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Patrouille de neutralité

Le , les dĂ©clarations de guerre britannique et française Ă  l’Allemagne lancent la seconde bataille de l’Atlantique. Le , le chef des opĂ©rations navales des États-Unis met en Ĺ“uvre une patrouille aĂ©ronavale combinĂ©e le long de la cĂ´te atlantique des États-Unis et dans les CaraĂŻbes. Le prĂ©sident Franklin D. Roosevelt adopte ensuite la loi de neutralitĂ© de novembre 1939, transformant la patrouille navale en patrouille de neutralitĂ©[1].

Bombardiers en piqué américains Vought SBU-1 de l'escadron de reconnaissance VS-42 effectuant une patrouille de neutralité en 1940.

Contexte

La première semaine de , l'Allemagne envahit la Pologne, suivie rapidement par la dĂ©claration de guerre du Royaume-Uni et de la France Ă  l'Allemagne. Il est apparu que le conflit s’élargirait Ă  toute l’Europe de manière très similaire aux premières Ă©tapes de la Première Guerre mondiale. Une nouvelle fois, le Royaume-Uni, la France et leurs alliĂ©s dĂ©pendraient sans aucun doute de l'aide des Ă‰tats-Unis pour fournir un soutien matĂ©riel transitant obligatoirement par l'Atlantique[2]. Comme lors de la Première Guerre mondiale, l'Allemagne tenterait sĂ»rement d'arrĂŞter ces envois, probablement par des attaques de sous-marins et de raids de surface. Tout indique que l’Atlantique serait Ă  nouveau un champ de bataille important. Ce scĂ©nario compromettrait certainement la neutralitĂ© des États-Unis, c'est ainsi que le prĂ©sident Franklin Roosevelt ordonna Ă  la Marine de prendre rapidement des mesures afin de minimiser cette menace[2].

Zones de neutralité

Le , le chef des opĂ©rations navales ordonne Ă  l’Atlantic Squadron[3] de crĂ©er une patrouille aĂ©rienne et navale combinĂ©e afin d'observer et de signaler les mouvements des navires des nations belligĂ©rantes. Les États-Unis Ă©tablissent des zones de neutralitĂ© Ă  travers la Zone de sĂ©curitĂ© panamĂ©ricaine instaurĂ© en avec les autres Ă©tats d'AmĂ©rique latine comprenant tout le golfe du Mexique, toute la mer des CaraĂŻbes et s'Ă©tendant de 200 Ă  300 milles dans l'Atlantique Ă  partir des cĂ´tes nord-amĂ©ricaines et sud-amĂ©ricaines[1] - [2]. Les autoritĂ©s dĂ©clarent par la suite leur intention de patrouiller bien au-delĂ  des limites de ces zones de neutralitĂ© afin de surveiller de manière appropriĂ©e l’approche de toute expĂ©dition de belligĂ©rants. Les escadrons d'aviation sont mobilisĂ©s et repositionnĂ©s. Des sentinelles de cuirassĂ©s, de croiseurs et de destroyers ont Ă©tĂ© Ă©tablis et des plans ont Ă©tĂ© mis en oeuvre pour remettre en service de vieux destroyers afin d'effectuer ces patrouilles de neutralitĂ©[3] - [2].

Les patrouilles de neutralitĂ© n’étaient qu’un Ă©lĂ©ment de l’intention gĂ©nĂ©rale de Roosevelt de soutenir le plus possible la Grande-Bretagne tout en maintenant (ou du moins en revendiquant) la neutralitĂ© mondiale de l’AmĂ©rique. Les autres composantes de cet effort comprenaient l'accord Destroyers for Bases Agreement, une première forme de prĂŞt-bail (Lend-Lease), et un « Ă©change Â» solide avec la Grande-Bretagne[2]. Le « commerce Â» avec la Grande-Bretagne signifiait que de nombreux navires traversaient l'Atlantique alors que l'ocĂ©an Ă©tait activement ratissĂ© par les sous-marins allemands. La patrouille de neutralitĂ© mise en place par l'United States Navy a Ă©tĂ© chargĂ©e de protĂ©ger les intĂ©rĂŞts commerciaux amĂ©ricains en haute mer. Au printemps 1941, une pratique commençait Ă  se dessiner, ressemblant beaucoup Ă  des escortes de convois armĂ©s. En 1941, la zone de neutralitĂ© atlantique a Ă©tĂ© Ă©tendue vers l’est pour inclure 75 % de la largeur de l’ocĂ©an, ainsi que vers le sud, quasi jusqu'Ă  Rio de Janeiro, au BrĂ©sil. D'après les nombreuses notes de Roosevelt et les ordres de la Marine, la zone Ă©tait surnommĂ©e « l'hĂ©misphère occidental[2] ».

