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Ouvrage des Aittes

L'ouvrage des Aittes, ou des Aîttes[n 1], est une fortification faisant partie de la ligne Maginot, située sur la commune de Cervières, dans le département des Hautes-Alpes.

Ouvrage des Aittes
L'entrée de l'ouvrage des Aittes.
L'entrée de l'ouvrage des Aittes.

Type d'ouvrage Petit ouvrage d'infanterie
Secteur
└─ sous-secteur
secteur fortifié du Dauphiné
└─ Sous-secteur Haute-Durance – Cerveyrette,
quartier Gondran–Aittes
Numéro d'ouvrage O 388
Année de construction 1932-1937
RĂ©giment 72e BAF
Nombre de blocs 4
Type d'entrée(s) Entrée par un bloc (casemate)
Effectifs 92 hommes et deux officiers
CoordonnĂ©es 44° 52′ 38″ nord, 6° 44′ 38″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : France
GĂ©olocalisation sur la carte : Hautes-Alpes

Il s'agit d'un petit ouvrage d'infanterie construit dans les années 1930. Il était chargé de défendre le fond de la vallée de la Cerveyrette, épaulant ainsi les ouvrages se trouvant en haut du Gondran, l'ensemble étant couvert par l'artillerie de l'ouvrage du Janus et par les batteries de soutien. Ayant peu servi en 1940, il est en plutôt bon état et se visite.

Description

Le hameau des AĂ®ttes se trouve en amont du village de Cervières, dans le vallon de la Cerveyrette, sur une moraine glaciaire juste avant le marais de la plaine du Bourget. Ce vallon a Ă©tĂ© barrĂ© Ă  cet endroit par le mur des AĂ®ttes, construit sur la rive droite en 1898-1901 par le 159e RIA[1] ; il s'agit d'un mur en maçonnerie de 328 mètres de long pour 2,5 m de haut, percĂ© par plus d'une centaine de crĂ©neaux de tir[2]. L'ouvrage Maginot se situe au sud-est, sur la rive gauche du torrent, Ă  environ 1 880 mètres d'altitude, sur le versant rocheux montant jusqu'au Lasseron (qui atteint les 2 702 m). Un casernement extĂ©rieur (aujourd'hui en ruine), utilisĂ© en temps de paix pour abriter l'Ă©quipage, se situe Ă  proximitĂ© du bloc d'entrĂ©e.

Position sur la ligne

Dans les Alpes, les fortifications françaises ont pour mission de barrer les différents axes permettant de franchir la frontière franco-italienne et d'entrer en France : ces défenses contrôlent les principales vallées. Dans le Briançonnais, la haute-vallée de la Durance est le débouché du col de Montgenèvre. Cet axe est contrôlé par l'ancienne place forte de Briançon, dont la ceinture de vieux forts est renforcée pendant les années 1930 par plusieurs ouvrages bétonnés plus modernes pour la mettre au niveau du reste de la ligne Maginot.

La pièce maîtresse du sous-secteur est l'ouvrage du Janus, perché au-dessus de Briançon. Cet ouvrage d'artillerie est épaulé au sud par les cinq ouvrages du Gondran et encore plus loin au sud-est par celui des Aittes, contrôlant la vallée de la Cerveyrette.

Souterrains

Comme tous les autres ouvrages de la ligne Maginot, celui des Aittes est conçu pour résister à un bombardement d'obus de gros calibre. Les organes de soutien sont donc aménagés en souterrain, creusés sous plusieurs mètres de roche, tandis que les organes de combat, dispersés en surface sous forme de blocs, sont protégés par d'épais cuirassements en acier et des couches de béton armé.

