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Optimum climatique de l'Holocène

L'optimum climatique de l'Holocène est une pĂ©riode interglaciaire qui dura d'environ 9 000 Ă  5 000 ans AP[1], avec nĂ©anmoins l'intermède de l'Ă©vĂ©nement climatique de 8 200 ans AP. L'optimum varie dans le temps selon les zones, commençant Ă  certains endroits dès 11 000 ans AP et ne se terminant, en d'autres, que vers 4 000 ans AP[2]. La pĂ©riode est nommĂ©e aussi « Hypsithermal » ou « Altithermal ». La chronozone associĂ©e est nommĂ©e « Atlantique ». En 2021, la rĂ©alitĂ© de cet optimum climatique est remise en question par de nouvelles recherches.

Description

Reconstruction synthétique d'après plusieurs séries de données de la variation des températures durant l'Holocène. La période la plus récente est à droite, mais le réchauffement le plus récent ne figure pas sur le graphique.

L'optimum climatique de l'Holocène se manifeste par un accroissement des tempĂ©ratures, jusqu'Ă  4 °C près du pĂ´le Nord (une Ă©tude montre un rĂ©chauffement hivernal de 3 Ă  9 °C et un rĂ©chauffement estival de 2 Ă  6 °C au nord de la SibĂ©rie centrale)[3]. L'Europe du Nord connaĂ®t un rĂ©chauffement, tandis que l'Europe du Sud se refroidit[4]. La variation des tempĂ©ratures moyennes semble avoir diminuĂ© rapidement avec la latitude, ce qui fait qu'il n'y eut que peu de changements aux basses et moyennes latitudes. Les rĂ©cifs tropicaux montrent des augmentations de tempĂ©rature infĂ©rieures Ă  1 °C et la tempĂ©rature de surface de l'ocĂ©an près de la grande barrière de corail, il y a 5 350 ans, est supĂ©rieure de 1 °C, tandis que l'indicateur δ18O est supĂ©rieur de 0,5 ‰ par rapport aux valeurs actuelles[5]. En termes de moyenne mondiale, la tempĂ©rature est probablement plus Ă©levĂ©e qu'actuellement (pondĂ©rĂ©e de la position en latitude et des variations saisonnières). Tandis que les tempĂ©ratures de l'hĂ©misphère nord dĂ©passent la moyenne en Ă©tĂ©, les tropiques et quelques parties de l'hĂ©misphère sud sont plus froides[6].

Sur 140 sites étudiés dans l'ouest de l'Arctique, 120 présentent des preuves flagrantes d'une température plus chaude que la température moyenne mondiale du vingtième siècle. Pour 16 sites pour lesquels des estimations quantitatives ont pu être faites, les températures sont à cette époque, en moyenne, de 1,6 ± 0,8 °C supérieures[7].

L'AmĂ©rique du Nord connaĂ®t son premier pic de chaleur entre 11 000 et 9 000 ans auparavant, alors que la calotte glaciaire des Laurentides continue Ă  refroidir le continent[8]. Ce pic se produit 4 000 ans plus tard pour le nord-est de l'AmĂ©rique du Nord. Le long de la plaine cĂ´tière de l'Alaska, les indications laissent Ă  penser que la tempĂ©rature est 2 Ă  3 °C plus chaude qu'actuellement[7]. L'Arctique a moins de glace que de nos jours[9].

Les actuels déserts de l'Asie centrale sont couverts de forêts grâce aux précipitations importantes et la ceinture des forêts tempérées de Chine et du Japon s'étend plus au nord[10].

Les sĂ©diments marins d'Afrique de l'Ouest ont enregistrĂ© les traces de la « pĂ©riode humide africaine », une Ă©poque, entre 16 000 et 6 000 ans avant nos jours, oĂą l'Afrique Ă©tait beaucoup plus humide[11] grâce Ă  un renforcement de la mousson d'Afrique de l'Ouest, probablement dĂ» aux variations Ă  long terme de l'orbite terrestre. Le « Sahara vert » est parsemĂ© de nombreux lacs et parcouru par une faune comprenant des crocodiles et des hippopotames. Ces sĂ©diments semblent indiquer que l'entrĂ©e dans la pĂ©riode humide africaine, ainsi que sa sortie, se produisirent en quelques dizaines ou centaines d'annĂ©es seulement, au lieu des pĂ©riodes beaucoup plus longues prĂ©cĂ©demment envisagĂ©es[12] - [13] - [14]. Certains auteurs ont supposĂ© que l'homme aurait jouĂ© un rĂ´le dans la modification de la vĂ©gĂ©tation dans le nord de l'Afrique, il y a 8 000 ans, quand il a introduit des animaux domestiques qui ont Ă©liminĂ© une partie de la vĂ©gĂ©tation par surpâturage, ce qui aurait contribuĂ© Ă  la transition rapide vers les conditions arides du Sahara[15].

