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Film (métrage)

En prise de vue argentique, un film est un support souple et transparent dont une face est recouverte d’une émulsion photosensible qui permet l’impression d’images à l’aide d’un appareil photographique ou d’une caméra de cinéma.

Ruban pelliculaire.

Par métonymie, le terme désigne également l'œuvre cinématographique portée par cette pellicule.

  • Pour effectuer une prise de vue photographique, on utilise soit la cartouche 135 qui est un ruban perforĂ© identique au format standard 35 mm du cinĂ©ma, enroulĂ© dans une cartouche qui le protège de la lumière et permet de le charger en plein jour, soit les formats 120 et 220, ruban souple sans perforations, protĂ©gĂ© de la lumière par un papier opaque, soit le plan film, en plaque semi-souple contenue dans un boĂ®tier fermĂ© par un volet, chargeable Ă  l’unitĂ© pour les chambres photographiques, que l’on ouvre une fois installĂ© Ă  l’arrière de l’appareil, et que l’on referme une fois la photo prise.
  • Pour effectuer une prise de vues cinĂ©matographique, on utilise un ruban muni sur toute sa longueur d’une rangĂ©e (ou deux) de perforations, selon le format, qui se prĂ©sente soit en rouleaux (des « galettes ») de 61, 122 ou 305 mètres que l’on charge dans les magasins amovibles de la camĂ©ra (opĂ©ration exĂ©cutĂ©e en chambre noire ou dans un sac dĂ©diĂ© en tissu noir Ă©pais, appelĂ© charging bag ; les magasins peuvent ensuite ĂŞtre installĂ©s sur la camĂ©ra en plein jour et rĂ©cupĂ©rĂ©s de mĂŞme), soit en bobines Ă  flasques de 7,50, 15 ou 30 mètres que l’on introduit dans le corps mĂŞme de la camĂ©ra (opĂ©ration effectuĂ©e en lumière attĂ©nuĂ©e), soit en chargeurs prĂ©-remplis par le fabricant de la pellicule (camĂ©ras Ă  « magazine ») que l’on installe sur la camĂ©ra en plein jour.

En raison des possibilités démultipliées des systèmes et formats numériques, les formats cinématographiques argentiques sont pour certains en voie de disparition, ou muséologiques, mais d’autres perdurent à cause des connaissances que l’on a acquises en un siècle et demi sur la conservation de ces formats.

Le format standard

Le format standard du cinĂ©ma est le 35 mm Ă  dĂ©filement vertical, dĂ©terminĂ© Ă  quelques dĂ©tails près dans sa forme actuelle en 1893 par l’industriel et inventeur amĂ©ricain Thomas Edison, son rĂ©alisateur, le franco-britannique William Kennedy Laurie Dickson, et leur assistant l’AmĂ©ricain William Heise[1]. En 1891, « pour accomplir son tour de force, Edison a fait couper le support souple d’Eastman sur la largeur, le ramenant d’abord Ă  19 mm, avec un dĂ©roulement horizontal, puis, déçu par les rĂ©sultats d’une image trop petite, il le porte Ă  35 mm de large, avec un dĂ©roulement vertical »[2]. Le support souple transparent utilisĂ© Ă©tait l’invention en 1888 de l’AmĂ©ricain John Carbutt, le nitrate de cellulose, produit dangereux, facilement inflammable et mĂŞme explosif. Le futur crĂ©ateur de Kodak, l’AmĂ©ricain George Eastman, mit en vente ce support pour la photographie dès 1889 sous la forme de rouleaux de 70 mm de large. Mais l’arrivĂ©e sur le marchĂ© du nouveau produit eut surtout un effet d’accĂ©lĂ©ration de la mise au point d’un appareil photographique permettant la prise de vues intermittentes Ă  forte cadence : la camĂ©ra de cinĂ©ma qui enregistra les premiers films, le KinĂ©tographe. « KinĂ©tographe (en grec, Ă©criture du mouvement) : camĂ©ra de l’AmĂ©ricain Thomas Edison, brevetĂ©e le 24 aoĂ»t 1891, employant du film perforĂ© 35 mm et un système d’avance intermittente de la pellicule par « roue Ă  rochet ». Entre 1891 et 1895, Edison rĂ©alise quelque soixante-dix films »[3].