L'entrĂ©e de l'ouvrage donne accès de plain-pied Ă  une galerie bĂ©tonnĂ©e, avec des alvĂ©oles en perpendiculaire abritant l'usine Ă©lectrique, la rĂ©serve de gazole, les citernes d'eau, l'infirmerie, le poste tĂ©lĂ©phonique (indicatif O 388), les lavabos, les latrines et la cuisine. La prise d'air ainsi que l'Ă©vacuation des fumĂ©es de l'usine et de la cuisine se faisaient par une bouche grillagĂ©e et par une cheminĂ©e juste au-dessus de l'entrĂ©e. Une petite galerie en cul-de-sac mène au magasin Ă  munitions. La galerie principale se poursuit ensuite sur environ 120 mètres de long, avec deux Ă©largissements amĂ©nagĂ©s en chambrĂ©e pour la troupe (avec deux rangĂ©es de lits mĂ©talliques), avec entre les deux une volĂ©e de marches aux parois non-bĂ©tonnĂ©es (le roc est Ă  vif). Cette galerie se termine par un embranchement, trois galeries menant chacun Ă  un des blocs de combat[2]. L'accès aux blocs 2 et 3 se fait par un puits, au bloc 4 de plain-pied.

Un poste radio Ă©tait installĂ© dans le bloc d'entrĂ©e, avec l'antenne courant le long de la façade. L'alimentation en eau est garantie par le captage d'une source extĂ©rieure, avec stockage dans deux citernes de 7 200 litres dans la caserne, de 5 300 litres dans l'usine et de 6 500 litres dans le bloc 3. L'Ă©clairage se fait par des ampoules chacune protĂ©gĂ©e par un hublot. Le chauffage Ă©tait confiĂ© dans les blocs Ă  des radiateurs Ă©lectriques, complĂ©tĂ©s par une chaudière et trois radiateurs Ă  eau chaude dans le casernement[2]. L'ouvrage Ă©tait raccordĂ© au rĂ©seau d'alimentation Ă©lectrique civil, mais en cas de coupure de celui-ci, la production Ă©lectrique devait ĂŞtre assurĂ©e par deux groupes Ă©lectrogènes (un seul suffisait pour l'Ă©clairage, le chauffage et la ventilation, le second est en rĂ©serve), chacun composĂ© d'un moteur Diesel CLM 208 (fournissant 40 ch Ă  750 tr/min)[n 2] couplĂ© Ă  un alternateur. Le refroidissement des moteurs se fait par circulation d'eau.

Blocs

Vue sur les trois blocs de combat.

En surface, les quatre blocs sont dispersés pour réduire leur vulnérabilité aux bombardements. Chaque bloc de combat dispose d'une certaine autonomie, avec ses propres magasins à munitions (le M 3 près des armes, le M 2 juste avant l'accès au bloc), sa salle de repos, son PC, ainsi que son système de ventilation. Étant donné que les positions de mise en batterie pour de l'artillerie lourde sont rares en montagne, le niveau de protection est moins important que dans le Nord-Est (les ouvrages construits en Alsace, en Lorraine et dans le Nord).

Le bloc 1 sert d'entrĂ©e Ă  l'ouvrage, implantĂ© en aval sur le versant regardant vers l'ouest, encastrĂ© directement dans la falaise Ă  1 859,23 mètres d'altitude[4]. L'Ă©paisseur de bĂ©ton Ă  2,25 mètres correspond au niveau de protection no 2. La dĂ©fense rapprochĂ©e de la porte blindĂ©e Ă©tait confiĂ©e Ă  un crĂ©neau pour fusil-mitrailleur (FM) sous bĂ©ton, Ă  un petit crĂ©neau de porte pour un autre FM et une goulotte lance-grenades. Les FM Ă©taient du modèle MAC modèle 1924/1929 D, dont la portĂ©e maximale est de 3 000 mètres, avec une portĂ©e pratique de l'ordre de 600 mètres[5]. L'alimentation du FM se fait par chargeurs droits de 25 cartouches, avec un stock de 7 000[6]. La cadence de tir maximale est de 500 coups par minute, mais elle est normalement de 200 Ă  140 coups par minute[7] - [8].

