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Perforation de film

La perforation de film est une technique qui consiste Ă  rĂ©aliser des trous sur le bord de la pellicule d'un film argentique. Ces perforations permettent l'entraĂ®nement de la pellicule lors de la prise de vues et lors de la projection. Un film de 35 mm comporte classiquement quatre perforations Ă  peu près rectangulaires des deux cĂ´tĂ©s de chaque photogramme.

SchĂ©ma d'un fragment de film 35 mm Ă  son optique. Les deux rangĂ©es de perforations rectangulaires encadrent chacun des photogrammes et la bande son continue.

Histoire

Si le ruban souple et transparent fut inventĂ© par John Carbutt en 1888, et commercialisĂ© par George Eastman en 1889 sous la forme de rouleaux de 70 mm non perforĂ©s, destinĂ©s aux photographes, le film perforĂ© 35 mm qui est encore prĂ©sent dans les cinĂ©mathèques et archives, a Ă©tĂ© mis au point en 1893 par Thomas Edison et son assistant William Kennedy Laurie Dickson. Ils avaient d’abord testĂ© en 1891 une pellicule au format 19 mm Ă  dĂ©filement horizontal et aux perforations ovales sur un seul bord des photogrammes qui Ă©taient circulaires au diamètre de 13 mm environ, sur laquelle furent impressionnĂ©s les premiers films du cinĂ©ma[1]. La pellicule utilisĂ©e plus tard par les frères Lumière, afin de ne pas entrer en contrefaçon avec Edison, faisait Ă©galement 35 mm de large mais comportait une seule perforation ronde de chaque cĂ´tĂ© de chaque photogramme. Ce format fragile fut vite abandonnĂ©, tandis que le format Edison Ă©tait adoptĂ© par les cinĂ©astes du monde entier au tout dĂ©but du XXe siècle, son dessin caractĂ©ristique symbolise encore aujourd’hui le spectacle filmique, malgrĂ© l'abandon quasi total de la pellicule argentique[2].

Le film Eastman non perforĂ© Ă©tait prĂ©parĂ© avant que ne soit couchĂ© l’émulsion photosensible. On le faisait passer dans une machine, bricolĂ©e par l’utilisateur, qui effectuait le poinçonnage. Certains des pionniers du cinĂ©ma, comme Georges DemenĂż, avaient optĂ© pour une solution quelque peu pĂ©rilleuse : les griffes qui entraĂ®naient le film de 58 mm de large, le perforaient lors de la prise de vues ! Ce système risquĂ© fut encore plus vite abandonnĂ©. Pour sa part, le cinĂ©aste Georges MĂ©liès eut des dĂ©mĂŞlĂ©s avec Edison car dès 1896, il se fabriqua une perforatrice maison et perfora ses pellicules au format brevetĂ© par l’industriel amĂ©ricain. MĂ©liès commit ainsi un dĂ©lit de contrefaçon et fut poursuivi pour cela avant de conclure un arrangement avec Edison.

Caractéristiques techniques

Films 16 mm

Prise de vues 16 mm.
Projection sonore 16 mm.

Le format 16 mm standard, au ratio 1,37 :1 (rapport de la largeur sur la hauteur de l’image), dispose d’une rangĂ©e de perforations sur chaque bord, en ce qui concerne la pellicule de prise de vues. Le film 16 mm de projection ne prĂ©sente qu’une seule rangĂ©e de perforations, laissant l’autre bord du film porter la piste sonore optique ou la piste magnĂ©tique.

Le format Super 16 n'est dotĂ© en prise de vues que d'une seule rangĂ©e de perforations (une par photogramme) et utilise la surface photosensible Ă©quivalente (perdue dans le 16 mm classique au profit de la deuxième rangĂ©e de perforations), en produisant ainsi une image plus large (1,66 :1). Ce format encore un peu utilisĂ© aujourd’hui dĂ©bouche obligatoirement sur un « gonflage » en 35 mm ou une numĂ©risation sur disque dur. Mais sa disparition pure et simple est inĂ©luctable, comme d'ailleurs tous les formats de pellicule argentique. BientĂ´t, les perforations feront partie de la musĂ©ologie.

Films 35 mm

Comparaison des formats Ă  quatre, trois et deux perforations en relation avec le ratio d'image.
Les différents types de perforations professionnelles.

On distingue quatre types de perforations : BH, KS, DH et CS. Les perforations à bords arrondis BH (pour Bell & Howell), utilisées pour les films négatifs, et les perforations à bords droits KS (Kodak System), pour les films positifs et les négatifs qui datent de l'URSS. Les perforations BH permettent une introduction plus souple des griffes de caméra, mais sont fragilisées par leur forme[3].

Le pas, c'est-Ă -dire la distance entre le haut d'une perforation et le mĂŞme endroit de la suivante, est de 4,74 mm pour un film nĂ©gatif (BH) et de 4,75 mm pour un film positif (KS). Cette diffĂ©rence permet, lors d'un tirage par contact, d'enrouler autour d'un mĂŞme tambour dentĂ© un positif sur un nĂ©gatif[4].

