Myriophyllum heterophyllum
Myriophyllum heterophyllum, aussi appelĂ© Myriophylle hĂ©tĂ©rophylle, de la famille des Haloragaceae est une plante herbacĂ©e, vivace et amphibie originaire du sud-Est des Ătats-Unis. Elle est rĂ©cemment devenue envahissante dans certains pays oĂč elle a Ă©tĂ© introduite (a priori accidentellement)[2] et est maintenant considĂ©rĂ©e comme telle en France et Belgique notamment ; inscrite sur la liste dâalerte de lâOEPP en 2009[3] et depuis 2014 dans le rĂšglement europĂ©en sur les espĂšces envahissantes[4]. Sa dispersion peut ĂȘtre favorisĂ©e par la mondialisation des Ă©changes et le transport des marchandises via les canaux (qui jouent le rĂŽle de couloirs de dispersion).
Cette plante vit originellement dans les eaux tempérées à tiÚdes et stagnantes ou à courant lent, mais semble présenter une grande capacité d'adaptation favorisant son acclimatation hors de son aire naturelle de répartition ; le réchauffement climatique peut contribuer à son développement en Europe.
Ătymologie
Myriophyllum heterophyllum tire son nom du grec ancien et du latin. En effet ÎŒÏ ÏÎčÏÏÏ Î»Î»ÎżÎœ (myriÏphyllon) vient des mots grecs ÎŒÏ ÏÎŻÎżÏ (murĂos) et ÏÏÎ»Î»ÎżÎœ (phĂșllon) signifiant respectivement "trĂšs nombreux" et "feuilles"[5]. "heterophyllum" vient du latin et signifie "feuilles diffĂ©rentes" (la plante possĂšde 2 types de feuilles, immergĂ©es et Ă©mergĂ©es, trĂšs diffĂ©rentes).
Description
Appareil végétatif
Les tiges noueuses immergées du Myriophyllum aquaticum mesurent, en général, entre 15 et 60 cm, mais elles peuvent dépasser le mÚtre de long. Cependant, le diamÚtre des tiges reste petit : de quelques millimÚtres à peine. Elles supportent de nombreuses feuilles pennées (en forme de plume), verticillées (par 5 le plus souvent)[2].
Les tiges émergées mesurent 3 à 15 cm et exceptionnellement jusqu'à 35 cm, supportant des feuilles dentées et verticillées (par 4 à 6)[2].
Deux types de racines existent : les racines glabres et les racines aérifÚres.
Les feuilles sont de type pennatiséqué et verticillé. Leur couleur dépend de leur position par rapport à la surface de l'eau : les feuilles immergées sont d'un vert plus clair que les tiges et feuilles poussant verticalement hors de l'eau.
Fleurs : elles sont petites et roses, ce qui la distingue de Myriophyllum aquaticum (synonyme Myriophyllum brasiliense[6] - [7]).
Risques de confusion :
- autres Myriophylles,
- Cornifles (Ceratophyllum sp.)
- Selon l'Ornera, une espĂšce australienne trĂšs proches (aux mĂȘmes forme et taille de bractĂ©es) est aussi cultivĂ©e comme plante ornementale en Europe : Myriophyllum simulans qui prĂ©sente toutefois 8 Ă©tamines et non 4 [8].
Fleurs
Les fleurs du Myriophyllum heterophyllum que lâon retrouvera Ă lâaisselle des feuilles des rameaux Ă©mergĂ©s sont toutes petites, unisexuĂ©es et solitaires. Cette plante est dioĂŻque. On retrouvera donc des individus mĂąles, dâune part, et femelles, dâautre part. Les fleurs mĂąles et femelles prĂ©sentent des morphologies diffĂ©rentes. Les fleurs mĂąles possĂšdent 4 sĂ©pales blancs soudĂ©s entre eux Ă la base, ainsi quâune corolle Ă 4 pĂ©tales. Les fleurs femelles possĂšdent Ă©galement 4 sĂ©pales blancs soudĂ©s, mais contrairement aux mĂąles, elles ne possĂšdent pas de pĂ©tales.
Fruits
Quatre akĂšnes soudĂ©s entre eux forment ce que lâon appelle le fruit du Myriophyllum aquaticum, ce dernier Ă©tant alors qualifiĂ© de tĂ©trakĂšne. Chaque fruit mesure 0,5 mm de long sur 0,3 mm de large et contient 4 graines.
EspĂšces voisines
Myriophyllum est un genre végétal comprenant 45 espÚces différentes, dont les espÚces principales sont:
- Myriophyllum aquaticum
- Myriophyllum verticillatum L.
- Myriophyllum spicatum L.
- Myriophyllum farwelli Morong
- Myriophyllum hippuroides Nutt. Ex Torr. & Gray
- Myriophyllum humile (Raf. Morong)
- Myriophyllum laxum (Shuttlw. ex Chapman)
- Myriophyllum pinnatum (Walt.) B.S.P.
