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Plaquage ventral

Un plaquage ventral, ou mise à plat-ventre, ou encore décubitus ventral (DV) en médecine, est l'action d'allonger une personne sur le ventre. Il est utilisé en tant que geste technique en médecine et peut être utilisé comme manœuvre d'immobilisation par la police, bien que son usage soit controversé pour les risques de décès chez la personne immobilisée.

Mise à plat-ventre lors d'une opération de police.

En médecine

Le décubitus ventral est la position d'attente de base en cas de plaies et des brûlures du dos[1].

Le retournement en décubitus ventral est une manœuvre de réanimation indiquée dans les cas d'hypoxémie sévère des patients atteints de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), notamment les personnes atteintes du SARS-CoV-2[2]. Les avantages attendus en cas de SDRA sont les suivants[3] :

  • la position diminue la pression sur la partie antĂ©rieure du poumon et concentre l'atĂ©lectasie sur la partie antĂ©rieure ; on sacrifie la partie antĂ©rieure au profit de la partie postĂ©rieure afin d'amĂ©liorer le rapport ventilation alvĂ©olaire/perfusion capilaire ;
  • diminuer le barotraumatisme liĂ© Ă  la ventilation Ă  pression positive (volotraumatisme).

Cette manœuvre est ancienne et peu coûteuse, mais relativement peu utilisée dans les services de réanimation moderne, à cause des réticences dues à une méconnaissance de la procédure, la crainte de complications, l’augmentation de la charge de travail (6 personnes sont nécessaires[2]) et la difficulté de la technique[4].

Lors de la Pandémie de Covid-19 en France, Serena Ivaldi co-crée fin mars 2020 avec Nicla Settembre[5] le projet Exo Turn[6], destiné à valider l'utilisation d'un exosquelette pour faciliter la réalisation d'un décubius ventral sur les patients en réanimation[7]. Ce projet permet de réduire les risques de fatigue lombaire et de blessures sur les professionnels de santé[2].

Sur les nourrissons, cette position pour le couchage augmente le risque de mort subite[8].

Dans la police

Le plaquage ventral, avec maintien sur le ventre, peut être utilisé comme technique d'immobilisation. Souvent associé d'une compression du thorax ou de l'abdomen, l'usage du plaquage ventral peut mener au décès de la personne immobilisée par asphyxie si la position est prolongée ou si d'autres facteurs de risques sont conjugués, comme le délire actif, pouvant être lié à la prise de cocaïne[9]. L'asphyxie liée aux méthodes d'immobilisation et à la consommation de drogue est pointée du doigt par plusieurs études médicales comme étant la cause de l'augmentation significative du nombre de cas de morts subites en détention policière dans le monde depuis le début des années 1980 jusqu'au début des années 2000[9] - [10].

Aux États-Unis

Aux États-Unis, la pratique est interdite dans plusieurs villes. Elle le devient en 1980 à Los Angeles, après que la ville a connu une dizaine de morts. New York fait de même en 1993. Un cas notable de mort par plaquage ventral dans le pays est celle d'Eric Garner en 2014 à New York[11].

En , le plaquage ventral est utilisée par un policier nommé Derek Chauvin lors de l'arrestation de George Floyd à Minneapolis, lequel succombe en quelques minutes (le plaquage ventral s'est accompagné d'un geste supplémentaire : une compression du genou sur sa nuque)[12]. Cette technique est autorisée par la ville de Minneapolis[13]. Cela aura pour conséquence des émeutes et manifestations dans plusieurs villes aux États-Unis et dans le monde, pour protester contre les violences policières[14] et particulièrement envers la communauté noire, avec le mouvement Black Lives Matter.

En France

La mise en décubitus ventral est autorisée en France, à l'exception des forces de la police aux frontières, depuis un décès en .

Un rapport d'Amnesty International datant de 2011 condamne la pratique du plaquage ventral par la France[15]. Pour la Commission nationale de déontologie de la sécurité française, « cette forme d’immobilisation a été identifiée par la pratique internationale comme hautement dangereuse pour la vie ». En 2016, une autre association de défense des droits de l'homme, l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture, demande dans un rapport sur les violences policières que le plaquage ventral soit explicitement interdit[16].

