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Odéon antique de Lyon

L’odéon antique romain de Lugdunum est un des principaux monuments romains visibles à Lyon. Implanté à côté du Théâtre antique de Fourvière et comme lui adossé à la colline de Fourvière, près de son sommet, il forme un couple archéologique remarquable, rare dans le monde romain. En Gaule, seule Vienne possède également un théâtre accompagné d’un odéon.

Odéon antique de Lyon
Vue d'ensemble depuis l'orchestra.
Présentation
Type
Style
Construction
fin du Ier siècle / début du IIe siècle
Propriétaire
Ville de Lyon
Patrimonialité
Localisation
Pays
Commune
Quartier
Adresse
Rue de l'Antiquaille
Accès et transport
MĂ©tro
Funiculaire de Lyon Ligne F1
Coordonnées
45° 45′ 31″ N, 4° 49′ 11″ E
Carte

Construit Ă  l'extrĂŞme fin du Ier siècle ou au dĂ©but du IIe siècle, il peut accueillir jusqu’à 3 000 spectateurs, pour des spectacles musicaux ou des lectures publiques, ou servir de salle de rĂ©union. AbandonnĂ© Ă  la fin de la pĂ©riode romaine, il est exploitĂ© au Moyen Ă‚ge comme carrière de matĂ©riaux de construction, puis est presque complètement enseveli sous les dĂ©blais. Des dessins tracĂ©s au XVIe siècle montrent que seules Ă©mergent au milieu des vignes d’imposantes ruines, vestiges du puissant mur qui ceinturait l’édifice. Les Ă©rudits sont partagĂ©s sur l’interprĂ©tation de ces ruines : leur disposition en arc de cercle suggère qu’il s’agit d’un théâtre, tandis que les religieux le voient comme l’amphithéâtre des martyrs de Lyon. La controverse dure plusieurs siècles, jusqu’à ce qu’un chantier archĂ©ologique d’une ampleur sans prĂ©cĂ©dent Ă  Lyon dĂ©gage Ă  partir de 1933 un grand théâtre puis l’odĂ©on de 1941 Ă  1958. La construction Ă  proximitĂ© d’un musĂ©e crĂ©e en 1975 un parc archĂ©ologique exceptionnel, dont l’odĂ©on antique est un des principaux Ă©lĂ©ments.

Chronologie

Époque romaine

Carte simplifiée de Lugdunum, implantation du théâtre et de l'odéon.

Lugdunum est une colonie romaine prospère, implantée sur la colline de Fourvière, et dotée dès ses débuts d’un théâtre. Ce théâtre est doublé d’un second édifice public, un petit théâtre ou odéon, construit probablement lors de l'extension du théâtre, pour laquelle les archéologues ne disposent pas d’éléments de datation décisifs en l’absence de témoignages écrits ou épigraphiques. Les sondages archéologiques de 1994 autour de l'odéon laissent proposer l'extrême fin du Ier siècle ou le début du IIe siècle[1].

Construit au sud du grand théâtre sur le même épaulement de la colline dit « le plat des Minimes », il profite aussi de la pente pour soutenir ses gradins, avec un axe légèrement décalé de sept degrés par rapport à celui du grand théâtre[2]. L'orchestre s'implante par-dessus un îlot d'habitat, devant une esplanade qui est remblayée[3]. Une rue de boutiques avec une fontaine et un égout domine l'odéon et dessert ses entrées supérieures. Une rue plus importante descendant la colline et une petite place séparent les deux édifices. Au fond de cette place, un mur de soutènement précédé d'un sol au revêtement de tuileau traversé par une rigole est interprété par l’archéologue Pierre Wuilleumier comme l'emplacement de latrines publiques[4].

