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Pierre Billaux

Pierre Billaux, né le à Trun et mort le chez lui à Chambois, à l’âge de 93 ans, est un résistant français. Ancien déporté pour faits de Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, il a reçu l’insigne de chevalier de la Légion d'honneur en 2015. Pierre Billaux a été l’un des mentors du philosophe Michel Onfray.

Pierre Billaux
Pierre Billaux en 1988, à l'âge de 63 ans.
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Pierre André Paul Billaux
Nationalité
Activités

Biographie

Issu d’une famille de condition sociale très modeste, il est le second d’une fratrie de trois enfants. À 14 ans, il est pris en apprentissage par des amis de la famille dans un salon de coiffure à Chambois (Orne).

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’occupation par l'armée allemande est vite devenue pour lui synonyme de contraintes et d’entrave à la liberté. C’est en écoutant Radio-Londres que Pierre Billaux fera définitivement le choix de l’insoumission et de la désobéissance. Ses premiers actes de résistance ont d'abord été symboliques, bien que risqués : tracer des croix de Lorraine sur les murs, déposer une gerbe au monument aux morts le 14 juillet.

Un ancien camarade d’école présenta Pierre Billaux à son père, René Sénaque, électricien à Trun, qui avait fondé en 1943 le groupe « Vengeance » au sein de la Résistance intérieure française. L’objectif de ce groupe, en plus de fournir de fausses cartes d’identité et de travail aux réfractaires du service du travail obligatoire (STO) et de distribuer le journal clandestin « Défense de la France », était de former des petites unités de combats qui devaient être opérationnelles pour le Jour J. Au cours de séances d’entrainement, Pierre Billaux a appris le maniement de la mitraillette Sten et le lancer de grenades. À Chambois, ces activités ne passèrent pas inaperçues et une liste de noms fut livré à la Gestapo. Le , les soldats de la Waffen-SS bouclent les villages de Chambois et Fel et procèdent à des arrestations. Christian Echivard, 29 ans, clerc de notaire, un des responsables du groupe de résistants de Chambois, est abattu dans un chemin d’une balle dans le dos alors qu’il tentait de fuir son domicile. Sept autres personnes sont arrêtées, dont Pierre Billaux.

Après de sévères fouilles à la Kommandantur, des matraquages dans un salon du château de Chambois, les captifs sont transférés à la prison d’Alençon. C’est là que Pierre Billaux dit avoir rencontré des personnes de tous âges et de toutes conditions, des courageux qui lui ont donné envie de leur ressembler, comme le Docteur Roger Cornu, mais aussi des pleutres qui étaient prêts à toutes les bassesses pour être relâchés. Dans ses témoignages d’après-guerre, Pierre Billaux dira que ces exemples et contre-exemples l’ont aidé à garder une attitude digne dans les situations difficiles qu’il a connues au long de son internement et de sa déportation.

Le , Pierre Billaux s’est retrouvé au camp de concentration de Neuengamme, après un long voyage en train à 70 ou 80 dans des wagons à bestiaux, en passant par le camp de transit de Compiègne. À Neuengamme, il a d’abord travaillé aux glaisières, puis il fut transféré au camp extérieur de Brême-Blumenthal, le Kommando de Blumenthal. Ses témoignages racontent la vie au camp particulièrement inhumaine. La force brutale, l’arbitraire et le mépris de l’homme étaient les règles imposées par les Nazis. Il a souvent raconté avoir trouvé la force de rester digne par la camaraderie, et que les liens fraternels qu’il a noués est l’aspect le plus positif de sa déportation.

Télégramme annonçant la libération de Pierre Billaux le 8 mai 1945 à Lübeck (Allemagne), envoyé par un ami depuis Liège (Belgique).
Télégramme annonçant la libération de Pierre Billaux le 8 mai 1945 à Lübeck (Allemagne), envoyé par un ami depuis Liège (Belgique).

L’enfer ne s’est pas terminĂ© avec la libĂ©ration du camp de Neuengamme, les nazis ayant imaginĂ© l’un des plans les plus machiavĂ©liques de cette fin de guerre. Quelques jours avant la libĂ©ration du camp par les Anglais le , tous les dĂ©portĂ©s survivants du camp ont Ă©tĂ© amenĂ©s par les Nazis jusqu’au port de LĂĽbeck et rĂ©partis au fond des cales de trois bateaux : 6 000 sur le paquebot de luxe allemand Cap Arcona, 2 000 sur le Thielbek et 2 000 sur l’Athen. D’abord mis sur le Cap Arcona, Pierre Billaux s’est finalement retrouvĂ© dans la cale de l’Athen. Les bateaux battaient ostensiblement le pavillon Ă  croix gammĂ©e nazie laissant croire aux AlliĂ©s qu’ils Ă©taient remplis de dignitaires nazis prĂŞts Ă  fuir pour la Norvège. L’attaque de l’aviation anglaise, espĂ©rĂ©e par les Nazis, a eu lieu le vers 14h30, faisant 5 500 morts sur le Cap Arcona et 2 000 morts sur le Thilbeck ; l’Athen n’a pas Ă©tĂ© touchĂ©.

Sauf, mais dans un état d’extrême faiblesse, Pierre Billaux a pu rejoindre Caen, qu’il a trouvée complètement détruite, puis Potigny, seule ville de la région complètement épargnée par les bombardements.

