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Poly Implant Prothèse

Poly Implant Prothèse (PIP) était une entreprise française fondée à La Seyne-sur-Mer en 1991 par Jean-Claude Mas qui fabriquait depuis le milieu des années 2000 des prothèses mammaires. La société (dont la liquidation judiciaire a eu lieu en 2010) et son fondateur sont au cœur d'un scandale de santé publique depuis la découverte en 2010 de l'origine frauduleuse et dangereuse des produits.

Poly Implant Prothèse
logo de Poly Implant Prothèse

Création 1991
Disparition Liquidation en mars 2010
Fondateurs Jean-Claude Mas (d)
Personnages clés Jean-Claude Mas (fondateur)
Forme juridique Société anonyme
Siège social La Seyne-sur-Mer
Drapeau de la France France
Actionnaires Heritage Worldwide
Activité Prothèses chirurgicales
Produits implants mammaires pré-remplis de gel de silicone ou de sérum physiologique
Effectif 120 employés
Site web www.pipfrance.fr

L'entreprise occupait Ă  son apogĂ©e le troisième rang mondial du secteur des implants mammaires[1] avec 100 000 unitĂ©s produites par an[1]. Elle exportait près de 80 % de sa production hors de France[1], notamment en AmĂ©rique du Sud et en Europe de l'Est[1]. Environ 400 000 femmes dans le monde seraient porteuses de prothèses mammaires PIP.

Historique

Jean-Claude Mas est né en 1939 à Tarbes[2]. Il abandonne les études après le bac pour se consacrer à la vente directe. Il travaille d'abord pour Bristol-Myers Squibb en tant que visiteur médical, puis décide de se mettre à son compte et se lance dans la vente de vins, de cognac et de saucissons[3]. Au début des années 1980, il commence à s'intéresser aux implants mammaires, marché alors en pleine expansion. Il se lie ainsi d'amitié avec le chirurgien plasticien toulonnais Henri Arion (qui travaillait également chez Bristol-Myers-Squibb) pour fonder la société Simaplast, rapidement rebaptisée MAP.

L'entreprise se dĂ©veloppe très rapidement, Ă©coulant l'essentiel de ses stocks sur les marchĂ©s des pays en voie de dĂ©veloppement, notamment en AmĂ©rique latine et en Europe de l'Est, employant 120 personnes en France pour une production de plus de 100 000 unitĂ©s par an. La sociĂ©tĂ© d'investissement amĂ©ricaine Heritage Worldwide entre au capital de PIP en 2003. Se dĂ©crivant comme « joueur, mais gagneur » en affaires, Jean-Claude Mas se voit cependant interdit de casinos en 2003, lieu oĂą il dĂ©pensait une bonne partie de ses importants revenus[4].

En 2000, la Food and Drug Administration (Ă©quivalent amĂ©ricain de l'Afssaps) avait dĂ©jĂ  menacĂ© PIP de poursuites après avoir constatĂ© de graves malfaçons sur des implants salins et avait envoyĂ© une lettre d'avertissement Ă  Jean-Claude Mas[5] lui reprochant de ne pas avoir enquĂŞtĂ© sur un problème de dĂ©gonflement de ses implants salins et de ne pas lui avoir signalĂ© plus de 120 plaintes en France et dans d'autres pays sur ce produit, et relevant onze manquements aux bonnes pratiques de production, parmi lesquels « manque de documentation Â», « audits de qualitĂ© insuffisants Â», ou encore « absence de formation des ouvriers aux consignes de qualitĂ© »[6]. La mĂŞme lettre soupçonnait Ă©galement que « les violations constatĂ©es sont peut-ĂŞtre symptomatiques de graves problèmes sous-jacents dans vos processus de fabrication et de contrĂ´le de qualitĂ©. Il est de votre responsabilitĂ© d'enquĂŞter sur les Ă©carts signalĂ©s »[5]. La FDA n'avait alors pas alertĂ© l'Afssaps car le principal grief concernait la soliditĂ© des enveloppes et pas le contenu : le problème n'Ă©tait donc pas sanitaire, mais industriel.

