AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Nouveau Roman

Apparue au milieu des annĂ©es 1950, l’expression « Nouveau Roman » s'applique d’abord Ă  un groupe d'Ă©crivains (au dĂ©part Michel Butor, Alain Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute) qui renouvellent en profondeur les conventions romanesques hĂ©ritĂ©es du rĂ©alisme (Balzac, Stendhal) et du naturalisme (Zola, Maupassant). Des ouvrages comme L'Emploi du temps, Le Voyeur, Tropismes rompent radicalement avec les formes traditionnelles du rĂ©cit qui se sont imposĂ©es au XIXe siĂšcle. Le Nouveau Roman s'oppose aussi Ă  l'Ă©poque au courant existentialiste dont certains porte-parole, comme Sartre, militent en faveur d'une « littĂ©rature engagĂ©e ».

Nouveau-Roman
Image illustrative de l’article Nouveau Roman
Alain Robbe-Grillet en 2002, un des principaux auteurs du Nouveau Roman.
PĂ©riode 1956-1990 environ
Origines Michel Butor, Alain Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute
ƒuvres

Le « Nouveau Roman » en quatre phases

Au cours d'une quarantaine d'annĂ©es, on peut distinguer quatre phases principales dans ce qui a pu ĂȘtre qualifiĂ© de « mouvance » ou de « mouvement ». Dans un premier temps, et Ă  la diffĂ©rence notamment du mouvement surrĂ©aliste, nul manifeste, nul chef de file, nulle revue ne prĂ©side Ă  l’émergence du Nouveau Roman. Il ne se fonde alors sur aucun principe ou prĂ©cepte, formel ou esthĂ©tique, prĂ©Ă©tabli ou concertĂ©. Il correspond Ă  un double phĂ©nomĂšne journalistique et Ă©ditorial. D'une part, l'Ă©tiquette « Nouveau Roman » est forgĂ©e et entretenue par une certaine presse (Le Monde, L'Express). À l'instar du courant contemporain de la Nouvelle Vague, les mĂ©dias, en soif de "nouveautĂ©s", d'un mĂȘme geste promeuvent ou condamnent ce qu'ils crĂ©ent de toutes piĂšces. D'autre part, la plupart de ces « Nouveaux Romanciers » gravitent autour des Éditions de Minuit, d'oĂč nait l'idĂ©e pour son directeur, JerĂŽme Lindon, d'un regroupement qui constituerait une « Ă©cole » dite « de Minuit ».

Dans un deuxiÚme temps, au cours des années 1960, s'accrédite la notion d'un mouvement. Les nombreux prix décernés à des « Nouveaux Romans » témoignent d'une effective reconnaissance littéraire. Surtout, c'est désormais « de l'intérieur » que s'affirme le mouvement avec, d'une part, le recueil critique de Robbe-Grillet Pour un Nouveau Roman (1963) et l'ouvrage théorique du romancier Jean Ricardou, ProblÚmes du Nouveau Roman (1967). Composé d'articles parus entre 1964 et 1966 dans des revues comme Tel Quel ou Critique, celui-ci s'efforce de montrer qu'un certain nombre d'ouvrages (Le Voyeur, Le Parc, La Route des Flandres, L'Emploi du temps) explorent de communs fonctionnements narratifs. L'auteur de La Prise de Constantinople met ainsi à jour certains mécanismes partagés et partageables (comme la description créatrice, la métaphore structurelle) et remet au goût du jour un procédé qui, en son temps, fut exploité par André Gide et qui deviendra en quelque sorte l'emblÚme du Nouveau Roman, la mise en abyme[1]. C'est encore dans ProblÚmes du Nouveau Roman qu'est établie la désormais célÚbre distinction entre "temps de la narration et temps de la fiction" qui constituera un fondement de la narratologie alors naissante.

Dans un troisiĂšme temps, les annĂ©es 1970, s'organisent, Ă  l'initiative toujours de Ricardou, plusieurs rencontres avec les Nouveaux Romanciers, notamment le cĂ©lĂšbre colloque de 1971 Ă  Cerisy, Nouveau roman : hier, aujourd’hui, qui rĂ©unira les principaux acteurs (Butor, Ollier, Pinget, Robbe-Grillet, Sarraute et Simon)[2], colloque fondateur qui sera suivi en 1974 et 1975 par deux autres rencontres importantes autour des Ɠuvres respectives de Claude Simon[3] et de Robbe-Grillet[4]. C'est la phase dite du Nouveau Nouveau Roman qui a pour caractĂ©ristique Ă  la fois de donner une assise plus collective au mouvement et de rĂ©flĂ©chir sur le changement de paradigme romanesque amorcĂ© par La Prise de Constantinople et La maison de rendez-vous (1965), voie qui sera poursuivie par Simon dans Les corps conducteurs (1970) et Triptyque (1973). Les recherches thĂ©oriques sur le mouvement culmineront avec la parution de Le Nouveau Roman[5], qui offre une vĂ©ritable synthĂšse de l'ensemble des procĂ©dures narratives et textuelles mises en Ɠuvre par les romanciers.

Dans une quatriĂšme phase, aprĂšs 1975, le mouvement se dĂ©sagrĂšge et certains nouveaux romanciers prennent dĂ©finitivement leur distance vis-Ă -vis d'une thĂ©orie qu'ils considĂšrent trop hĂ©gĂ©monique. Cette pĂ©riode de dispersion coĂŻncide, d'une part, avec le tournant autobiographique (La Nouvelle Autobiographie) pris par certains anciens Nouveaux Romanciers (Sarraute, Robbe-Grillet, Simon) qui voit le retour en masse de la notion d'« Auteur » — mise Ă  mal Ă  l'Ă©poque flamboyante du structuralisme par Foucault, Barthes et Ricardou –, d'autre part avec la notoriĂ©tĂ© grandissante d'Ă©crivains comme Simon (couronnĂ© par le prix Nobel de littĂ©rature en 1985) et Sarraute (dont l'Ɠuvre paraĂźt de son vivant dans la prestigieuse collection de la PlĂ©iade en 1996).

Naissance du mouvement

AprĂšs les mouvements surrĂ©alistes et existentialistes qui ont marquĂ© la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle, le Nouveau Roman[6] provoque dans les annĂ©es 1950 une rupture, sous l'impulsion initiale de Michel Butor (L'Emploi du temps, La Modification), d'Alain Robbe-Grillet (Les Gommes, Le Voyeur) et de Nathalie Sarraute (Tropismes), ouvrages qui se trouvent alors rĂ©unis sous une mĂȘme banniĂšre : Les Éditions de Minuit[7] de JĂ©rĂŽme Lindon, l'Ă©diteur, dĂšs 1951, de Samuel Beckett (Malone meurt, Molloy, L'Innommable et Murphy), de Robert Pinget (Mahu ou le matĂ©riau, 1956), Claude Simon (Le Vent, 1957), Claude Ollier (La Mise en scĂšne, 1958), Marguerite Duras (Moderato cantabile, 1958) et Jean Ricardou (L'Observatoire de Cannes, 1961, La Prise de Constantinople, 1965). Rien ne dĂ©finit mieux le tournant initiĂ© par ce mouvement romanesque que cette formule de 1961 lancĂ©e par Jean Ricardou et largement reprise depuis par la critique : « Ainsi un roman est-il pour nous moins l'Ă©criture d'une aventure que l'aventure d'une Ă©criture »[8].

Reconnaissance du mouvement

Comme pour le mouvement « impressionniste » qualifiĂ© au dĂ©part de façon pĂ©jorative, l'appellation de « Nouveau Roman » vient non des intĂ©ressĂ©s mais de l'extĂ©rieur : d'une critique principalement journalistique plutĂŽt dĂ©favorable. ForgĂ©e par Bernard Dort en [9], mais alors passĂ©e inaperçue, l'expression ne s'impose que deux ans plus tard quand elle fut reprise dans un article du journal Le Monde le par l'un des principaux dĂ©tracteurs du mouvement, Émile Henriot, Ă  l'occasion de la publication simultanĂ©e de La Jalousie et de la rĂ©Ă©dition de Tropismes (1939) aux Ă©ditions de Minuit[10]. La formule est alors exploitĂ©e Ă  la fois par des revues littĂ©raires dĂ©sireuses de crĂ©er de l'Ă©vĂ©nement[11] et par Robbe-Grillet qui cherche Ă  promouvoir les auteurs rĂ©unis aux Éditions de Minuit, oĂč il est conseiller Ă©ditorial[12].