  • Abords de l'odĂ©on
  • Vue d'ensemble des vestiges depuis l'esplanade Ă  l'Est.
    Vue d'ensemble des vestiges depuis l'esplanade Ă  l'Est.
  • Rue de boutiques au-dessus de l'odĂ©on, canalisation d'Ă©gout.
    Rue de boutiques au-dessus de l'odéon, canalisation d'égout.
  • Entre le théâtre et l'odĂ©on, latrines avec une rigole centrale.
    Entre le théâtre et l'odéon, latrines avec une rigole centrale.

L’odĂ©on offre pour un diamètre extĂ©rieur de 73 m une capacitĂ© estimĂ©e Ă  environ 3 000 places par Wuilleumier et Audin[4], ou plus rĂ©cemment Ă  2 500[5], ce qui dans l’esprit des archĂ©ologues le destine Ă  un public plus restreint que celui du théâtre, pour des spectacles plus Ă©litistes, musique et chants, dĂ©clamations et lectures publiques. Il a Ă©galement pu servir de salle de rĂ©union pour les notables de la ville, comme les dĂ©curions de la colonie[6].

Abandon

L'archéologie récente constate à la fin du IIIe siècle et au cours du IVe siècle l'abandon progressif de la colline de Fourvière, et donc de ses monuments, théâtre et odéon, au profit de la ville basse sur les rives de la Saône[7].

Les ruines du théâtre et de l’odéon sont exploitées comme carrière de pierres de taille pour les grandes constructions du XIIe siècle, cathédrale, ponts de la Saône et du Rhône. Une charte de 1192 réserve pour la Primatiale Saint-Jean de Lyon tous les marbres et tous les choins calcaires provenant des fouilles et des excavations réalisées sur Fourvière[8]. Les décorations, les statues, les revêtements sont arrachés et débités pour finir dans un four à chaux installé près de l’escalier intérieur reliant l'odéon à l'esplanade en contrebas[9].

Les vestiges de l'odéon dans le plan scénographique de Lyon, vers 1550.

Après cette période de pillage, les éboulis provenant de la pente instable de la colline qui surplombe le théâtre et l'odéon recouvrent et protègent les parties basses de ces édifices sous plusieurs mètres de galets, de gravier et de boue[10]. À la fin du Moyen Âge, la colline de Fourvière est une campagne couverte de vignes en coteaux, et de cultures en terrasses. Seules les parties hautes des restes de l’odéon demeurent visibles, que les actes médiévaux nomment Caverna ou grossa massa sarracenorum (« Grottes des Sarrasins »)[11].

Un plan scénographique de Lyon établi au milieu du XVIe siècle montre les vestiges du puissant mur de soutien de la cavea qui émergent en terrain découvert, dans une vigne appartenant à l'Ordre des Minimes[11] - [12].

Redécouverte et controverses

Dessin des ruines de Gabriel Syméoni - vers 1559.

L’intérêt pour la culture antique revient à la Renaissance. Les humanistes lyonnais se passionnent pour les témoignages de l’ancienneté de leur cité qui demeurent visibles sur la colline. L’antique traité d’architecture de Vitruve qui est édité à Lyon en 1523 leur donne la clé pour reconnaître un théâtre romain, ses gradins hémicirculaires. Ainsi, l’humaniste florentin Syméoni qui fait en 1559 un dessin de ces ruines les identifie comme un théâtre[13], mais son ouvrage sur les antiquités de Lyon reste un manuscrit non diffusé[14]. Il faut attendre 1836 pour que l’abbé Costanzo Gazzera, secrétaire de l’académie de Turin, en fasse une copie[11].

De leur côté, les historiens religieux cherchent à identifier les lieux rattachés aux martyrs de Lyon de 177 retracés par l'Histoire ecclésiastique. Ils présupposent que ces événements se sont déroulés dans le périmètre réduit de la colline de Fourvière. Le chanoine Guillaume Paradin rapporte en 1573 les hésitations pour qualifier les murs monumentaux de l'odéon, qui sont pour les uns l'amphithéâtre des martyrs, et pour les autres le palais du gouverneur romain où ils comparurent[15] - [11].

