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Portrait de Madeleine

Le Portrait de Madeleine ou Portrait d'une femme noire, anciennement Portrait d'une négresse[1] - [2], peint en 1800, est le plus connu des tableaux réalisés par l'artiste peintre française Marie-Guillemine Benoist.

Cette huile sur toile représente une jeune femme noire, possiblement la Guadeloupéenne Madeleine.

Acquise en 1818, le portrait est conservé à Paris au musée du Louvre[3].

Portrait d'une négresse

Portrait de Madeleine
Artiste
Date
Type
Matériau
Dimensions (H Ă— L)
81 Ă— 65 cm
No d’inventaire
INV 2508
Localisation

Historique

Signature de l'artiste sur le tableau.

Le tableau est exposé au Salon de 1800, sous le no 238, avec le titre Portrait d'une négresse. La peintre est désignée par son nom de jeune fille, avec la mention de son maßtre David : « Mme LAVILLE LE ROULX, (M.-G.), Femme BENOIT, élÚve du C. David. »[4]

Il entre dans les collections de l'État français en 1818[5].

Il est intitulĂ© Portrait de Madeleine en 2019, Ă  l'occasion de l'exposition Le ModĂšle noir, de GĂ©ricault Ă  Matisse au MusĂ©e d'Orsay qui prĂ©sente la biographie du modĂšle[6]. Au printemps 2021, l'Ɠuvre est prĂ©sentĂ©e dans l'exposition Peintres femmes 1780-1830. Naissance d’un combat au MusĂ©e du Luxembourg[7].

Description

Marie-Guillemine Benoist rĂ©alise le portrait d'une servante noire longtemps restĂ©e anonyme, « dĂ©nuĂ© de tout pittoresque exotique malgrĂ© la mĂ©moire d'un anneau Ă  l'oreille ». La jeune femme, assise dans un fauteuil Ă  mĂ©daillon drapĂ© d’un riche tissu bleu, est immobile sur un fond vide, avec les bras posĂ©s sur le ventre et la cuisse. VĂȘtue d'une robe ceinte d'un ruban rouge et coiffĂ©e d'un tignon blanc, elle a le profil lĂ©gĂšrement tournĂ© vers le spectateur. L'Ă©paule et le sein droit dĂ©nudĂ©s, ainsi que la position en arc du bras gauche, Ă©voquent la fĂ©conditĂ© nourriciĂšre mais aussi les Amazones[8].

Analyse

Peindre la peau noire Ă©tait un exercice rare et peu enseignĂ© car jugĂ© ingrat[3]. À l'Ă©poque oĂč le tableau est rĂ©alisĂ©, en 1800, l’abolition de l’esclavage, dĂ©crĂ©tĂ©e le par la Convention, est alors rĂ©cente et n'est appliquĂ©e que partiellement, du fait de la guerre ou de l’opposition des colons, qui tentent d'obtenir son rĂ©tablissement et la reprise de la traite[9].

Selon Luce-Marie AlbigĂšs, le portrait de cette femme noire « se prĂ©sente dans une situation non conforme Ă  sa condition de domestique, qui Ă©tait probablement mĂȘme celle d’une esclave avant 1794. Le regard directement tournĂ© vers le spectateur, assise dans un fauteuil Ă  mĂ©daillon drapĂ© d’un riche tissu, elle occupe la place traditionnelle d’une femme blanche[9] ». Pour AlbigĂšs, « l'Ɠuvre pourrait ainsi avoir deux objectifs apparemment contradictoires : prĂ©senter cette femme noire comme un objet de possession, un bien acquis parmi des objets de luxe, mais aussi, au-delĂ  de la diffĂ©rence raciale, la faire reconnaĂźtre comme un ĂȘtre douĂ© de sensibilitĂ©[9]. » L'artiste est donc prĂ©curseure par le soin qu'elle apporte Ă  la reprĂ©sentation d'une femme noire. L'artiste perçoit l’importance du sexe, de la couleur de peau et de la classe sociale Ă  l’époque de l’entrĂ©e de la France dans la modernitĂ©[9].

Dans la revue Connaissance des arts, le journaliste Guillaume Morel estime en 2020 que « l’approche du sujet n’est pas ici d’ordre typologique, l’artiste ne peint pas non plus une fantaisie exotique, mais un vĂ©ritable portrait, d’une beautĂ© Ă©nigmatique »[10].