L'annĂ©e suivante paraĂźt un numĂ©ro spĂ©cial de la revue Esprit, le « Nouveau Roman », qui reprend la formule avec de prudents guillemets[13]. Sous l'intitulĂ© « Nouvelle littĂ©rature romanesque », il offre un « panorama » qui prĂ©sente « Dix romanciers vus par la critique ». À la suite de Butor, Robbe-Grillet, Sarraute et Beckett, Cayrol, Duras, Simon, Pinget figurent deux autres Ă©crivains : Kateb Yacine et Jean Lagrolet. Dans l'avant-propos Ă  ce panorama[14], Olivier de Magny n'use pas du terme assembleur de « Nouveau Roman ». Il prĂ©fĂšre parler de la nouvelle Ă©cole du roman, de nouveau rĂ©alisme, d'Ă©cole du nouveau rĂ©alisme ou encore d'anti-roman. Il est intĂ©ressant de noter que l'Ă©ditorialiste signale que « la succession des auteurs, dans ce montage, n'obĂ©it point Ă  un ordre trĂšs concertĂ© ». Il prĂ©cise nĂ©anmoins que « Butor, Nathalie Sarraute et Robbe-Grillet apparaissent les premiers, parce qu'ils se trouvent Ă  l'origine du mythe d'un nouveau rĂ©alisme romanesque ; parce que leur Ɠuvre a suscitĂ© d'innombrables considĂ©rations, entre autres sur la suppression de l'analyse psychologique dans le roman; parce qu'enfin les deux derniers ont Ă©tudiĂ© dans des Ă©crits thĂ©oriques les conditions d'un renouvellement de la littĂ©rature romanesque »[15]. Dans le mĂȘme numĂ©ro d'Esprit, Bernard Pingaud signe un article qui fera date : « L'Ă©cole du refus ». Il y cite une dĂ©claration de Robbe-Grillet parue dans Le Figaro littĂ©raire du : « Les Ă©lĂ©ments positifs sont personnels Ă  chacun d'entre nous. Et si un certain nombre de romanciers peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme formant un groupe, c'est beaucoup plus par les Ă©lĂ©ments nĂ©gatifs ou par le refus qu'ils ont en commun, en face du roman traditionnel »[16].

De nombreux prix littĂ©raires soulignent l'importance du Nouveau Roman. En 1954, Les Gommes de Robbe-Grillet est couronnĂ© par le Prix FĂ©nĂ©on et l'annĂ©e suivante Le Voyeur reçoit le Prix des Critiques. En 1957, La Modification de Butor, roman Ă©crit Ă  la deuxiĂšme personne du pluriel, reçoit le prix Renaudot tandis qu'est attribuĂ© Ă  L'Emploi du temps le Prix FĂ©nĂ©on. En 1958, le prix MĂ©dicis salue La Mise en scĂšne, le premier roman de Claude Ollier. En 1960, La Route des Flandres de Claude Simon obtient le prix de l'Express. En 1964, Nathalie Sarraute reçoit le Prix international de littĂ©rature pour son roman Les Fruits d'Or. En 1965, Quelqu'un de Pinget remporte le prix Femina. Le Prix FĂ©nĂ©on est attribuĂ© Ă  Jean Ricardou en 1966 pour La Prise de Constantinople. En 1967, Claude Simon obtient le prix MĂ©dicis pour Histoire, un collage de souvenirs mĂȘlant l'Histoire et l'histoire personnelle de l'auteur, dont la ponctuation ignore volontairement les rĂšgles orthotypographiques. En 1969, reconnaissance internationale suprĂȘme, Samuel Beckett reçoit le prix Nobel de littĂ©rature. En 1985, l'Ɠuvre de Claude Simon sera elle aussi couronnĂ©e par ce prix.

Constitution du mouvement

« Mouvement » ou « mouvance », les avis critiques ont longtemps divergĂ©. La critique journalistique a certes jouĂ© un rĂŽle dans l'identification d'un mouvement, tentant de figer l'image du Nouveau roman en lui collant des Ă©tiquettes comme « l'Ă©cole du regard », « l'Ă©cole du refus », « anti-roman »[17]. Et, dans une premiĂšre phase, Alain Robbe-Grillet a Ă©tĂ© longtemps considĂ©rĂ© comme « le chef de file » de cette « nouvelle Ă©cole du roman »[18]. Ainsi, dans Pour un nouveau roman (1963), Robbe-Grillet rĂ©unit les essais sur la nature et le futur du roman. Il y rejette l'idĂ©e, dĂ©passĂ©e pour lui, d'intrigue, de portrait psychologique et mĂȘme de la nĂ©cessitĂ© des personnages. Mais cet assemblage d'articles de circonstance « ne constitue en rien », admet l'auteur, « une thĂ©orie du roman ». Il poursuit: « Si j'emploie volontiers, dans bien des pages, le terme de Nouveau Roman, ce n’est pas pour dĂ©signer une Ă©cole, ni mĂȘme un groupe dĂ©fini et constituĂ© d’écrivains qui travailleraient dans le mĂȘme sens; il n’y a lĂ  qu’une appellation commode englobant tous ceux qui cherchent de nouvelles formes romanesques, capables d’exprimer (ou de crĂ©er) de nouvelles relations entre l’homme et le monde, tous ceux qui sont dĂ©cidĂ©s Ă  inventer le roman, c’est-Ă -dire Ă  inventer l’homme.» Repoussant les conventions du roman traditionnel, tel qu'il s'Ă©tait imposĂ© depuis le XIXe siĂšcle et Ă©panoui avec des auteurs comme HonorĂ© de Balzac ou Émile Zola, le Nouveau Roman se veut un art plus conscient de lui-mĂȘme, s'organisant Ă  partir de principes formels. La position du narrateur y est notamment interrogĂ©e : quelle est sa place dans l'intrigue, pourquoi raconte-t-il ou Ă©crit-il ?

Bien avant le recueil d'articles de Robbe-Grillet, dĂšs 1939 Nathalie Sarraute avait commencĂ© Ă  rĂ©volutionner le rĂ©cit dans Tropismes. Dans son roman Martereau, publiĂ© en 1953, les personnages apparaissent, Ă  la lecture, comme disloquĂ©s, et bien que demeure une intrigue, ce n’est pas elle qui prĂ©domine, mais les flux de pensĂ©es qui animent les diffĂ©rentes consciences et constituent des « sous-conversations ». Sarraute rassemblera ses rĂ©flexions sur le roman dans L'Ère du soupçon en 1956[19]. Cependant, qu’il s’agisse de Pour un nouveau roman ou de L’ùre du soupçon, la critique de l'Ă©poque tend Ă  ne retenir qu'un positionnement nĂ©gatif de la part des romanciers qui les cantonnerait dans un simple refus du « roman balzacien ». D'autre part, des thĂ©oriciens comme Roland Barthes ont proposĂ© des interprĂ©tations divergentes. À l'Ă©poque des Gommes, il Ă©tait question de "littĂ©rature objective" : « L'objet n'est plus ici un foyer des correspondances, un foisonnement de sensations et de symboles : il est seulement une rĂ©sistance optique[20]». À la sortie du Voyeur, Barthes parlait de "littĂ©rature littĂ©rale" qui donnait « enfin aux objets un privilĂšge narratif accordĂ© jusqu'ici aux seules rapports humains[21]». Puis Ă  la parution de Dans le labyrinthe (1959), s'imposera, Ă  l'inverse, une lecture principalement subjective ou subjectiviste de la fiction romanesque[22].