Les blocs 2, 3 et 4 sont de petites casemates d'infanterie, implantĂ©es en amont le long du versant regardant vers le nord et le nord-est : le bloc 2 Ă  1 899 mètres d'altitude est orientĂ© vers le col de Chabaud, le bloc 3 Ă  1 882,8 m vers le col de Gimont et le bloc 4 Ă  1 870 m[4] vers le col de Bousson[9]. L'Ă©paisseur de bĂ©ton correspond au niveau de protection no 3 pour les blocs 2 et 3 (dalle Ă  2,50 m, murs exposĂ©s Ă  2,75 m, murs non exposĂ©s et radiers Ă  un mètre) ou au no 2 pour le bloc 4 (dalle de deux mètres, murs exposĂ©s Ă  2,25 m et le reste Ă  un mètre) ; chacun comprend une visière prolongeant la dalle[2]. Le bloc 4 comprend une porte servant d'issue de secours. Elles sont Ă©quipĂ©es chacune d'un crĂ©neau pour jumelage de mitrailleuses ; le jumelage du bloc 4 devait ĂŞtre remplacĂ© par une arme mixte[10]. Les mitrailleuses Ă©taient des MAC modèle 1931 F, montĂ©es en jumelage (JM) pour pouvoir tirer alternativement, permettant le refroidissement des tubes. La portĂ©e maximale avec cette balle (Vo = 694 m/s) est thĂ©oriquement de 4 900 mètres (sous un angle de 45°, mais la trĂ©mie limite le pointage en Ă©lĂ©vation Ă  15° en casemate et Ă  17° dans une cloche GFM), la hausse est graduĂ©e jusqu'Ă  2 400 mètres et la portĂ©e utile est plutĂ´t de 1 200 mètres. Les chargeurs circulaires pour cette mitrailleuse sont de 150 cartouches chacun, avec un stock de 50 000 cartouches pour chaque jumelage[6]. La cadence de tir thĂ©orique est de 750 coups par minute[11], mais elle est limitĂ©e Ă  450 (tir de barrage, avec trois chargeurs en une minute), 150 (tir de neutralisation et d'interdiction, un chargeur par minute) ou 50 coups par minute (tir de harcèlement, le tiers d'un chargeur)[12]. Le refroidissement des tubes est accĂ©lĂ©rĂ© par un pulvĂ©risateur Ă  eau ou par immersion dans un bac.

Les mitrailleuses et fusils mitrailleurs de l'ouvrage Ă©taient chacun protĂ©gĂ© par une trĂ©mie blindĂ©e et Ă©tanche (pour la protection contre les gaz de combat). Ils tirent la mĂŞme cartouche de 7,5 mm Ă  balle lourde (modèle 1933 D de 12,35 g au lieu de g pour la modèle 1929 C)[13], ce qui donne plus de portĂ©e Ă  cette munition.

Histoire

Le projet de 1929 prĂ©voyait un armement plus important : deux mortiers de 81 mm (portĂ©e de 3 600 m) et quatre mitrailleuses. En 1930, les moyens financiers allouĂ©s Ă  la fortification ne permettent pas de construire tous les ouvrages prĂ©vus. Des choix de prioritĂ© sont Ă©tablis : la construction des Aittes est repoussĂ©e en deuxième urgence. En 1932, un nouveau projet simplifiĂ© est acceptĂ©, avec construction par la main-d'Ĺ“uvre militaire (MOM) pour faire des Ă©conomies budgĂ©taires : les hommes affectĂ©s au chantier sont issus du 154e RIA puis du 6e RTM, encadrĂ©s par les spĂ©cialistes du 4e rĂ©giment du gĂ©nie[10]. Aucune cloche ne fut installĂ©e sur les dessus des blocs ; pas non plus de système de filtration de l'air. L'ouvrage est assez isolĂ©, car l'ouvrage de la cote 2232 n'a pas Ă©tĂ© construit.

