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Mosquée Ishak-Pacha

La mosquée Ishak-Pacha (en turc : İshak Paşa Camii, en grec moderne : Ισχάκ Πασά Τζαμί / Ischák Pachá Tzamí) ou Alaca Imaret (Αλάτζα Ιμαρέτ, littéralement « hospice multicolore »[1]), est un édifice ottoman situé à Thessalonique, dans la région de Macédoine-Occidentale, en Grèce. Abritant une mosquée, un imaret et une madrassa, le complexe fut érigé en 1484 par Ishak Pacha, grand vizir sous Mehmed II et sandjak-bey de Thessalonique sous Bayezid II. Restauré à la fin du XXe siècle, l'édifice est aujourd'hui ponctuellement utilisé comme espace culturel.

Mosquée Ishak-Pacha
Alaca Imaret
Image illustrative de l’article Mosquée Ishak-Pacha
La mosquée vue depuis le sud-ouest.
Présentation
Nom local Αλατζά Ιμαρέτ
Culte Musulman
Type Mosquée-zawiya, imaret et madrassa
Rattachement Municipalité de Thessalonique
Fin des travaux 1484 ou 1487
Architecte Yakub bin Abdullah
Autres campagnes de travaux Rénovation : 1845
Restaurations : 1967, 1978, 1985–1996
Style dominant ottoman, plan en T
Date de désacralisation années 1920
Protection Site archéologique de Grèce
Géographie
Pays Drapeau de la Grèce Grèce
Périphérie Macédoine-Occidentale
Ville Thessalonique
Coordonnées 40° 38′ 21″ nord, 22° 56′ 59″ est

Histoire

L'édifice fut commandité en 1484[2] - [3] ou 1487[4] par Ishak Pacha bin Ibrahim, gouverneur de Thessalonique de 1482 à 1487[5]. Cet important dignitaire ottoman, originaire d'İnegöl, près de Brousse, fut également grand vizir sous les règnes de Mehmed II et Bayezid II[6]. L'historien Machiel Kiel (en) affirme que le monument, œuvre de Yakub bin Abdullah[7], fut initialement élevé comme lieu de réunion de la confrérie soufie des Akhis[8]. Ahmed Ameen estime lui que le lieu fit avant tout office de mosquée[9]. Toujours est-il que la construction et les diverses fonctions socio-religieuses du complexe, celles de soupe populaire, d'hospice, d'école coranique[10], d'auberge et de lieu de prière, furent financées par les revenus tirés des propriétés d'Ishak Pacha. Ces dernières étaient principalement localisées en Chalcidique, notamment sur les pentes du mont Choriártis (en), à Galátista. Selon un waqf de 1487, la fondation d'Ishak Pacha employait un ensemble de vingt-trois personnes[9] - [11] - [12].

L'édifice connut une rénovation en 1845[13]. À l'issue de la Seconde Guerre mondiale et aux prémisses de la guerre civile, entre 1945 et 1946, le lieu accueillit des miliciens de l'Armée démocratique de Grèce[10]. En 1967, les deux colonnes en marbre situées aux extrémités du porche s'effondrèrent et furent remplacées deux ans plus tard par des colonnes en béton[10] - [14]. Placé sous la responsabilité du Service archéologique du ministère de la Culture en 1973[9], des mesures structurelles d'urgence furent mises en place à la suite du séisme de 1978 (en). L'édifice abrita un temps une troupe de scouts[10]. En 1985, le monument devint la propriété de la Municipalité de Thessalonique[14] et d'importants travaux de restauration furent conduits pendant une décennie en vue du titre de capitale européenne de la culture de Thessalonique en 1997[10]. Depuis 1996, le lieu fait office d'espace culturel temporaire[14].

Architecture

Le complexe de la mosquée Ishak-Pacha présente un plan en T inversé, unique en Grèce dans cet état de conservation malgré certaines ressemblances avec la mosquée Mehmed-Bey à Serrès[6]. La maçonnerie est en appareil cloisonné avec quatre rangées de fenêtres. Le plan général est celui d'une mosquée-zawiya de 261,5 m2[7], avec un imposant porche de 30 m de long et m de haut[8], aux arches recouvertes de plâtre coloré imitant l'apparence de pierre de taille de couleur blanche et rouge[15], surmonté de cinq dômes. Le dôme situé au centre du porche est caractérisé par une coupole sur pendentifs ornée de muqarnas. Matérialisant l'entrée du monument, le dôme central du porche est plus élevé que ces voisins[7] - [14]. Les deux grands dômes du vaisseau central mesurent 8,5 m de diamètre et reposent sur un haut tambour octogonal[16]. Selon le voyageur Evliya Çelebi, les onze dômes du complexe étaient recouverts de plomb[17] - [note 1].