Afin de garantir une compatibilité mécanique à tous les projecteurs existants, toute copie d’exploitation comporte toujours quatre perforations de chaque côté des photogrammes (donc 8 par photogramme).

Cependant, l’apparition du CinémaScope en 1953, et le succès public de ses écrans allongés au ratio 2,55:1, poussa la mode des formats larges, dont le principe était de réduire en hauteur les photogrammes impressionnés dans la caméra, en modifiant les fenêtres de prise de vues, ce qui permettait ensuite de projeter des images plus larges qu'avant (en modifiant à son tour la fenêtre de projection)[5] dont l’aspect se rapprochait un peu du CinémaScope sans utiliser de dispositif optique anamorphique. Se faisant, malheureusement, la surface réellement utilisée de l’émulsion photosensible lors de la prise de vues présentait un réel gâchis. En effet, le format 1,66 utilise 83 % de la surface disponible sur la hauteur de quatre perforations et le 1,85 environ 74 %. Pour le Superscope, la perte de surface, et donc le déficit en définition, étaient encore plus grands : 66 % de surface exploitée ! En outre, l’image étant ensuite agrandie aux dimensions de l’écran de la salle, le « piqué » était moins bon, dévoilant un peu plus le « grain » de l’émulsion. Dans un souci d'ordre financier et pour éviter un tel gaspillage, des procédés furent mis au point pour l'impression d'un photogramme sur la hauteur de trois perforations, donnant une image naturellement allongée, au ratio 1,78 :1 ou inférieur (1,85 :1).

Mais c’est surtout le format Techniscope, lancé en 1960 par la Technicolor Motion Picture Corporation, qui rencontra le plus grand succès. Les photogrammes étaient impressionnés sur la hauteur de deux perforations seulement, donnant une image encore plus allongée, au ratio 2.35 :1 — proche de celui du CinémaScope. Deux avantages expliquent facilement l’engouement de l’époque pour ce procédé. D'abord, la consommation en négatif de prise de vues était divisée par deux, et le coût également, développement compris. Ensuite, d’un point de vue pratique, la réduction par deux du métrage augmentait l’autonomie des magasins, réduisant ainsi les manipulations de la pellicule, qui sont toujours facteurs de risques (rayures, voiles, etc). De plus, le pas du film étant plus court, le bruit lié au déplacement intermittent de la pellicule actionnée par les griffes, était plus faible. Bien entendu, le négatif du Techniscope était ensuite reporté sur un internégatif au format standard avec des photogrammes sur la hauteur de quatre perforations, nécessitant pour reproduire entièrement l’image le recours à une anamorphose de type CinémaScope.

Le photogramme VistaVision, au défilement horizontal.

Edison et Dickson avaient d’abord testĂ© en 1891 une pellicule au format 19 mm Ă  dĂ©filement horizontal. Puis ils choisirent le dĂ©filement vertical qui est restĂ© la norme. Le film est tractĂ© par le système intermittent (souvent appelĂ© « alternatif ») qui est un jeu d’une ou plusieurs griffes en ce qui concerne les camĂ©ras, et d’un dispositif appelĂ© croix de Malte ou croix de Genève en ce qui concerne les projecteurs de salle. Un retour inattendu du dĂ©filement horizontal de la pellicule dans la camĂ©ra eut lieu au milieu des annĂ©es 1950, initiĂ© par Paramount Pictures en rĂ©action au succès du CinĂ©maScope de la 20th Century Fox concurrente. La pellicule Ă©tait toujours le 35 mm standard mais le dĂ©roulement de la pellicule se faisait Ă  l’horizontal dans le couloir de prise de vues de la camĂ©ra (par souci de commoditĂ©, les magasins de la camĂ©ra, d’abord couchĂ©s, furent ensuite disposĂ©s verticalement, le film faisant une boucle de 90° avant d’entrer dans le couloir de prise de vues et la mĂŞme chose en sortant). C’est la VistaVision, format rĂ©servĂ© aux films Ă  grand budget puisque la consommation de pellicule Ă©tait cette fois multipliĂ©e par deux, ainsi que les frais de dĂ©veloppement, car le photogramme horizontal s’étale sur huit perforations (disposĂ©es en haut et en bas), donnant un ratio naturel de 1,66 :1[6]. Le photogramme original mesurait 36 mm Ă— 18,3 mm, une dimension qui confĂ©rait aux images une qualitĂ© supĂ©rieure Ă  celle du CinĂ©maScope. Les copies d’exploitation Ă©taient en 35 mm classique anamorphosĂ©, mais bĂ©nĂ©ficiaient de l’exceptionnel « piquĂ© » du nĂ©gatif original.