En , Henri Arion est victime d'un accident d'avion, et Jean-Claude Mas devient seul propriétaire de l'entreprise, qui devient Poly-Implant Prothèse, alias PIP[2], et ne compte désormais plus aucun médecin ni personnel médical agréé.

Ă€ partir de 2005, plusieurs plaintes sont dĂ©posĂ©es en Grande-Bretagne contre PIP concernant des ruptures de prothèses et des problèmes de santĂ©. La sociĂ©tĂ© est ainsi condamnĂ©e Ă  verser 1,4 million d'euros, mais n'est pas inquiĂ©tĂ©e par la justice française et la certification de son produit pas remise en cause. Dès 2006, des plaintes concernant des prothèses dĂ©fectueuses commencent Ă  ĂŞtre dĂ©posĂ©es en France, et des chirurgiens esthĂ©tiques français tentent en vain d'attirer l'attention des autoritĂ©s en 2008 et 2009[7], alors que PIP tente d'acheter le silence de plaignantes toujours plus nombreuses : « PIP aurait proposĂ© 1 500 euros et une paire de prothèses Ă  des femmes non satisfaites. L'information ne remontait ainsi pas aux cliniques et Ă  l'Afssaps », a expliquĂ© l'avocat des victimes Philippe Courtois dans une interview Ă  l'agence Reuters[6]. Il faudra ainsi attendre 2010 pour que l'Afssaps tire la sonnette d'alarme[8] et que Jean-Claude Mas soit convoquĂ© devant le tribunal de commerce de Toulon, procès qui se soldera par la liquidation judiciaire de PIP en [2].

Ă€ la suite de cette liquidation, Jean-Claude Mas est Ă©galement poursuivi personnellement par le parquet de Marseille pour « tromperie sur les qualitĂ©s substantielles du produit, publicitĂ© mensongère, et mise en danger de la vie d'autrui Â», ce qui ne l'empĂŞcha pas de fonder en avec ses enfants une nouvelle sociĂ©tĂ©, France Implants Technologie, qui ne verra finalement jamais le jour[2]. Un autre procès pour « tromperie aggravĂ©e », « obstacle aux contrĂ´les de l'Afssaps » et « non-prĂ©sence de marquage CE », s'ouvre le Ă  Marseille[1].

Le , Jean-Claude Mas est interpellé au domicile de sa compagne qui n'était autre que l'ex-compagne du docteur Henri Arion dans le Var et placé en garde à vue, ainsi que son principal collaborateur Claude Couty[9].

Le , Jean-Claude Mas est incarcéré à la prison des Baumettes pour défaut de paiement de caution[10]. Il est remis en liberté le en attendant de comparaître lors d'un premier procès en 2013[11].

Le procès s'est ouvert le . Le , Le procureur de la RĂ©publique Jacques Dallest rĂ©clame « une amende de 100 000 euros et une interdiction dĂ©finitive d'exercer dans le secteur mĂ©dical ou sanitaire, ainsi que de gĂ©rer une entreprise Â» pour Jean-Claude Mas, assorties d'une peine de cinq ans de prison ferme. Pour les quatre autres prĂ©venus (Claude Couty, Hannelore Font, LoĂŻc Gossart et Thierry Brinon), le procureur requiert des peines allant de six mois Ă  deux ans de prison ferme « pour tromperie aggravĂ©e et escroquerie Â» et une interdiction dĂ©finitive d'exercer dans le secteur mĂ©dical ou sanitaire[12]. 7 113 femmes originaires de 71 pays figurent parmi les parties civiles, ce qui en fait une des plus vastes affaires de santĂ© publique jamais jugĂ©e[13].

Le , Jean-Claude Mas est finalement condamnĂ© Ă  4 ans d'emprisonnement ferme pour « escroquerie et tromperie aggravĂ©e » et 75 000 euros d'amende, ainsi qu'Ă  une « interdiction dĂ©finitive d'exercer une activitĂ© professionnelle en lien avec le monde sanitaire ». L'ex-directeur financier Claude Couty a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  3 ans dont 2 avec sursis et 30 000 euros d'amende. Des peines de deux ans dont un an avec sursis sont prononcĂ©es contre Hannelore Font (directrice qualitĂ©) et LoĂŻc Gossard (cadre). Le cinquième prĂ©venu, le cadre Thierry Brinon, est condamnĂ© Ă  18 mois avec sursis[13].