Liste de décès impliquant un plaquage ventral en France

  • En , Lamine Dieng meurt d'« asphyxie mĂ©canique » due Ă  un plaquage ventral dans un fourgon de police parisien. Un non-lieu est ordonnĂ© en 2014 puis confirmĂ© trois ans plus tard par la Cour de cassation[17]. Un recours dĂ©posĂ© en 2017 Ă  la Cour europĂ©enne des droits de l'homme est rĂ©glĂ© Ă  l'amiable entre la France et la famille en 2020, avec 145 000 euros de dĂ©dommagement[18].
  • Le , la France est condamnĂ©e par la Cour europĂ©enne des droits de l'homme (CEDH) après la mort en de Mohamed Saoud, un Franco-Tunisien de 26 ans souffrant de troubles mentaux. Pris d'une crise de violence aiguĂ« et ayant sĂ©questrĂ© sa famille, il est maĂ®trisĂ© par les policiers qui le maintiennent compressĂ© sur le ventre pendant plus de trente minutes. Dans son jugement, la CEDH estime que « le dĂ©cès de Mohamed Saoud est intervenu du fait de son immobilisation au sol par les policiers durant plus de trente minutes, alors qu’il Ă©tait menottĂ© aux chevilles et aux poignets. Le fait qu’il se soit dĂ©battu pendant ces longues minutes Ă©tait certainement dĂ» Ă  une tentative pour se dĂ©gager de cette emprise insupportable, qui accroissait ses difficultĂ©s respiratoires. » Ajoutant : « Pendant le temps de l’agonie de Mohamed Saoud, les policiers Ă©taient soignĂ©s par les pompiers.» La justice française ayant dĂ©boutĂ© la famille de la victime, estimant qu'aucune faute pĂ©nale ne pouvait ĂŞtre imputĂ©e aux policiers, la Cour europĂ©enne des droits de l'homme a Ă©galement condamnĂ© la France pour manquement au droit Ă  un procès Ă©quitable[19].
  • Le , Hakim Ajimi, 22 ans, meurt Ă  Grasse d'« asphyxie lente avec privation prolongĂ©e en oxygène » après avoir Ă©tĂ© plaquĂ© au sol pendant de longues minutes par trois policiers en Ă©tant menottĂ© aux mains et aux pieds.
  • En , dans le Doubs, Mohamed Boukrourou, suivi pour des troubles psychiatriques, meurt d'un arrĂŞt cardio-respiratoire après avoir Ă©tĂ© placĂ© en plaquage ventral et maintenu par trois policiers assis et debout sur son torse, ses jambes et son bassin[20]. En 2017, soit huit ans après les faits, la France est condamnĂ©e par la Cour europĂ©enne des droits de l’homme (CEDH), pour mauvais traitement, dans cette affaire[21] - [22].
  • En , Serge Patouche, autiste, est Ă©touffĂ© par des policiers venus l’interpeller parce qu'ils le pensaient dangereux[23].
  • En , Abdelhak Goradia, AlgĂ©rien de 51 ans, meurt par asphyxie dans le fourgon de police qui l’amène depuis le centre de rĂ©tention administrative de Vincennes jusqu'Ă  Roissy pour ĂŞtre expulsĂ©[24].
  • Le , Amadou KoumĂ©, 33 ans, après avoir consommĂ© de la cocaĂŻne et avoir Ă©tĂ© interpellĂ© par la police qui l'a maintenu en dĂ©cubitus ventral, meurt d'un « Ĺ“dème pulmonaire survenu dans un contexte d’asphyxie et de traumatisme facial et cervical ».
  • Le , Adama TraorĂ©, 24 ans, meurt Ă  la suite de son interpellation. La technique du plaquage ventral est utilisĂ©e[25] mais les expertises se contredisent sur l'origine du dĂ©cès. Adama TraorĂ© pourrait ĂŞtre mort des consĂ©quences de l'effort physique qu'il a prodiguĂ© durant sa fuite devant les forces de l'ordre[26] ou bien des consĂ©quences du plaquage ventral[27].
  • Le , dĂ©cès par asphyxie du livreur CĂ©dric Chouviat, 42 ans, Ă  la suite d'un contrĂ´le de police Ă  Paris. L'autopsie fait Ă©tat d’une « manifestation asphyxique » avec une « fracture du larynx »[28]. Une vidĂ©o d'un tĂ©moin montre trois agents de police pratiquer la technique du plaquage ventral. La famille a portĂ© plainte pour « violences volontaires ayant entraĂ®nĂ© la mort »[29].
  • Le , SaĂŻd, un Marseillais handicapĂ© de 37 ans, dĂ©cède après avoir Ă©tĂ© maĂ®trisĂ© au sol lors d'un contrĂ´le par les agents RTM[30].