Dessin des ruines par Jacob Spon - 1673.

Au siècle suivant, l'interprétation penche pour un amphithéâtre : en 1673, l’érudit lyonnais Jacob Spon publie un catalogue des antiquités de la ville. Ce livre contient un dessin précis et commenté des ruines, où Spon reconnaît que la forme du bâti est celle d’un théâtre et non d’un amphithéâtre, mais dont il présente à tort les arcades comme les prisons pour les bêtes et le centre comme l’arène où l’on combattait[16]. En 1696, le jésuite Claude-François Ménestrier mentionne à son tour « quelques restes d’un ancien amphithéâtre » dans la vigne des Minimes[17], et en 1738, le père Dominique de Colonia reproduit le dessin de Jacob Spon avec les mêmes commentaires dans son Antiquités de la ville de Lyon, ou explications de ses plus anciens monuments[18].

Plan du Lyon antique par Antoine-Marie Chenavard (1834). Tracé selon les théories de François Artaud, il est largement réfuté par les découvertes ultérieures.

Au XIXe siècle, la vigne des Minimes est cédée à la congrégation des Dames de la Compassion. L’identification des ruines du clos de la Compassion comme étant celles d’un théâtre s’impose, relançant les débats sur la localisation de l’amphithéâtre des martyrs. Préparant une synthèse sur l’archéologie de Lyon, François Artaud fait dresser selon ses interprétations plus ou moins certaines un plan de la ville antique par l’architecte Antoine-Marie Chenavard (1834). Celui-ci dessine les ruines comme un théâtre, et situe l’amphithéâtre à Ainay, un quartier entre Rhône et Saône, conformément à une lecture littéraliste du résumé des martyrs de Lyon faite par Grégoire de Tours[19]. L’ouvrage d’Artaud est publié à titre posthume en 1846[20], tandis que le plan de Chenavard illustre à nouveau l’Histoire de Rome de Victor Duruy, sortie en 1883. À cette époque, seul l’archéologue Élysée Pélagaud soutient encore l’identification des ruines du clos de la Compassion comme celles de l’amphithéâtre[21], avis que ne suit pas Ernest Renan dans sa Topographie chrétienne de Lyon, publiée en 1881[22].

En 1887, une découverte fortuite dans la propriété voisine du clos de la Compassion apporte un nouvel élément : le professeur Lafon, intrigué par la forme incurvée du jardin qu’il a acquis l'année précédente dégage le haut de trois murs concentriques coupés par d’autres murs rayonnants soutenant des restes de voûtes, ainsi que de nombreux débris antiques. À partir de quelques relevés, il affirme que ces murs ont une forme elliptique, ce qui est l’indice qu’ils sont les vestiges d’un amphithéâtre[23]. Rejetant les nouvelles mesures de l'historien André Steyert et de l’architecte Rogatien Le Nail qui constatent la forme circulaire des murs[24], l’archéologue Philippe Fabia conclut les débats d'une façon qu'il juge définitive : sur la colline de Fourvière sont juxtaposés un petit théâtre dans le clos de la Compassion et un amphithéâtre dans le clos Lafon. Il suggère l’acquisition de ces terrains par la ville pour que l’on puisse pousser plus largement les investigations archéologiques[25].

Dégagement archéologique

Les vestiges visibles du clos de la Compassion et du clos Lafon sont classés au titre des monuments historiques en 1905. En 1933, les terrains périphériques sont à leur tour classés, préliminaire de fouilles sur cette extension[26]. Le chantier archéologique commence en 1933 avec le soutien actif de la mairie de Lyon, qui crée un service dédié, l'atelier municipal des fouilles, y affecte un ingénieur de la voirie[27] et prend en charge une partie de l'évacuation d'une masse considérable de déblais[28]. Dès le début des excavations, on découvre un grand théâtre et un second plus petit, l'odéon, ce qui réfute les théories de Fabia[27].