Pour assurer l’entraĂ®nement mĂ©canique du support souple, Thomas Edison munit d’abord sa pellicule d’une seule rangĂ©e de perforations rectangulaires dont il dĂ©posa des brevets internationaux, comme il le fit pour le kinĂ©tographe. « Edison s’est sans doute inspirĂ© des trous qui permettent le dĂ©filement des rubans en papier du tĂ©lĂ©graphe, dont il fut, pendant son adolescence, un opĂ©rateur virtuose »[2]. Puis, afin de mieux stabiliser l’image enregistrĂ©e, Edison dota la bande d’une seconde rangĂ©e de perforations sur l’autre bord de la pellicule. Le format 35 mm Ă©tait nĂ© et les premiers films du cinĂ©ma purent voir le jour. C’est Edison lui-mĂŞme qui adopta pour la première fois le mot anglais film pour dĂ©signer les bobineaux impressionnĂ©s[4].

L’apparition du kinĂ©tographe et des films Edison accĂ©lĂ©ra les recherches des autres inventeurs. Ces films Ă©taient visionnĂ©s sur les kinĂ©toscopes par le biais d’un Ĺ“illeton (Edison ne protĂ©gea pas son invention par des brevets internationaux car il considĂ©rait cet appareil comme une Ă©tape vers le couple image et son, qu'il pensait ĂŞtre en voie d'obtenir grâce au KinĂ©tophone ; Ă  tort, cette dernière invention qui intervint en 1895 fut un Ă©chec). En revanche, les KinĂ©toscope Parlors, vĂ©ritables salles de cinĂ©ma oĂą plusieurs appareils Ă  usage individuel Ă©taient Ă  la disposition du public moyennant un droit d'entrĂ©e dans la salle, furent un succès qui motiva industriels et inventeurs concurrents dans le monde entier. Ainsi, les frères Lumière dĂ©veloppèrent un appareil plus sophistiquĂ©, le CinĂ©matographe, Ă  la fois camĂ©ra de prise de vues et appareil de projection. Afin de ne pas tomber dans la contrefaçon industrielle, ils utilisèrent le mĂŞme format Eastman 70 mm coupĂ© en deux fois 35 mm, qu’ils dotèrent cependant d’une seule perforation ronde de part et d’autre de chaque photogramme, dite « perforation Lumière ». Par la suite, ils abandonnèrent cette configuration fragile, quand le format Edison fut choisi comme norme internationale du cinĂ©ma professionnel, dit format standard. Le matĂ©riau du film Ă©tant particulièrement dangereux (d’oĂą l’appellation « film flamme »), on lui prĂ©fĂ©ra en 1938 le triacĂ©tate de cellulose Ă  combustion lente (dit « film non-flamme » ou « film de sĂ©curitĂ© »).

Aux dĂ©buts du cinĂ©ma, en 1891, les bobineaux sont de longueurs modestes, entre 15 et 17 mètres que l’on charge dans le noir. Un opĂ©rateur employĂ© par Louis Lumière raconta mĂŞme qu’il avait Ă©tĂ© obligĂ©, pour manipuler sa pellicule dans l’obscuritĂ© complète, de louer un cercueil[5] ! Chaque prise de vues est un film en soi que l'on projette tel quel. C’est pourquoi tous les films primitifs, jusqu’à la fin du XIXe siècle, ont une durĂ©e infĂ©rieure Ă  une minute. Plus tard, la durĂ©e des films augmenta grâce Ă  une invention du premier rĂ©alisateur de cinĂ©ma, William Kennedy Laurie Dickson qui, en dĂ©saccord avec Thomas Edison sur l’urgence de dĂ©velopper un système de projection, le quitta et mit au point en 1895 pour Woodville Latham un dispositif très simple mais efficace, la boucle de Latham, qui permit alors la projection de films dont la longueur pouvait aller jusqu’à quelque 300 mètres. Les films cessèrent d’afficher la mĂŞme durĂ©e, dorĂ©navant ils furent de diffĂ©rents mĂ©trages. La nĂ©cessitĂ© de respecter la continuitĂ© de la projection mais aussi d’assurer sa sĂ©curitĂ© obligea les distributeurs Ă  livrer les films aux salles sous la forme de plusieurs galettes de 300 mètres, soit environ un quart d’heure. Cette dimension fut portĂ©e Ă  600 mètres dans les annĂ©es 1950, lors de la gĂ©nĂ©ralisation du film non-flamme[6]. Plus tard, dans les annĂ©es 1980-1990, et surtout Ă  l’occasion de la crĂ©ation des salles multiplexes, les galettes furent rĂ©unies pour en former une seule, installĂ©e soit sur un support indĂ©pendant de l’appareil de projection mĂŞme, afin de ne pas infliger le poids et la place Ă©normes de cette galette Ă  l’équipement de base, soit sur des plateaux oĂą le film est disposĂ© Ă  plat et en boucle.

