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Nombre magique (physique)

En physique nucléaire, un nombre magique est un nombre de protons ou de neutrons pour lequel un noyau atomique est particuliÚrement stable ; dans le modÚle en couches décrivant la structure nucléaire, cela correspond à un arrangement en couches complÚtes.

Graphe de stabilité des isotopes. Voir les détails sur le site suivant : http://www.ostralo.net/3_animations/swf/diagrammeNZ_1.swf

Les sept nombres magiques vĂ©rifiĂ©s expĂ©rimentalement sont : 2, 8, 20, 28, 50, 82, 126[alpha 1] (suite A018226 de l'OEIS). Une approche thĂ©orique montre que 184 pourrait ĂȘtre le 8e nombre magique[alpha 1].

Les nombres magiques, dĂ©couverts dans les annĂ©es 1940, ont Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©s Ă  l’origine par des Ă©tudes empiriques ; cependant, si la forme du potentiel nuclĂ©aire est connue, alors il est possible de rĂ©soudre l’équation de Schrödinger pour le mouvement des nuclĂ©ons, et ainsi de calculer prĂ©cisĂ©ment les niveaux d’énergie nuclĂ©aires. On admet que les couches nuclĂ©aires apparaissent quand la sĂ©paration entre niveaux d’énergie dĂ©passe de façon significative la sĂ©paration locale moyenne.

Propriétés

Les noyaux atomiques ayant un tel nombre de protons ou de neutrons ont une Ă©nergie de liaison par nuclĂ©on plus Ă©levĂ©e que celle prĂ©dite par la formule de WeizsĂ€cker, et sont ainsi plus stables par rapport Ă  la dĂ©sintĂ©gration nuclĂ©aire. Les noyaux qui ont Ă  la fois un nombre de neutrons et un nombre de protons Ă©gaux Ă  l’un des nombres magiques sont dits doublement magiques, et sont particuliĂšrement stables. C’est par exemple le cas du plomb 208 qui est constituĂ© de 82 protons et 126 neutrons et est le plus lourd de tous les nuclĂ©ides stables existants. Le calcium 48, constituĂ© de 20 protons et 28 neutrons, est Ă©galement quasiment stable — avec une pĂ©riode radioactive de 4,3+3.8
−2.5
×1019 annĂ©es[2], c'est-Ă -dire trois milliards de fois l'Ăąge de l'univers — et ce malgrĂ© un nombre de neutrons Ă©levĂ© pour un Ă©lĂ©ment lĂ©ger.

Niveaux d'énergie nucléaires

RĂ©sultats du modĂšle en couches : nombres « magiques Â» et « semi-magiques Â»

Le modĂšle en couches standard — conceptualisĂ© notamment par les physiciens allemands Maria Göppert-Mayer et J. Hans D. Jensen, qui ont partagĂ© le prix Nobel de physique 1963 — propose l'organisation des nuclĂ©ons en niveaux d'Ă©nergie quantifiĂ©s comme prĂ©sentĂ© dans le tableau ci-dessous[3] (tenant compte du couplage spin-orbite, le spin Ă©tant indiquĂ© en indice) dont dĂ©rivent les nombres magiques de nuclĂ©ons dans le noyau atomique par un principe d'Aufbau cumulatif similaire Ă  celui des Ă©lectrons dans l'atome :


Sous-couche 1s 1/2 2 Ă©tats → 1er nombre magique = 2

Sous-couche 1p 3/2 4 Ă©tats nombre semi-magique : 6
Sous-couche 1p 1/2 2 Ă©tats → 2e nombre magique = 8

Sous-couche 1d 5/2 6 Ă©tats nombre semi-magique : 14
Sous-couche 2s 1/2 2 Ă©tats nombre semi-magique : 16
Sous-couche 1d 3/2 4 Ă©tats → 3e nombre magique = 20

Sous-couche 1f 7/2 8 Ă©tats → 4e nombre magique = 28

Sous-couche 2p 3/2 4 Ă©tats nombre semi-magique : 32
Sous-couche 1f 5/2 6 Ă©tats nombre semi-magique : 38
Sous-couche 2p 1/2 2 Ă©tats nombre semi-magique : 40
Sous-couche 1g 9/2 10 Ă©tats → 5e nombre magique = 50

Sous-couche 1g 7/2 8 Ă©tats nombre semi-magique : 58
Sous-couche 2d 5/2 6 Ă©tats nombre semi-magique : 64
Sous-couche 2d 3/2 4 Ă©tats nombre semi-magique : 68
Sous-couche 3s 1/2 2 Ă©tats nombre semi-magique : 70
Sous-couche 1h 11/2 12 Ă©tats → 6e nombre magique = 82