Les fouilles de l'odéon sont dirigées par Pierre Wuilleumier de 1941 à 1946, après le dégagement du théâtre voisin. L'odéon est complètement dégagé, en démolissant en 1945 une maison et la chapelle du clos de la Compassion construites sur la partie nord de l'édifice[29]. Des maçons affectés à l'équipe de fouilles consolident et restaurent les gradins et la scène au fur et à mesure, mesure de sauvegarde qui crée toutefois un obstacle pour l'investigation ultérieure des parties sous-jacentes[27].

Une seconde sĂ©rie de travaux conduits par Amable Audin entre 1953 et 1958 dĂ©gage les abords de l'odĂ©on, dont la rue antique qui desservait les entrĂ©es nord[4] et la façade arrière de la scène ensevelie sous plus de huit mètres de terre[30]. Le dĂ©gagement en 1957 d'un escalier reliant le cĂ´tĂ© nord de l'orchestre Ă  l'esplanade Ă  l'est de l'odĂ©on met au jour un four Ă  chaux et parmi les nombreux dĂ©bris de calcaire et de marbre non transformĂ©s, cinq fragments d'une dĂ©dicace Ă  un duumvir de Lugdunum[31], des torses de statues et trois morceaux de bas-relief en marbre reprĂ©sentant des Amours vendangeurs entourĂ©s de rinceaux de vigne[32]. Le dĂ©gagement de ce secteur en 1964 livre dix autres dĂ©bris de la mĂŞme dĂ©coration, attribuĂ©e au pulpitum de la scène[33]. Des sondages ponctuels sont effectuĂ©s en 1991, en 1994 et en 2002 dans l'esplanade derrière l'odĂ©on, qui permettent de dĂ©terminer prĂ©cisĂ©ment la cote du niveau du sol antique, et d'Ă©tablir la prĂ©existence de cette esplanade Ă  l'Ă©dification de l'odĂ©on, qui induisit une surĂ©lĂ©vation de 1,5 m de cette place[34].

Restes de statues en marbre rescapées du four à chaux :

  • Trois fragments recollĂ©s.
    Trois fragments recollés.
  • Un fragment de torse.
    Un fragment de torse.

Ces statues grandeur nature qui décoraient probablement l'odéon sont exposées au musée gallo-romain de Fourvière. Copies de grande qualité d'une œuvre hellénistique, représentant peut-être un groupe de chasseurs, elles sont datées du milieu du règne des Antonins, au IIe siècle[32]

Architecture

Plan simplifié de l'odéon de Lyon.

L'hĂ©micycle de l’édifice a un diamètre extĂ©rieur de 73 mètres, ce qui en fait un des plus vastes monuments de ce type de l’empire[35]. Les vestiges restaurĂ©s donnent une idĂ©e d’ensemble de l’édifice, avec l’arrondi d’une partie de gradins (cavea) dominĂ© par le mur du fond, l’orchestre et la base de la scène. Seules manquent les parties hautes de la cavea et le mur de scène.

Gros Ĺ“uvre et cavea

La cavea, espace destiné aux spectateurs, est adossée à la colline et soutenue par des voûtes en partie visibles dans la partie sud où les gradins ont disparu. Dans son état actuel en partie ruiné, elle comporte seize rangées de gradins, dépouillés de leur revêtement en pierre blanche au Moyen Âge et remaçonnés lors du dégagement archéologique. Ils sont séparés en deux moitiés par un escalier axial large d’un mètre qui descend jusqu’à l’orchestre[35]. Pierre Wuilleumier considère dans ses plans qu'il y avait deux autres escaliers, non repris dans la restauration moderne des gradins, divisant la cavea conformément aux principes d'architecture des théâtres romains en quatre secteurs inégaux[4].

Vestiges de la galerie (enherbée) faisant le tour de la précinction (palier à droite).