Si l'intrigue et les personnages peuvent passer au second plan, c'est aussi parce qu'ils ne jouent plus le rĂŽle central et dĂ©terminant Ă  partir desquels se fonde la composition romanesque. Ainsi, dans L'emploi du temps (1956) de M. Butor, c'est tout un dispositif, selon un "dialogue entre deux temps"[23], entre le temps de la narration et le temps de la fiction[24], que les cinq parties se structurent en une façon de contrepoint. L'histoire surgit alors, selon la formule de J. Ricardou, comme "consĂ©quence" : “composer un roman de cette maniĂšre, ce n’est pas avoir l’idĂ©e d’une histoire, puis la disposer; c’est avoir l’idĂ©e d’un dispositif, puis en dĂ©duire une histoire”[25].

L'association Oulipo tente Ă©galement, Ă  partir de 1960, de renouveler l'acte de l'Ă©criture avec le principe de l'Ă©criture Ă  contraintes, thĂ©orisĂ©e sous d'autres formulations dĂšs ProblĂšmes du Nouveau Roman[26] et mise en Ɠuvre dans La Prise de Constantinople[27].

Dans les annĂ©es 1960 et 1970, le « Nouveau Roman » a surtout Ă©tĂ© thĂ©orisĂ© par Jean Ricardou, qui — outre ses volumes thĂ©oriques ProblĂšmes du Nouveau roman[28] (1967), Pour une thĂ©orie du Nouveau roman[29] (1971), Le Nouveau roman[30] (1973), Nouveaux ProblĂšmes du roman (1978) — a Ă©galement Ă©crit lui-mĂȘme des Nouveaux Romans : L’Observatoire de Cannes[31] (1961), La Prise de Constantinople (1965, prix FĂ©nĂ©on), Les Lieux-dits, petit guide d’un voyage dans le livre[32] (1969). Il a Ă©tĂ©, en outre, organisateur et directeur de plusieurs rencontres avec les Nouveaux Romanciers, notamment le cĂ©lĂšbre colloque en 1971 Ă  Cerisy, qui a donnĂ© naissance Ă  deux tomes collectifs intitulĂ©s Nouveau roman : hier, aujourd’hui (dirigĂ©s avec Françoise van Rossum-Guyon)[33], indispensables pour une connaissance approfondie de l’histoire de cette importante pĂ©riode de la littĂ©rature française[5]. OrganisĂ©s par Ricardou, deux colloques de Cerisy suivront, autour de deux des Ă©crivains les plus reprĂ©sentatifs du mouvement, le premier en 1974 consacrĂ© Ă  l'Ɠuvre de Claude Simon[3], et le second, en 1975, dĂ©diĂ© aux romans et films de Robbe-Grillet[4], rencontres qui rĂ©unissent, venus du monde entier, les meilleurs spĂ©cialistes du Nouveau Roman. Juste avant son dĂ©cĂšs en 2016, Ricardou travaillait sur une sĂ©rie d'entretiens avec Amir Biglari[34], comportant notamment une histoire de ce mouvement littĂ©raire.

C'est ainsi dans cette troisiĂšme phase initiĂ©e par les trois colloques de Cerisy (1971-75) que s'affirme avec une plus grande vigueur un mouvement qui jusqu'alors avait Ă©tĂ© dĂ©terminĂ© principalement de l'extĂ©rieur. En particulier, avec le premier colloque Nouveau roman : hier, aujourd’hui, le groupe acquiert une allure plus collective et affiche une consistance plus thĂ©orique. Ce qui fonde le caractĂšre inaugural de ce colloque, c'est l'active participation de ceux qui acceptent (Ollier, Pinget, Ricardou, Robbe-Grillet, Sarraute et Simon et celle indirecte de Butor qui y fit lire sa contribution) de se rassembler sous une mĂȘme banniĂšre. Ils reconnaissent qu'entre leurs ouvrages respectifs puissent se reconnaĂźtre quelques dĂ©nominateurs communs. Cette rencontre n'aurait pu avoir la signification et le retentissement que l'on sait sans cette manifeste adhĂ©sion collective. Ainsi, dans la foulĂ©e de la rencontre de 1971, le Magazine littĂ©raire publie des extraits de Butor, Ollier, Pinget, Ricardou, Robbe-Grillet et Sarraute et c'est en ces termes que le co-organisateur de la rencontre les introduit[35] :

« Le surrĂ©alisme s'est dĂ©terminĂ© intĂ©rieurement, il a eu un chef, il a produit des manifestes, des revues: c'est un groupe (que le temps a dĂ©cimĂ©). Le Nouveau Roman a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ© de l'extĂ©rieur, il n'a pas de chef, il n'a [
] produit ni manifeste ni revue : c'est cependant une collectivitĂ© (qui pour l'instant persiste). [
] Tandis que d'autre groupements ont Ă©tĂ© avancĂ©s pour le remplacer [
], il continue d'ĂȘtre lĂ  et de dĂ©ranger, prĂ©sent par la force de ses fictions renouvelĂ©es et en dĂ©pit de l'absence de ses travaux thĂ©oriques collectifs. Le colloque de Cerisy Nouveau Roman : hier, aujourd'hui marque donc une date exceptionnelle dans l'histoire du Nouveau Roman : sa premiĂšre tentative thĂ©orique collective[36]. »

L’effort du thĂ©oricien Jean Ricardou va donc consister Ă  « Ă©tablir en rigueur si possible, loin de tout quelconque avis personnel, insignifiant en l'occurrence, un ensemble, opĂ©ratoirement clos, d'Ă©crivains Ă©pinglables sous l'enseigne Nouveau Roman »[37], et de pourvoir ce mouvement d’une thĂ©orie « adĂ©quate » dans une perspective rĂ©solument positive, capable d’unifier ses avancĂ©es et d’en faire autre chose qu’un simple « front du refus » revendiquĂ© par un quarteron d'auteurs originaux chacun soucieux, avant tout, de sa personnalitĂ©. L'enjeu consiste Ă  thĂ©oriser les mĂ©thodes et procĂ©dures afin d'Ă©lucider les points de convergence de ces recherches romanesques innovantes, et notamment la contestation du rĂ©cit dont la pĂ©remption de l'intrigue, du portrait psychologique voire du personnage ne constitue qu’un aspect[38].

Cette positivitĂ© nouvelle, c’est dans la mise en cause de la reprĂ©sentation que Jean Ricardou va la trouver :

« Le roman, pour les nouveaux romanciers, ce n’est plus un miroir qu’on promĂšne le long d’une route ; c’est l’effet de miroirs partout agissant en lui-mĂȘme. Il n’est plus reprĂ©sentation ; il est auto-reprĂ©sentation. Non qu'il soit scindĂ© en deux domaines dont l’un, privilĂ©giĂ©, aurait l’autre pour reprĂ©sentation. Il est, plutĂŽt, tendanciellement, partout reprĂ©sentation de lui-mĂȘme. C’est dire que loin d’ĂȘtre une stable image du quotidien, la fiction est en perpĂ©tuelle instance de dĂ©doublement. C’est Ă  partir de lui-mĂȘme que le texte prolifĂšre : il Ă©crit en imitant ce qu’il lit. Quelque livre qui la contienne, toute « mise en abyme », certes, est dĂ©jĂ  l’esquisse de ces internes miroitements. Gide n’évoquait-il pas, judicieusement, Ă  son propos, les petits miroirs convexes de Memling et de Metsys ? Mieux : l’on sait qu’elle rĂ©flĂ©chit souvent le fonctionnement du texte. S’il lui advient de reflĂ©ter le dĂ©doublement mĂȘme, elle formera, en quelque façon, un miroitement au second degrĂ©[39]. »

Nouveau Roman, nouvelle conceptualité

L’établissement du texte moderne se reconnaĂźt notamment Ă  ce qu’il mĂ©tamorphose les traditionnelles procĂ©dures expressives en moyens de production : agencements gĂ©nĂ©rateurs ou organisateurs[40].