Du porche, l'accès à l'espace intérieur s'effectue par un portail surmonté d'une inscription dédicatoire et encadré par deux niches[19]. La première pièce centrale carrée servait de lieu de rencontre et d'échanges entre les frères soufis et leurs invités. Un bassin occupait le centre de la pièce[8]. Les espaces latéraux, qui communiquent avec l'espace central grâce à des vestibules voutés en berceau de 5,4 × 1,6 m[13], abritaient les chambres des hôtes et étaient dotés de cheminées[20]. Dans le prolongement, le second espace central carré (eyvan) était dévolu à la prière[8]. Les deux salles centrales mesurent 19,30 × 8,80 m[21]. Des cuisines séparées, dont il ne reste aujourd'hui aucune trace, étaient localisées à proximité du minaret détruit à la suite du rattachement de la ville à la Grèce en 1912[22]. Ce minaret, dont il subsiste la base à l'angle nord-ouest, donna son nom populaire au monument de par ses motifs en « diamants » alternant briques blanches et rouges[17] - [note 2].

À l'intérieur, un riche décor de fresques colorées aux motifs floraux, d'inscriptions et de muqarnas[24] date pour l'essentiel de la rénovation de l'édifice en 1845[13]. Le mihrab en marbre fut lui aussi vraisemblablement restauré en 1845[14].

À noter que deux petits cimetières occupaient jusqu'en 1906 la cour de la mosquée ainsi qu'une fontaine, détruite en 1967[10].

Galerie

  • Vue de la mosquée depuis le nord en 1934.
    Vue de la mosquée depuis le nord en 1934.
  • Vue de la mosquée depuis l'est.
    Vue de la mosquée depuis l'est.
  • Entrée et coupole centrale du porche.
    Entrée et coupole centrale du porche.
  • La salle de prière.
    La salle de prière.

Notes et références

Notes

  1. Seuls les deux dômes de l'espace central sont de nos jours recouverts de plomb, à la suite de la campagne de restauration conduite entre 1993 et 1996[18]. Une photo du début du XXe siècle montre le monument encore pourvu de sa couverture de plomb[19].
  2. De nos jours, la mosquée centrale de Véria (en) est l'unique vestige en Grèce d'une ornementation de minaret en « diamants » bicolores[23].

Références

  1. « Alaça Imaret (hospice multicolore) », sur www.thessaloniki.gr (consulté le ).
  2. Líla Sabanopoúlou 2008, p. 229.
  3. Machiel Kiel 2005, p. 36.
  4. (en) Theoharis Stavrides, The Sultan of Vezirs: The life and times of the Ottoman Grand Vezir Mahmud Pasha Angeloviů (1453-1474), Leyde, Éditions Brill, (1re éd. 2001), 464 p. (ISBN 978-90-04-49233-2, lire en ligne), p. 412 et 413.
  5. (en) Theodoros Spandouginos (trad. de l'italien par Donald M. Nicol), Theodore Spandounes: On the origins of the Ottoman Emperors, Cambridge, Cambridge University Press, , 192 p. (ISBN 978-0-521-58510-1, lire en ligne), p. 14.
  6. Machiel Kiel 1990, p. 138.
  7. Ahmed Ameen 2017, p. 71.
  8. Machiel Kiel 2005, p. 37.
  9. Ahmed Ameen 2017, p. 75.
  10. Ioánnis Stavridópoulos 2015, p. 149.
  11. Machiel Kiel 2005, p. 38.
  12. Machiel Kiel 1990, p. 139.
  13. Ahmed Ameen 2017, p. 74.
  14. María Loúkma 2019, p. 46.
  15. Ahmed Ameen 2017, p. 72 et 73.
  16. Ahmed Ameen 2017, p. 73 et 74.
  17. (tr) Orhan Şaik Gökyay, Robert Dankoff, Seyit Ali Kahraman et Yücel Dağlı, Evliyâ Çelebi Seyahatnâmesi, t. 8, Istanbul, Yapı Kredi Yayınları, (1re éd. 1996), 1183 p. (ISBN 978-9750819766), p. 70.
  18. Líla Sabanopoúlou 2008, p. 231.
  19. Ahmed Ameen 2017, p. 73.
  20. Machiel Kiel 2005, p. 37 et 38.
  21. María Loúkma 2019, p. 45.
  22. Machiel Kiel 2005, p. 63.
  23. Machiel Kiel 2005, p. 39.
  24. Líla Sabanopoúlou 2008, p. 230.