Cette sĂ©rie de gradins est bordĂ©e Ă  son sommet d’un palier de circulation nommĂ© prĂ©cinction, large de 2,65 m. Une seconde sĂ©rie de gradins, sept selon les archĂ©ologues, dominait la prĂ©cinction comme un balcon. Elle reposait sur une galerie qui faisait le tour de la cavea, et permettait par plusieurs portes d’accĂ©der Ă  la prĂ©cinction et de lĂ , de gagner les gradins infĂ©rieurs[35]. Cette galerie a disparu, il n’en subsiste qu’un terre-plein engazonnĂ© large de 3,20 m, bordĂ© par la fondation du mur qui ceinture la prĂ©cinction[4].

Le mur en demi-cercle qui constitue l'enceinte de la cavea est doublĂ© d'un contre-mur et forme un massif de 6,45 m d’épaisseur qui s'Ă©lève encore Ă  m, pour une hauteur d’origine estimĂ©e Ă  17 m[4]. Les odĂ©ons antiques Ă©taient parfois dĂ©signĂ©s comme theatrum tectum (« théâtre couvert Â»). Constatant l’épaisseur particulièrement importante de cette muraille, les archĂ©ologues lyonnais Pierre Wuilleumier et Amable Audin ont dĂ©duit qu’elle devait permettre une couverture partielle de l’édifice, qui aurait Ă©tĂ© soutenue par une charpente dont les poutres, engagĂ©es dans le mur, pourraient mesurer quinze mètres de long et parvenir jusqu'au-dessus du septième gradin[35]. Toutefois, aucune trace archĂ©ologique de cette toiture n’a Ă©tĂ© trouvĂ©e, et Armand Desbat qui a succĂ©dĂ© Ă  Audin estime que ces conclusions devraient ĂŞtre rĂ©examinĂ©es[5].

Derrière le mur d'enceinte, un couloir d’accès ceinture l’odĂ©on. Les spectateurs venant de la rue des boutiques au-dessus de l’odĂ©on accĂ©daient Ă  ce couloir par un petit escalier. D’autres montaient jusqu’à ce couloir par deux vastes escaliers (4,5 m de large), l’un au nord partant de la placette entre le grand théâtre et l’odĂ©on, l'autre au sud, incomplètement dĂ©gagĂ© par les fouilles. Le couloir d’accès dessert cinq portes d'entrĂ©e Ă  la cavea (A Ă  E sur le plan), percĂ©es Ă  travers la muraille et mesurant quatre mètres de largeur.

  • Escalier nord d'accès au couloir de desserte.
    Escalier nord d'accès au couloir de desserte.
  • Couloir de desserte. Ă€ droite, escaliers venant de la rue des boutiques.
    Couloir de desserte. À droite, escaliers venant de la rue des boutiques.
  • Une des cinq portes d'entrĂ©e.
    Une des cinq portes d'entrée.

Ces entrées mènent à des escaliers qui subsistent en partie. L’entrée centrale (C) desservait les gradins supérieurs par des escaliers à double rampe bâtis sur des arcades que l’on aperçoit puisque les gradins qui les masquaient ont disparu. Les deux entrées (B et D) à droite et à gauche de l’entrée centrale permettaient de descendre dans la galerie qui circulait sous les gradins supérieurs et qui s’ouvrait sur la précinction, palier en haut des gradins inférieurs. Les deux dernières entrées aux extrémités (A et E sur le plan) du couloir d'accès menaient aux gradins supérieurs, comme l’entrée centrale[36].

  • EntrĂ©e centrale, escalier Ă  double rampe, vue frontale.
    Entrée centrale, escalier à double rampe, vue frontale.
  • Escalier Ă  double rampe, vue de cĂ´tĂ©.
    Escalier à double rampe, vue de côté.

Orchestre

Vue d’ensemble : orchestre, gradins, arcs de soutien des escaliers, mur d’enceinte.