L'ouvrage est occupé lors de l'alerte d', juste avant le début de la mobilisation générale. De à , l'équipage évacue l'ouvrage dans le cadre du dispositif hivernal, pour maintenir seulement un détachement à Cervières[14]. Lors des combats de juin 1940, l'équipage de l'ouvrage tira avec ses mitrailleuses uniquement le vers 11 h, arrosant à longue portée des détachements de fantassins italiens qui descendaient des cols frontaliers.

L'ouvrage a été abandonné par l'Armée, la cuisine, la radio, l'armement et une partie des lits métalliques ont été retirés[2]. Les environs ont été utilisés par le Centre national d'aguerrissement en montagne (CNAM) jusqu'en 2009. Une association de Cervières, fondée en 2002, permet de visiter l'ouvrage[15].

Notes et références

Notes

  1. Sur la carte IGN au 1/25000, le toponyme est orthographié « les Aîttes », mais sur le cadastre de Cervières c'est écris « les Aittes ».
  2. La CLM, Compagnie lilloise de moteurs, produit Ă  Fives-Lille des moteurs dĂ©veloppĂ©s par Junkers : les CLM 208 ont deux cylindres fonctionnant en deux temps, avec chacun deux pistons en opposition, ayant un total de 5 500 cm3 de cylindrĂ©e (alĂ©sage de 108 mm pour une course de 300 mm)[3].

Références

  1. « Barrage défensif ou mur des Aittes », sur http://www.ligne-maginot.org/.
  2. Philippe Truttmann et David Faure-Vincent, « Position des Aittes » [PDF], sur http://dossiersinventaire.regionpaca.fr/, .
  3. Manuel du moteur CLM 208.
  4. Les altitudes des blocs sont issues du plan de dessus de l'ouvrage des Aittes.
  5. « Armement d'infanterie des fortifications Maginot », sur http://www.maginot.org/.
  6. Mary et Hohnadel 2009, tome 4, p. 58.
  7. Mary et Hohnadel 2001, tome 2, p. 107.
  8. Philippe Truttmann (ill. Frédéric Lisch), La Muraille de France ou la ligne Maginot : la fortification française de 1940, sa place dans l'évolution des systèmes fortifiés d'Europe occidentale de 1880 à 1945, Thionville, Éditions G. Klopp, (réimpr. 2009), 447 p. (ISBN 2-911992-61-X), p. 374.
  9. Mary et Hohnadel 2009, tome 5, p. 28.
  10. « Les AITTES ( Ouvrage d'infanterie ) », sur http://wikimaginot.eu/.
  11. Stéphane Ferrard, France 1940 : l'armement terrestre, Boulogne, ETAI, , 239 p. (ISBN 2-7268-8380-X), p. 58.
  12. Mary et Hohnadel 2001, tome 2, p. 110.
  13. « Munitions utilisées dans la fortification », sur http://wikimaginot.eu/.
  14. Mary et Hohnadel 2009, tom 4, p. 136-137.
  15. « Association " les Aittes", ou la protection du patrimoine militaire Cerveyrin », sur http://lesaittescervieres05.over-blog.com/, .

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Yves Mary, Alain Hohnadel, Jacques Sicard et François Vauviller (ill. Pierre-Albert Leroux), Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, Paris, Ă©ditions Histoire & collections, coll. « L'EncyclopĂ©die de l'ArmĂ©e française » (no 2) :
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 2 : Les formes techniques de la fortification Nord-Est, Paris, Histoire et collections, , 222 p. (ISBN 2-908182-97-1) ;
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 4 : la fortification alpine, Paris, Histoire & collections, , 182 p. (ISBN 978-2-915239-46-1) ;
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 5 : Tous les ouvrages du Sud-Est, victoire dans les Alpes, la Corse, la ligne Mareth, la reconquĂŞte, le destin, Paris, Histoire & collections, , 182 p. (ISBN 978-2-35250-127-5).

Articles connexes

Secteur_fortifié_du_Dauphiné#Quartier_Gondran–Aittes

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