Organisation

Les cuirassés USS Arkansas, Texas et New York avec le porte-avions USS Ranger (comprenant les escadrilles VB-4, VF-4, VS-41 et VS-42[4]) formèrent une force de réserve à Hampton Roads afin de soutenir les patrouilles suivantes[5] :

  • Patrouille zĂ©ro : 18e division de destroyers composĂ©e des USS Davis, Jouett, Benham et Ellet. Elle a Ă©tĂ© assignĂ©e au point de patrouille zĂ©ro de Terre-Neuve au sud jusqu'au 40e parallèle[5].
  • Première patrouille : les destroyers USS Hamilton et Leary ont Ă©tĂ© affectĂ©s Ă  un point de patrouille le long d'une ligne nord-ouest-sud-est au large de Georges Bank (en)[5].
  • Seconde patrouille : les destroyers USS Hopkins et Goff, un avion de l'escadron VP-54 et le transport d'hydravions USS Owl opĂ©rant depuis Newport, entre le 38e et le 43e parallèle[5].
  • Troisième patrouille : les destroyers USS Manley, Barry, Decatur et Reuben James ont Ă©tĂ© affectĂ©s entre le 34e et le 38e parallèle avec les avions des escadrons VP-52 et VP-53[5].
  • Sixième patrouille : les destroyers USS Babbitt et Claxton ont patrouillĂ© dans le dĂ©troit de Floride et le canal du Yucatán[5].
  • Septième et huitième patrouille : les croiseurs USS San Francisco et Tuscaloosa, les destroyers USS Broome, Borie, Simpson, et Truxton ont patrouillĂ© dans les CaraĂŻbes orientales au sud du 23e parallèle avec les avions des escadrons VP-33 et VP-51, soutenus par des transports d'hydravions USS Lapwing, Gannet, et Thrush. Les Gannet et Thrush[5] ont Ă©tabli une base d'hydravions Ă  Porto Rico[6].
  • Neuvième patrouille : Les croiseurs USS Quincy et Vincennes ont patrouillĂ© Ă  moins de 480 kilomètres de la cĂ´te entre Newport et le cap Hatteras[5].

Communications

Les ordres du chef des opĂ©rations navales datĂ©s du ordonnent aux patrouilles de rapporter en chiffres les mouvements des navires des nations en guerre. Les navires de la marine des États-Unis avaient au dĂ©part pour instruction d’éviter tout rapport Ă  proximitĂ© des navires belligĂ©rants afin d'Ă©viter que leur service de radiogoniomĂ©trie ne capte un mouvement de la part d'une nation se revendiquant comme neutre[6]. Le , le prĂ©sident Roosevelt charge la marine de transmettre rapidement des rapports en anglais clair ; et le , la patrouille de neutralitĂ© est chargĂ©e de signaler les contacts en utilisant des transmissions radio en langage simple[7].

Nouvelles bases

Les patrouilles de neutralitĂ© ont dĂ©butĂ© Ă  partir des Bermudes après l’accord Destroyers for Bases Agreement signĂ© entre les États-Unis et le Royaume-Uni le . La base a Ă©tĂ© mise en service le ; elle est utilisĂ©e pour la première fois le lendemain par la 3e division de porte-avions (USS RangerWasp et Yorktown). Ă€ la mi-juin, les croiseurs USS Memphis, Milwaukee, Cincinnati et Omaha patrouillaient depuis cette base au sud de TrinitĂ© et le long de la cĂ´te du BrĂ©sil[8].