Deux galeries voĂ»tĂ©es axĂ©es nord-sud servent de fondation Ă  l'orchestre et aux deux couloirs latĂ©raux (F et G) qui le desservent, elles assurent la mise Ă  niveau de cette partie en compensant le dĂ©nivelĂ© du terrain. L'un des deux couloirs d'accès a conservĂ©, dans sa partie proche de l'orchestre, un dallage de marbre et un enduit sur le mur, ornĂ© d'une plinthe. L'orchestre, d'un diamètre de 17 m, possède trois gradins peu Ă©levĂ©s, rĂ©servĂ©s aux sièges mobiles des notables. Ils sont sĂ©parĂ©s de la cavea par un couloir de circulation et une barrière de marbre blanc (balteus) de 86 cm de hauteur, partiellement reconstituĂ©e sur le cĂ´tĂ© sud Ă  partir de 24 fragments de dĂ©cor vĂ©gĂ©tal stylisĂ© trouvĂ©s lors des fouilles[37] - [35].

La partie centrale de l’orchestre laissée libre par les gradins est luxueusement décorée d’un pavement polychrome en opus sectile, marqueterie formée de diverses pierres colorées. Les fragments de roches très altérés recueillis par les fouilleurs et les empreintes d’incrustation qui subsistaient dans le mortier antique ont permis de reconstituer un dessin d’origine, composition formée de rectangles, de carrés, de losanges, de cercles et de triangles en pierres de onze qualités différentes, toutes d'importation[35] : marbre de Carrare de différentes couleurs (rouge, rose, fleur de pêcher, blanc), marbre jaune antique de Chemtou (supposé venir de Sienne dans un premier temps), porphyre vert de Grèce et porphyre rouge de Haute Égypte, brèche violette de Skyros (Grèce) et brèche rosée de Téos (Ionie), granite gris de Baveno (Italie) et syénite grise[38].

  • Couloir latĂ©ral d'entrĂ©e de l'odĂ©on, accès Ă  l'orchestre (G sur le plan).
    Couloir latéral d'entrée de l'odéon, accès à l'orchestre (G sur le plan).
  • Balteus de l'orchestre, reconstituĂ© Ă  partir de fragments de dĂ©coration.
    Balteus de l'orchestre, reconstitué à partir de fragments de décoration.
  • DĂ©tail du dallage reconstituĂ© de l’orchestra en pierres colorĂ©es.
    Détail du dallage reconstitué de l’orchestra en pierres colorées.

Scène

De la scène de l’odéon, il ne reste que la base du mur antérieur du pulpitum, puis la fosse à rideau. Le mur de scène est complètement arasé. Ces bâtis sont recouverts d’un plancher moderne, et ne sont plus visibles du visiteur[39].

Le pulpitum est un petit mur qui sĂ©pare la scène de l'orchestre. Ă€ vocation dĂ©corative, il est indentĂ© en niches alternativement semi-circulaires et rectangulaires. L’exemple du théâtre antique de Sabratha tĂ©moigne de la luxueuse dĂ©coration de bas-reliefs de marbre que pouvait prĂ©senter un pulpitum. Amable Audin suggère que les fragments de dĂ©corations trouvĂ©s dans le four Ă  chaux mĂ©diĂ©val installĂ© Ă  proximitĂ© sous un escalier reliant l’orchestre Ă  l’esplanade derrière la scène pourraient ĂŞtre les ornements du pulpitum[4]. Le plus grand fragment prĂ©sente trois faces dĂ©corĂ©es, et mesure 56 cm de face, ce qui peut assez bien correspondre Ă  la largeur d’un saillant du pulpitum[32].

Fragment numéro 1 : Amours foulant le raisin.

