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Nicéphore Niépce

Joseph Niépce dit Nicéphore Niépce, né le à Chalon-sur-Saône (actuelle Saône-et-Loire) et mort le à Saint-Loup-de-Varennes (Saône-et-Loire), est un ingénieur français, connu comme étant l'inventeur de la photographie[1], appelée alors « procédé héliographique »[2] - [3].

Nicéphore Niépce
Portrait de Nicéphore Niépce.
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Joseph Nicéphore Niépce
Nationalité
Activités
Fratrie
Parentèle
signature de Nicéphore Niépce
Signature

Il est aussi l'auteur de la plus ancienne prise de vue et du pyréolophore, le premier moteur à combustion interne du monde.

Biographie

De 1765 à 1816

Joseph Niépce naît le 7 mars 1765 à Chalon-sur-Saône en Bourgogne sous le règne de Louis XV. Son père, Claude Niépce, conseiller du Roi, est avocat à la Cour, receveur des consignations à Chalon-sur-Saône et intendant du Duc de Rohan-Chabot qui le tenait en estime. Sa mère, née Claude Barault[4], est la fille d'Antoine Barault, avocat et conseiller du Roi[5]. Très aisée et l'une des plus anciennes de Chalon, la famille Niépce possède des propriétés dispersées autour de la ville, procurant à Joseph des revenus élevés[2]. Il adoptera le surnom de Nicéphore selon certains lors de la période révolutionnaire[6]; quand d'autres expliquent qu'il a choisi « Nicéphore » en 1787, mille ans après la fin du premier iconoclasme en 787, après avoir été renvoyé du lycée pour avoir montré des images de lanterne magique à sa classe[7].

De 1780 à 1788, ses études aux collèges des Oratoriens à Chalon-sur-Saône, Angers et Troyes font entrevoir pour Joseph une carrière ecclésiastique ; mais il semble que la vocation du jeune homme se soit émoussée. Il renonce à la prêtrise et s'engage dans l'armée révolutionnaire en 1792. Il s'installe à Nice et s'y marie avec Agnès Roméro qui met au monde Isidore en 1796[2]. Isidore se mariera à Eugénie Gaucher de Champmartin, fille de Marguerite Michon de Pierreclau et de Henri Gaucher de Champmartin, lequel ira jusqu'à vendre son château près d'Autun pour aider Nicéphore à financer ses inventions. Marguerite étant la sœur de l'héroïne de Jocelyn, le célèbre récit en vers de Lamartine, « bien des secrets du poète furent déchiffrés dans l’intimité de la famille Niépce » (Musée Maison Niépce)[8].

Dix ans plus tard, Nicéphore est de retour en Bourgogne. À trente-six ans, Niépce retrouve sa terre natale, sa mère, sa sœur Claudine-Antoinette et ses deux frères Claude, l'aîné, et Bernard. Les années suivantes sont consacrées à la mise en valeur de ses propriétés et à ses inventions le « pyréolophore ». Le Rapport sur une nouvelle machine inventée par MM Niepce et nommée par eux pyréolophore est lu par MM Berthollet et Lazare Carnot le à l'Institut de France. Relayée dès le par le Journal de l'Empire, « la nouvelle défraya la chronique et se répandit aux quatre coins de l'empire ». Ce premier moteur à explosion sera breveté en 1807. Bien que jamais commercialisé, il apportera une certaine renommée, partagée avec Claude, à leurs talents d'inventeur[9].

Nicéphore soumet aussi un projet pour la rénovation de la machine hydraulique de Marly et mène des expériences sur la culture du pastel, dont le développement est favorisé par le blocus continental.

Tous ces travaux, l'état de guerre permanent propre au premier Empire, le renchérissement de toutes choses amènent leur cortège de difficultés financières et Niépce contracte le premier d'une longue série d'emprunts.

La genèse de l'invention de la photographie

1816 est l'année des premières recherches « héliographiques », menées conjointement à celles du pyréolophore. Fin 1817, son frère Claude part en Angleterre tenter de vendre leur moteur et continuer ses propres travaux sur le « mouvement perpétuel ». La correspondance des deux frères durant les onze années suivantes sera un véritable almanach de l'avancement des recherches et des premiers succès photographiques. En 1824, enfin, Nicéphore peut écrire à son frère : « La réussite est complète ».

