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Mausolée d'Auguste

Le mausolĂ©e d'Auguste est un monument funĂ©raire construit Ă  partir de 28 av. J.-C. par Auguste — alors appelĂ© Imperator Caesar Divi Filius Octavianus — pour lui-mĂȘme et les membres de la famille impĂ©riale. Il est situĂ© Ă  Rome, au nord du Champ de Mars, non loin du Tibre, au bord de la via Flaminia. Il est visible, sur la Piazza Augusto Imperatore, Ă  proximitĂ© du MusĂ©e de l'Ara Pacis. Le modĂšle structurel et architectural qui a inspirĂ© l’édifice a fait dĂ©bat parmi les spĂ©cialistes pendant longtemps, certains y voyant une influence des tumulus Ă©trusques et d’autres considĂ©rant la bĂątisse comme rĂ©pondant Ă  un modĂšle hellĂ©nistique.

Mausolée d'Auguste
Image illustrative de l’article MausolĂ©e d'Auguste
Ruines du mausolée d'Auguste aprÚs restauration.

Lieu de construction Regio IX Circus Flaminius
Champ de Mars, Rome
Date de construction 28 av. J.-C.
Ordonné par Auguste
Type de bùtiment Mausolée
Le plan de Rome ci-dessous est intemporel.
Carte de la Rome antique montrant la localisation de Mausolée d'Auguste.
Mausolée d'Auguste
Localisation du mausolée dans la Rome antique (en rouge)

CoordonnĂ©es 41° 54â€Č 22″ nord, 12° 28â€Č 35″ est
Liste des monuments de la Rome antique

TrĂšs endommagĂ© par des siĂšcles de prĂ©dation fĂ©roce, de spoliation de ses matĂ©riaux d'ornement et par la rĂ©utilisation de ses maçonneries comme fondation pour d'autres Ă©difices, les vestiges qui subsistent ne constituent qu'un pĂąle reflet de son apparence originelle, ornĂ©e de marbres et de statues. Ce dĂ©laissement — paradoxal pour la tombe du fondateur de l'empire — explique en partie la façon dont les modernes ont reprĂ©sentĂ© cet Ă©difice, comme l'incarnation d'une ruine romantique. AprĂšs plusieurs dĂ©cennies de dĂ©laissement, la restauration du mausolĂ©e a dĂ©butĂ© en 2017, grĂące Ă  des fonds privĂ©s et publics. Le mausolĂ©e cĂ©lĂšbre sa rĂ©ouverture en 2021.

Histoire et fouilles archéologiques

Construction, fonctions et devenir dans l'Antiquité

Le monument fut construit sur la rive gauche du Tibre au bord de la via Flaminia[1], à la demande d'Octave, sans doute sur un terrain lui appartenant[2] en 28 av. J.-C.[3], aux lendemains de sa victoire sur Marc-Antoine à la bataille d'Actium et à la veille de la normalisation de ses pouvoirs par le Sénat, lui conférant le titre d'Auguste en 27 av. J.-C.

Un modÚle en débat

Pour certains archĂ©ologues et historiens, le mausolĂ©e prend comme « modĂšle architectural et idĂ©ologique » le tombeau d’Alexandre le Grand[3] — ou tout du moins les grands mausolĂ©es circulaires hellĂ©nistiques[4] comme celui d'Amphipolis par exemple — qu’Auguste avait visitĂ© en 30 av. J.-C. lors de son passage Ă  Alexandrie aprĂšs la fin de la guerre civile[3] - [5]. D'autres y voient plutĂŽt une rĂ©surgence de la tradition funĂ©raire italique du mausolĂ©e circulaire monumental, attestĂ©e dans le monde Ă©trusque dĂšs l'Ă©poque archaĂŻque, notamment Ă  Cerveteri et Ă  Tarquinia[6] - [1]. D'autres monuments funĂ©raires circulaires exactement contemporains ornaient dĂ©jĂ  les pĂ©riphĂ©ries de Rome Ă  la mĂȘme Ă©poque, comme la tombe de Caecilia Metella ou le Casal Rotondo sur la Via Appia.

Quel que soit le modĂšle Ă  l'origine de la conception du tombeau, le mausolĂ©e constitue en tout cas un exemple de communication politique et dynastique assumĂ©e de la part du nouveau souverain. Il inclut dans son caveau les membres de la famille impĂ©riale, ses plus proches dignitaires et collaborateurs — voire successeurs potentiels — et demanda Ă  ce qu'on affiche devant l'entrĂ©e de la tombe, sur deux piliers, son testament politique, les Res Gestae Divi Augusti.