En Belgique

Le plaquage ventral n'est pas proscrit, mais en revanche, il est « interdit de placer le genou sur ou au-dessus du cou de la personne arrêtée dans cette position (...) Pour immobiliser l'individu, le genou peut être placé sur l'épaule ou le dos de la personne »[31].

En Suisse

L'usage de la pratique en Suisse a suscité des controverses en raison des décès auxquels elle est associée. En , Samson Chuckwu, un Nigérian qui s'était vu refuser le droit d'asile, décède à la suite d'un plaquage ventral par des policiers qui tentaient de le menotter lors de son expulsion. Selon le rapport d'autopsie, le poids du corps d'un policier placé sur lui et notamment sur son thorax, ce qui constitue une entrave aux mouvements respiratoires, ainsi que son effort physique fourni pour se débattre, mènent à conclure que l'origine la plus probable du décès est l'asphyxie[32]. La technique aurait ensuite été interdite en Suisse, selon plusieurs médias français[33] - [34] - [35]. La loi de 2008 sur l'usage de la contrainte, dispose que « les techniques d'utilisation de la force physique susceptibles de causer une atteinte importante à la santé des personnes concernées sont interdites, en particulier les techniques pouvant entraver les voies respiratoires ». Selon France Info, si la clé d'étranglement n'est pas enseignée ni pratiquée, du moins en théorie, la technique du plaquage ventral reste tolérée à certains endroits[36]. Selon le journal suisse Le Temps qui cite la police du canton de Vaud, la pratique serait autorisée dans le pays, sous certaines conditions: la durée du positionnement ventral devrait être réduite au strict minimum, afin de ne pas obstruer les voies respiratoires, et les agents devraient parler continuellement à la personne appréhendée. Toutefois, certains commandants et chefs opérationnels proscriraient la technique, jugée trop risquée[37]. En 2018, la controverse resurgit à la suite du décès de Mike Ben Peter, un Nigérian de 37 ans, mort quelques heures d'une crise cardiaque après un plaquage ventral lors de son arrestation, à Lausanne. La police dit avoir retrouvé des boulettes de cocaïne dans sa bouche, mais la piste de l'overdose est exclue par les expertes légistes[38] - [39]. Celles-ci concluent à une cause multifactorielle du décès, qui comprend à la fois la position de contrainte mais aussi le stress, l’obésité et une malformation cardiaque. Selon elles, la position ventrale aurait pu accroître la situation de stress, ou ne jouer aucun rôle[37] - [40]. Des manifestants demandent en d'interdire la pratique[41].