Hélas, la situation de la famille est catastrophique : les dettes s'élèvent à 1 800 000 francs et l'on songe sérieusement à vendre des propriétés pour rembourser des créanciers devenus impatients.

D'après la lettre à son frère Claude, datée du [10], il semble que ce soit à cette date que Nicéphore Niépce obtient un premier résultat significatif : une vue depuis sa fenêtre. Il s’agit d’un négatif que Niépce ne parvient pas à fixer. Après son développement, le papier continue de se noircir. Il appelle cette image rétine : « je plaçai l'appareil dans la chambre où je travaille ; en face de la volière, les croisées ouvertes ; je fis l'expérience d'après le procédé que tu connais, mon cher ami et, je vis sur le papier blanc toute la partie de la volière qui pouvait être aperçue de la fenêtre et une légère image des croisées qui se trouvaient moins éclairées que les objets extérieurs. »

En 1822, Niepce parvient à copier le portrait dessiné du pape Pie VII sur une plaque de verre enduite de bitume de Judée, par la simple action de la lumière. Cette date est retenue pour être celle de l'invention du procédé photographique par l'immense plaque commémorative érigée à Saint-Loup-de-Varennes et sur laquelle est inscrit : "DANS CE VILLAGE, NICEPHORE NIEPCE INVENTA LA PHOTOGRAPHIE EN 1822."[11]

Une nature morte réalisée par Niépce et connue sous le titre La table servie a été considérée par certains chercheurs comme la première photographie, prise avant 1825[12]. L'original, offert par le petit-fils de Nicéphore, Eugène Niépce, à la Société française de photographie en 1890, a, aujourd'hui, disparu. Il en subsiste une reproduction réalisée par la SFP en 1891. Les recherches de J.-L. Marignier[13] ont, depuis, conclu qu'il s'agissait plus vraisemblablement d'une image prise en 1832 ou 1833, par un procédé original, le physautotype, mis au point par Niépce et Daguerre dans le cadre de leur collaboration, entre 1829 et 1833 (cf. infra)[14].

Point de vue du Gras, la plus ancienne photographie conservée, réalisée par Nicéphore Niépce en 1827.

En 1827[15], Niépce réalise la photographie intitulée le Point de vue du Gras, prise depuis la fenêtre de sa maison de Saint-Loup-de-Varennes, près de Chalon-sur-Saône. Il utilise pour cela une plaque d’étain[16] et du bitume de Judée, provenant de l'asphalte des mines de Seyssel (Ain). Après avoir reconstitué le procédé dans les années 1990 et, en s'appuyant sur les témoignages d'époque[17], J.-L. Marignier a estimé que le temps de pose avait dû être de plusieurs jours[18].

Parallèlement, l'inventeur lie ses premières relations avec le graveur Augustin François Lemaître de Paris. Nicéphore Niépce fait appel à Augustin Lemaître, pour le conseiller et effectuer des tirages sur papier à partir de ses plaques gravées. Augustin Lemaître l'aida dans la réalisation d'images gravées sur du cuivre en traitant par la méthode des eaux-fortes, et obtenir des images avec le bitume[19].

Niépce lie également des relations avec l'ingénieur-opticien Vincent Chevalier, C'est grâce à ce dernier que Louis Daguerre écrit une première lettre à Niépce en 1826. Les contacts entre les deux hommes sont peu fréquents : Niépce est assez méfiant, Daguerre plutôt pressant. Nicéphore envoie avec parcimonie des échantillons (parfois tronqués) de ses réussites tandis que Daguerre, lui, n'envoie que des promesses…

1827 est une année décisive. Bien que miné par des difficultés de tous ordres, Niépce prend conscience du degré d'achèvement de son invention et cherche des contacts pour la faire reconnaître et la perfectionner. Claude tombe toutefois gravement malade et il faut partir pour l'Angleterre où la situation est, là aussi, calamiteuse : épuisé par ses recherches, n'ayant pas réussi à négocier le pyréolophore, Claude sombre dans la démence et meurt peu après. Lors de leur passage à Paris, Niépce et sa femme nouent des relations avec des scientifiques, mais sans suite. Mêmes résultats en Angleterre malgré de flatteuses rencontres avec des membres de la Royal Academy.