Plusieurs fragments sont dĂ©corĂ©s de feuilles allongĂ©es, sur d’autres on reconnaĂ®t des ceps, une vrille de vigne, une corbeille de vannerie. Quelques petits animaux apparaissent, un serpent, un insecte Ă  l’abdomen pointu, peut-ĂŞtre une abeille. Les modelĂ©s sont faits au ciseau, avec plus ou moins de soin selon les faces. Une plaquette trapĂ©zoĂŻdale de 12 cm d’épaisseur, 36 cm de long et 18 cm de haut, prĂ©sente des motifs significatifs : Ă  l’intĂ©rieur du galbe d’un sarment de vigne, deux enfants nus assurent leur Ă©quilibre en se tenant l’un au sarment, l’autre Ă  l’épaule de son compagnon. Leurs jambes manquent, mais le genou très relevĂ© de l’un indique un vigoureux piĂ©tinement, laissant deviner une action de foulage de raisin. Au-dessus, un criquet est perchĂ© sur le sarment et un pied prend appui sur ce sarment[40] - [41]. On retrouve un style dĂ©coratif très courant sous l’Empire, qualifiĂ© de rinceaux peuplĂ©s ou animĂ©s. Ici, il s’agit des Amours vendangeurs, sujet très prisĂ© Ă  caractère dionysiaque[42].

Ă€ l’inverse de théâtre moderne, en dĂ©but de spectacle, le rideau se baissait en descendant dans une fosse prĂ©vue Ă  cet effet derrière le pulpitum. La fosse du rideau de l’odĂ©on mesure 32 m de long pour 0,90 m de largeur et 1,30 m de profondeur. Elle est couverte de onze dalles, percĂ©es d'un trou carrĂ© dans lesquels coulissaient les montants de bois verticaux, qui faisaient l’armature de soutien et de manĹ“uvre du rideau. Un second mur, long de 43,25 m et large de 4,85 m bordait la fosse du rideau et soutenait le plancher de scène[4].

Façade arrière et esplanade

Tourné vers l’est, l’arrière de l’odéon domine une esplanade en contrebas, avec un décrochement de plus de six mètres par rapport au niveau de l'orchestre. De part et d’autre, des escaliers mènent à cette esplanade à partir des couloirs d’entrée de l’orchestre. Du côté nord, un escalier droit de 32 marches descend de l’odéon, tandis qu’un second escalier contigu vient de la placette qui sépare l’odéon du grand théâtre et contourne le pilier de contrefort qui soutient la terrasse de l’odéon[43].

Le mur arrière de l’odĂ©on conservĂ© sur une hauteur de 6,50 m est construit en blocage, revĂŞtu d’un opus mixtum alternant de petits moellons de pierre et des sĂ©ries de trois lits de briques. Des Ă©paisseurs d’enduit rouge sont encore visibles Ă  sa base. Au-dessous de la scène, il est amĂ©nagĂ© avec trois grandes niches larges de m et profondes de 1,50 m, une rectangulaire au centre et deux arrondies latĂ©rales. La trace d’un socle dans la niche centrale laisse supposer la prĂ©sence d'une statue de grande dimension. De part et d’autre de cette section dĂ©corative s’ouvrent de grandes salles carrĂ©es de 8,50 m de cĂ´tĂ© et de plus de 8,50 m de hauteur, fermĂ©es par des voĂ»tes dont le dĂ©part subsiste[44].

Ainsi que le recommande Vitruve pour abriter les spectateurs en cas d'averse soudaine ou servir de promenoir[45], le mur arrière de l’odĂ©on Ă©tait bordĂ© d’un portique, qui a disparu. Ă€ son emplacement, les fouilleurs ont dĂ©couvert un pavement de grandes dalles blanches cernĂ©es de joints noirs, assemblĂ©es en bandes dĂ©calĂ©es comme un opus quadratum, sur une longueur de 89 m et une largeur de 6,50 m, bordĂ© de chaque cĂ´tĂ© par un filet noir[36]. Ce pavement est divisĂ© en deux dans sa longueur par un muret long de 45 m[4]. Du portique subsistent le stylobate construit en blocs de micaschiste, de calcaire dur (choin de Fay) et de gneiss, et une base de colonne. Selon les archĂ©ologues, le portique comportait 17 arcades, s'Ă©tageait sur deux niveaux, et l'Ă©tage supĂ©rieur s'ouvrait sur les portes du mur de scène et les coulisses[36].