Sans nouvelle de sa famille pendant un an, elle-même sans nouvelle de Pierre, sauf par un télégramme d’un ami les prévenant de sa libération, la famille était finalement au complet, mais Pierre a mis longtemps à se remettre, soigné par le médecin de la mine.

De retour à Chambois, dévastée par les derniers combats de la bataille de Normandie, Pierre Billaux reprend son travail de coiffeur. Il retrouve aussi celle qui sera le grand amour de sa vie, Paulette. Paulette et Pierre se sont mariés le à Chambois. Plus de 71 ans de vie commune s’ensuivront.

Pierre a repris le salon de coiffure de ses anciens patrons en 1947, qu’il ne le quittera que le pour prendre sa retraite.

En 1949, atteint par la tuberculose, il devra fermer son salon pendant plusieurs mois. La déportation a aussi marqué à tout jamais les engagements qui jalonnèrent sa vie. Dans les camps il dit avoir pris conscience que le système concentrationnaire n’était pas un accident de l’histoire, mais le produit d’une idéologie malfaisante. Si la politique lui avait été étrangère dans sa jeunesse, il s’y est ouvert à son retour. Il admirait le général de Gaulle mais des lectures et des rencontres l’ont orienté vers un autre bord. La guerre froide a eu pour effet de parachever une scission dans le monde de la déportation. Pierre Billaux a adhéré à la FNDIRP, mais il a très vite reproché à la Fédération de ne pas manifester une réelle volonté de lutter partout dans le monde contre la prison, la torture et les camps. Considérant qu’un ancien déporté-résistant devait s’engager plus que d’autres pour la défense des droits de l’homme, il a adhéré à Amnesty International en participant à la création du groupe Amnesty international d’Argentan, et en devenant un des piliers de ce groupe.

Désireux d’être d’une autre manière en prise avec le monde actuel il a rejoint le mouvement alter mondialiste ATTAC.

Voyant ressurgir des idées malfaisantes qu’il croyait bannies à jamais, il s’est engagé dans un militantisme actif auprès de la jeunesse des établissements scolaires en venant y témoigner de sa dramatique expérience vécue, invitant à la vigilance. Il a également été membre du jury du concours départemental de la résistance.

Pierre Billaux a été un agitateur d’idées, obligeant chacun à la réflexion et à porter un regard critique sur les choses de la vie. Il a vu naître et grandir Michel Onfray et a entretenu avec lui, au temps de son adolescence, et au-delà, des conversations qui ont marqué le philosophe.

Sur le plan local, il s’est longtemps investi dans la vie de sa commune Chambois : au comité des fêtes, au conseil municipal, à la présidence du syndicat d’initiative. Dans le même temps, il s’est plongé dans l’histoire du village, devenu en quelque sorte son historien. À cette occasion, il s'est notamment lié d'amitié avec de nombreux descendants québécois d'Étienne de Lessard, venus en visite à Chambois sur les traces de leur ancêtre.

Pierre Billaux, résistant-déporté, 1925-2018, coiffeur à Chambois, libre-penseur
Plaque Rue Pierre-Billaux, Ă  Trun (Orne)

Pierre Billaux a été décoré de la médaille de la Résistance française en 1946. Après avoir refusé la Légion d’honneur dans les années 1960, indigné par la remise de cette distinction au tortionnaire de Maurice Audin, jeune professeur qui enseignait à Alger, les proches de Pierre Billaux l’ont finalement convaincu, et c’est Madame Françoise Comte, grande Résistante elle aussi, déportée à 16 ans à Ravensbruck, qui lui a remis les insignes de chevalier le .(Extrait du texte de l'éloge funèbre écrit et prononcé par Jacques Prigent lors des obsèques de Pierre Billaux)[1].

Depuis , une rue de Trun, sa petite ville natale, porte son nom, inaugurée par son ami Jacques Prigent, maire de Trun, en présence de nombreux amis dont Michel Onfray.

Citations

« Pierre qui fut un résistant, un vrai, un authentique, un qui mérite véritablement l’épithète, n’a jamais donné dans les logiques de l’Ancien combattant arborant ses états de service. Il n’a jamais cru que son passé de déporté lui donnait des droits ; au contraire, il en a conclu qu’il exigeait de lui des devoirs. Notamment celui de lutter pour ce qui fut vraiment une barbarie ne recommence pas. »

— Michel Onfray (préface Mener une vie de gauche, Le miroir aux alouettes : Principes d'athéisme social, Plon, 2016)

« En somme, ma vie fut toute simple, faite de travail, de beaucoup d’amour et d’amitié partagée, de rencontres multiples et enrichissantes, et d’engagements. La seule chose qui me rend amer est que l’état du monde est loin de ressembler à celui que j’espérais après la victoire de 1945 et que le cri « Plus jamais ça », lancé par les Déportés, se soit si souvent perdu dans les sables au cours de toutes ces décennies. Mais conservons malgré tout l’espoir et, autant que faire se peut, la faculté d’indignation et aussi celle d’émerveillement. Finalement, la vie est une belle aventure. »

— Pierre Billaux (Elles et Eux et la déportation, Éditions Tirésias, 2005)

Distinctions

Notes et références

  1. Jacques PRIGENT, HISTOIRE DE TRUN, Bayeux, OREP Editions2021, , 298 p. (ISBN 978-2-815-10607-8), p. 222 Ă  227

Bibliographie

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