Service opérationnel

En , le cuirassĂ© allemand Bismarck engage les navires de guerre britanniques de la Royal Navy, le HMS Hood et le HMS Prince of Wales dans le dĂ©troit du Danemark, au cours duquel il coule le Hood et endommage le Prince of Wales avant de disparaĂ®tre. Les navires de surface de la deuxième force opĂ©rationnelle de la marine des États-Unis et des avions de patrouille amĂ©ricains Ă  longue portĂ©e sont alors envoyĂ©s dans la zone pour tenter de localiser le Bismarck[9]. Objectivement, les opĂ©rations de ratissage sans succès arrangeait les Ă‰tats-Unis, car il aurait Ă©tĂ© difficile de fournir Ă  la Grande-Bretagne des informations en temps rĂ©el de l’autre cĂ´tĂ© de l’Atlantique. De plus, le pays ne voulait pas jouer un rĂ´le dans la traque du cuirassĂ© allemand[2]. Cependant, des rapports secrets indiquent que les navires de la Task Force 2 (Wasp, Quincy, Livermore et Kearny) avaient reçu l'ordre de l'engager et de le couler s'il Ă©tait aperçu. Le Bismarck est finalement localisĂ© par Leonard B. Smith (en), pilote / conseiller dans un PBY Catalina du British Coastal Command. Deux autres « conseillers » amĂ©ricains pilotant des PBY britanniques ont aidĂ© Ă  suivre Bismarck le reste de la journĂ©e. Cette observation a permis aux navires britanniques de converger sur le Bismarck avant de pouvoir atteindre la cĂ´te française[2].

Pour augmenter les unitĂ©s dĂ©jĂ  engagĂ©es dans les patrouilles de neutralitĂ© autour de la cĂ´te est et du golfe du Mexique, la marine amĂ©ricaine a remis en service 77 destroyers et mouilleurs de mines lĂ©gers en rĂ©serve Ă  Philadelphie ou Ă  San Diego. Le Ă  Terre-Neuve, Roosevelt accepte de fournir aux destroyers amĂ©ricains des escortes pour le tronçon Canada-Islande des convois HX et des convois ON en direction ouest[10].

Un convoi de navires marchands protégés par des avions en direction du Cap durant la Seconde Guerre mondiale.

Le , le destroyer amĂ©ricain USS Greer et le sous-marin allemand U-652 s’engagent mutuellement sans causer de prĂ©judice Ă  ce qui deviendra une rencontre hautement politisĂ©e. L'U-652 est localisĂ© par un Hudson puis repĂ©rĂ© par le destroyer en route pour l'Islande. L'avion lui lance quatre charges de profondeur de 250 livres. L'U-652 attaque le Greer Ă  la torpille, mais le rate. Ce dernier lui lance Ă©galement des charges de profondeur sans succès. Les deux protagonistes se sĂ©parent mais le « Greer Incident » pousse le prĂ©sident Roosevelt Ă  Ă©mettre un shoot-on-sight (« tir Ă  vue ») Ă  ses commandants de la marine[2].

Le , une Rudeltaktik de huit U-boots attaquent au sud-ouest de l'Islande le convoi SC 48 escortĂ© par des corvettes canadiennes. L'escorte Ă©tait renforcĂ©e par des destroyers de l'US Group TU 4.1.4 venant du convoi dispersĂ© ON 24. Le croyant britannique, l'U-568 torpille et endommage l'USS Kearny[11] - [12]. Le destroyer atteint HvalfjörĂ°ur en Islande par ses propres moyens, avec onze morts et vingt-quatre blessĂ©s. Ce sont les premières victimes amĂ©ricaine dans la bataille de l'Atlantique[13]. Puis, le , l'U-552 signale en route le convoi HX 156. Ce convoi est composĂ© de quarante quatre navires marchands, escortĂ©s par cinq destroyers amĂ©ricains. Le mĂŞme jour, l'U-552 envoie par le fond un de ces destroyers amĂ©ricains, il s'agit de l'USS Reuben James. C'est le premier bâtiment amĂ©ricain Ă  ĂŞtre coulĂ© dans cette guerre, provoquant la mort de 116 officiers et hommes d'Ă©quipage[14] - [15].