L'association avec Daguerre et la mort de l'inventeur

Au début de 1828, retour à Chalon-sur-Saône : Daguerre se montre de plus en plus désireux de connaître de nouveaux résultats. Le premier projet d'association entre Niépce et Daguerre voit le jour en octobre 1829. Le but de l'association est de commercialiser les fruits de la nouvelle découverte, à parts égales. Niépce apporte son invention, Daguerre ses relations et son « industrie ». Au cours des années suivantes, la collaboration devient plus étroite : une correspondance s'établit entre Chalon-sur-Saône et Paris. On use même, pour préserver le secret, d'un code chiffré désignant les éléments utilisés (13=la chambre noire, 56=le Soleil, 5=le bitume de Judée, etc.). Ce code compte jusqu'à cent une références. Les lettres échangées montrent que Daguerre est surtout préoccupé de la gestion de son « diorama » et que les recherches sont essentiellement le fait de Niépce (bien que Jacques Louis Daguerre parle de « nos » recherches).

En 1832 enfin, Daguerre réalise pour Niépce un bilan de ses propres travaux d'où il ressort que l'un et l'autre, avec les mêmes produits, obtiennent des résultats différents ; il est toutefois à noter — et cela n'est pas sans importance — que jamais Daguerre n'a pu montrer à Niépce le moindre résultat de ses essais. Mais les choses avancent. Au début de 1833, cependant, Daguerre, malade, suggère la remise à plus tard de certains essais.

Le à 19 h, Nicéphore Niépce meurt subitement dans sa maison de Saint-Loup-de-Varennes. Il repose depuis au cimetière du village.

Le , François Arago présente à la chambre des Députés son rapport sur le daguerréotype[20]. Cette communication livre « à l'univers tout entier » le secret du procédé de Louis Daguerre. Arago oublie seulement de préciser que l'invention dont il est question est née depuis déjà quinze ans du génie d'un autre homme : Nicéphore Niépce. En 1841 commence une polémique sur la paternité de l'invention. Le fils de Nicéphore Niépce, Isidore Niépce, publie un livre intitulé Historique de la découverte improprement nommée daguerréotype[21]. Il faudra quelques années pour que la paternité de l'invention, confisquée un temps par Daguerre, soit définitivement rendue à Niépce.

Vers 1853, Abel Niépce de Saint-Victor améliore la technique de son oncle sous le nom d'héliogravure.

Hommages et lieux de mémoire

  • Rue en centre-ville de Martigues
  • Rue à Saint-Priest (F69800)
  • Rue à Clermont-Ferrand (63000)