La peine est finalement confirmée en appel le [14], et Jean-Claude Mas est incarcéré. Les peines des autres condamnés sont les suivantes : «

  • Claude Couty, directeur gĂ©nĂ©ral et directeur financier, 64 ans, avait Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  un an d'emprisonnement ferme et deux ans avec sursis, en première instance. Sa peine n'a pas Ă©tĂ© alourdie comme l'avait requis l'avocat gĂ©nĂ©ral en novembre.
  • Hannelore Font, directrice qualitĂ©, 39 ans, Ă©cope de deux ans de prison dont un an avec sursis.
  • La condamnation de LoĂŻc Gossart, directeur production de 42 ans est Ă©galement confirmĂ©e, alors que la relaxe avait Ă©tĂ© plaidĂ©e par la dĂ©fense.
  • Celle de Thierry Brinon, directeur recherche et dĂ©veloppement, 56 ans, condamnĂ© Ă  18 mois avec sursis en première instance pour complicitĂ© d'escroquerie et de tromperie aggravĂ©e, a Ă©tĂ© Ă©galement confirmĂ©e. La dĂ©fense avait plaidĂ© la relaxe. » [15]

Au , l'Agence nationale de sĂ©curitĂ© du mĂ©dicament et des produits de santĂ© (ANSM) avait recensĂ© 17 411 retraits d'implants PIP. Parmi ces retraits, 12 822 Ă©taient prĂ©ventifs au regard des risques encourus, mais 20 % de ces retraits ont mis en Ă©vidence des dysfonctionnements des prothèses[16]. Sur les 30 099 implants retirĂ©s au total, 7 634 ont Ă©tĂ© classĂ©s comme « dĂ©fectueux Â», soit un taux de dĂ©faillance de 25,4 %[16].

On estime que PIP a produit au total environ un million de prothèses, et le nombre de femmes victimes dans le monde est Ă©valuĂ© Ă  400 000[17].

Jean-Claude Mas meurt le , dans la clinique où il avait été admis pour une opération. Il souffrait notamment de problèmes cardiaques et de diabète[18].

En , la cour d'appel d'Aix-en-Provence confirme la responsabilité du certificateur TÜV[19]. La cour d’appel de Paris confirme la décision au mois de mai[20].

Scandale de santé publique

Le gel PIP

Ă€ la fin des annĂ©es 2000, les prothèses mammaires PIP se sont rĂ©vĂ©lĂ©es dĂ©fectueuses Ă  cause de la prĂ©sence d'un gel artisanal non-conforme Ă  la place du gel de silicone traditionnel amĂ©ricain Nusil[1]. M. Mas avoua par la suite aux gendarmes que 75 % des implants Ă©taient remplis de gel PIP, et 25 % seulement avec du Nusil, de manière Ă  faire illusion quant Ă  la provenance de sa matière première[21]. En 2009, le prix du gel PIP Ă©tait de 5 euros par litre, contre 35 euros pour le Nusil, soit une diffĂ©rence de 10 euros par implant et un gain d'un million d'euros par an pour une production de cent mille prothèses. Le gel PIP Ă©tait notamment rĂ©alisĂ© Ă  partir d'huiles de silicone destinĂ©es au distributeur Brenntag, dont les porte-parole ont expliquĂ© qu'ils ignoraient l'usage frauduleux que faisait PIP de leur produit[21]. Selon M. Mas, le gel PIP contenant « une base de formulation du Dr Arion, que j'ai amĂ©liorĂ©e en changeant les tempĂ©ratures, et les pourcentages, afin de rendre le produit plus cohĂ©sif ».