Notes et références

  1. « E3 — Dégagements d’urgence », dans Formation aux activités de premiers secours en équipe : fiches pédagogiques et technique, France Sélection, (lire en ligne).
  2. « Utiliser les exosquelettes pour aider le personnel soignant en réanimation grâce au projet ExoTurn », sur Recherchecovid.enseignementsup-recherche.gouv.fr (consulté le )
  3. [vidéo] Le Décubitus Ventral, ça sert à quoi ? - Minute Santé sur YouTube, Les Minutes de Jérémy, 3 avril 2020.
  4. C. Eude et C. Turcot, « Le décubitus ventral : procédure et rôle infirmier », Réanimation, no 19,‎ , p. 29-34 (DOI 10.1016/j.reaurg.2009.11.011).
  5. « A Nancy, des chercheurs proposent un exosquelette pour soulager les soignants du CHRU », sur France Bleu, (consulté le )
  6. « L’hôpital face au Covid-19 : les exosquelettes prêtent main-forte aux équipes de réanimation - Innovation », sur Essentiel Santé Magazine, (consulté le )
  7. « Exo Turn aide les soignants à retourner les patients en réanimation », sur Les Echos, (consulté le )
  8. (en) M. Willinger, H. J. Hoffman et R. B. Hartford, « Infant sleep position and risk for sudden infant death syndrome: report of meeting held January 13 and 14 1994, National Institutes of Health, Bethesda, MD », Pediatrics, no 93:,‎ , p. 14-819 (lire en ligne)
  9. Asphyxie positionnelle : une cause de décès insuffisamment connue, Revue Médicale Suisse, Bettina Schrag, Sébastien de Froidmont et Maria-del-Mar Lesta, 303 (2011), pp.1511-1514
  10. Death in Custody: A historical analysis, Journal of Forensic Sciences, J.R. Grant, P.E. Southall, D.R. Fowler, J. Mealey, E.J. Thomas, T.W. Kinlock, 52(5), septembre 2007, pp. 1177-1181.
  11. Sarah Leduc, « Le plaquage ventral, une technique policière internationalement décriée », sur France 24, (consulté le ).
  12. Geoffroy Tomasovitch, « Mort de George Floyd : l'étranglement, une pratique policière controversée aux Etats-Unis », Le Parisien, (consulté le )
  13. (en) Kelly McLaughlin, « Most Minnesota law enforcement agencies ban the neck-pinning maneuver used against George Floyd — but it's still allowed in Minneapolis », sur Insider (consulté le )
  14. France 2, « Mort de George Floyd : le policier Derek Chauvin poursuivi pour "meurtre" », sur Francetvinfo.fr, Franceinfo, (consulté le ).
  15. France. « Notre vie est en suspens », Amnesty International, 2011
  16. Un rapport dénonce l'impunité des violences policières, Médiapart, Michel Déléan, 14 mars 2016
  17. B. H., « Mort de Lamine Dieng à Paris : la justice confirme le non-lieu », sur Le Parisien, (consulté le ).
  18. Marc Leplongeon, « Affaire Lamine Dieng : la France va verser 145 000 euros Ă  la famille », sur Le Point, (consultĂ© le ).
  19. Louise Fessard,, « Violences policières : le déni de l'État », Médiapart,‎ (lire en ligne).
  20. « Des policiers épinglés pour la mort d'un interpellé dans le Doubs », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  21. Julia Pascual, « La France condamnée pour mauvais traitements lors d’une interpellation », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  22. « AFFAIRE BOUKROUROU ET AUTRES c. FRANCE »
  23. Olivier Bertrand, « Autiste mort étouffé : les policiers jugés », Libération,‎ (lire en ligne).
  24. Louise Fessard, « Mort d'un Algérien expulsé: la police est gravement mise en cause », Mediapart,‎ (lire en ligne).
  25. « Le plaquage ventral, une technique policière controversée », Libération,‎ (lire en ligne).
  26. Nicolas Chapuis, « Mort d’Adama TraorĂ© : ce que rĂ©vèle la dernière expertise mĂ©dicale », Le Monde,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  27. « Mort d’Adama Traoré : une nouvelle contre-expertise met en cause les gendarmes », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  28. Nicolas Chapuis, « Mort d’un livreur lors d’une interpellation à Paris : l’autopsie évoque une asphyxie « avec fracture du larynx » », sur lemonde.fr,
  29. Pascale Pascariello, « Violences policières: Cédric Chouviat est mort d’une asphyxie avec fracture du larynx », sur mediapart.fr, (consulté le )
  30. Celine Ceilles, « Marseille : enquête ouverte après le décès d'un homme asphyxié lors d'un contrôle », (consulté le )
  31. Catherine Fournier, « Violences policières : avant la France, comment certains pays ont limité le recours à la clé d'étranglement et au plaquage ventral », sur Francetvinfo.fr, Franceinfo, (consulté le ).
  32. Renvois forcés: les méthodes de la police sur la sellette, swiwwinfo.ch, 26 juillet 2001 (consulté le 27 septembre 2016)
  33. Sarah Leduc, « Le plaquage ventral, une technique policière internationalement décriée », sur France 24, (consulté le )
  34. Jérémy Maccaud, « Interpellations : le “plaquage ventral” remis en cause », Le Figaro,‎ (ISSN 0182-5852, lire en ligne, consulté le ).
  35. Pierre Desorgues, « France : le "plaquage ventral", une technique policière controversée mais toujours autorisée », sur TV5MONDE, (consulté le )
  36. Catherine Fournier, « Violences policières : avant la France, comment certains pays ont limité le recours à la clé d'étranglement et au plaquage ventral », sur France Info, (consulté le )
  37. Sylvia Revello, « Le plaquage ventral aussi dénoncé en Suisse », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le )
  38. Tania Barril, « L'autopsie de l'homme mort lors d'un contrôle à Lausanne exclut l'overdose », sur Radio Télévision Suisse, (consulté le )
  39. Sylvia Revello, « A Lausanne, un rapport médical sur la mort de Mike relance la question des violences policières », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le )
  40. Agence France Presse, « Suisse – Un cas semblable à George Floyd revient en lumière », Tribune de Genève, (consulté le )
  41. Chloé Banerjee-Din, « Mort de Mike Ben Peter – Des activistes aveuglent la justice à la Palud », 24 heures, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article Louise Fessard, « Mort au commissariat, Amadou KoumĂ© «émettait des cris d’agonie et d’étouffement» », Mediapart,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
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