- Myriophyllum quitense Kunth
- Myriophyllum sibiricum Komarov
- Myriophyllum tenellum Bigelow
- Myriophyllum ussuriense (Regel) Maxim
Ces diffĂ©rentes espĂšces de Myriophyllum peuvent possĂ©der des caractĂ©ristiques proches, qui rendent leur distinction difficile. En effet, Myriophyllum heterophyllum peut facilement ĂȘtre confondue avec d'autres espĂšces (exotiques en Europe) Myriophyllum aquaticum et Myriophyllum robustum prĂ©sentant Ă©galement des tiges Ă©mergĂ©es[9].
Biologie, Ă©cologique
Répartition géographique
Myriophyllum heterophyllum est originaire du Sud-Est des Etats-Unis (de la Floride au centre et nord du Texas, mais avec un pĂ©rimĂštre encore discutĂ©[10]) mais retrouvĂ©e aujourdâhui dans de nombreux pays Ă la suite de sa diffusion par le commerce international notamment dans les pays de zone tempĂ©rĂ©e.
Hybridations
Elles existent avec des espĂšces proches ; ainsi a-t-on montrĂ© en 2006 que les populations envahissantes de Nouvelle Angleterre Ă©taient presque toutes constituĂ©es d'hybrides entre Myriophyllum heterophyllum et M. pinnatum[11]. Des hybrides avec dâautres espĂšces ont Ă©tĂ© observĂ©s aux Ătats-Unis (6) qui semblent encore plus envahissants (ex : M. heterophyllum x M. laxum). L'Anses, en se basant sur des travaux belges de l'OEPP[12], a suggĂ©rĂ© en 2011 d'Ă©tudier la possibilitĂ© dâune hybridation avec d'autres Myriophyllum indigĂšnes en France.
Habitat, niche Ă©cologique
Myriophyllum heterophyllum est une plante amphibie, c'est-Ă -dire pouvant se dĂ©velopper aussi bien immergĂ©e qu'Ă la surface de lâeau, avec une prĂ©fĂ©rence pour les eaux bien Ă©clairĂ©es, peu profondes, et d'une tempĂ©rature comprise entre 20 et 25 °C (marais, lacs, petits cours dâeau, rives, etc.) et plutĂŽt eutrophes (riches en Ă©lĂ©ments nutritifs). Elle ne semble pas dĂ©pendante d'un substrat trĂšs particulier du moment qu'il s'agisse d'un sĂ©diment fin.
Comme certaines de ses proches parentes prĂ©sentant aussi des caractĂ©ristiques de plantes envahissantes, cette espĂšces semble pouvoir sâaccommoder de milieux dont la tempĂ©rature, la luminositĂ©, la minĂ©ralisation ou encore le pH ne sont pas optimales pour elle.
M. heterophyllum est adaptĂ© ou s'est adaptĂ© au climat tempĂ©rĂ© europĂ©en ce qui lui permet de persister l'hiver mĂȘme sous un plafond de glace[13] - [14].
Cycle de vie
Cette plante a un cycle de vie dioïque. Sa floraison a lieu au printemps et en été. Deux types de reproduction sont possibles pour elle : sexuée (rare) et asexuée (commune).
- Reproduction sexuée
La reproduction sexuĂ©e va se faire trĂšs simplement : la floraison se fait au printemps ainsi quâen Ă©tĂ© et le pollen va ĂȘtre transportĂ© exclusivement par le vent jusquâĂ une autre fleur. - Reproduction asexuĂ©e
La reproduction asexuĂ©e se fait par allongement et fragmentation des tiges ou du rhizome. Ce mode de reproduction est trĂšs efficace ; permettant Ă la plante de former des populations qui sâĂ©tendent trĂšs vite, pouvant envahir en quelques annĂ©es un lac Ă©tang ou cours d'eau.
Interactions avec dâautres organismes
Dans son habitat dâorigine, Myriophyllum heterophyllum est harmonieusement intĂ©grĂ©e dans lesâ Ă©cosystĂšme oĂč elle se dĂ©veloppe. Son Ă©pais feuillage de surface protĂšge et nourrit de nombreux organismes aquatiques (poissons, invertĂ©brĂ©s...) et parfois terrestres ou semi-aquatiques. Les tiges Ă©mergĂ©es sont des supports pour divers insectes (libellules notamment).
Elle est notamment consommĂ©e par des colĂ©optĂšres de type Lysathia flavipes (Boheman), Listronotus marginicollis (Hustache) ou encore Lysathia ludoviciana (Fall.). Ces insectes se nourrissent typiquement de Myriophylle mais on ignore encore s'ils peuvent ĂȘtre utilisĂ©s sans risques pour une Ă©ventuelle lutte biologique contre l'espĂšce lĂ oĂč elle prolifĂšre.