Les enquêtes menées par l'Afssaps ont établi que non seulement l'enveloppe des implants était d'une qualité médiocre, mais aussi que le processus de fabrication était inapproprié et que le gel qu'ils contenaient avait une composition des plus exotiques, avec des ingrédients variés suivant les lots, ce qui empêche les victimes de savoir avec précision la nature des produits qui se répandent dans leur organisme. Les enquêteurs ont notamment retrouvé dans ce gel de l'huile de silicone industrielle Baysilone (additif pour carburant), du Silopren et du Rhodorsil (agents d'enrobage de câbles électriques), produits destinés à un usage industriel et dont les effets n'ont jamais été testés sur la santé d'un être vivant — et de ce fait interdits dans tout dispositif médical[22] - [23]. Il apparaît que c'était ces produits qui rongeaient l'enveloppe de silicone des prothèses[24].

La mise au jour de cette pratique dĂ©clencha un scandale sanitaire de grande ampleur, avec un nombre important de victimes. Jean-Claude Mas est recherchĂ© par Interpol Ă  partir de mi-2011[1] pour comparaĂ®tre devant la justice, et plus de 2 170 femmes avaient dĂ©jĂ  portĂ© plainte en France fin 2011, et 9 500 personnes avaient appelĂ© le numĂ©ro d'appel mis en place par les autoritĂ©s françaises[6].

La responsabilité de l'organisme de certification

L'organisme allemand Technischer Ăśberwachungsverein Rheinland (ou TĂśV) est l'un des plus grands organismes de certification au monde, chargĂ© de vĂ©rifier la conformitĂ© des dispositifs mĂ©dicaux afin de leur attribuer une certification en vue d'une mise sur le marchĂ©. TĂśV emploie 20 000 personnes dans le monde pour un chiffre d'affaires d'environ 2 milliards d'euros[25].

Selon l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) « les dispositifs médicaux ne requièrent pas d'autorisation [de mise sur le marché] de l'Afssaps, contrairement aux médicaments, mais seulement une certification CE de la part d'un laboratoire agréé »[26]. Ces organismes, dont on compte entre 70 et 80 exemples en Europe, sont des entreprises privées habilitées par l'agence du Médicament du pays où ils se trouvent, et délivrent une certification CE pour toute l'Union Européenne[27], qui est renouvelée régulièrement et constitue à ce jour la seule obligation légale pour commercialiser du matériel médical non pharmaceutique : il n'est pas exigé que le fabricant ait une compétence professionnelle validée dans le domaine, ni que le produit ait été testé ou que son efficacité ait été démontrée[28]. C'est le fabricant qui fait appel au laboratoire de certification, et il reste responsable du produit qu'il met sur le marché. Dans le cas des implants PIP, la procédure a été confiée au laboratoire allemand TÜV Rheinland, agréé par l'homologue allemand de l'Afssaps. La certification s'est faite sur la base de documents écrits, complétés par une visite sur site pour interroger l'industriel sur son processus de fabrication, sur rendez-vous : aucune réelle enquête ou expertise n'a apparemment été opérée, et les documents fournis par PIP n'ont jamais été mis en doute[26].

Concernant la fraude Ă  la certification, M. Mas dĂ©clara ouvertement aux gendarmes « TĂśV annonce sa visite dix jours avant… C'Ă©tait de la routine, je donne l'ordre de dissimuler tous les documents ayant trait au gel PIP non homologuĂ©, et concernant les containers, les employĂ©s se dĂ©brouillaient pour les faire disparaĂ®tre. ». Une ancienne employĂ©e Ă©coutĂ©e par la gendarmerie prĂ©cisa qu'une fausse base de donnĂ©es des comptes de l'entreprise Ă©tait fournie aux experts, ne mentionnant que le gel Nusil. Elle ajouta « Aucun Ă©chantillon de prothèse n'Ă©tait testĂ©. Au niveau de la base achats, les donnĂ©es informatiques disparaissaient. Tout ce qui concernait Brenntag n'apparaissait pas le temps de la visite [...] Les chiffres n'Ă©taient pas modifiĂ©s. On faisait juste comme si Brenntag n'existait pas ». Celle-ci mit cependant aussi en cause l'organisme d'inspection, ajoutant que « Si la comptabilitĂ© avait Ă©tĂ© vĂ©rifiĂ©e, ils se seraient rendu compte que les quantitĂ©s facturĂ©es par Nusil ne correspondaient pas aux quantitĂ©s nĂ©cessaires Ă  la fabrication ». Les ingrĂ©dients de la formule du gel PIP Ă©taient dissimulĂ©s dans le camion de transport : « Nous savions quand Ă©tait prĂ©vue l'inspection et donc les fĂ»ts et les cuves de 1 000 litres d'huile ainsi que le reste Ă©tait stockĂ© pendant le temps de l'inspection. TĂśV n'a jamais demandĂ© Ă  regarder dans le camion »[21].