Un tombeau pour la famille impériale

Le premier individu inhumĂ© dans le mausolĂ©e fut Marcellus, neveu d'Auguste, mort en 23 av. J.-C., dĂ©posĂ© avec les cendres d'Atia Balba Caesonia, mĂšre de l'empereur. Suivirent Marcus Vipsanius Agrippa, Drusus l'Ancien, Lucius et Caius CĂ©sar. Auguste y fut inhumĂ© en 14 ap. J.-C., suivi de prĂšs par Drusus le Jeune, Germanicus, Livie, puis TibĂšre. SuĂ©tone raconte que le corps d'Auguste fut rapportĂ© de Nola, qu'on lui fit deux Ă©loges funĂšbres, l'un devant le temple du Divus Julius, l'autre devant les Rostres, avant de le transporter, portĂ© sur les Ă©paules des sĂ©nateurs, sur le Champ de Mars pour y ĂȘtre incinĂ©rĂ©. AprĂšs avoir dĂ©posĂ© les cendres dans le monument, ils laissent l'Ă©difice ouvert au public afin qu'il puisse se promener dans les bosquets dont il Ă©tait entourĂ©.

Le monument conserva une fonction funĂ©raire et fut le principal mausolĂ©e impĂ©rial jusqu'Ă  la fin du Ier siĂšcle de notre Ăšre. Par la suite, le mausolĂ©e d'Hadrien prit le relais de cette fonction (Trajan faisant dĂ©poser ses cendres sous la Colonne Trajane). Un dernier dĂ©pĂŽt funĂ©raire est attestĂ© au dĂ©but du IIIe siĂšcle apr. J.-C., avec les cendres de Julia Domna, la femme de Septime SĂ©vĂšre, pourtant issue d'une dynastie diffĂ©rente, sans lien avec la famille d'Auguste. Les dĂ©pĂŽts funĂ©raires contenus dans le mausolĂ©e tĂ©moignent de l'usage conjoint et contemporain de l'incinĂ©ration et de l'inhumation en sarcophage. Philippe Fleury estime que Claude, Britannicus et Nerva y furent inhumĂ©s[7]. NĂ©ron, empereur qui subit la damnatio memoriae, et Julia, fille d’Auguste, n’y furent pas enterrĂ©s, en partie du fait de leurs disgrĂąces respectives (Julie ayant Ă©tĂ© condamnĂ©e Ă  l'exil par Auguste et n'ayant pas Ă©tĂ© rappelĂ©e par TibĂšre, son Ă©poux, lors de son accession au trĂŽne).

  • Situation urbaine du mausolĂ©e d'Auguste en 1748 (Nolli, Nuova Topografia di Roma, 1748).
    Situation urbaine du mausolée d'Auguste en 1748 (Nolli, Nuova Topografia di Roma, 1748).
  • Plan du mausolĂ©e d'Auguste par le PiranĂšse.
    Plan du mausolée d'Auguste par le PiranÚse.
  • Vue des ruines du mausolĂ©e d'Auguste, dont le sommet est occupĂ© par un jardin d'agrĂ©ment, par Étienne PĂ©rac, en 1600.
    Vue des ruines du mausolĂ©e d'Auguste, dont le sommet est occupĂ© par un jardin d'agrĂ©ment, par Étienne PĂ©rac, en 1600.
  • IntĂ©rieur du mausolĂ©e d'Auguste.
    Intérieur du mausolée d'Auguste.
  • Maquette du mausolĂ©e d'Auguste au musĂ©e de la civilisation romaine Ă  Rome.
    Maquette du mausolée d'Auguste au musée de la civilisation romaine à Rome.
  • Panorama de l'entrĂ©e du mausolĂ©e d'Auguste.
    Panorama de l'entrée du mausolée d'Auguste.