L’esplanade proprement dite Ă©tait couverte d’un dallage de calcaire rose, dĂ©tectĂ© lors des sondages en 1991 et ceinturĂ©e de murs. Un bâtiment de quatre pièces d’usage indĂ©terminĂ© mesurant 15 m sur 4,50 m a Ă©tĂ© repĂ©rĂ© en 1994 au nord de l’esplanade[3].

  • Arrière de l'odĂ©on
  • Vestige du portique avec son stylobate et une base de colonne. Le dallage du portique est couvert d’un gazon de protection.
    Vestige du portique avec son stylobate et une base de colonne. Le dallage du portique est couvert d’un gazon de protection.
  • DĂ©tail du stylobate, marque d'une agrafe d'assemblage de deux blocs
    DĂ©tail du stylobate, marque d'une agrafe d'assemblage de deux blocs
  • Escalier intĂ©rieur nord, avec des traces de peinture murale sous l'auvent (Ă  droite).
    Escalier intérieur nord, avec des traces de peinture murale sous l'auvent (à droite).
  • Escalier extĂ©rieur nord, descendant vers l’esplanade.
    Escalier extérieur nord, descendant vers l’esplanade.

Utilisation présente

L'odéon est un des maillons du parc archéologique de Fourvière, haut lieu du tourisme lyonnais, avec le théâtre voisin et le Musée gallo-romain de Fourvière, inauguré en 1975, qui présente des maquettes de reconstitution de l'odéon.

L'odéon et le théâtre sont de nouveau des lieux dédiés aux spectacles, qui accueillent chaque été le festival multiculturel des Nuits de Fourvière depuis 1946 pour le théâtre, et depuis pour l'odéon avec l'exécution des Concertos Brandebourgeois sous la direction de Karl Münchinger[46].

Ce site est desservi par la station de funiculaire Minimes - Théâtres Romains.

Notes et références

  1. Anne-Catherine Le Mer et Claire Chomer, Académie des inscriptions et belles-lettres, Carte archéologique de la Gaule 69/2 : Lyon, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, , 1re éd., 884 p. (ISBN 978-2-87754-099-5), p. 187.
  2. Gros 1991, p. 57.
  3. Carte archéologique de la Gaule 69/2, p. 560.
  4. Carte archéologique de la Gaule 69/2, p. 559.
  5. Desbat 2005, p. 19.
  6. Gros 1991, p. 58.
  7. Carte archéologique de la Gaule 69/2, p. 191.
  8. Fabia 1918, p. 134.
  9. Adrien Bruhl, Amable Audin, « Inscription du Lyonnais Tiberius Aquius Apollinaris », Gallia, tome 23, fascicule 2, 1965. p. 267 .
  10. Georges Mazenot, « Étude sur la nature et la provenance des matériaux de construction du théâtre romain de Fourvière à Lyon », Les Études rhodaniennes, vol. 16, no 3, 1940, p=142 .
  11. Fabia 1918, p. 135.
  12. « Lyon: Le Plan Scénographique c. 1550 »
  13. Fabia 1918, p. 136.
  14. Gabriel Simeoni, L’origine e le antichità di Lione, 1560, manuscrit conservé à Turin Ms J a X 16.
  15. Guillaume Paradin, Mémoire de l’histoire de Lyon, 1573, pp. 255-256.
  16. Jacob Spon, Recherche des antiquités et curiosités de la Ville de Lyon, ancienne colonie des Romains et capitale de la Gaule celtique, imprimé à Lyon, 1673, p. 44, réédité en 1858 par L. Renier et J-B Monfalcon.
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Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

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