Dans les deux accrochages, les navires amĂ©ricains avaient larguĂ© leurs charges de profondeur avant que les Allemands ne tirent leurs torpilles[2]. Dans l’affaire « Greer », la question de savoir qui a tirĂ© en premier a Ă©tĂ© contestĂ©e par les deux parties et la vĂ©ritĂ© n'a pas Ă©tĂ© Ă©claircie dans la polĂ©mique qui a suivi. Les patrouilles de neutralitĂ© se sont poursuivies jusqu'en 1941, mais la dĂ©claration de guerre de l'Allemagne contre les États-Unis le ont changĂ© la donne. Les Ă‰tats-Unis Ă©tant Ă  prĂ©sent pleinement engagĂ©s dans le conflit, les patrouilles se sont avĂ©rĂ©s inutiles. L'Allemagne a justifiĂ© sa dĂ©claration de guerre en citant les incidents de « Greer, Kearny et Reuben James », les dĂ©crivant comme des violations flagrantes de toute neutralitĂ© supposĂ©e[2].

RĂ©sultats

Les patrouilles de neutralitĂ© faisaient partie des principaux objectifs de l'US Navy pendant le premier tiers de la Seconde Guerre mondiale. L'Atlantic Squadron au cours de cette pĂ©riode comprenait trois cuirassĂ©s, quatre croiseurs lourds, 29 destroyers et un porte-avions ; et leur mission principale a Ă©tĂ© un succès car la force opĂ©rationnelle a Ă©tĂ© rebaptisĂ©e escadron de patrouille le . Les patrouilles de neutralitĂ© ont amĂ©liorĂ© l’efficacitĂ© des surveillances alliĂ©es dans la zone de neutralitĂ© dĂ©clarĂ©e. Le , l'assistant du chef des opĂ©rations navales Robert L. Ghormley reçoit l'ordre de se rendre en Grande-Bretagne en tant qu'observateur SpĂ©cial de la Marine afin de normaliser les communications Ă  bord des navires de guerre britanniques et amĂ©ricains[16].

Controverses

Les patrouilles de neutralité ont été controversées. Le Secrétaire d'État de la Guerre de Roosevelt, Henry Stimson, a estimé que les patrouilles étaient des actes belligérants et il a plaidé pour que Roosevelt le dise ouvertement. Stimson et le Secrétaire à la Marine Frank Knox sont convenus que le raisonnement du président pour justifier ses patrouilles avait été « torturé[2] ». Immédiatement après la fin de la guerre, les historiens se sont vu refuser l’accès aux archives américaines relatives aux patrouilles de neutralité, car ils risquaient d’affaiblir la position de l’Amérique dans ce qui était alors un monde de guerre froide. Des années plus tard, en 1999, des professeurs de la faculté de droit de l’Université de Virginie ont procédé à une analyse juridique du rôle du président Roosevelt dans le rôle de « convaincre les Américains de participer à la Seconde Guerre mondiale »[2].

Notes et références

  1. Cressman, p. 2
  2. United States Neutrality Patrol (5 Sep 1939 - 11 Dec 1941) sur World War II Database.
  3. Morison, pp.14&15
  4. Cressman, p.5
  5. Morison, p.15
  6. Cressman, p.3
  7. Cressman, pp.8&9
  8. Morison, p.83
  9. Robert B. Carney, « Escort-of-Convoy, Still the Only Way », United States Naval Institute, vol. 96, no 6,‎ , p. 112 (lire en ligne Inscription nécessaire)
  10. van der Vat, p.205
  11. Morison, p. 93
  12. Morison, p.90
  13. L'U-568 sur u-boote.fr.
  14. Morison, p.94
  15. L'U-552 sur u-boote.fr.
  16. Brian F., Jr. Hussey, « THE U.S. NAVY, THE NEUTRALITY PATROL, AND ATLANTIC FLEET ESCORT OPERATIONS 1939-1941 », United States Naval Academy (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Robert J. Cressman, The Official Chronology of the U.S. Navy in World War II, Annapolis, Maryland, Naval Institute Press, , 367 p. (ISBN 1-55750-149-1)
  • Samuel Eliot Morison, History of United States Naval Operations in World War II, vol. 1, Boston, Little, Brown and Company,
  • E.B. Potter et Chester W. Nimitz, Sea Power, Englewood Cliffs, New Jersey, Prentice-Hall,
  • van der Vat, Dan, The Atlantic Campaign, Harper & Row, (ISBN 0-06-015967-7)

Liens externes

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