Devenir à la fin de l'Antiquité et aux époques ultérieures

Le monument fut saccagĂ© lors du sac de Rome par Alaric en 410, les urnes furent volĂ©es, les tables de bronze des Res Gestae arrachĂ©es et fondues et les cendres dispersĂ©es. L’urne d'Agrippine, qui servit durant tout le Moyen Âge de mesure Ă  blĂ©, est conservĂ©e au musĂ©e du Capitole. Au XIIe siĂšcle, le mausolĂ©e est transformĂ© en rĂ©duit fortifiĂ© par les Colonna, pratique courante Ă  Rome consistant Ă  rĂ©utiliser les substructions de monuments antiques pour y Ă©tablir des bastions privĂ©s seigneuriaux. Les Caetani firent de mĂȘme avec le Tombeau de Caecilia Metella, les Orsini au thĂ©Ăątre de PompĂ©e, les Orsi sur le Capitole[8]. Une partie des marbres du mausolĂ©e fut probablement rĂ©duit en chaux dans les fours du port fluvial voisin de Ripetta[8], avant de devenir aux XVe et XVIe siĂšcles un jardin, puis une vigne.

Au dĂ©but du XVIe siĂšcle, le monument se trouve entre les mains des Orsini, notamment, Ă  partir de 1512, Franciotto Orsini ; au cours du siĂšcle, le quartier se repeuple et les terrains adjacents prennent de la valeur : la spĂ©culation sur les maisons bĂąties contre le mausolĂ©e fait considĂ©rablement augmenter le prix des matĂ©riaux et des statues qu'on y prĂ©lĂšve pour les vendre. En 1519, des fouilles sont effectuĂ©es au pied du mausolĂ©e : elles permettent de mettre au jour l'un des deux obĂ©lisques qui en avaient dĂ©corĂ© l'entrĂ©e dans l'AntiquitĂ© ; en 1587, Sixte V le fait transporter au chevet de l'Ă©glise de Sainte-Marie-Majeure. Il devient possession des Soderini, qui en font un jardin d'agrĂ©ment Ă  l'Ă©cart du cƓur de la ville[8].

Au XVIIIe siĂšcle, en 1780 prĂ©cisĂ©ment, il est transformĂ© en amphithĂ©Ăątre, puis en salle de concert sur ordre du Marquis Correa, dont la famille s'Ă©tait constituĂ©e propriĂ©taire du mausolĂ©e Ă  la fin du XVIIe siĂšcle. La structure, en bois, fut utilisĂ©e pour divers spectacles : combats d'animaux, tauromachie, feux d'artifice. Il porte alors le nom d'amphithĂ©Ăątre Correa. En 1796, le nouveau propriĂ©taire, le marquis Vivaldi Armentieri, convertit la structure en bois en Ă©difice permanent en brique. À partir de 1810, la salle est utilisĂ©e quotidiennement pour y donner des piĂšces de thĂ©Ăątre. Elle porte, Ă  la fin du XIXe siĂšcle, le nom d'amphithĂ©Ăątre Umberto Ier. Il fut dĂ©clarĂ© inadaptĂ© et vĂ©tuste et fut rĂ©utilisĂ© comme atelier pour y rĂ©aliser la statue Ă©questre du monument Ă  Victor-Emmanuel, appelĂ© Autel de la Patrie. Acquis par la commune de Rome en 1907, l'arĂšne fut convertie en auditorium, avec 3 500 siĂšges et prend le nom d'Augusteo. Il devient le siĂšge de l'AcadĂ©mie royale de Sainte-CĂ©cile. On y programme un grand nombre de reprĂ©sentations musicales jusqu'en 1936, annĂ©e de sa fermeture et du dĂ©but de sa destruction pour mener les fouilles commanditĂ©es par Mussolini et la rĂ©alisation de la place Augusto Imperatore.

  • MausolĂ©e d'Auguste aprĂšs les travaux de dĂ©gagement en 1938.
    Mausolée d'Auguste aprÚs les travaux de dégagement en 1938.
  • L'amphithĂ©Ăątre Augusteo-Correa sur le mausolĂ©e d'Auguste dans les annĂ©es 1910
    L'amphithéùtre Augusteo-Correa sur le mausolée d'Auguste dans les années 1910
  • Gravure du PiranĂšse montrant l'urne d'Agrippine et le mausolĂ©e d'Auguste.
    Gravure du PiranÚse montrant l'urne d'Agrippine et le mausolée d'Auguste.
  • L'auditorium Augusteo-Correa sur le mausolĂ©e d'Auguste pendant sa destruction en 1936.
    L'auditorium Augusteo-Correa sur le mausolée d'Auguste pendant sa destruction en 1936.
  • L'auditorium Augusteo-Correa sur le mausolĂ©e d'Auguste pendant sa destruction en 1936.
    L'auditorium Augusteo-Correa sur le mausolée d'Auguste pendant sa destruction en 1936.