Révolution du cinéma sonore

Le cinĂ©ma sonore, dès les premiers essais de l’équipe Edison en 1896, commença avec le KinĂ©tophone. Pratiquement mort-nĂ©, puis en 1902 les phonoscènes de LĂ©on Gaumont, et bien d’autres apparitions, est basĂ© sur un couple de machines dissemblables : la camĂ©ra puis l’appareil de projection d’une part, et le phonographe ou le gramophone, lecteurs de cylindres ou de disques gravĂ©s d’autre part. L’accouplement prĂ©sente de nombreuses dĂ©faillances, y compris dans le système plus abouti du Vitaphone : dĂ©synchronisations, cacophonies, etc. En 1927, la Fox Film Corporation « lance le procĂ©dĂ© Movietone qui permet de photographier le son sur une pellicule cinĂ©ma et de le rajouter sur la bande le long des photogrammes du film »[7]. Cette fois, le synchronisme est parfait ! Le succès de cette innovation technique oblige les cinĂ©astes Ă  porter la cadence de prise de vues des camĂ©ras et des appareils de projection Ă  24 photogrammes par seconde, au lieu des 16 ou 18 par seconde dont se contentait le cinĂ©ma muet. Ă€ 24 images par seconde, le rendu sonore est bien meilleur. Cette augmentation de la vitesse de dĂ©filement linĂ©aire change aussi la durĂ©e de passage du mĂ©trage de film. La galette de 61 mètres en 35 mm passe dorĂ©navant en 2 minutes au lieu de 3 auparavant, celle de 122 mètres passe en 4 minutes au lieu de 6, et celle de 305 mètres passe en 11 minutes au lieu de 16. Un long mĂ©trage sonore d'une heure et demie mesure 2 460 mètres, alors qu’en muet, il aurait mesurĂ© 1 640 mètres.

Notes et références

  1. (en) William Kennedy Laurie Dickson et Antonia Dickson (préf. Thomas Edison), History of the Kinetograph, Kinetoscope and Kineto-Phonograph (facsimile), New York, The Museum of Modern Art, , 55 p. (ISBN 0-87070-038-3, lire en ligne).
  2. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, coll. « Cinéma », , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 16.
  3. Laurent Mannoni (célébration du 22 mars 1895, année française de l’invention du cinéma), Lexique (numéro spécial), Paris, SARL Libération, coll. « supplément » (no 4306), , p. 3
  4. Dickson 2000, p. 53.
  5. Briselance et Morin 2010, p. 51.
  6. A. Antoine, La Pratique de la projection cinématographique, Paris, Nouvelles éditions Film et Technique, coll. « La Technique cinématographique », , 124 p., p. 82.
  7. Briselance et Morin 2010, p. 163

Bibliographie

  • (en) William Kennedy Laurie Dickson et Antonia Dickson (prĂ©f. Thomas Edison), History of the Kinetograph, Kinetoscope and Kineto-Phonograph (facsimile), New York, The Museum of Modern Art, , 55 p. (ISBN 0-87070-038-3, lire en ligne)
  • (en) James Monaco, How to read a film : movies, media, and beyond : art, technology, language, history, theory, Oxford New York, Oxford University Press, , 729 p. (ISBN 978-0-19-532105-0, OCLC 1056576935, lire en ligne)
  • David Bordwell et Kristin Thompson (trad. de l'anglais par Cyril BĂ©ghin), L'art du film une introduction, Bruxelles, De Boeck Universite, coll. « Arts et cinĂ©ma », , 2e Ă©d., 808 p. (ISBN 978-2-8041-0215-9, OCLC 824510650)
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