Aux hautes latitudes de l'hĂ©misphère sud, Nouvelle-ZĂ©lande et Antarctique, la pĂ©riode chaude de l'Holocène se produit il y a 10 500 Ă  8 000 ans, immĂ©diatement après la fin du dernier âge glaciaire[16] - [17].

Comparaison des carottes de glace

Une comparaison entre les profils isotopiques des prĂ©lèvements rĂ©alisĂ©s Ă  la station Byrd, dans l'ouest de l'Antarctique (forage de 2 164 m en 1968) et ceux faits au Camp Century, dans le nord-ouest du Groenland, montre des traces de l'optimum climatique[18]. Les corrĂ©lations indiquent que l'optimum climatique s'est produit aux deux endroits au mĂŞme moment. Il en est de mĂŞme pour la comparaison entre l'Ă©chantillon Dye 3 (en) de 1979, au Groenland, et le prĂ©lèvement de 1963 au Camp Century[18].

Le cap de glace Hans Tausen Iskappe (en), situĂ© dans la Terre de Peary (nord du Groenland), est Ă©tudiĂ© depuis des annĂ©es eu Ă©gard Ă  son intĂ©rĂŞt quant Ă  l'Ă©tude de l'optimum climatique. Son carottage montre que sa glace s'est formĂ©e il y a 3 500 Ă  4 000 ans, ce qui semble indiquer que la calotte glaciaire septentrionale a fondu lors de l'optimum climatique et qu'elle s'est reconstituĂ©e lorsque le climat est redevenu froid il y a 4 000 ans[18] - [19].

La pĂ©ninsule de Renland, dans le fjord de Scoresby Sund (est du Groenland), a toujours Ă©tĂ© sĂ©parĂ©e de la glace de l'intĂ©rieur des terres, mais les variations isotopiques trouvĂ©es dans le prĂ©lèvement de 1963 du Camp Century se retrouvent dans les carottes de glace de Renland, prĂ©levĂ©es en 1985[18]. La carotte de glace de 325 m de Renland couvre apparemment un cycle glaciaire complet de l'Holocène Ă  l'interglaciaire EĂ©mien[20].

De même, les carottes du GRIP et du NGRIP contiennent des marqueurs de l'optimum climatique à des dates très proches[18].

Autres effets

Le « Sahara vert » de l'optimum climatique holocène[21] : la végétation était de type savane arborée et la faune, attestée par les restes fossiles et l'art rupestre, comprenait des autruches, des gazelles, des bovins, des girafes, des rhinocéros, des éléphants, des hippopotames, des crocodiles… On relie cet épisode humide à une inclinaison axiale plus élevée, le périhélie de la Terre coïncidant avec la fin juillet et donc la saison des moussons[22].

Bien qu'on n'observe pas de changements significatifs de température aux basses latitudes, d'autres changements climatiques sont signalés, comme des conditions beaucoup plus humides au Sahara, en Arabie, en Australie et au Japon, mais beaucoup plus sèches au Kalahari, dans le Midwest américain et en Amazonie, ce qui suggère une circulation thermohaline océanique différente de l'actuelle[23].

Origine

L'existence d'un optimum climatique il y a 8 000 Ă  6 000 ans est dĂ©duite de l'analyse des carottages sĂ©dimentologiques ou glaciologiques et par les palĂ©othermomètres (en), et son explication est cherchĂ©e dans les effets des cycles de Milanković affectant l'axe de rotation terrestre, en continuation de ceux ayant entraĂ®nĂ© la fin de la dernière glaciation[24].