Redécouverte et fouilles

Les fouilles ont eu lieu Ă  plusieurs reprises dans le lieu, principalement en 1937-1938[3], dans un contexte de rĂ©cupĂ©ration idĂ©ologique du pouvoir impĂ©rial romain. Le monument est alors trĂšs largement dĂ©gagĂ© sous l'impulsion du rĂ©gime fasciste de Benito Mussolini qui fait amĂ©nager la « piazza Augusto Imperatore » (littĂ©ralement « place de l'empereur Auguste »), « une des plus sinistres rĂ©alisations de l’architecture fasciste »[3], selon Filippo Coarelli, car Ă  cette occasion furent dĂ©truits tous les immeubles qui le bordaient. Le cĂŽtĂ© qui flanque le Tibre est occupĂ© par le remontage de l’autel de la Paix Auguste, localisĂ© « lĂ  oĂč le pouvoir fasciste lui a trouvĂ© sa localisation la plus prestigieuse, au bord du Tibre, en face du mausolĂ©e d'Auguste »[9]. Toute cette opĂ©ration constitue « un intĂ©ressant exemple de l’exploitation de l’AntiquitĂ© romaine Ă  des fins idĂ©ologiques et politiques »[3].

L'entrĂ©e fut Ă  l'occasion restaurĂ©e d'« une façon trop moderne » selon certains archĂ©ologues, du fait des libertĂ©s prises avec les restitutions effectuĂ©es, comme pour la fenĂȘtre voĂ»tĂ©e au-dessus de l'entrĂ©e qui ne correspondrait pas aux critĂšres architecturaux du Ier siĂšcle. Le gouvernement fasciste n'ajouta pas, cependant, de portes en bronze, trop coĂ»teuses.

Restauration au XXIe siĂšcle

Urne d'Agrippine conservée dans le Tabularium, dans les Musées Capitolins.

AprÚs plus d'un demi-siÚcle d'abandon, du fait en partie du contexte idéologique qui avait prévalu à sa redécouverte et à sa mise en avant dans les années 1930, un programme de restauration s'ouvre dÚs 2008 afin de rénover les parties internes de l'édifice et d'y effectuer des fouilles stratigraphiques modernes. La premiÚre phase de ces travaux prévoit notamment la mise en place d'un espace d'entreposage des éléments de lapidaire découverts à l'intérieur de la structure du mausolée. Un certain nombre d'opérations de consolidations sont menées jusqu'en 2014.

En 2014, le conseil municipal de Rome approuve le principe d'une rénovation et d'une réformation stylistique de la piazza, afin d'atténuer l'aspect stylistique fascisant de l'architecture du lieu. Un budget de 12 millions d'euros y est consacré, pour installer une nouvelle végétation et des espaces de jeu et de spectacle vivant. Au début de l'année 2017, la Fondation TIM soumet un projet de restauration du monument accepté par le MinistÚre des biens culturels italiens[10] - [11]. La fondation prévoit une réouverture du mausolée dans le courant d'avril 2019, avec une ouverture totale au public, un espace didactique au centre de l'édifice afin d'y présenter une grande fresque numérique et vidéo de l'histoire de Rome, projetée sur les murs de la cella funéraire[12]'[13].

Description

Reconstitution du mausolée par Luigi Canina, Gli edifizi di Roma antica, 1851.

La plupart des Ă©lĂ©ments de parement, de dĂ©coration et d'ornementation de l'Ă©difice ont disparu au cours du temps, spoliĂ©s pour la rĂ©alisation d'autres Ă©difices, ou volontairement dĂ©truits lors du sac de Rome de 410. L'essentiel des structures qui nous sont parvenues sont donc des Ă©lĂ©ments internes de soubassement et de caissonnement de l'Ă©difice, ainsi que les parties infĂ©rieures et enterrĂ©es constituant le gros Ɠuvre[5] - [2]. Le lieu a probablement servi de carriĂšre de matĂ©riaux de construction au cours du Moyen Âge, notamment quand le lieu servait Ă  la famille Colonna de rĂ©duit fortifiĂ©.

Les murs de l'enceinte extĂ©rieure du mausolĂ©e Ă©taient probablement plaquĂ©s de divers marbres et pierres fines. Ce revĂȘtement a aujourd'hui totalement disparu. Les portes massives en bronze, flanquĂ©es d'obĂ©lisques et de piliers, donnaient une apparence de temple au monument.