Films 65 et 70 mm

Todd-AO, nĂ©gatif 65 mm et positif 70 mm.

Une autre idĂ©e germa dans l’esprit d’un producteur amĂ©ricain, Mike Todd, et de la sociĂ©tĂ© American Optical, celle d’utiliser une pellicule de prise de vues de 65 mm de large pour obtenir un excellent nĂ©gatif, et de n’en pas perdre les qualitĂ©s en projetant des copies de 70 mm de large, les mm de plus Ă©tant destinĂ©s Ă  porter de part et d’autre des perforations trois pistes sonores magnĂ©tiques (six pistes en tout). C’était le Todd-AO. La forme des perforations Ă©tait la mĂŞme que celle du 35 mm, mais ce format comportait en plus dans les copies d’exploitation une minuscule perforation ronde entre deux perforations consĂ©cutives, juste Ă  la sĂ©paration de chaque photogramme, afin de signaler chaque sĂ©paration des photogramme, et plus spĂ©cialement pour faciliter le chargement du film dans l’appareil de projection. L’image positive Ă©tait de grande dimension : 22 Ă— 48,6 mm[7].

Un procĂ©dĂ© analogue est maintenant l’une des très rares survivances de la pellicule argentique, mais qui disparaĂ®t Ă  son tour : le format Imax. NĂ©gatif de 65 mm et copies de 70 mm de large. Le dĂ©filement, aussi bien du nĂ©gatif que des copies, se fait comme en VistaVision, Ă  l’horizontal, le photogramme s’étendant sur 15 perforations, avec des dimensions trois fois plus importantes que le Todd-AO : 51 mm Ă— 71 mm, dix fois plus de surface qu’en du 35 mm[8]. Cependant, comme tous les autres formats argentiques, l’Imax sur pellicule laisse inexorablement la place aux techniques numĂ©riques.

Films amateurs

Tout au long de l’histoire du cinĂ©ma, les amateurs Ă©clairĂ©s s’intĂ©ressent Ă  la prise de vues ou Ă  la simple projection de films. En films argentiques, outre le 16 mm, souvent qualifiĂ© de « semi-professionnel Â», des formats spĂ©cifiques leur furent offerts pour remplacer le trop onĂ©reux 35 mm.

Le film 9,5 mm eut un franc succès, dès 1922, du moins en Europe avec le fameux projecteur PathĂ©-Baby et la camĂ©ra adĂ©quate. Les amateurs amĂ©ricains lui prĂ©fĂ©rèrent le 16 mm. La grande image du 9,5 mm, presque aussi large que celle du 16 mm, Ă©tait son principal attrait. Cependant, la rangĂ©e de perforations placĂ©e juste au centre de la pellicule, reprĂ©sentait pour elle un danger constant de rayures ou de broiement en cas de cassure accidentelle.

  • Film 9,5 mm et ses cotes.
    Film 9,5 mm et ses cotes.
  • Films 8 mm et Super 8.
    Films 8 mm et Super 8.

Le film 8 mm (Ă  gauche de l'image de droite ci-dessus) rencontra un succès mondial. Pour prĂ©server la pellicule des manipulations hasardeuses et prĂ©judiciables rencontrĂ©es par ce format grand public, les perforations (largeur 1,83 mm, hauteur 1,27 mm) sont larges et la surface laissĂ©e aux photogrammes relativement Ă©troite (moins des 2/3 environ). Le film Super mm (Ă  droite) redoubla ce succès en remĂ©diant Ă  la place exorbitante des perforations du mm original par une innovation : les perforations sont deux fois moins larges (0,91 mm), et leur hauteur est elle aussi diminuĂ©e (1,14 mm), les perforations sont ainsi plus hautes que larges, contrairement Ă  tous les autres formats de films argentiques.

Notes et références

  1. C’est Thomas Edison qui, le premier, adopta le mot anglais film, qui signifie couche ou pellicule, et qui évoque la couche d’émulsion photosensible déposée sur l’une des faces du support qui, à l’époque, était en nitrate de cellulose.
  2. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 34..
  3. Vincent Pinel, Dictionnaire technique du cinéma, Paris, Armand Colin, , 369 p. (ISBN 978-2-200-35130-4), p. 212..
  4. Films cinématographiques professionnels Kodak-Pathé, ouvrage d’information du Département Cinéma Professionnel, 18 avenue George-V, Paris, 1964.
  5. . En fait, les projectionnistes disposaient d’un assortiment de fenêtres à installer dans le couloir de projection, là où défile la pellicule, pour aussi bien projeter des films anciens que les nouveaux films en « écran panoramique ».
  6. Exactement le fameux nombre d’or mathématique (1,6180339887) que les architectes avaient repris en estimant que le ratio 1,6180339887 :1 présentait la meilleure proportion d’un bâtiment ou de l’une de ses parties.
  7. Pinel 2012, p. 300.
  8. Pinel 2012, p. 150.
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