Sources d'inspiration

Pierre Rosenberg dans la notice consacrĂ©e Ă  l'artiste dans son Dictionnaire Amoureux du Louvre qualifie le tableau de « Fornarina noire » allusion au portrait de La Fornarina par RaphaĂ«l[11]. CaractĂ©ristique du style nĂ©o-classique, l'Ɠuvre par sa composition est conforme Ă  la tradition du portrait mondain du XVIIIe siĂšcle, et se rapproche par la pose, l'orientation du visage et le traitement du fond brossĂ© dĂ©pourvu de tout Ă©lĂ©ment dĂ©coratif, du portrait de Madame Trudaine peint en 1791 par David[12].

  • RaphaĂ«l, La Fornarina.
    Raphaël, La Fornarina.
  • Jacques-Louis David, Portrait de madame Trudaine.
    Jacques-Louis David, Portrait de madame Trudaine.

Titre du tableau

En 1798, Girodet avait marqué le Salon avec l'exposition du portrait de Jean-Baptiste Belley, à l'origine intitulé portrait d'un nÚgre.

Le livret du Salon de 1800 au numĂ©ro 238, prĂ©sente le tableau sous le titre Portrait d'une nĂ©gresse. L'Ɠuvre de Marie-Guillemine Benoist, fait ainsi par le titre et le sujet, rĂ©fĂ©rence Ă  un prĂ©cĂ©dent notable, le portrait de Jean-Baptiste Belley peint par Girodet. Ce tableau, avait marquĂ© les contemporains en Ă©tant le premier portrait d'une personne de couleur noire exposĂ© publiquement[13]. À l'origine exposĂ© au numĂ©ro 71 du salon de 1798, il s'intitulait Portrait d'un nĂšgre[13]. L'usage voulait que les artistes fassent, dans le livret du Salon, un bref descriptif de l'Ɠuvre qu'ils prĂ©sentaient, ce qui permet de conclure que Girodet avait lui-mĂȘme choisit le titre de son tableau[13]. Le mot « nĂšgre » Ă©tait Ă  l'Ă©poque d'usage courant pour dĂ©signer des personnes de couleur de peau noire, cependant la SociĂ©tĂ© des amis des Noirs s'opposait Ă  son usage car faisant rĂ©fĂ©rence Ă  la traite nĂ©griĂšre, ce qui amena Girodet Ă  dĂ©baptiser son tableau pour lui donner comme nouveau titre le citoyen Belley ex-reprĂ©sentant des colonies[13].

À la diffĂ©rence du tableau de Girodet, le changement du titre original du tableau de Marie-Guillemine Benoist en Portrait d'une femme noire n'Ă©mane pas de l'artiste, mais eut lieu au dĂ©but des annĂ©es 2000 par le musĂ©e du Louvre, oĂč il est notamment prĂ©sentĂ© sous ce nouveau titre lors de l'exposition Portrait publics, portraits privĂ©s au Grand Palais en 2007 sous le numĂ©ro 32[14]. Pour Marianne Levy, autrice d'une biographie de l'artiste, le Louvre a pris des libertĂ©s en modifiant le titre de l'Ɠuvre pour des raisons consensuelles[15].

À l'occasion de l'exposition Le ModĂšle noir, de GĂ©ricault Ă  Matisse prĂ©sentĂ©e notamment au MusĂ©e d'Orsay en 2019, le tableau porte le nom de Portrait de Madeleine, la notice n'omettant pas de mentionner ses prĂ©cĂ©dents titres[6]. La peinture est particuliĂšrement mise en avant en Ă©tant la premiĂšre exposĂ©e dans le parcours de visite, devenant pour la journaliste Mathilde Serrell « une nouvelle porte d’entrĂ©e dans l’histoire de l’art et des reprĂ©sentations »[6]. Dans les hauteurs du musĂ©e d’Orsay, le prĂ©nom de Madeleine est l'un des treize mis en valeur dans l’installation lumineuse de l’artiste amĂ©ricain Glenn Ligon (en) aux cĂŽtĂ©s d'autres modĂšles noirs, comme Laure la servante de l'Olympia d'Édouard Manet[6]. Dans son ouvrage Une Africaine au Louvre paru en 2019, l'historienne de l'art Anne Lafont dote pour la premiĂšre fois le modĂšle d'une biographie Ă©tablissant son identitĂ© et la prĂ©sentant comme une esclave affranchie native de Guadeloupe, employĂ©e comme domestique auprĂšs du beau-frĂšre de Marie-Guillemine Benoist[6].