Mise en cause du personnage

« S’en prendre au personnage, c’est-Ă -dire Ă  l’unitĂ© d’une identitĂ©, revient Ă  produire des troubles de classement. L’opĂ©ration comporte deux phases : dissocier l’individu en fragments incomparables ; distribuer les Ă©clats selon l’ordre d’unitĂ©s inĂ©dites. Comme pour le mimĂ©tisme animal en lequel les taches disruptives dispersent le spĂ©cimen en de nouvelles figures Ă©tablies par analogie avec la variĂ©tĂ© de l’alentour, il s’agit de disjoindre une unitĂ©, puis d’amalgamer des Ă©lĂ©ments divers. Ces perturbations prennent pour objet, on le devine, les attributs traditionnels du massif personnage balzacien : le patronyme, le rĂŽle social, la nationalitĂ©, la parentĂ© et parfois jusqu’à l’ñge et l’apparence[41]. »

Formalisation de la fiction

Par « formalisation », on entend cette tendance par laquelle, dans le Nouveau Roman, « au lieu d’ĂȘtre soigneusement dissimulĂ©e, l’activitĂ© des principes formels s’accroĂźt et devient l’objet d’une indĂ©niable ostentation. Pour le consommateur naĂŻf, cela n’est guĂšre loin de jouer un rĂŽle sacrilĂšge ; il Ă©claire ce qui doit rester obscur : des procĂ©dures de fabrication »[42].

Formalisation de la narration

Dans le Nouveau Roman, le narrateur est cet hybride curieux :

« acteur et conteur, l’un des lieux oĂč narration et fiction Ă©trangement se croisent. Introduit dans ces fictions formalisĂ©es, tel rĂŽle ne manque pas d’en subir de vives consĂ©quences. La fonction narrative n’y appartient plus, en effet, comme dans le rĂ©cit classique, Ă  tel ou tel personnage suivant le dĂ©roulement des pĂ©ripĂ©ties ; elle se distribue mĂ©caniquement selon de violents changements pĂ©riodiques. Surgit alors ce qu’il faut appeler des narrateurs flottants[43]. »

C'est que, entre rĂ©cit et narrateur, les rapports sont communĂ©ment univoques : un narrateur unique offre une unique version du rĂ©cit. Ce qui n'exclut pas que, en un point quelconque, peuvent survenir divers narrateurs qui soit confirment le rĂ©cit, soit l'infirment en apportant une version nouvelle. Reste que, s'il peut y avoir Ă©quivoque, c’est au seul niveau global ; le rapport de chaque narrateur Ă  sa propre histoire demeure par contre univoque : il y a simplement agencement de rĂ©cits fixes offerts respectivement par de fixes narrateurs.

« Les rapports Ă©quivoques se produisent avec de tout autres dispositifs : narrateur fixe et rĂ©cit flottant ; narrateur flottant et rĂ©cit fixe ; sans omettre, certes, leur produit : narrateur et rĂ©cit flottants. La jalousie, de Robbe-Grillet, repose sur un dĂ©veloppement systĂ©matique de la premiĂšre occurrence : Ă  un narrateur unique, le cĂ©lĂšbre « mari », correspond le rĂ©cit flottant d’un enchaĂźnement de versions contraires. Inversement, loin d’ĂȘtre la copropriĂ©tĂ© de narrateurs unanimes, un rĂ©cit peut ĂȘtre captĂ©, avec tous les effets rĂ©troactifs que l’on suppose, par un narrateur imprĂ©vu. Sans narrateur spĂ©cifique, ce rĂ©cit fixe est alors pourvu de narrateurs flottants. C’est le cas de La maison de rendez-vous. (
) Avec tel double flottement, c’est tout essai d’appropriation du rĂ©cit par l’un quelconque des personnages qui devient prĂ©caire. Mais Ă  quelles rĂšgles est soumise l’étrange rotation des narrateurs ? Loin, semble-t-il, d’obĂ©ir Ă  une distribution systĂ©matique, c’est l’occurrence la plus bouleversante en l’état actuel du rĂ©cit qui chaque fois paraĂźt choisie. L’ordre narratif se trouve ainsi largement soumis au dĂ©roulement de la fiction[43]. »

Mais bien d'autres agencements sont possibles. Ainsi, dans La Prise de Constantinople, l'ordre narratif est déterminé entre autres par un principe formel : le principe de duplication intégrant une constante d'irrégularité.

Auto-représentation

La fiction peut s'envisager comme soumise Ă  deux contraintes contradictoires : soit Ă  l'illusion, qui tend Ă  estomper les mĂ©canismes de l'Ă©criture la prĂ©sence du texte en distrayant le lecteur avec l'histoire. C'est le roman "balzacien", qui remonte en fait au moins jusqu'Ă  HomĂšre, chez lequel il peut arriver de changer en successivitĂ© l’embarrassante simultanĂ©itĂ© de l’objet :

« Il revĂȘtit sa belle tunique, fine, neuve, et s’enveloppa de son grand manteau ; Ă  ses pieds, il mit sa belle chaussure et attacha son glaive Ă  son Ă©paule par des clous d’argent ; puis il reprit le sceptre ancestral et impĂ©rissable. »

C'est le rĂ©cit, selon la formule, en tant qu’écriture d’une aventure.

Inversement, pour dĂ©crire une simultanĂ©itĂ© (la fameuse description du gĂąteau de noces dans Madame Bovary), Flaubert fait paraĂźtre, pur de toute succession anecdotique, le mouvement descriptif lui-mĂȘme :

« À la base, d’abord, c’était un carrĂ© de carton bleu figurant un temple avec portiques, colonnades et statuettes de stuc, tout autour, dans des niches constellĂ©es d’étoiles en papier dorĂ© ; puis, se tenait au second Ă©tage un donjon en gĂąteau de Savoie, entourĂ© de menues fortifications en angĂ©lique, amandes, raisins secs, quartiers d’orange ; et enfin, sur la plate-forme supĂ©rieure qui Ă©tait une prairie verte oĂč il y avait des rochers avec des lacs de confiture et des bateaux en Ă©cales de noisettes, on voyait un petit Amour, se balançant Ă  une escarpolette de chocolat, dont les deux poteaux Ă©taient terminĂ©s par deux boutons de rose naturelle, en guise de boules, au sommet. »

Sans doute nul texte n’est-il vraiment homogĂšne, mais sous cet angle se laissent discerner au moins deux tendances enchevĂȘtrĂ©es qui se partagent le texte :

« L’illusionnisme reprĂ©sentatif de style balzacien. La tendance Ă  l’auto-reprĂ©sentation du Nouveau Roman, par laquelle le rĂ©cit, notamment en l’intense effet de la mise en abyme qui retourne la fonction reprĂ©sentative, se dĂ©signe mille fois lui-mĂȘme. (
) Le signifiĂ© n’est donc nullement refusĂ© (
) mais soumis mot Ă  mot, par le jeu de l’écriture, Ă  une permanente critique qui l’empĂȘche de coaguler et de cacher le travail qui le forme. Ainsi, au centre de la littĂ©rature, l’écriture est la contestation mĂȘme. C’est ce pouvoir critique, on s’en doute, (
) qui est avant tout occultĂ©[39]. »

Anti-représentation

« C’est Ă  partir de lui-mĂȘme que le texte prolifĂšre : il s’écrit en s’opposant Ă  ce qu’il lit »[44].

Ainsi, pour les plus rigoureux des nouveaux romanciers (Robbe-Grillet et Ricardou notamment), sont proscrits toute rĂ©fĂ©rence au rĂ©el ou aux Ă©tats d’ñme comme tout aspect autobiographique : le Nouveau Roman ne donne pas Ă  connaĂźtre un monde, un Ă©tat de la sociĂ©tĂ© ; il ne saurait « faire concurrence Ă  l'État-civil » (selon la formule de Balzac). Il n'a aucunement la prĂ©tention de reproduire le rĂ©el, ni mĂȘme de l'Ă©voquer. Il utilisera la description pour dĂ©truire les « effets de rĂ©el » typiques du rĂ©alisme.