Sous-couche 1h 9/2 10 Ă©tats nombre semi-magique : 92
Sous-couche 2f 7/2 8 Ă©tats nombre semi-magique : 100
Sous-couche 2f 5/2 6 Ă©tats nombre semi-magique : 106
Sous-couche 3p 3/2 4 Ă©tats nombre semi-magique : 110
Sous-couche 3p 1/2 2 Ă©tats nombre semi-magique : 112
Sous-couche 1i 13/2 14 Ă©tats → 7e nombre magique = 126

Sous-couche 2g 9/2 10 Ă©tats nombre semi-magique : 136
Sous-couche 3d 5/2 6 Ă©tats nombre semi-magique : 142
Sous-couche 1i 11/2 12 Ă©tats nombre semi-magique : 154
Sous-couche 2g 7/2 8 Ă©tats nombre semi-magique : 162
Sous-couche 4s 1/2 2 Ă©tats nombre semi-magique : 164
Sous-couche 3d 3/2 4 Ă©tats nombre semi-magique : 168
Sous-couche 1j 15/2 16 Ă©tats → 8e nombre magique = 184

Les nombres dits « semi-magiques Â» correspondent Ă  la saturation d'une sous-couche nuclĂ©aire, tandis que les nombres dits « magiques Â» correspondent Ă  la saturation d'une couche nuclĂ©aire. Tous les nombres semi-magiques sont loin d'avoir Ă©tĂ© observĂ©s, tout dĂ©pend du degrĂ© de dĂ©gĂ©nĂ©rescence des sous-couches nuclĂ©aires ; les nombres magiques, en revanche, sont assez clairement mis en Ă©vidence par l'expĂ©rience.

Les noyaux constituĂ©s par un nombre magique de protons et un nombre magique de neutrons, dits « doublement magiques Â» (ou « doublement sphĂ©riques Â») sont particuliĂšrement stables, ceux qui sont radioactifs ayant une radioactivitĂ© infĂ©rieure Ă  celle attendue Ă  partir de la formule de WeizsĂ€cker issue du modĂšle de la goutte liquide :

  • hĂ©lium 4 avec 2 protons et 2 neutrons, stable ;
  • oxygĂšne 16 avec 8 protons et 8 neutrons, stable ;
  • silicium 42 avec 14 protons et 28 neutrons, plus stable que calculĂ© bien qu'il ait deux fois plus de neutrons que de protons[4] ; le nombre 14 apparaĂźt ici comme semi-magique et marquerait la saturation de la sous-couche nuclĂ©aire 1d 5/2 en plus des deux couches nuclĂ©aires sous-jacentes[3] ;
  • calcium 40 avec 20 protons et 20 neutrons, stable ;
  • calcium 48 avec 20 protons et 28 neutrons, quasi stable[alpha 2] malgrĂ© son excĂšs de neutrons ;
  • nickel 48 avec 28 protons et 20 neutrons, moins radioactif qu'attendu malgrĂ© son trĂšs fort excĂšs de protons ;
  • rhodium 103 avec 45 protons et 58 neutrons, seul isotope stable du rhodium qui, avec 45 protons, aurait une sous-couche 1g 9/2 remplie Ă  moitiĂ© (d'oĂč une moins grande stabilitĂ©) et ne serait stable qu'avec le nombre « semi-magique Â» de 58 neutrons ;
  • plomb 208 avec 82 protons et 126 neutrons, le plus massif de tous les nuclĂ©ides stables.

La multiplication d'observations de ce genre appuie le modÚle en couches du noyau atomique de façon convaincante depuis un bon demi-siÚcle.

Îlot de stabilitĂ© et nombres magiques

Les nombres magiques jouent un rĂŽle dĂ©terminant dans les stratĂ©gies suivies par les diffĂ©rentes Ă©quipes en quĂȘte de l'Ăźlot de stabilitĂ©, un ensemble hypothĂ©tique de nuclĂ©ides superlourds (Z≫100 et N≫250) qui seraient remarquablement stables malgrĂ© leur masse Ă©levĂ©e, avec des pĂ©riodes radioactives excĂ©dant peut-ĂȘtre la minute. La tentation premiĂšre serait de cibler un noyau doublement magique constituĂ© de 126 protons et 184 neutrons, c'est-Ă -dire l'unbihexium 310, mais les choses ne sont pas si simples.

