciens effets spéciaux du cinéma, que reprend Georges Méliès qui va en faire son fonds de commerce et qu’il portera à la perfection. L’arrêt de caméra nécessite une collure volontaire pour mettre bout à bout les deux parties du plan : la première, celle où le bourreau lève sa hache et fait semblant de l’abattre sur le cou de la reine — ici, on arrête la caméra et tous les figurants s'immobilisent — et la seconde, après que l’on ait remplacé la figurante en chair et en os par un mannequin — là, on remet en marche la caméra — et que le bourreau sépare la tête du mannequin d’un coup de sa hache. Ces deux parties comportent, au moment où la caméra s’arrête, et au moment où elle reprend le tournage, des images surexposées (trop claires, voire blanches) qu’il faut faire disparaître pour ne pas révéler le trucage. « Après développement du film, il faut supprimer les traces de l’arrêt et du redémarrage de la caméra, ces opérations ayant provoqué à chaque fois sur la pellicule quelques photogrammes surexposés qu’il est nécessaire de couper, puis il faut rassembler par une collure les deux parties utiles de la prise de vues. » [3] - [4]

Description d’une presse à souder

1910 : presse à souder les films 35mm avec rattrapage des différences de perforations des fabricants (molette de réglage à droite déplaçant les ergots dans la partie de soudure ouverte au milieu).

Le côté merveilleux (et spécifiquement cinématographique) du trucage de l’arrêt de caméra plaît énormément au public et son emploi va se généraliser jusqu’à constituer le spectacle le plus étonnant du cinéma, celui qui repousse le « réalisme lumiérien »[5] dont le public se lasse rapidement, d'autant que la durée des films augmente, grâce à la mise au point de la boucle de Latham, et que les bout à bout de plans (que l'on nomme à l'époque les scenes chez Edison, les vues photographiques animées chez les Lumière, les tableaux chez Georges Méliès) se multiplient à la suite de la découverte du principe du montage par le réalisateur anglais George Albert Smith[6].

Presse Ă  souder 35 mm de la Compagnie des Travaux MĂ©caniques (1930).

Ces recours de plus en plus fréquents au trucage et au montage conduisent les fabricants à perfectionner la méthode de soudure des pellicules, et à la mise au point d’un accessoire plus commode — et moins salissant — que les doigts de l’opérateur : la presse à assembler. « Pour coller deux bandes, on les coupe transversalement avec des ciseaux, l’une un peu au-dessus d’une image et l’autre à la séparation de deux images ; on enlève au grattoir la gélatine sur la partie qui déborde l’image, et on enduit le celluloïd ainsi mis à nu d’une très petite quantité du mélange dissolvant. On y applique immédiatement le côté en celluloïd de l’autre bande, en ayant soin de faire coïncider les perforations, et on laisse le tout sous faible pression pendant quelques instants. » Cette description, tirée du livre d’Ernest Coustet, Traité pratique de cinématographie (1913), décrit brillamment et complètement l’opération de la « collure », qui règne dans le cinéma de la fin des années 1890 aux années 1960, avant d’être remplacée par une « collure au scotch », moins polluante et plus rapide d’exécution.

Presse à souder Marguet 8mm & Super8 et son flacon de « colle » (1970).

Durant ces années, les laboratoires utilisent ce qu’on appelle une colleuse à chaud pour souder électriquement les plans du négatif d’un film, ce qui évite de gratter la pellicule originale (risque de poussières-rayures) et permet une « collure » très fine, de la hauteur de la barre d’obturation qui encadre les photogrammes, donc invisible dans les copies d’exploitation[7].

La presse Ă  souder les films (improprement appelĂ©e presse Ă  colle ou colleuse, splicer en anglais) est constituĂ©e de deux ou trois parties. Les deux parties extĂ©rieures servent Ă  aligner les deux plans que l’on veut assembler après les avoir coupĂ©s aux ciseaux. Deux volets tiennent la pellicule bien Ă  plat. Au centre, des ergots sur lesquels on accroche les perforations de chaque plan. Un grattage de la gĂ©latine (plan disposĂ© Ă  gauche) est exĂ©cutĂ© avec l’instrument adĂ©quat (grattoir intĂ©grĂ©, lame de rasoir), le dissolvant est dĂ©posĂ© Ă  l’aide d’un petit pinceau, le presseur de la partie centrale est rabattu et bloquĂ© aussitĂ´t, le temps de la soudure (60 secondes au plus). Ensuite, les volets sont relevĂ©s, et le dissolvant superflu est Ă©liminĂ© avec un chiffon doux. Les deux plans sont superposĂ©s dans la hauteur de la soudure, ils se chevauchent.

Colleuse Ă  scotch 35 mm. On distingue en bas Ă  droite les deux couteaux.

Les presses à coller sont commercialisées dans tous les formats, professionnels et amateurs. Elles ont pratiquement disparu quand ont été lancées les presses à scotch (ruban adhésif).

Description d’une presse à scotch

Après la taille des deux plans qui sont installés bout à bout (sans chevauchement) sur le plateau garni de plusieurs ergots, le monteur tire une portion de film adhésif qu’il rabat sur la jointure des plans. Il referme alors sur le dispositif une solide poignée à trois actions : elle applique fermement l’adhésif sur les pellicules, elle troue cet adhésif au droit des perforations du film, la double cisaille à levier qu'elle possède découpe le ruban adhésif à la largeur du film. L’opération est généralement répétée sur l’autre face du film, notamment si celui-ci doit être projeté, afin de consolider la « collure ». Les bandes son magnétiques perforées aux formats 35 mm ou 16 mm sont munies d’un adhésif du côté support seulement et leur jointure est en biais pour éviter un « cloc ! » sonore à la lecture. Sur la photo, on distingue à droite le couteau orthogonal pour couper les bandes image et le couteau en biais pour les bandes son magnétiques.

Notes et références

  1. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 66-67.
  2. Briselance et Morin 2010, p. 48.
  3. Briselance et Morin 2010, p. 29.
  4. (en) Charles Musser, History of the American Cinema, Volume 1, The Emergence of Cinema, The American Screen to 1907, New York, Charles Scribner’s Sons, , 613 p. (ISBN 0-684-18413-3), p. 87.
  5. Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours, Paris, Flammarion, , 719 p., p. 24.
  6. Briselance et Morin 2010, p. 65 Ă  69.
  7. Vincent Pinel, Dictionnaire technique du cinéma, Paris, Armand Colin, , 369 p. (ISBN 978-2-200-35130-4), p. 58.

Voir aussi

Articles connexes

Articles externes

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