Invasivité
En Europe, Myriophyllum heterophyllum est inscrite depuis 2017 dans la liste des espĂšces exotiques envahissantes prĂ©occupantes pour lâUnion europĂ©enne[15]. Cela signifie qu'elle ne peut pas ĂȘtre importĂ©e, cultivĂ©e, commercialisĂ©e, plantĂ©e, ou libĂ©rĂ©e intentionnellement dans la nature, et ce nulle part dans lâUnion europĂ©enne[16].
Mécanisme de prolifération
Myriophyllum aquaticum se montre localement trĂšs invasive grĂące Ă une reproduction asexuĂ©e trĂšs efficace. Elle a Ă©tĂ© introduite par lâhomme dans le monde entier, dont pour dĂ©corer des bassins et aquariums ou via les eaux de ballasts et les canaux.
La tige s'allonge rapidement et se fragmente notamment en présence de moteurs à hélice ou lors d'arrachages manuels ou mécaniques. Les crues, les éclusées et parfois des oiseaux aquatiques dispersent alors ces fragments de plantes qui génÚreront de nouvelles populations s'ils trouvent de bonnes conditions de vie.
Historique de lâimportation
Originaire du Sud-Est des Etats-Unis, Myriophyllum aquaticum a été introduite dans différents endroits du monde :
En Europe, lâespĂšce (signalĂ©e dĂšs les annĂ©es 1940 Ă©tait en 2016 signalĂ©e comme envahissante ou potentiellement envahissante en Belgique, Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche, en Espagne et en Hongrie selon l'EPPO (2016)[17]. Depuis 2008 certaines de ces populations sont un caractĂšre envahissant aux Pays-Bas[18].
En France, l'espĂšce a d'abord Ă©tĂ© repĂ©rĂ©e en 2011 (dans un Ă©tang du dĂ©partement de la Haute-Vienne en , dans la commune de Saint-Sylvestre Ă l'occasion d'une tournĂ©e de surveillance dâun agent de lâOffice national de la chasse et de la faune sauvage ; il y recouvrait « au moins 50% de la surface, principalement dans la partie centrale et plus profonde mais aussi en bordure »[18]). Puis elle fut signalĂ©e dans les Landes, le RhĂŽne et les PyrĂ©nĂ©es atlantiques et le Nord du pays (Somme, Nord...)[17] - [18]. En France l'espĂšce pose notamment problĂšme dans certains Ă©tangs et canaux de la vallĂ©e de la Somme (18 ha concernĂ©s en 2018[19]).
Conséquences de la prolifération
Comme d'autres Myriophyllum introduits, en raison d'une grande capacitĂ© de prolifĂ©ration, cette espĂšce peut former dâĂ©pais tapis vĂ©gĂ©taux qui bloquent la pĂ©nĂ©tration de la lumiĂšre solaire (dont UV dĂ©sinfectants) dans l'eau, ce qui peut altĂ©rer les propriĂ©tĂ©s physicochimiques du milieu ainsi que les microcurants qui mĂ©langent les couches d'eau (thermiques ou salines). Les autres algues et certaines espĂšces planctoniques ne peuvent alors plus se dĂ©velopper normalement ce qui altĂšre lâĂ©cosystĂšme.
Des phĂ©nomĂšnes d'obstruction de vannes, crĂ©pines de pompes ou grilles sont Ă©galement possibles, de mĂȘme qu'une certaine gĂȘne Ă la navigation de loisir.
Moyens de lutte
Plusieurs techniques sont proposées ou testées pour tenter de contrÎler ce Myriophylle et d'autres :
- les herbicides, qui sont efficaces mais dégradent les écosystÚmes. De plus la cuticule cireuse du Myriophylle aquatique est en surface assez épaisse pour imposer d'associer des agents de surface trÚs polluants ;
- la lutte mĂ©canique (faucardage, trait, arrachage manuel, etc. en hiver), qui n'est que momentanĂ©ment efficace, pouvant mĂȘme aggraver la situation en stimulant la diffusion et croissance de la plante, tout en coĂ»tant gĂ©nĂ©ralement cher. Les nĂ©erlandais ont testĂ© un systĂšme dit « Hydro-ventury » qui retire aussi les racines dans le sĂ©diment (EPPO, 2016) ;
- la pose de bùches privant la plante de lumiÚre (envisageable uniquement pour de faibles surfaces colonisées et important aussi d'autres espÚces) ;
- la mise en assec ou une forte baisse de niveau d'eau, pouvant limiter la croissance de la plante (EPPO, 2016) ;
- un biocontrÎle fongique a été suggéré, avec le champignon Pythium carolinianum comme candidat-agent de contrÎle biologique, mais il ne fait que ralentir la croissance de la plante et pourrait affecter d'autres espÚces.