Cette position Ă©loignera des auteurs Ă  tendance plus conventionnelle comme Claude Simon, pour qui la mĂ©moire est un matĂ©riau essentiel, ou encore Samuel Beckett et Nathalie Sarraute. Ces derniers, poursuivant nĂ©anmoins leurs expĂ©rimentations formelles, continueront Ă  chercher Ă  raconter l'homme et le monde — et en cela ils retournent Ă  « l’ancien roman » avec son idĂ©ologie de l'expression.

Contestation par la mise en abyme

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », selon la célÚbre phrase (apocryphe) du chimiste Antoine Lavoisier, laquelle était déjà une transformation d'une phrase non moins célÚbre d'Anaxagore, le philosophe présocratique grec : « Rien ne naßt ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau ».

Ainsi le micro-dĂ©voilement de l'histoire dans l'histoire est connu depuis au moins ƒdipe Roi de Sophocle ; encore fallait-il le nommer. C'est AndrĂ© Gide qui y pourvoira, dans un cĂ©lĂšbre passage de son Journal de 1893 : « J'aime assez qu'en une Ɠuvre d'art on retrouve ainsi transposĂ©, Ă  l'Ă©chelle des personnages, le sujet mĂȘme de cette Ɠuvre par comparaison avec ce procĂ©dĂ© du blason qui consiste, dans le premier, Ă  mettre le second en abyme ». Cependant, dans Un hĂ©ritage d'AndrĂ© Gide : la duplication intĂ©rieure (Comparative Literature Studies, vol. 8 no 2), Bruce Morrissette signale que la comparaison de Gide est inexacte : jamais, en hĂ©raldique, le blason inclus n’est l’image de celui qui le reçoit. Or l’élĂ©gante formule gidienne a Ă©tĂ© cependant aisĂ©ment admise, car, ainsi que Marcel Proust le fait dire par Monsieur de Norpois Ă  propos du roi ThĂ©odose dans La recherche du temps perdu :

« Il est certain que quand il a parlĂ© des « affinitĂ©s » qui unissent son pays Ă  la France, l’expression, pour peu usitĂ©e qu’elle puisse ĂȘtre dans le vocabulaire des chancelleries, Ă©tait singuliĂšrement heureuse. Vous voyez que la littĂ©rature ne nuit pas, mĂȘme dans la diplomatie, mĂȘme sur un trĂŽne, ajouta-t-il en s’adressant Ă  moi. La chose Ă©tait constatĂ©e depuis longtemps, je le veux bien et les rapports entre les deux puissances Ă©taient devenus excellents. Encore fallait-il qu’elle fĂ»t dite. Le mot Ă©tait attendu, il a Ă©tĂ© choisi Ă  merveille, vous avez vu comme il a portĂ©. Pour ma part j’y applaudis Ă  deux mains[45] (I, p. 460). »

Et c'est Jean Ricardou qui entreprendra de la thĂ©oriser, d'abord dans « Description et infraconscience chez Alain Robbe-Grillet », paru dans la Nouvelle Revue Française en 1960, puis dans « L'histoire dans l'histoire », publiĂ© dans Critique en 1966 et repris en 1967 dans ProblĂšmes du Nouveau Roman, plus thĂ©oriquement dans Pour une thĂ©orie du Nouveau Roman, parue au Seuil en 1971, ensuite dans Le Nouveau Roman, dont la premiĂšre Ă©dition est parue au Seuil en 1973, et enfin, monumentalement, dans Nouveaux problĂšmes du roman, paru au Seuil en 1978, oĂč, en plus de trois grandes Ă©tudes du Nouveau Roman, notamment des problĂšmes de la similitude Ă  partir d'un texte de Robbe-Grillet, des problĂšmes de la segmentation chez Claude Simon, et des problĂšmes de l'Ă©laboration textuelle Ă  propos de La prise de Constantinople, il applique ce qu'il appelle la « thĂ©orie Ă  mesure » dans deux autres Ă©tudes, l'une sur Madame Bovary et, l'autre, sur La recherche du temps perdu, « activitĂ© qui accepte de faire place, au fur de son exercice, Ă  tels problĂšmes certaines fois inattendus, Ă  telles extensions quelquefois dĂ©routantes, Ă  telles contestations parfois inopinĂ©es »[46]. En fait il faut entendre, par Nouveaux problĂšmes du roman, selon Ricardou, « d’une part, comme dans les trois derniers chapitres, les problĂšmes que posent certains textes nouveaux et, d’autre part, Ă  leur lumiĂšre, comme dans les deux premiers chapitres, les problĂšmes nouveaux que posaient dĂ©jĂ  Ă  leur façon, fĂ»t-ce Ă  l’état de germes, certains romans moins rĂ©cents »[47]. Ainsi il remarque :

« si le roi ThĂ©odose tient Ă  dĂ©finir par le terme « affinitĂ© », ou si l’on prĂ©fĂšre « ensemble de points communs », le rapprochement de deux puissances, c’est parce que c’est la ressemblance qui se trouve en mesure de joindre deux cellules lointaines. Davantage : ce mĂ©canisme se voit ici soulignĂ© de deux maniĂšres : d’une part, le mimĂ©tisme du rapprochement mĂ©taphorique, la mĂ©taphore configurale prenant pour schĂšme la mĂ©taphore ordinale, est Ă  son tour mimĂ©, localement, par le geste de Norpois (applaudir, c’est rapprocher deux semblables : les mains) ; d’autre part, le terme d’« affinitĂ© », piĂšce centrale de la mĂ©taphore ordinale, est explicitement rapportĂ© Ă  l’exercice de la littĂ©rature[48]. »

Le mythe d’ƒdipe ou la mise en abyme Ă©nigmatique

Les modalitĂ©s des contestations de la mise en abyme Ă©tant nombreuses et variĂ©es, dans « L'histoire dans l'histoire » Ricardou propose de les examiner sur plusieurs exemples, dont le mythe d’ƒdipe :

« Tout oracle, donc, propose une mise en abyme. Parce que, en le lui montrant, elles permettent Ă  l'auditeur d'essayer de s'y soustraire, les voix oraculaires contestent cet immense rĂ©cit au dĂ©nouement inĂ©luctable que l'on nomme destin. Le mythe d’ƒdipe, Ă  cet Ă©gard, est des plus fructueux, qui propose trois successives mises en abyme. »

Les ayant examinées, il remarque en conclusion :

« Cette superbe fable n'est pas sans leçons. Essayons de les Ă©claircir. La plus simple se rĂ©sume de cette maniĂšre : Ă  quelque extrĂ©mitĂ© qu'on en vienne, il est impossible de contester le destin fixĂ© par les dieux. La seconde aggrave ainsi la premiĂšre : le malheur est promis Ă  celui qui s'efforce, pour leur Ă©chapper, de percer les dĂ©cisions divines. À quel instant, en effet, commencent les horribles Ă©preuves des Labdacides, sinon quand LaĂŻos, Ă  Delphes, provoque la premiĂšre mise en abyme ? Et quels Ă©vĂ©nements relancent ces malheurs sinon, par deux fois, les successives mises en abyme esquissĂ©es par ƒdipe ?

Or, il importe de ne pas se satisfaire, ainsi qu’ƒdipe, d'une solution prĂ©maturĂ©e, ni de succomber aux mirages de l'anecdote. À quoi assistons-nous, en vĂ©ritĂ©, sinon Ă  la vengeance du rĂ©cit primordial, monovalent, dont parlait Edgar Poe, contre les perturbations structurelles que lui ont apportĂ©es les mises en abyme ? Telle est pour nous l'ultime leçon de la fable d’ƒdipe. Nous la rĂ©sumerons par le thĂ©orĂšme : les grands rĂ©cits se reconnaissent Ă  ce signe que la fiction qu'ils proposent n'est rien d'autre que la dramatisation de leur propre fonctionnement[49]. »

Le Voyeur ou la mise en abyme accusatrice

L'oracle et l'enquĂȘte enseignent tous deux sur des Ă©vĂ©nements, mais tandis que l'oracle concerne le futur, l'enquĂȘte concerne le passĂ©.