Du point de vue de la modĂ©lisation numĂ©rique, jusqu'en 2021 la concordance entre l'analyse des carrottages et les modèles informatiques Ă©tait globalement satisfaisante, indiquant un rĂ©chauffement maximum de l'hĂ©misphère nord il y a 9 000 ans, lorsque l'inclinaison de l'axe de rotation terrestre Ă©tait de 24° et que le moment oĂą la Terre Ă©tait au plus près du soleil (pĂ©rihĂ©lie) correspondait Ă  l'Ă©tĂ© dans l'hĂ©misphère nord. Le calcul du forçage orbital prĂ©voyait alors une irradiation solaire supĂ©rieure de 0,2 % (+40 W/m2) et un dĂ©placement vers le sud de la zone de convergence intertropicale[25].

Remise en question

En 2021, de nouveaux modèles numériques publiés par des chercheurs des universités du New Jersey, de l'Ohio, de Taïwan et de Qingdao (en), font apparaître l'optimum climatique de l'Holocène comme un artefact dû à la non prise en compte des variations saisonnières des proxies de paléotempérature (en). La correction de ce biais, appliquée aux analyses des sédiments marins de diverses régions du monde de latitude inférieure à ±40°, établit une augmentation régulière de la température jusqu'à nos jours : il reste à adapter la méthode aux latitudes supérieure à ±40° et vérifier si elle confirme ce nouveau modèle[26] - [27]. Ces nouveaux développements s'inscrivent dans le débat scientifique déjà ancien entre, sur le plan méthodologique les géochimistes et les modéliseurs, et sur le plan théorique entre les « ponctualistes »[28] et les « gradualistes »[29] : c'est par ces discussions que la science augmente nos connaissances[30].