Description générale

L’édifice avait un diamĂštre de 87 mĂštres et des murs concentriques en tuf pourvus de murs radiaux. Le mur de soubassement, circulaire Ă©galement[5], Ă©tait en travertin, haut de 12 mĂštres[3]. Ces murs concentriques formaient un grand caisson circulaire compartimentĂ©, afin de contenir la poussĂ©e de la terre amoncelĂ©e au sommet de l'Ă©difice et formant un vaste tumulus, plantĂ© d'un bosquet de cyprĂšs[7]. La forme gĂ©nĂ©rale Ă©tait donc celle d'un tertre cylindrique Ă  sa base et conique Ă  son sommet[5], arborĂ©, entourĂ© de diverses statues coiffant le sommet de la base maçonnĂ©e.

Le mausolĂ©e d’Auguste, faisant partie du paysage monumental du Champ de Mars, a fait l’objet d’une description par Strabon, dans sa GĂ©ographie (livre V, chap. 3, 7-8) :

« Les anciens Romains, Ă  vrai dire, occupĂ©s comme ils Ă©taient d'objets plus grands, plus importants, avaient complĂ©tement nĂ©gligĂ© l'embellissement de leur ville. Sans se montrer plus indiffĂ©rents qu'eux aux grandes choses, les modernes, surtout ceux d'Ă -prĂ©sent, se sont plu Ă  l'enrichir d'une foule de monuments magnifiques : PompĂ©e, le divin CĂ©sar, Auguste, ses enfants, ses amis, sa femme, sa sƓur, tous Ă  l'envi, avec une ardeur extrĂȘme et une munificence sans bornes, se sont occupĂ©s de la dĂ©coration monumentale de Rome. C'est dans le Champ de Mars que la plupart de ces monuments ont Ă©tĂ© Ă©rigĂ©s, de sorte que ce lieu, qui devait dĂ©jĂ  tant Ă  la nature, se trouve avoir reçu en outre tous les embellissements de l'art. Aujourd'hui, avec son Ă©tendue prodigieuse, qui, en mĂȘme temps qu'elle laisse une ample et libre carriĂšre aux courses de chars et Ă  toutes les Ă©volutions Ă©questres, permet encore Ă  une jeunesse innombrable de s'exercer Ă  la paume, au disque, Ă  la palestre ; avec tous les beaux ouvrages qui l'entourent, les gazons si verts qui toute l'annĂ©e y recouvrent le sol, les collines enfin d'au delĂ  du Tibre, qui s'avancent en demi-cercle jusqu'au bord du fleuve, comme pour encadrer toute la scĂšne, cette plaine du champ de Mars offre un tableau dont l'Ɠil a peine Ă  se dĂ©tacher. Ajoutons que tout Ă  cĂŽtĂ©, et indĂ©pendamment d'une autre grande plaine bordĂ©e ou entourĂ©e de portiques, il existe plusieurs bois sacrĂ©s, trois thĂ©Ăątres, un amphithĂ©Ăątre et diffĂ©rents temples tous contigus les uns aux autres, et que, comparĂ© Ă  ce quartier, le reste de la ville ne paraĂźt plus Ă  proprement parler qu'un accessoire.

Pour cette raison, et parce que ce quartier avait pris Ă  leurs yeux un caractĂšre plus religieux, plus auguste que les autres, les Romains y ont placĂ© les tombeaux de leurs morts les plus illustres, hommes ou femmes. Le plus considĂ©rable de ces tombeaux est le mausolĂ©e [d'Auguste], Ă©norme tumulus, qui s'Ă©lĂšve Ă  peu de distance du fleuve, au-dessus d'un soubassement en marbre blanc dĂ©jĂ  trĂšs haut par lui-mĂȘme. Ce tumulus, ombragĂ© d'arbres verts jusqu'Ă  son sommet, est surmontĂ© d'une statue d'airain reprĂ©sentant CĂ©sar-Auguste et recouvre, avec les restes de ce prince, les cendres de ses parents et de ses amis ou familiers. Il se trouve qui plus est adossĂ© Ă  un grand bois, dont les allĂ©es offrent de magnifiques promenades. Enfin le centre de la plaine est occupĂ© par l'enceinte du bĂ»cher d'Auguste : bĂątie Ă©galement en marbre blanc, cette enceinte est protĂ©gĂ©e par une balustrade en fer qui rĂšgne tout autour. L'intĂ©rieur en est plantĂ© de peupliers. »