C'est Ă  une enquĂȘte que se livre, dans Le Voyeur, Mathias, voyageur de commerce reprĂ©sentant en montres : une enquĂȘte sur son propre emploi du temps pendant la journĂ©e passĂ©e sur une Ăźle oĂč il est nĂ© et a gardĂ© quelques amis d’enfance, pour tenter de placer sa marchandise. Il collectionne aussi des ficelles et cordelettes, dont il a toujours une sur lui, dans la poche de sa canadienne. Comme le trajet en bateau depuis le continent prend trois heures, il s'est allouĂ© six heures pour parcourir, sur une bicyclette de location, l’üle dans tous les sens et prĂ©senter ses bracelets-montres aux espĂ©rĂ©s clients. Pendant son sĂ©jour sur l'Ăźle, une jeune fille, connue pour son goĂ»t du flirt et des fugues, sera assassinĂ©e. ViolĂ©e, peut-ĂȘtre ? Mathias, le voyageur-voyeur, ressasse les dĂ©tails de ses dĂ©placements et visites, compte ses allĂ©es et venues et ceux des autres, mesure le temps passĂ©, vĂ©rifie sans cesse l’état de ses ventes, justifie chacune des secondes qu’il a passĂ©es sur l’üle avec une minutie tout Ă  fait excessive, mais quelle que soit la façon dont il examine tous ces dĂ©tails, il reste un vide au milieu de son emploi du temps, vers midi.

Il se remĂ©more aussi des Ă©vĂ©nements de son enfance et des souvenirs de la maison dans l'Ăźle oĂč il a grandi, de cette chambre « oĂč il a passĂ© toute son enfance, (
) oĂč il a passĂ© toute sa vie », et, « on lui avait souvent racontĂ© cette histoire », d'une aprĂšs-midi oĂč on l'avait laissĂ© seul Ă  la maison. Il s'Ă©tait installĂ© dans une piĂšce sombre qui ne possĂ©dait qu'une petite fenĂȘtre carrĂ©e situĂ©e dans un renfoncement Ă  cause de l'Ă©paisseur du mur, d'oĂč il observe une mouette, parfaitement immobile, qui se prĂ©sente exactement de profil, posĂ©e sur l'extrĂ©mitĂ© arrondie d'un vieux piquet de bois, trop grand par rapport au reste de la clĂŽture, « sans doute le vestige de quelque chose », et qui surveille la maison d'un Ɠil rond, fixe et insensible — la maison — Ă  moins que ce ne soit Mathias — ou rien du tout. Dehors il pleut. Au lieu de faire un devoir de calcul pour le lendemain, Mathias passe toute l'aprĂšs-midi Ă  dessiner minutieusement l'oiseau, sans omettre aucun dĂ©tail, mĂȘme l'imbrication des Ă©cailles sur la patte. « On a l'impression, cependant, qu'il manque encore quelque chose. Quelque chose manquait au dessin, il Ă©tait difficile de prĂ©ciser quoi. Mathias pensa nĂ©anmoins qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas — ou bien qui manquait ». Mais Ă  ce point-lĂ , dans son souvenir, faisant le tour de la piĂšce, il aperçoit « trois immenses armoires, dont deux placĂ©es cĂŽte Ă  cĂŽte, en face de la porte donnant sur le corridor. C'est dans la troisiĂšme que se trouvait, Ă  l'Ă©tagĂšre infĂ©rieure, dans le coin droit, la boĂźte Ă  chaussures oĂč il rangeait sa collection de ficelles ». AussitĂŽt la description bifurque vers le lent accostage du bateau dans la cale, qui est dĂ©taillĂ© encore avec la mĂȘme minutie que sur six des huit premiĂšres pages du roman. (Le Voyeur, p. 18, 22, 231-232)

On reconnaĂźt lĂ  la dramatisation du fonctionnement du rĂ©cit, qui est le rĂ©cit d'une lacune, un rĂ©cit contestĂ© par la description mĂȘme, qui se dĂ©tourne de son cours linĂ©aire Ă  chaque fois que la description l'amĂšne trop prĂšs d'un objet Ă©voquant dangereusement la scĂšne secrĂšte, refoulĂ©e : un viol qui n'est jamais dĂ©crit mais est dĂ©crit partout, de biais, dans les objets et les formes qui toujours y ramĂšnent :

« Si la mise en abyme est un concentré de tous les signes évoquant la scÚne interdite de récit, elle est aussi le lieu d'une explosion de la micro-histoire, dont les fragments, dispersés en tous points du récit primaire, accomplissent partout d'incessantes réflexions.

À tout instant, dans Le Voyeur, comme si la scĂšne secrĂšte avait volĂ© en Ă©clats, surgissent les divers instruments du supplice — bonbons tentateurs, cigarettes, cordelettes, ficelle roulĂ©e Ă  la forme d'un huit — ou leurs Ă©vocations indirectes : par exemple tous objets octoformes[50].

Les formes, donc, s’attirent l’une l’autre. Voulant dĂ©tourner de l’obsession, elles l’enrichissent. Chaque forme archĂ©typique se dirige vers l’objet le plus capable de lui donner satisfaction et s’y fixe, le renforçant. Les formes successivement dĂ©crites (et parmi tant d’autres sĂ©ries : le huit de la pelote, de la trajectoire de la mouette, de la marque des anneaux, des nƓuds du bois, etc.) constituent peu Ă  peu, par touches successives, la scĂšne obsessionnelle du viol sadique, dans son absolue perfection[51]. »

Il y a malgrĂ© tout une sorte d’oracle, dont Mathias ignore l'avertissement. En effet, alors que le bateau se prĂ©pare Ă  accoster, une mouette passe, le corps comme immobile dans son vol planĂ©, le regard fixe, un Ɠil Ă©piant la mer, l'autre
 Mathias :

« Une mouette grise, venant de l'arriĂšre Ă  une vitesse Ă  peine supĂ©rieure, passa lentement Ă  babord, devant la jetĂ©e, planant sans faire le plus imperceptible mouvement Ă  la hauteur de la passerelle, la tĂȘte inclinĂ©e sur le cĂŽtĂ© pour Ă©pier d'un Ɠil vers le bas — un Ɠil rond, inexpressif, insensible.

Il y eut un appel de timbre électrique (p. 12). »

Personne sur le bateau ne fait attention Ă  ce signe, qui semble pourtant indiquer Ă  Mathias qu'il ne faut pas retourner dans son Ăźle, lĂ  oĂč il a probablement autrefois dĂ©jĂ  commis un premier viol. Au lieu de s'interroger, Mathias se dĂ©tourne de la description de la mouette pour se rĂ©fugier Ă  nouveau dans une description dĂ©taillĂ©e des manƓuvres d'accostage, de l'eau qui monte et descend, faisant disparaĂźtre et rĂ©apparaĂźtre le repĂšre qu'il s'Ă©tait fixĂ© pour juger si le bateau, apparemment immobile, allait enfin accoster : la trace en forme de huit gravĂ©e dans la pierre d'un ancien anneau pour attacher les bateaux dans la cale. Le niveau d'eau monte, effaçant le repĂšre, et lorsqu'il le retrouve plusieurs pages plus loin, il en aperçoit un deuxiĂšme : « Il y avait donc deux anneaux » (p. 21).

À la fin, et malgrĂ© la chaĂźne de bicyclette qui, aprĂšs avoir dĂ©raillĂ© souvent au cours de la journĂ©e finit par se dĂ©crocher dĂ©finitivement, le rĂ©cit arrive tant bien que mal Ă  son terme, et Mathias, aprĂšs avoir ratĂ© le bateau et passĂ© une nuit sur l'Ăźle, repart ragaillardi en se disant que « dans trois heures il serait arrivĂ© Ă  terre ».