Notes et références

  1. Willfried Baatz, Photography: An Illustrated Historical Overview, New York, Barron's, (ISBN 0-7641-0243-5, lire en ligne), 16
  2. « Joseph Nicéphore Niépce », sur fiches.lexpress.fr (consulté le ).
  3. « World's oldest photo sold to library », BBC News, (lire en ligne, consulté le ) :
    « The image of an engraving depicting a man leading a horse was made in 1825 by Nicéphore Niépce, who invented a technique known as heliogravure. »
  4. Ou Baraut, selon son acte de mariage, ou Barrault, selon l'acte de baptême de sa fille, cf. Manuel Bonnet et Jean-Louis Marignier, Niépce correspondance et papiers, op. cit.
  5. Archives départementales de Saône et Loire, 4 E 76/31,Registre paroissiaux de Saint-Jean de Maizel, Contrat de mariage entre Claude Niépce et Claude Barault, 11 avril 1761.
  6. « Niépce, l’inventeur qui ne sut jamais se vendre », Le Bien public, 7 août 2014.
  7. Daniel Girardin, « Niépce versus Ste Véronique », in Nicéphore Niépce, une nouvelle Image, Actes du colloque Nicéphore Niépce, 15-16 janvier 1998, Société des amis du Musée Nicéphore Niépce, Chalon-sur-Saône, 1999.
  8. « musée Nicéphore Niépce - Archives Niepce - Inventeur de la photographie », sur www.archivesniepce.com (consulté le )
  9. Manuel Bonnet et Jean-Louis Bruley, Niepce, une autre révolution à l'ombre du grand Carnot. Essai de bibliographie raisonnée du premier moteur à combustion interne (1806)., Chalon-sur-Saône, Université pour tous de Bourgogne, centre de Chalon sur Saône, , 306 p. (ISBN 979-10-93577-01-2).
  10. Manuel Bonnet & Jean-Louis Marignier, « Niépce correspondance et papiers », (consulté le ).
  11. « Site de la Maison Nicéphore Niepce »
  12. « Catalogue des œuvres », sur Niepce.com (consulté le ).
  13. Jean-Louis Marignier, Niépce : L'invention de la photographie, Paris, Belin, , 592 p. (ISBN 2-7011-2433-6), p. 478-491.
  14. « Le physautotype », sur Niepce.com (consulté le ).
  15. Entre le solstice d'été et la fin du mois de juillet, cf. Jean-Louis Marignier, « Aux origines de la photographie : Nicéphore Niépce », Académie des beaux-arts, , p. 53-84 (lire en ligne) et Jean-Louis Marignier, « Histoire de la redécouverte des procédés de l'invention de la photographie par Nicéphore Niépce », Histoire de la recherche contemporaine, vol. 1, no 2, , p. 145-156.
  16. La photographie -Histoire - Techniques - Art, Éd. Larousse, 2008, p. 12.
  17. Le Constitutionnel du 20 août 1839, p. 2, « "Le procédé de M. Daguerre" », sur Gallica, (consulté le ).
  18. Jean-Louis Marignier, Niépce : L'invention de la photographie, Paris, Belin, , 592 p. (ISBN 2-7011-2433-6), p. 532-536.
  19. Biographie de Nicéphore Niépce, musée Nicéphore Niépce.
  20. François Arago, Rapport de M. Arago sur le daguerréotype, Bachelier, , 54 p. (lire en ligne).
  21. Isidore Niépce, Historique de la découverte improprement nommée daguerréotype, Astier, , 72 p. (lire en ligne).
  22. Statue qui fut replacée en 1946, après avoir été mise en sécurité pendant l'Occupation. Source : Alain Dessertenne, « Les Statues publiques en Saône-et-Loire. 1re partie : Les Statues aux illustres », revue trimestrielle Images de Saône-et-Loire no 205 de mars 2021, p. 6-11.

Voir aussi

Bibliographie

  • Isidore Niépce, Historique de la découverte improprement nommée daguerréotype, Librairie Astier, 1841 [lire en ligne] [PDF]
  • Raymond Lécuyer, Histoire de la photographie, Brachet et Cie, 1945
  • André Vigneau, Brève histoire de l'Art de Niépce à nos jours, Robert Lafont, 1963
  • Yvan Christ, L'âge d'or de la photographie, Vincent, Fréal et Cie Éditeurs, 1965
  • Joseph Nicéphore Niépce Lettres, 1816-1817 : Correspondance conservée à Chalon-sur-Saône, Rouen, Pavillon de la photographie du Parc naturel régional de Brotonne, , 190 p. (OCLC 462835035, LCCN 74180136)
  • Jean-Claude Lemagny et André Rouillé, Histoire de la photographie, Bordas, 1986
  • Isidore Niépce et Victor Fouque, Nicéphore Niépce : sa vie, ses essais, ses travaux (reproductions en fac-similé de : Isidore Niépce, Historique de la découverte improprement nommée daguerréotype, Astier, 1841 ; et de : Victor Fouque, Nicéphore Niépce, la vérité sur l'invention de la photographie, Librairie des auteurs et de l'Académie des bibliophiles, 1867), Jean-Michel Place, 1987 (ISBN 2907284126 et 9782907284127)
  • Paul Jay, Niépce, genèse d'une invention, Chalon-sur-Saône, Société des amis du musée Nicéphore Niépce, 1988 (ISBN 2907284126 et 9782907284127)
  • Odette Joyeux, Le troisième œil, Ramsay 1990
  • Jean-Louis Marignier, Niépce, l'Invention de la photographie, Belin, Paris, 1999 (ISBN 2701124336)
  • Manuel Bonnet & Jean-Louis Marignier, Niépce correspondance et papiers, Maison Nicéphore Niépce, 2003 [lire en ligne] (ISBN 2952092109))
  • Germain Arfeux, Niépce, l'homme qui tua le temps, La Douix, 2019 (ISBN 978-2-9549039-6-5)

Iconographie

Articles connexes

Liens externes

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