La description de Strabon indique que la construction Ă©tait situĂ©e dans un enclos de jardins auquel les Romains pouvaient accĂ©der, « Ă  l’exemple des sanctuaires hĂ©roĂŻques du monde grec ». Cependant, le lieu ne serait jamais devenu un lieu de frĂ©quentation important (selon Duret et NĂ©raudau) du fait d’un objectif funĂ©raire et de l’éloignement du centre de la ville[2].

L’apparence de l’édifice devait ĂȘtre particuliĂšrement monumentale, notamment dans une zone du Champ de Mars peu occupĂ©e, avec une faible concurrence architecturale dans le paysage immĂ©diat. Le contraste entre Ă©lĂ©ments naturels, arbres, Ă©tendue herbeuse et la massivitĂ© de l'architecture coiffĂ©e de la statue de bronze probablement dorĂ©, devait marquer d'assez loin et devait pouvoir s'observer depuis la plupart des points de Rome[6].

Structure interne

Une succession de trois rangs de murs circulaires concentriques permet de soutenir l'ensemble de l'Ă©difice. Un premier mur Ă©pais muni de cloisons radiales et dĂ©limitant un puissant remblai de terre Ă©tait prĂ©sent et dĂ©limitait la partie pĂ©riphĂ©rique de l'Ă©difice, inaccessible du fait de son remplissage[3]. Les deux autres murs dĂ©limitaient progressivement les couloirs de circulation et la chambre funĂ©raire centrale et Ă©taient pourvus de cloisons radiales et d’espaces voĂ»tĂ©s[14].

Un long couloir axial partant depuis la porte d'entrĂ©e, un dromos, permettait d’accĂ©der Ă  une salle circulaire dĂ©finie par un mur de travertin de 12 m de haut et percĂ© de deux portes : ce mur constituait le soubassement d'un tambour formant le second niveau de la structure, Ă©mergeant probablement du tumulus et probablement coiffĂ© de statues[4]. Cette structure avait un diamĂštre de 9 mĂštres environ et une hauteur cumulĂ©e de 45 mĂštres[7].

Cette structure plus haute, destinĂ©e Ă  la sĂ©pulture d’Auguste, Ă©tait probablement ornĂ©e d’une colonnade. Un couloir circulaire entourait la cella, qui possĂ©dait en son milieu une salle carrĂ©e qui Ă©tait sans doute la tombe du fondateur de l’Empire romain, « exactement sous l’endroit oĂč sâ€˜Ă©levait, au sommet de la construction, la statue en bronze de l’empereur »[4]. En outre, la cella Ă©tait pourvue de trois niches qui constituaient le lieu d’ensevelissement des autres membres de la famille impĂ©riale[4]. Le mausolĂ©e d’Auguste avait ainsi une « structure complexe, Ă  Ă©tages superposĂ©s »[4] - [15].

Obélisques

L'obélisque de l'Esquilin, à l'arriÚre de la basilique Sainte-Marie Majeure.

La porte d’entrĂ©e du mausolĂ©e, orientĂ©e au sud[7], Ă©tait flanquĂ©e de deux obĂ©lisques Ă©gyptiens anĂ©pigraphes, ajoutĂ©s probablement du temps de Domitien, Ă  la fin du Ier siĂšcle de notre Ăšre. En l'absence de toute inscription, nous n'avons pas d'indication sur une quelconque utilisation antĂ©rieure. On sait seulement qu'ils ont Ă©tĂ© taillĂ©s dans les carriĂšres de granite de SyĂšne (Assouan), peut-ĂȘtre spĂ©cialement pour le mausolĂ©e.

La prĂ©sence d’obĂ©lisques n’avait pas seulement un but ornemental et n'Ă©taient probablement pas qu'une affirmation de la victoire de Rome sur l’Égypte (selon Duret et NĂ©raudau), mais Ă©tait aussi le signe de la « fascination pour ce monde oĂč les souverains Ă©taient des dieux »[16]. Aujourd'hui, l'un se trouve sur le Quirinal, l'autre sur l'Esquilin[4].

Res Gestae Divi Augusti

Fragment des Res Gestae du Monumentum Ancyranum.