Dans tous les cas, la pĂ©riphĂ©rie du chantier doit ĂȘtre garnie d'une barriĂšre filtrante (ex : grillages Ă maille 1 cm x1 cm) limitant le risque de re contamination d'autres zones[17].
Usages
- DĂ©cor : Cette plante est utilisĂ©e comme plante dĂ©corative dans des bassins d'agrĂ©ments extĂ©rieurs et en aquariophilie d'eau douce (autrefois en vente libre en Europe). Selon l'Ornera « La consultation de sites web et dâouvrages dâaquariophilie semble montrer que M. heterophyllum reste assez rarement importĂ© pour lâaquariophilie en France[20] mais il est nĂ©anmoins conseillĂ© pour les bassins extĂ©rieurs du fait de sa rĂ©sistance et de sa capacitĂ© dâenracinement qui avoisine 1 m de profondeur »[18].
- Phytoremédiation : Les Myriophyllum (en raison de leur croissance rapide et d'une relative bonne tolérance à de nombreux polluants) sont parfois utilisé en phytoremédiation pour absorber et/ou dégrader certains polluants (ex : TNT, DDT, perchlorate, certains résidus de pesticides ou d'antibiotiques[21].
Notes et références
- IPNI. International Plant Names Index. Published on the Internet http://www.ipni.org, The Royal Botanic Gardens, Kew, Harvard University Herbaria & Libraries and Australian National Botanic Gardens., consulté le 29 juillet 2020
- Fiche descriptive Gouvernement Wallon
- OEPP (2009) Myriophyllum heterophyllum in the EPPO region : addition to the EPPO Alert List. Reporting service n°1 (2009-01-01), 14-16
- RĂšglement UE1143
- « Myriophyllum alterniflorum », sur serres.u-bourgogne.fr (consulté le )
- « ITIS Standard Report Page: Myriophyllum aquaticum », sur www.itis.gov (consulté le )
- Agriculture and Agri-Food Canada;Government of Canada, « DĂ©tails de lâenregistrement - SystĂšme mondial d'information sur la biodiversitĂ© (SMIB) », sur www.cbif.gc.ca (consultĂ© le )
- Manual of the Alien Plants in Belgium - Myriophyllum heterophyllum http://alienplantsbelgium.be/content/myriophyllum- heterophyllum-0
- « Projet espÚces exotiques envahissantes - Fiche signalétique - Le myriophylle du Brésil »
- OEPP (2009) Data sheets on plant quarantine pests â Myriophyllum heterophyllum (09-15152).
- Moody M & Les.D (2002) Evidence of hybridity in invasive watermilfoil populations. PNAS 99:14867-14871
- OEPP (2011) Belgique : initiatives nationales sur le Code de conduite. Reporting service n°6 (2011-06-01), 16-19.
- Ahlburg N (2009) Pest Risk Analysis for Myriophyllum heterophyllum. 1-26.
- Thum RA 1 Lennon J.T (2010) Comparative ecological niche models predict the invasive spread of variable-leaf milfoil (Myriophyllum heterophyllum) and its potential impact on closely related native species. Biological Invasions12,133â 143
- « List of Invasive Alien Species of Union concern - Environment - European Commission », sur ec.europa.eu (consulté le )
- « RĂGLEMENT (UE) No 1143/2014 du parlement europĂ©en et du conseil du 22 octobre 2014 relatif Ă la prĂ©vention et Ă la gestion de l'introduction et de la propagation des espĂšces exotiques envahissantes »
- Fiche Myriophylle héterophylle par le groupe de travail IBMA, consulter le 14 aout 2018
- ANSES (2011) Note d'alerte initiale sur Myriophyllum heterophyllum ; Laboratoire de la santé des végétaux Unité Expertise Risques Biologiques ; Référence LSV de la saisine : LSV_MO_2011_018 -Expertise réalisée par : Unité Entomologie et Plantes invasives, G. Fried / expertise.lsv@anses.fr ; à Angers, publiée le 02 septembre 2011
- Une véritable pandémie : des algues vertes envahissent le canal de la Somme, France 3, consulté 14 août 2018
- (14) Allgayer, R., Allain, G., MaĂźtre-Allain,T., Breitenstein, A. (2007) EncyclopĂ©die visuelle de lâaquarium : 317-318.
- (en) « An Integrated Electrochemical-Phytoremediation Process for the Treatment of Industrial Wastewater », Phytoremediation: Management of Environmental Contaminants,â
voir aussi
Liens externes
- (en) Référence IPNI : Myriophyllum heterophyllum
- Fiche descriptive Gouvernement Wallon
- fiche INPN (Muséum, Paris)
- Fiche Ipane (Nouvelle Angleterre) ; Eddmaps.org