Il aura donc fallu attendre le contrôle inopiné de l'Afssaps organisé en 2010 à la suite des nombreuses plaintes pour révéler la supercherie, l'organisme de certification allemand n'ayant jamais rien relevé d'anormal dans l'entreprise et ses produits[26].

Le , l'Association P.P.P. dépose plainte auprès du procureur de la république du TGI de Marseille à l'encontre de l'Afssaps pour mise en danger de la vie d'autrui et blessures involontaires.

Le l'Association P.P.P., dont les avocats, MaĂ®tre Philippe Courtois et MaĂ®tre Jean-Christophe Coubris, reprĂ©sentent plus de 2 000 victimes, dĂ©pose plainte contre TĂśV auprès du procureur de la rĂ©publique de Marseille pour mise en danger de la vie d'autrui et blessures involontaires.

Le , TÜV a porté plainte contre PIP auprès du parquet de Marseille, estimant dans un communiqué de presse avoir été « trompé manifestement en totalité et constamment par l'entreprise PIP, au détriment des femmes concernées ».

Le lundi , Laurent Gaudon, l’avocat marseillais de plusieurs porteuses de prothèses mammaires PIP, a déposé une assignation en référé devant le tribunal de grande instance de Marseille visant TÜV, ainsi qu’un chirurgien marseillais. Selon La Provence qui révèle l’information, TÜV est attaqué pour « manquement à son obligation de certification et de contrôle » et le chirurgien pour « manquement à son devoir d’information »[29].

Dans plusieurs pays, des procĂ©dures ont Ă©tĂ© lancĂ©es par les distributeurs des prothèses[30] contre TĂśV. L'association des porteuses de prothèses PIP a Ă©galement assignĂ© l'organisme vĂ©rificateur pour « mise en danger de la vie d'autrui et blessures involontaires Â» en [31].

Cependant, en 2015 aucune victime n'a encore pu obtenir rĂ©paration, puisque Jean-Claude Mas est insolvable et que la cour d'Aix-en-Provence a dĂ©clarĂ© le que TĂśV avait Ă©tĂ© abusĂ© par les « manĹ“uvres extrĂŞmement Ă©laborĂ©es Â» de l'escroc, innocentant donc l'organisme allemand[32]. De plus, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence infirme le jugement initial et dĂ©douane (provisoirement) le certificateur allemand de toute responsabilitĂ©[25].

Le , TĂśV est condamnĂ© Ă  verser 60 millions d'euros Ă  des plaignantes, 3 000 euros par plaignante, par deux jugements du Tribunal de commerce de Toulon.

Nouveau revirement en 2018 : la Cour de cassation annule l'arrĂŞt en 2018 et renvoie l'affaire Ă  la Cour d'appel de Paris[25].

Le , la justice française reconnaît une responsabilité de l’État dans cette affaire, estimant que l’Agence française de sécurité sanitaire n’a pas « pris les mesures de contrôle et d’investigations » nécessaires entre avril et . En effet, « Le tribunal retient que les données de vigilance pour l’année 2008, qui ont fait apparaître une augmentation significative des incidents, auraient pu être traitées utilement à compter du mois d’, date à laquelle ces incidents ont été portés à sa connaissance [...] L’Afssaps, entre et le de cette même année, s’est fautivement abstenue d’agir et a, par suite, engagé la responsabilité de l’État en matière de police sanitaire »[17].

Le (soit 11 ans après l'affaire), la cour d'appel de Paris rend un arrĂŞt crucial jugeant le certificateur allemand TĂśV « responsable de manquement aux obligations de vigilance et de contrĂ´le dans l'exercice de sa mission », donnant raison aux 2 500 plaignantes. Cette dĂ©cision confirme donc le jugement de première instance datant du , et ouvre la voie Ă  l'indemnisation des dizaines de milliers de femmes victimes dans le monde entier[25].