Les piliers de chaque cĂŽtĂ© de la porte d’entrĂ©e Ă©taient munis des tables de bronze sur lesquelles Ă©tait gravĂ© le texte des Res Gestae Divi Augusti, faits et gestes d'Auguste, forme de testament moral et politique de l'Ɠuvre du souverain Ă©crit de sa main Ă  la veille de sa mort et dont une copie a Ă©tĂ© retrouvĂ©e sur le mur du temple d’Auguste et Rome d'Ankara. Une transcription latine du texte sur la base de l'inscription d'Ancyre est d'ailleurs placĂ©e face au mausolĂ©e, le long du mur de soubassement oriental du musĂ©e de l’Ara Pacis[4]. Ce texte - sous la forme d'une apologie personnelle - servait Ă  l'origine Ă  marquer l'action d'Auguste, Ă  expliquer l'Ɠuvre de restauration morale et politique Ă  laquelle il avait prĂ©tendu souscrire au cours de sa carriĂšre et lĂ©gitime ainsi le pouvoir personnel qu'il s'Ă©tait forgĂ©. Il contenait notamment l'inventaire des magistratures et prĂȘtrises dĂ©tenues, l'inventaire des dons et offrandes consacrĂ©s par Octave pour le peuple romain, l'inventaire de tous les honneurs militaires, civils, et religieux reçus au cours de sa vie, le rĂ©cit de ses guerres et campagnes victorieuses Ă  travers le monde. Il servait ainsi d'exemplum pour le passant. Le titre - « Haut-Faits du Divin Auguste » - donnĂ© Ă  ce texte dans l'en-tĂȘte de l'inscription le fut a posteriori de la mort d'Auguste, lors de sa divinisation.

Défunts déposés dans le mausolée

Notes et références

  1. Duret et NĂ©raudau 1983, p. 171.
  2. Duret et NĂ©raudau 1983, p. 240.
  3. Coarelli 1994, p. 213.
  4. Coarelli 1994, p. 214.
  5. Golvin et Lontcho 2008, p. 141.
  6. Duret et NĂ©raudau 1983, p. 330.
  7. Fleury 2005, p. 245.
  8. Emmanuel Rodocanachi, Les monuments de Rome aprÚs la chute de l'empire: le Colisée, le Panthéon, le mausolée d'Auguste, basilique de Constantin, théùtres, arÚnes, Paris, Hachette, 1914.
  9. Duret et NĂ©raudau 1983, p. 288.
  10. Mausoleo di Augusto, i sei milioni che la burocrazia rischia di sprecare
  11. «La storia di Roma e i registi da Oscar CosÏ rinasce il Mausoleo di Augusto»
  12. À Rome, la renaissance du mausolĂ©e d’Auguste, tĂ©moin d’une histoire mouvementĂ©e.
  13. Rome : le mausolée d'Auguste restauré et rouvert au public.
  14. Coarelli 1994, p. 213-214.
  15. Voir la belle restitution au moyen de l’aquarelle par Jean-Claude Golvin dans Golvin et Lontcho 2008, p. 141.
  16. Duret et NĂ©raudau 1983, p. 310.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

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Ouvrages généraux

  • Bernard Andreae, L'Art de l'ancienne Rome, Paris, Mazenod, , 641 p. (ISBN 2-85088-004-3)
  • Bernard Andreae (trad. de l'allemand), L’Art romain d’Auguste Ă  Constantin, t. 3, Paris, Picard, , 315 p. (ISBN 978-2-7084-0910-1)
  • François Baratte, Histoire de l’art antique : L’art romain, Paris, Ă©d. Manuels de l’école du Louvre - La documentation française, , 331 p. (ISBN 2-7118-3524-3)
  • Ranuccio Bianchi Bandinelli (trad. de l'italien), Rome : le centre du pouvoir : L'univers des formes, nouvelle prĂ©sentation, Paris, Gallimard, , 415 p. (ISBN 978-2-07-012983-6)
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  • Georges Duby et Jean-Luc Daval (trad. de l'italien), La Sculpture : De l'AntiquitĂ© au Moyen Âge, Köln/Paris, Taschen, , 1149 p. (ISBN 978-3-8365-2394-3)
  • Luc Duret et Jean-Pierre NĂ©raudau, Urbanisme et MĂ©tamorphoses de la Rome antique, Paris, coll. Realia, Les Belles Lettres, Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
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