C'est ignorer la leçon des choses donnée par Victor Hugo dans « La conscience » (La légende des siÚcles) :

« L'Ɠil Ă©tait dans la tombe et regardait CaĂŻn. »

Le lapsus circulaire ou la mise en abyme linguistique

Tout autre est le fonctionnement de l'Ă©trange nouvelle Ă  prime vue indĂ©chiffrable, « Le lapsus circulaire », publiĂ©e en 1988 par Jean Ricardou dans le recueil de nouvelles La cathĂ©drale de Sens[52], oĂč une lecture approfondie dĂ©couvre la mise en abyme peut-ĂȘtre la plus complexe de tout le Nouveau Roman : une mise en abyme des mises en abyme d’ƒdipe et d’Icare combinĂ©es dans un enchaĂźnement aussi inĂ©luctable que le destin, agencĂ©e non pas Ă  l’ancienne par une imbrication de rĂ©cits, mais Ă  la façon du Nouveau Roman par des dispositifs purement formels oĂč les ruses et contraintes de l’écriture (ou du langage comme jeu de mots) mĂšnent le rĂ©cit, et, cela, comme il se doit, « enfermĂ© dans les anneaux d’un beau style » (Proust).

« Il ne s'agit pas d'exprimer ou de représenter quelque chose qui existerait déjà ; il s'agit de produire quelque chose qui n'existe pas encore[53]. »

On peut constater l'Ă©volution thĂ©orique en remplaçant, pour mieux rendre compte de cette nouvelle de 1988, dans le texte ci-dessous, d’abord publiĂ© en 1961 dans la revue MĂ©diations, puis en 1967 dans PNR, le mot « description » par celui d'« Ă©criture » :

« La description, donc, singuliĂšrement, ne connaĂźt pas de plus rigoureux adversaire que l’auteur mĂȘme de sa cohĂ©rence : le sens. Le sens annonce-t-il la description, comme chez Balzac, qu’il la rend caduque ; s’y insĂšre-t-il comme chez Borges, qu’il l’interrompt. Toute prĂ©cise prĂ©sence du sens est par consĂ©quent intempestive.

La diffusion en laquelle le sens doit se maintenir n’est pas un Ă©tat stable. (
) Pour permettre le plein dĂ©veloppement descriptif, le sens doit donc s’affirmer pour s’ĂȘtre laissĂ© perdre, s’éloigner pour s’ĂȘtre montrĂ© trop vif. Il doit chatoyer, s’offrir comme sens hypothĂ©tique[54]. »

Ici le rĂ©cit est partout contestĂ© par son Ă©criture mĂȘme, souvent par le renversement d'un sens propre pris au pied de la lettre, devenant un sens figurĂ© qui dĂ©stabilise le rĂ©cit en l'orientant dans une toute nouvelle direction. Par exemple, au tout dĂ©but, l'explication d'une claudication due Ă  un supposĂ© accident de circulation, le narrateur ayant Ă©tĂ© « renversĂ© par un motard dans la nuit », se lit bientĂŽt: « renversĂ© par un mot, tard dans la nuit » :

« Ainsi vont donc les paroles : chacun les croit soumises, plus ou moins, aux continus impĂ©ratifs de son dire, et c'est d'elles-mĂȘmes, le plus souvent, par une maniĂšre de rĂ©verbĂ©ration intime, qu'elles dissertent Ă  notre insu[55]. »

L'écriture peut aussi se développer à partir de contraintes et directives formelles :

« Alors elle est crĂ©atrice. Elle invente en toute cohĂ©rence un univers et tend Ă  susciter un sens avec lequel elle entre en lutte. C’est comme une course contre le sens que peuvent se lire maintes Ɠuvres contemporaines.

Il n’est sans doute pas impossible d’ouvrir Ă  ces aventures de nouveaux domaines. Le suicide du rĂ©cit et le sens contraire peuvent en somme se dĂ©finir comme les solutions qui se prĂ©sentent quand le sens a rejoint la description. L’on peut donc supposer qu’un livre se constitue sur de telles directives formelles que le sens y perde toujours sa course, se trouve en somme rĂ©duit Ă  un rĂŽle de traĂźnard[56]. »

De telles contraintes sont innombrables. Imaginons par exemple ceci : la fiction qui se compose acceptera que certains de ses passages soient littéralement déduits de sens propres devenus sens figurés, ou le contraire, et que chaque nouveau sens disserte, par une maniÚre de réverbération intime, chaque fois dans un sens nouveau.

« Pour assimiler de si fondamentales perturbations, la fiction devra multiplier les hypothĂšses. Ces interprĂ©tations du rĂ©cit par la fiction seront Ă  leur tour remises en cause par les directives formelles, et astreintes Ă  d’incessantes rĂ©Ă©valuations. Le sens sera toujours pris Ă  revers par le fonctionnement du rĂ©cit, qui changera la direction de la course[57]. »

Ainsi de phrase en phrase, et de chute en chute, les mises en abyme ici s'agencent et s'emboĂźtent l'une dans l'autre dans cette course contre le sens : l’aventure d’une Ă©criture. Quand, « dans tout l'Ă©pouvantable dĂ©dale oĂč, d'Ă©chos en Ă©chos, mon existence s'Ă©ternise », le sens finit par rattraper la description, « Chute, chut Ă  la fin
 », le rĂ©cit se suicide.

Théorie du Nouveau Roman

Principaux travaux dirigés par Jean Ricardou[59] :

  • Nouveau roman : hier, aujourd'hui, Cerisy-la-Salle, 1971[60].
  • Claude Simon : analyse, thĂ©orie, Cerisy-la-Salle, 1974[61].
  • Robbe-Grillet : analyse, thĂ©orie, Cerisy-la-Salle, 1975[62].
  • Pour une thĂ©orie matĂ©rialiste du texte, Cerisy-la-Salle, 1980[63].

Principaux travaux de ou dirigés par Roger-Michel Allemand :

  • Le « Nouveau Roman » en questions, Paris, Lettres modernes Minard, 5 vol., 1992-2004[64].
  • Le Nouveau Roman, Paris, Ellipses, 1996 et 2016[65].
  • Alain Robbe-Grillet. Balises pour le XXIe siĂšcle, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2010[66].

Quelques « nouveaux romanciers »

Bien qu'il soit difficile d'apparenter l'un ou l'autre auteur avec un mouvement hĂ©tĂ©rogĂšne et dĂ©structurĂ© Ă  l'image de son contenu mĂȘme, voici quelques auteurs qui s'apparentent au Nouveau Roman, au moins dans une partie de leur Ɠuvre (les sept premiers citĂ©s formant le noyau dur gĂ©nĂ©ralement reconnu du mouvement) :

ƒuvres

Dans son ouvrage La littérature française du XXe siÚcle, l'universitaire Henri Mitterand liste un certain nombre de romans que l'on pourrait rassembler sous l'étiquette du « Nouveau Roman »[67] :