Culture populaire

Le tableau acquiert une notoriĂ©tĂ© en dehors des amateurs de peinture en apparaissant dans la fin du clip de la chanson Apeshit de BeyoncĂ© et Jay-Z tournĂ© intĂ©gralement au Louvre en 2018[16], clip vu plus de 165 millions de fois sur YouTube prĂšs d'un an plus tard[17].

En , La Poste émet un timbre représentant le portrait[18].

Le tableau et son modÚle sont évoqués dans le roman de David Diop paru en 2021 La Porte du Voyage sans retour[19].

Le tableau a aussi inspiré une scÚne d'un épisode de la série télévisée américaine Bridgerton (Saison 2, épisode 7, Harmony)[20].

Notes et références

  1. Le tableau est désormais exposé par le musée du Louvre sous le titre Portrait d'une femme noire et sous-titré « Salon de 1800, sous le titre Portrait d'une négresse » (Louvre).
  2. Exposition le ModÚle Noir de Géricault à Matisse, Musée d'Orsay, 2019.
  3. « Portrait d'une femme noire », sur louvre.fr (consulté le ).
  4. Explication des ouvrages de peinture et dessins, sculpture, architecture et gravure, des artistes vivants, exposés au Muséum central des Arts, Paris, Imprimerie des Sciences et Arts, an VIII de la République (lire en ligne), p. 41.
  5. Joconde.
  6. Mathilde Serrell, « Portrait d’une Ă©mancipation », sur franceculture.fr, (consultĂ© le ).
  7. « Le Musée du Luxembourg célÚbre les femmes peintres dans sa nouvelle exposition », sur arts-in-the-city.com (consulté le )
  8. Michel DuprĂ©, Petites lectures d'images, E.C. Éditions, , p. 45.
  9. Luce-Marie AlbigÚs, « Portrait d'une négresse », histoire-image.org, (consulté le ).
  10. Guillaume Morel, « Portrait de Madeleine de Marie-Guillemine Benoist : focus sur un chef-d’oeuvre », sur connaissancedesarts.com, (consultĂ© le )
  11. Pierre Rosenberg 2010, notice « Benoist (Marie-Guillemine), dans Dictionnaire Amoureux du Louvre »
  12. (en) James Smalls, « Slavery is a Woman: "Race," Gender, and Visuality in Marie Benoist's Portrait d'une nĂ©gresse (1800) », sur Nineteenth-Century Art Worldwide,  : « It has been observed that Benoist's portrait is in fact "a negative image of the pale Mme. Trudaine" depicted by David sometime in the late eighteenth century. »
  13. Sylvain Bellenger (dir) 2005, Girodet (1767-1824), Gallimard-MusĂ©e du Louvre Éditions, p. 330-331
  14. Sébastien Allard (dir) 2007 Portrait publics, portraits privés p. 129-132.
  15. Marianne Levy, Marie-Guillemine Laville-Leroulx et les siens, L'Harmattan, (lire en ligne), p. 16.
  16. "VIDEO. L'incroyable clip de Beyoncé et Jay-Z tourné dans le musée du Louvre", franceinfo avec AFP, 17 juin 2018.
  17. Xavier Demagny, « BeyoncĂ© et Jay-Z ont dĂ©boursĂ© “quelques milliers d'euros” pour tourner le clip au Louvre" », franceinter.fr, (consultĂ© le )
  18. « Marie-Guillemine Benoist, 1768-1826, Portrait présumé de Madeleine » [archive du ], sur La Poste (consulté le )
  19. « La Porte du Voyage sans retour », sur prologue-alca.fr, (consulté le )
  20. (en-US) Lyvie Scott, « The Famous Painting That Bridgerton Brought To Life » [archive du ], sur SlashFilm.com, (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

  • Anne Lafont, Une Africaine au Louvre en 1800 : la place du modĂšle, Paris, Institut national d'histoire de l'art, , 60 p. (ISBN 978-2-917902-51-6).
  • (en) CĂ©cile Bishop, « Portraiture, race, and subjectivity: the opacity of Marie-Guillemine Benoist’s Portrait d’une nĂ©gresse », Word & Image, vol. 35, no 1,‎ , p. 1–11 (ISSN 0266-6286 et 1943-2178, DOI 10.1080/02666286.2018.1507507).
  • (en) James Smalls, « Slavery is a Woman: ‘Race,’ Gender, and Visuality in Marie Benoist’s Portrait d’une nĂ©gresse (1800) », Nineteenth-Century Art Worldwide, vol. 3, no 1,‎ (lire en ligne).

Articles connexes

Liens externes

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