En effet, si la situation est relativement claire pour les six premiers nombres magiques ainsi que pour le septiĂšme (et Ă  moindre mesure le huitiĂšme) nombre magique de neutrons[alpha 3], il semble que le septiĂšme nombre magique de protons soit peut-ĂȘtre diffĂ©rent de 126 en raison de l'effet du grand nombre de neutrons dans de tels noyaux[5], ce qui dĂ©place d'autant l'hypothĂ©tique Ăźlot de stabilitĂ© :

  • la thĂ©orie MM (pour Microscopic-Macroscopic) suggĂšre de rechercher un Ăźlot de stabilitĂ© concentrĂ© autour du flĂ©rovium 298, dont le noyau Ă  114 protons et 184 neutrons serait « doublement sphĂ©rique », Ă  la suite du plomb 208 ;
  • la thĂ©orie de champ moyen relativiste (RMF, pour Relativistic Mean-Field Theory) suggĂšre plutĂŽt un Ăźlot de stabilitĂ© diffus autour des noyaux 304Ubn, 306Ubb ou 310Ubh selon les paramĂštres retenus, c'est-Ă -dire avec 184 neutrons mais respectivement 120 protons, 122 protons ou 126 protons.

Cependant, des calculs fondés sur l'effet tunnel montrent que, si des noyaux doublement magiques ou sphériques étaient, dans ces régions, probablement stables du point de vue de la fission spontanée, ils devraient cependant subir des désintégrations α avec une période radioactive de quelques microsecondes[6] - [7] - [8]. C'est la raison pour laquelle on se concentre plutÎt aujourd'hui sur la recherche d'un ßlot de relative stabilité centré autour du darmstadtium 293 et défini par Z ∈ [104 ; 116] et N ∈ [176 ; 186].

Notes et références

Notes

  1. Les nombres magiques 126 et 184 ne concernent que les neutrons[1].
  2. Il est en fait lĂ©gĂšrement radioactif, mais si faiblement que sa pĂ©riode radioactive est estimĂ©e Ă  au moins 4×1019 annĂ©es, c'est-Ă -dire prĂšs de trois milliards de fois l'Ăąge de l'univers.
  3. Le plus lourd des nuclĂ©ides stables, le plomb 208, est ainsi constituĂ© de 82 protons et 126 neutrons, c'est-Ă -dire respectivement du sixiĂšme nombre magique de protons et du septiĂšme nombre magique de neutrons, validant par consĂ©quent ce dernier.

Références

  1. (en) Yuri Ts. Oganessian et Krzysztof P. Rykaczewski, « A beachhead on the island of stability », Physics Today, vol. 68, no 8,‎ , p. 32 (DOI 10.1063/PT.3.2880, lire en ligne).
  2. (en) A. Balysh et al., « Double Beta Decay of 48Ca », Physical Review Letters, vol. 77,‎ , p. 5186–5189 (DOI 10.1103/PhysRevLett.77.5186).
  3. Nuclear Shell Model : Table 1 – Nuclear Shell Structure, d'aprĂšs Maria Goeppert Mayer & J. Hans D. Jensen dans « Elementary Theory of Nuclear Shell Structure », John Wiley & Sons Inc., New York, 1955.
  4. (en) J. Fridmann, I. Wiedenhöver, A. Gade, L. T. Baby, D. Bazin, B. A. Brown, C. M. Campbell, J. M. Cook, P. D. Cottle, E. Diffenderfer, D.-C. Dinca, T. Glasmacher, P. G. Hansen, K. W. Kemper, J. L. Lecouey, W. F. Mueller, H. Olliver, E. Rodriguez-Vieitez, J. R. Terry, J. A. Tostevin, K. Yoneda, « "Magic" nucleus 42Si », Nature, vol. 435,‎ , p. 922-924(3) (DOI 10.1038/nature03619, lire en ligne, consultĂ© le )
  5. (en) Robert V. F. Janssens, « Nuclear physics: Elusive magic numbers », Nature, vol. 435,‎ , p. 897-898(2) (DOI 10.1038/435897a, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. (en) C. Samanta, P. Roy Chowdhury and D.N. Basu, « Predictions of alpha decay half lives of heavy and superheavy elements », Nucl. Phys. A, vol. 789,‎ , p. 142–154 (DOI 10.1016/j.nuclphysa.2007.04.001)
  7. (en) P. Roy Chowdhury, C. Samanta, and D. N. Basu, « Search for long lived heaviest nuclei beyond the valley of stability », Phys. Rev. C, vol. 77,‎ , p. 044603 (DOI 10.1103/PhysRevC.77.044603, lire en ligne)
  8. (en) P. Roy Chowdhury, C. Samanta, and D. N. Basu, « Nuclear half-lives for α -radioactivity of elements with 100 < Z < 130 », At. Data & Nucl. Data Tables, vol. 94,‎ , p. 781 (DOI 10.1016/j.adt.2008.01.003)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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