Notes et références

  1. Debret 2008, p. 198.
  2. Debret 2008, p. 224, 240-241.
  3. (en) V.L. Koshkarova et A.D. Koshkarov, « Regional signatures of changing landscape and climate of northern central Siberia in the Holocene », Russian Geology and Geophysics, vol. 45, no 6,‎ , p. 672–685 (lire en ligne)
  4. (en) B.A.S. Davis, S. Brewer, A.C. Stevenson et J. Guiot, « The temperature of Europe during the Holocene reconstructed from pollen data », Quaternary Science Reviews, vol. 22, nos 15–17,‎ , p. 1701–16 (DOI 10.1016/S0277-3791(03)00173-2)
  5. (en) Michael K. Gagan, L.K. Ayliffe, D. Hopley, J.A. Cali, G.E. Mortimer, J. Chappell, M.T. McCulloch et M.J. Head, « Temperature and Surface-Ocean Water Balance of the Mid-Holocene Tropical Western Pacific », Science, vol. 279, no 5353,‎ , p. 1014–1018 (DOI 10.1126/science.279.5353.1014, Bibcode 1998Sci...279.1014G)
  6. (en) Akio Kitoh et Shigenori Murakami, « Tropical Pacific climate at the mid-Holocene and the Last Glacial Maximum », Paleoceanography, vol. 17, no 3,‎ , p. 1047 (DOI 10.1029/2001PA000724, lire en ligne)
  7. (en) D.S. Kaufman, T.A. Ager, N.J. Anderson, P.M. Anderson, J.T. Andrews, P.J. Bartlein, L.B. Brubaker, L.L. Coats, L.C. Cwynar, M.L. Duvall, A.S. Dyke, M.E. Edwards, W.R. Eisner, K. Gajewski, A. Geirsdottir, F.S. Hu, A.E. Jennings, M.R. Kaplan, M.W. Kerwin, A.V. Lozhkin, G.M. MacDonald, G.H. Miller, C.J. Mock, W.W. Oswald, B.L. Otto-Bliesner, D.F. Porinchu, K. Ruhland, J.P. Smol, E.J. Steig et B.B. Wolfe, « Holocene thermal maximum in the western Arctic (0-180 W) », Quaternary Science Reviews, vol. 23, nos 5–6,‎ , p. 529–560 (DOI 10.1016/j.quascirev.2003.09.007)
  8. Debret 2008, p. 43.
  9. (en) « NSIDC Arctic Sea Ice News », National Snow and Ice Data Center (consulté le )
  10. (en) « Eurasia During the Last 150,000 Years » [archive du ] (consulté le )
  11. Jean-Claude Duplessy et Gilles Ramstein, chap. 9.2.1 « La fin de la période humide en Afrique », dans Paléoclimatologie. Enquête sur les climats anciens, EDP Sciences, (ISBN 9782759811526, lire en ligne), p. 331
  12. (en) « Abrupt Climate Changes Revisited: How Serious and How Likely? », USGCRP Seminar, 23 February 1998 (consulté le )
  13. Quentin Mauguit, « Voilà 4.900 ans, le Sahara est abruptement passé du vert au jaune », sur futura-sciences.com,
  14. Bruno Malaizé, « Un Sahara vert au cours d'une période glaciaire ? », CNRS,
  15. (en) David K. Wright, « Humans as Agents in the Termination of the African Humid Period », Frontiers in Earth Science, vol. 5,‎ (DOI 10.3389/feart.2017.00004, lire en ligne)
  16. (en) V. Masson, F. Vimeux, J. Jouzel, V. Morgan, M. Delmotte, P. Ciais, C. Hammer, S. Johnsen, V.Y. Lipenkov, E. Mosley-Thompson, J.-R. Petit, E.J. Steig, M. Stievenard et R. Vaikmae, « Holocene climate variability in Antarctica based on 11 ice-core isotopic records », Quaternary Research, vol. 54, no 3,‎ , p. 348–358 (DOI 10.1006/qres.2000.2172)
  17. (en) P.W. Williams, D.N.T. King, J.-X. Zhao et K.D. Collerson, « Speleothem master chronologies: combined Holocene 18O and 13C records from the North Island of New Zealand and their paleoenvironmental interpretation », The Holocene, vol. 14, no 2,‎ , p. 194–208 (DOI 10.1191/0959683604hl676rp)
  18. (en) W. Dansgaard, Frozen Annals Greenland Ice Sheet Research, Odder, Danemark, Narayana Press, , 122 p. (ISBN 978-87-990078-0-6 et 87-990078-0-0), p. 124
  19. (en) Jon Y. Landvik, Anker Weidick et Anette Hansen, « The glacial history of the Hans Tausen Iskappe and the last glaciation of Peary Land, North Greenland », ResearchGate,‎ (lire en ligne)
  20. (en) M. Hansson et K. Holmén, « High latitude biospheric activity during the Last Glacial Cycle revealed by ammonium variations in Greenland Ice Cores », Geophys. Res. Lett., vol. 28, no 22,‎ , p. 4239–42 (DOI 10.1029/2000GL012317)
  21. D'après Henri J. Hugot, Le Sahara avant le désert, éd. des Hespérides, Toulouse 1974 ; Gabriel Camps, « Tableau chronologique de la Préhistoire récente du Nord de l'Afrique : 2-e synthèse des datations obtenues par le carbone 14 » in : Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 71, n° 1, Paris 1974, p. 261-278 et Jean Gagnepain
  22. Hoelzmann et al. 2001, p. 193.
  23. (en) Francis E. Mayle, David J. Beerling, William D. Gosling et Mark B. Bush, « Responses of Amazonian ecosystems to climatic and atmospheric carbon dioxide changes since the Last Glacial Maximum », Philosophical Transactions: Biological Sciences, vol. 359, no 1443,‎ , p. 499–514 (DOI 10.1098/rstb.2003.1434)
  24. Tatomir P. Andjelić et André Berger, « Milutin Milanković, père de la théorie astronomique des paléoclimats », Histoire & Mesure, vol. 3, no 3,‎ , p. 385-402 (DOI 10.3406/hism.1988.1344)
  25. P. Braconnot, S. Joussaume, N. de Noblet et O. Marti, « La modĂ©lisation du climat d'il y a 6 000 ans », Images de la physique, CNRS/SociĂ©tĂ© française de physique
  26. Sean Bailly, « L'énigme des températures de l'Holocène résolue ? », Pour la science, no 521,‎ , p. 6-7.
  27. (en) Samantha Bova, « Seasonal origin of the thermal maxima at the Holocene and the last interglacial », Nature, vol. 589,‎ , p. 548-553 (DOI 10.1038/s41586-020-03155-x).
  28. Vincent Courtillot, La Vie en catastrophes, Fayard, Paris 1995.
  29. André Cailleux, La Terre et son histoire, PUF, coll. « Que sais-je ? », Paris 1978.
  30. Moritz Schlick, Théorie générale de la connaissance, trad. Christian Bonnet, éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de philosophie », Paris 2009, (ISBN 978-2-07-077185-1).

Voir aussi

Bibliographie

  • Maxime Debret, CaractĂ©risation de la variabilitĂ© climatique Holocène Ă  partir de sĂ©ries continentales, marines et glaciaires (thèse de doctorat), UniversitĂ© Joseph-Fourier, Grenoble I, (lire en ligne)

Articles connexes

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