Voir aussi

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Ahmed Ameen, Islamic architecture in Greece: Mosques, Alexandrie, Center for Islamic Civilization studies, Bibliotheca Alexandrina, , 271 p. (lire en ligne), p. 71–86. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Ahmed Ameen Fatouh, Byzantine influences on Early Ottoman Architecture of Greece (thèse de doctorat en archéologie byzantine de l'université nationale et capodistrienne d'Athènes), Athènes, , 270 p. (lire en ligne), p. 57–67. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Theodora Antonakaki, « Lighting and spatial structure in religious architecture: a comparative study of a Byzantine church and an early Ottoman mosque in the city of Thessaloniki », dans Proceedings, 9th International Space Syntax Symposium, Istanbul, 12–15 juin 2007, (lire en ligne), p. 057.1–057.14.
  • (grk) Dimítrios Danákis, Τρισδιάστατη αποτύπωση στο Αλατζά Ιμαρέτ Θεσσαλονίκης με Laser Scanner [« Impression 3D à l'Alaca Imaret de Thessalonique avec un scanner laser »] (mémoire de master de l'université Aristote de Thessalonique), , 93 p. (lire en ligne).
  • (en) Seda Kaplan Çinçin, Nevnihal Erdoğan et Meltem Ezel Çırpı, « Ottoman monumental buildings in Thessaloniki architectural heritage », Journal Of Emerging Economies And Policy, vol. 1, , p. 73–84 (ISSN 2651-5318, lire en ligne), p. 75 et 76.
  • (en) Machiel Kiel (en), « Notes on the History of Some Turkish Monuments in Thessaloniki and their Founders », dans Studies on the Ottoman architecture of the Balkans, t. 1, Aldershot, Varorium, , 368 p. (ISBN 978-0860782766, lire en ligne), p. 123–148. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Machiel Kiel, « Un héritage non désiré : le patrimoine architectural islamique ottoman dans l’Europe du Sud-Est, 1370–1912 », Études balkaniques, vol. 12, , p. 15–82 (ISSN 2102-5525, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (grk) María Loúkma, Τεχνολογια, υλικα δομησησ και παθολογια σε θρησκευτικα κτηρια τησ οθωμανικησ περιοδου [« Technologie, matériaux de construction et pathologie des bâtiments religieux de la période ottomane »] (thèse de doctorat de génie civil de l'université Aristote de Thessalonique), Thessalonique, , 362 p. (lire en ligne), p. 45–47. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Kyriaki Oudatzi, « Virtual reality in restoration of historic buildings: 3d model projection of the restoration project of Alaca Imaret Câmi with intuitive and interactive application through hyper realism technology », dans Proceedings of the 16th International Conference on Virtual Systems and Multimedia (VSMM) - Seoul, South Korea, 22–23 octobre 2010, (lire en ligne), p. 361–364.
  • (el) Líla Sabanopoúlou, « Aλατζά ιμαρέτ (ή Ισχάκ Πασά τζαμί) [ « Alaca imaret (ou mosquée Ishak Pacha) »] », dans Érsi Broúskari (dir.) et al., Η οθωμανική αρχιτεκτονική στην Ελλάδα [« L'architecture ottomane en Grèce »], Athènes, Ministère de la Culture et des Sports, , 494 p. (ISBN 960-214-792-X, lire en ligne), p. 229–231. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (grk) Ioánnis Stavridópoulos, Μνημεία του άλλου: η διαχείριση της οθωμανικής πολιτιστική κληρονομιάς της Μακεδονίας από το 1912 έως σήμερα [« Monuments de l'autre : la gestion du patrimoine culturel ottoman de Macédoine de 1912 à nos jours »] (thèse de doctorat de l'université d'Ioannina), Ioannina, , 441 p. (lire en ligne), p. 148–149.

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