Risques pour la santé

Le principal risque sanitaire vient de la possibilitĂ© de rupture de l'enveloppe de silicone dĂ©fectueuse, ce qui entraĂ®ne la libĂ©ration dans l'organisme du gel et de ses composants, et donc des rĂ©actions mĂ©taboliques potentiellement graves, qui, suivant les ingrĂ©dients du gel, peuvent aller de la simple inflammation Ă  un risque de cancer — sans compter le prĂ©judice esthĂ©tique. Vu le nombre de prothèses Ă©coulĂ©es et de la prĂ©valence du cancer du sein, il est parfois difficile de relier directement le gel PIP Ă  un cas clinique : huit cas de cancers et deux dĂ©cès suspects ont pour l'instant Ă©tĂ© identifiĂ©s, selon Le Figaro[1]. Pour Le Parisien, ce seraient vingt cas de cancers du sein et 500 cas de rĂ©actions inflammatoires qui seraient mises en cause, sur 1 140 ruptures de prothèses PIP rĂ©pertoriĂ©es[33]. Selon l'Afssaps, « un cas de cancer du sein (adĂ©nocarcinome) a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© le Ă  l’Afssaps chez une patiente portant des prothèses PIP depuis plusieurs annĂ©es. [Peu avant], un autre cas de cancer (lymphome anaplasique Ă  grandes cellules) avait provoquĂ© le dĂ©cès d’une femme porteuse de prothèses PIP. Â»[34]

L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), dans un communiqué de presse publié le , recommande[34] :

  • que toute porteuse d'implants PIP bĂ©nĂ©ficie d’un examen clinique et radiologique appropriĂ©s de manière systĂ©matique ;
  • que toute rupture, suspicion ou suintement d’une prothèse entraĂ®ne le retrait des deux prothèses ;
  • qu'une explantation prĂ©ventive de cette prothèse mĂŞme sans signe clinique de dĂ©tĂ©rioration de l’implant doit ĂŞtre discutĂ©e avec les femmes concernĂ©es.

Vu le nombre de patientes en cause et le coĂ»t d'une telle opĂ©ration, la nĂ©cessitĂ© d'une campagne massive de retrait des implants PIP est très dĂ©battue[35], notamment quant Ă  la prise en charge financière des opĂ©rations, Ă©valuĂ©e par la CNAM Ă  plus de 60 millions d'euros pour la France seule[36].

Le , le directeur de l'Afssaps Dominique Maraninchi a organisé une conférence réunissant les différents acteurs du dossier, à l'occasion de laquelle il a résumé les découvertes des enquêteurs de l'Afssaps, et réitéré son invitation à faire retirer les prothèses, déclarant qu' « Aucun élément ne laisse penser qu'il y ait eu de bonnes prothèses PIP »[23].

Le , le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) a convié l'ensemble des chirurgiens ayant réalisé les implantations des prothèses PIP responsables de réactions inflammatoires et de ruptures, à « prendre en charge leurs explantations et le suivi des patientes, [et à] pratiquer des honoraires en rapport avec les tarifs de l'Assurance maladie »[33].

Concernant la prise en charge des opĂ©rations, l'Assurance maladie s'est finalement engagĂ©e Ă  prendre en charge l'ensemble des frais des opĂ©rations de retrait des implants PIP prĂ©ventives et curatives et l'Ă©ventuel nouvel implant mammaire si la pose initiale avait Ă©tĂ© prise en charge par l'Assurance Maladie (chirurgie rĂ©paratrice). Si la pose initiale n'avait pas Ă©tĂ© prise en charge par l'Assurance Maladie (chirurgie esthĂ©tique), celle-ci s'engage nĂ©anmoins Ă  couvrir les frais de retrait prĂ©ventif ou curatif, mais pas la pose d'un nouvel implant[37]. La CNAM a par ailleurs dĂ©posĂ© une plainte au pĂ©nal pour « tromperie aggravĂ©e et escroquerie Ă  la sĂ©curitĂ© sociale Â», et son directeur a affirmĂ© « Nous enchaĂ®nerons bien sĂ»r par une plainte au civil pour que la SĂ©curitĂ© sociale puisse recouvrer les sommes recouvrables et faire valoir ses droits »[38].