Notes et références

  1. notamment grĂące Ă  un article fondateur "L'histoire dans l'histoire" repris dans ProblĂšmes du Nouveau Roman
  2. Co-dirigé avec Françoise van Rossum-Guyon)Nouveau Roman: hier, aujourd'hui, vol. 1. ProblÚmes généraux, vol. 2. Pratiques, rééd. Hermann, 2011
  3. Claude Simon, 10/18-UGE, 1975, rééd. Les Impressions Nouvelles, 1986
  4. Robbe-Grillet: analyse, théorie. 1. Roman/Cinéma, Robbe-Grillet: analyse, théorie. 2. Cinéma/Roman, 10/18-UGE, 1976
  5. jeanricardou.org
  6. Théorie du nouveau roman : 1967-1980.
  7. Éditions de Minuit
  8. Cette premiÚre formulation se trouve dans un essai initialement paru en 1961, « Aspects de la description créatrice, comme une postface à "Description panoramique d'un Quartier moderne" de Claude Ollier » (Médiations, no 3, 1961, p. 32), récrit sous le titre « La description créatrice, une course contre le sens » dans ProblÚmes du Nouveau Roman, éd. du Seuil, coll. "Tel Quel", 1967, p. 111, Intégrale Jean Ricardou, t. 3, Les Impressions Nouvelles, p. 116.]
  9. « Tentative de description », Cahiers du Sud, no 334,
  10. Le Monde, , p. 8-9. Voir « Robbe-Grillet Ă  Minuit », R. M. Allemand « Robbe-Grillet Ă  Minuit », L'Ă©crivain Ă©diteur, vol. 2 (François Bessire, dir.) ADIREL, coll. « Travaux de littĂ©rature », 2002, p. 32 et l'introduction de Daniel Bilous au volume Jean Ricardou. Du Nouveau Roman Ă  la Textique, Paris, Hermann, 2018, p. 7-14 John Marcus, Nouveau roman : l'origine d'une expression, 2013.« A chaud ! 70 ans de critique littĂ©raire », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  11. Il en ira de mĂȘme Ă  l'Ă©poque dans le domaine du cinĂ©ma pour le mouvement quasi contemporain de la Nouvelle Vague
  12. Presque un demi-siĂšcle aprĂšs, Ă©voquant les dĂ©buts du mouvement, Robbe-Grillet explique que d'un « commun accord » avec J. Lindon qui avait dĂ©jĂ  publiĂ© Beckett, ils ont « forgĂ© le mythe du Nouveau Roman, de ce groupe Ă  mon avis passionnant mais qui ne fut jamais une Ă©cole », Alain Robbe-Grillet, Entretiens complices (Roger-Michel Allemand, Ă©d.), Paris : Éditions EHESS, coll. « Audiographie », 2018, p. 69); voir aussi Les Derniers jours de Corinthe, Minuit, 1994, p. 84
  13. no7-8, Paris,
  14. « Voici dix romanciers », p. 18-9
  15. ibid., p. 19 ; voir Michel Sirvent "Robbe-Grillet et aprĂšs", Acta fabula, , vol. 19, n. 6
  16. Entretiens complices, op. cit., p. 55
  17. Galia Yanoshevsky, Les Discours du Nouveau Roman: Essais, entretiens, débats, Presses universitaires du Septentrion, , p. 306.
  18. Émile Henriot, « L'Ă©cole du regard », Le Monde, .
  19. Pourquoi alors ce changement, si brusque car suivant l'apogée romanesque du XIXe siÚcle, vient-il se placer dans le XXe ? Marquée par les deux guerres mondiales et l'esprit des hommes, l'époque est « encré[e] » (d'aprÚs l'expression consacrée de N. Sarraute) dans ce sentiment de vivre dans L'Ère du soupçon. Une révolution romanesque (car cela est sans appel) permet donc de traduire cette sensation de malaise et d'insécurité, mais aussi de casser la triste régularité d'une continuité littéraire jusque-là jamais remise en cause.
  20. "Littérature objective" (Critique, 1954), Essais critiques, Seuil, coll. Points, p. 30
  21. "Littérature littérale", Essais critiques, Seuil, coll. Points, p. 63
  22. Pour l'historien des idées Emmanuel Legeard, « S'il y a un point commun aux écrivains issus du Nouveau Roman, c'est qu'ils ne visent tous qu'à la subjectivité totale », Emmanuel Legeard, Entretiens Inactuels, Paris, Mallard, , 177 p. (ISBN 0244484791), p. 52
  23. M. Butor, “Recherche sur la technique du roman”, RĂ©pertoire II, Minuit, 1964, p. 92
  24. Voir de Jean Ricardou, "Temps de la narration, temps de la fiction, ProblĂšmes du Nouveau Roman, Seuil, coll. Tel Quel, 1967, p. 161-170
  25. Le Nouveau roman, p. 50
  26. ProblĂšmes du Nouveau Roman
  27. La Prise de Constantinople
  28. « Tome 3 - Écrits 1967-1968 », sur Le site du Fonds Jean Ricardou
  29. « Tome 5 - Écrits 1971 », sur Le site du Fonds Jean Ricardou
  30. « Tome 6 - Écrits 1972-1973 », sur Le site du Fonds Jean Ricardou
  31. « Tome 1 - Écrits 1956-1961 », sur Le site du Fonds Jean Ricardou
  32. « Tome 4 - Écrits 1969-1970 », sur Le site du Fonds Jean Ricardou
  33. Nouveau Roman: hier, aujourd'hui, vol. 1. ProblÚmes généraux, vol. 2. Pratiques, rééd. Hermann, 2011
  34. « Un aventurier de l'écriture », sur Le site du Fonds Jean Ricardou,
  35. Voir Michel Sirvent, "Robbe-Grillet: Le Nouveau Roman et aprÚs", section "Le Nouveau Roman revisité", Acta Fabula, , vol. 19, n. 6,
  36. J. Ricardou, « L'aventure d'une écriture », Magazine Littéraire, no 71, , p. 54
  37. Le Nouveau Roman, 5e tirage, p. 10, cité dans Un aventurier de l'écriture, op. cit., p. 16
  38. Un aventurier de l'Ă©criture, op. cit., chapitre 1, “La constitution du Nouveau Roman”
  39. Jean Ricardou, « Pour une théorie du Nouveau Roman », dans Intégrale 5, Les Impressions nouvelles, (ISBN 978-2-87449-692-9), p. 134, 327.
  40. Ricardou 2019, p. 208.
  41. Ricardou 2019, p. 305.
  42. Ricardou 2019, p. 319.
  43. Ricardou 2019, p. 322-323.
  44. Ricardou 2019, p. 328.
  45. La Pléiade, éd. 1954
  46. Nouveaux problĂšmes du roman, Ă©ditions du Seuil, p. 9
  47. Nouveaux problĂšmes du roman, op. cit., p. 20
  48. Nouveaux problĂšmes du roman, op. cit., p. 106-107
  49. Intégrale Jean Ricardou, tome 3, p. 429-431
  50. L'histoire dans l'histoire, ProblÚmes du Nouveau Roman, Intégrale Jean Ricardou (IJR) tome 3, p. 181
  51. Description et infraconscience chez Alain Robbe-Grillet, dans PNR, IJR tome 3, p. 91
  52. Le lapsus circulaire, publié aux Impressions nouvelles, 1988, épuisé. Lire en ligne ici: https://jeanricardou.org/edifications-minuscules-en-guise-de-colloque-a-la-gloire-de-leon-noel/le-lapsus-circulaire-prologue/
  53. Le Nouveau Roman, dans l'Intégrale Jean Ricardou (IJR) tome 6, p. 137
  54. ProblĂšmes du Nouveau Roman (PNR), dans IJR tome 3, p. 102
  55. Le lapsus circulaire, op. cit., p. 10
  56. PNR, op. cit., p. 114
  57. PNR, op. cit., p. 116
  58. Henri Mitterand, La Littérature française du XXe siÚcle, Paris, Arman Colin, coll. « 128 Tout le savoir », , 127 p. (ISBN 978-2-200-27012-4), p. 65-67
  59. Entre tradition et modernité.
  60. Cerisy-la-Salle, 1971.
  61. Cerisy-la-Salle, 1974.
  62. Cerisy-la-Salle, 1975.
  63. Pour une théorie matérialiste du texte, I, Cerisy-la-Salle, 1980.
  64. « An important series that, thanks to Allemand's efforts, has played a valuable role in the enhancement, in recent years, of the status of the nouveau roman. », Jean H. Duffy, The Romanic Review , p. 535.
  65. « Le recueil marque trĂšs nettement une Ă©tape nouvelle dans la critique du Nouveau Roman, Ă©tape ouverte par Roger-Michel Allemand lui-mĂȘme dans son ouvrage Le Nouveau Roman publiĂ© chez Ellipses en 1996, et auquel il est fait souvent rĂ©fĂ©rence par les diffĂ©rents auteurs. », Nicolas Lombart, Kritikon Litterarum, vol. 28, brochure 3, , p. 109.
  66. « Alain Robbe-Grillet : Balises pour le XXIe siÚcle », sur fabula.org (consulté le )
  67. Henri Mitterand, La littérature française du XXe siÚcle, Paris, Armand Colin, coll. « 128 Tout le savoir », , 127 p. (ISBN 978-2-200-27012-4), p. 65-67

Voir aussi

Roman

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.