Quant aux patientes qui nécessiteraient des indemnisations de santé supplémentaires du fait de complications, il est difficile de savoir qui pourrait les financer : la société PIP ayant été placée en liquidation en 2010 (soit avant la plupart des plaintes), son ex-assureur Allianz devra indemniser les victimes[39]. Quant aux assurances des chirurgiens, elle ne devraient pas pouvoir être saisies[40], ceux-ci ne pouvant pas être tenus pour responsables ou complices de la fraude. Pour l'instant, aucun fonds d'indemnisation public n'a été prévu[41].

DĂ©clarations de Jean-Claude Mas

Durant toute la durée des enquêtes, Jean-Claude Mas a conservé une posture provocatrice et méprisante qui a particulièrement choqué les différents acteurs de l'affaire[42].

  • Il avoua notamment lors de son audition Ă  la gendarmerie[43] qu'il avait donnĂ© « l'ordre de dissimuler la vĂ©ritĂ© [...] dès 1993 » Ă  l'organisme certificateur allemand TĂśV. Il dĂ©tailla par la suite toute la fraude sans la moindre gĂŞne, ni sans avouer le moindre remords, dĂ©clarant « Je savais que ce gel n'Ă©tait pas homologuĂ©, mais je l'ai sciemment fait car le gel PIP, rapport qualitĂ©-prix c'Ă©tait moins cher »[21].
  • Par la suite, et malgrĂ© le nombre exponentiel de plaignantes et la gravitĂ© des effets mis en Ă©vidence par les mĂ©decins, Jean-Claude Mas continua de dĂ©clarer que son gel « ne prĂ©sente aucun risque pour la santĂ© ».
  • Ă€ propos des plaignantes, Jean-Claude Mas dĂ©clara « Il s'agit de personnes fragiles ou de personnes qui font ça que pour le fric. [...] Moi je vivais bien Ă  l'Ă©poque », c'est-Ă -dire avec une rĂ©munĂ©ration fixĂ©e Ă  30 000 euros mensuels[21].
  • Dès le dĂ©but du procès il expliqua qu'il n'« a pas fait prendre de risques » et que « le gel PIP n'Ă©tait pas homologuĂ© mais il Ă©tait homologable », ajoutant que « au niveau toxicitĂ©, il est pareil » (que le gel autorisĂ© Nusil)[44].

Notes et références

  1. Hayat Gazzane, « La trajectoire troublante de Poly Implant Prothèse », Le Figaro, (consulté le )
  2. Yves Bordenave, « Jean-Claude Mas, du saucisson aux prothèses mammaires », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  3. Jean-Claude Mas n'a cependant jamais été « boucher » ni « charcutier » comme cela a souvent été dit (par exemple dans cet article du Figaro), mais simple vendeur, parfois ambulant, selon un autre article du Monde.
  4. Damien Mascret et Aliette De Broqua, « Le sulfureux itinéraire de Jean-Claude Mas », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  5. La lettre d'avertissement est disponible sur le site de la FDA Ă  cette adresse.
  6. « Implants : PIP a négocié le silence de certaines femmes », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  7. Aliette de Broqua, « Dangerosité des prothèses PIP : l'Afssaps alertée dès 2008 », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  8. Cf. le communiqué de presse de l'Afssaps du 30/03/10 disponible en ligne.
  9. « Prothèses PIP : Jean-Claude Mas a été interpellé », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  10. Prothèses PIP : J.-C. Mas incarcéré, Le Figaro, 6 mars 2012.
  11. Prothèses mammaires : Jean-Claude Mas remis en liberté, Le Figaro, 29 octobre 2012.
  12. « Procès PIP : quatre ans de prison ferme requis contre Jean-Claude Mas », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  13. Pascale Robert-Diard, « Procès PIP: quatre ans d’emprisonnement contre Jean-Claude Mas », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  14. « Prothèses PIP : Jean-Claude Mas condamné en appel à quatre ans de prison ferme », sur lemonde.fr/.
  15. « VIDEO. Prothèses PIP: la condamnation de Jean-Claude Mas confirmée en appel »,
  16. « 17.411 femmes ont fait retirer leurs prothèses PIP », sur Challenges, (consulté le ).
  17. AFP, « Prothèses PIP : la justice reconnaît la responsabilité de l’Etat », sur Le Monde, .
  18. « Mort de Jean-Claude Mas, fondateur de la société de prothèses PIP », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  19. « Scandale des prothèses PIP : la cour d'appel d'Aix-en-Provence confirme la responsabilité du certificateur TÜV », sur France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur (consulté le )
  20. Par Timothée Boutry Le 20 mai 2021 à 13h29, « Scandale des prothèses PIP : la responsabilité du certificateur allemand confirmée par la justice », sur leparisien.fr, (consulté le )
  21. « Le patron de PIP admet avoir produit un gel non homologué », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  22. Source : article du Blog des porteuses de prothèses PIP.
  23. Laetitia Clavreul, « Le directeur de l'Afssaps : "Aucun élément ne laisse penser qu'il y ait eu de bonnes prothèses PIP" », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  24. « L'incroyable contenu des prothèses frauduleuses PIP », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  25. Valérie Cantié, « Scandale des prothèses PIP : 11 ans après, la cour d'appel de Paris condamne l'organisme certificateur TÜV », sur France inter, .
  26. Pauline Fréour, « L'incroyable contenu des prothèses frauduleuses PIP », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  27. La certification CE autorise la vente et l'usage des produits marqués dans l'Union européenne et (théoriquement) leur innocuité pour un usage approprié et leur respect des législations en vigueur en Europe (sans pour autant confirmer l'efficacité du produit). Cela ne sous-entend en aucun cas que le produit ait été fabriqué en Europe : de très nombreux produits chinois sont notamment certifiés CE.
  28. Anne Jouan, « Prothèses : la loi de la jungle », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  29. Nicolas Bégasse, « Prothèses PIP : L'organisme de certification et un chirurgien assignés en référé », 20 Minutes,‎ (lire en ligne)
  30. J & D Medicals pour la Bulgarie, EMI pour le Brésil et GF Electromedics pour l'Italie, rejoints depuis par d'autres distributeurs mexicains, thaïlandais et syriens.
  31. Cécile Boutelet, Yves Bordenave et Laetitia Clavreul, « Des distributeurs d'implants PIP s'attaquent à l'organisme certificateur », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  32. Isabelle Barré, « Une justice très PIPée », Le Canard Enchaîné, no 4943,‎ , p. 4.
  33. « Implants PIP : les praticiens appelés à prendre en charge les explantations », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  34. Source : Communiqué de presse de l'Afssaps du 8 décembre 2011.
  35. « Retrait des prothèses mammaires PIP : décision attendue en fin de semaine », Le Figaro,
  36. « Prothèses PIP : l'assurance maladie va porter plainte », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  37. Source : communiqué sur le site officiel de l'Assurance Maladie.
  38. « Prothèses PIP : l'assurance maladie va porter plainte », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  39. « PIP : Allianz devra indemniser les victimes Â», Le Figaro, 14 juin 2012
  40. « Prothèses PIP: un plasticien assignĂ© par la famille d'une patiente dĂ©cĂ©dĂ©e d'un cancer Â», Romandie avec AFP, 14 juin 2012
  41. Nicolas Gombault, « Le risque est que les victimes des prothèses PIP ne soient pas indemnisées du tout », La Tribune,
  42. Le site du journal Le Monde a notamment rassemblĂ© les interventions les plus choquantes de Jeans-Claude Mas dans un « tĂ©lĂ©zapping Â» intitulĂ© L'incroyable cynisme du fondateur de PIP.
  43. Le procès-verbal de cette audition a été en partie retranscrit par l'AFP, et un résumé en est fait dans l'article « Le patron de PIP admet avoir produit un gel non homologué », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  44. Implants PIP: une tromperie sans risque dit l'accusé, La Libre Belgique en ligne, 19 avril 2013

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