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PrĂȘtre (Rome antique)

Le prĂȘtre (en latin sacerdos, pluriel sacerdotes) est, dans la religion romaine, un personnage officiel chargĂ© du soin, de la surveillance, du contrĂŽle de tout ce qui concernait les dieux, de tout objet ou de tout ĂȘtre qui leur appartenait, de tout acte qui s'adressait Ă  eux (offrandes, sacrifices), de tout phĂ©nomĂšne considĂ©rĂ© comme un signe particulier de leur volontĂ©. Le mot sacerdos vient de l'adjectif sacer « sacrĂ© » et dos, mot rattachĂ© Ă  la racine da, qui exprime l'idĂ©e de donner.

Buste en marbre d'un prĂȘtre datant de l’époque d'Hadrien.

Le sacerdos n'avait pas, dans la Rome antique, l'exclusivitĂ© sur la pratique des rites habituels du culte, tels que priĂšres, libations, sacrifices, vƓux, dĂ©dicaces, etc., tant en leur nom privĂ© qu'au nom de l'État. Ainsi, les magistrats cĂ©lĂ©braient ou prĂ©sidaient au nom de l'État des cĂ©rĂ©monies religieuses, et les pĂšres de famille rendaient les hommages prescrits par le rituel aux divinitĂ©s domestiques ou gentilices. Mais seuls les sacerdotes Ă©taient des « experts » ou des « professionnels » dans l'acte religieux : en effet, mĂȘme les sacrifices les plus usuels Ă©taient accomplis suivant des rĂšgles minutieuses qu'il n'Ă©tait pas possible d'observer sans une connaissance trĂšs prĂ©cise des rites et sans une expĂ©rience consommĂ©e. Aussi les sacerdotes publici populi romani avaient-ils la charge de contrĂŽler, de surveiller non seulement le culte public, mais mĂȘme les cĂ©rĂ©monies de la religion privĂ©e, domestique, gentilice.

À la diffĂ©rence des magistrats et des pĂšres de famille, ils Ă©taient nommĂ©ment dĂ©signĂ©s, suivant des modes spĂ©ciaux de nomination, pour exercer leurs fonctions liturgiques ; ils avaient, en tant que prĂȘtres, des devoirs, des droits, des privilĂšges particuliers.

Types de sacerdoces

Les sacerdoces romains Ă©taient trĂšs nombreux et trĂšs variĂ©s, et n’étaient pas rattachĂ©s les uns aux autres par des liens hiĂ©rarchiques, de façon Ă  constituer un ensemble. On en distingue trois types

  • Les sacerdoces individuels : ces prĂȘtres, chargĂ©s individuellement de desservir le culte d'une divinitĂ© dĂ©terminĂ©e, portaient d'habitude le titre de flamines. Le terme sacerdos ou sacerdotes fut cependant employĂ© pour dĂ©signer officiellement des prĂȘtres attachĂ©s Ă  divers cultes, sinon d'origine proprement romaine, du moins adoptĂ©s de bonne heure par Rome : c'est ainsi qu'on rencontre des sacerdotes Albani, Cabenses, Caeninenses, Lanuvini, Laurentes Lavinates, Laurentini, Suciniani, Tasculani. Au fĂ©minin, il servit Ă  dĂ©signer certaines prĂȘtresses de cultes appartenant au ritus graecus, telles que les sacerdoces publicae Cereris populi romani Quiritium, les sacerdoces Bonae Deae, les sacerdotes Matris Deum Magnae XV virales. Il y a des sacerdotes de rang secondaire, tels que les sacerdotes bidentales, le sacerdos virginum Vestalium, les sacerdotes sacrae Urbisi.
  • Les sodalitĂ©s : ces confrĂ©ries vouĂ©es Ă  un culte dĂ©terminĂ©, avaient plus fidĂšlement conservĂ© le type primitif des associations gentilices. Les sodalitĂ©s officielles Ă©taient celles des Luperci, des FrĂšres Arvales, des Saliens, des Titii ; plus tard, sous l'Empire, une sodalitĂ© fut crĂ©Ă©e, dont les membres portaient le titre de sodales Augustales, pour perpĂ©tuer le culte de la gens Julia.
  • les collĂšges, crĂ©Ă©s par l'État pour fixer la tradition religieuse et guider l'autoritĂ© publique dans l'accomplissement des devoirs de l'État envers les dieux. C'Ă©taient plutĂŽt des cĂ©nacles de thĂ©ologiens que de vĂ©ritables confrĂ©ries religieuses. Les collĂšges sacerdotaux de l'État romain Ă©taient ceux : des Pontifes, des Augures, des FĂ©tiaux, des Decemvirs puis des QuindĂ©cemvirs, des Ă©pulons.

On peut, comme John Scheid[1], distinguer deux sortes de prĂȘtres : les uns sont des sortes d'incarnations de la divinitĂ© – le plus bel exemple est celui des flamines majeurs – ; les autres, plus nombreux, comme les pontifes et les augures, interviennent dans les rites et dans la lĂ©gitimation religieuse des actes publics. John Scheid appelle les premiers les « prĂȘtres-statues[2] Â» et les seconds les « maĂźtres du sacrĂ© Â».

Modes de nomination

Les prĂȘtres romains (sacerdotes publici populi romani), qui Ă©taient nommĂ©s probablement Ă  l'origine par le roi, furent dĂ©signĂ©s sous la RĂ©publique :

  • les titulaires des sacerdoces collectifs par cooptation, puis par une Ă©lection soumise Ă  certaines conditions spĂ©ciales,
  • les titulaires de sacerdoces individuels soit par le Pontifex maximus, soit par le collĂšge des Duumviri (puis Decemviri, puis Quindecemviri sacris faciundis).

Sous l'Empire, quelles que fussent les rÚgles théoriques et officielles, en fait la nomination des uns et des autres dépendait de la volonté impériale.

Cas des sodalités et des collÚges

Les prĂȘtres des sodalitĂ©s et des collĂšges se recrutĂšrent pendant longtemps par cooptation, et nommĂšrent eux-mĂȘmes par un libre vote leur prĂ©sident.

Les premiĂšres dĂ©rogations Ă  cette rĂšgle, qui paraĂźt bien avoir Ă©tĂ© gĂ©nĂ©rale, se produisirent dans le courant du IIIe siĂšcle av. J.-C. Tite-Live signale pour la premiĂšre fois en l'annĂ©e -212 la rĂ©union de comices pour la dĂ©signation du Pontifex maximus. On suppose que le premier plĂ©bĂ©ien qui exerça ce sacerdoce, Tiberius Coruncanius, fut, en -25, dĂ©signĂ© de mĂȘme par des comices. À vrai dire, ces comices, composĂ©s seulement de dix-sept tribus sur trente-cinq, ne reprĂ©sentaient que la minoritĂ© des citoyens, et leur rĂŽle consistait dans la pratique Ă  dĂ©signer d'avance celui des pontifes que le collĂšge devait ensuite coopter : on avait donc pris les plus grandes prĂ©cautions pour respecter, au moins en apparence, les principes et les usages traditionnels, tout en donnant satisfaction aux rĂ©clamations du parti dĂ©mocratique. Les tribuns de la plĂšbe ne s'en tinrent pas lĂ  : en -145, C. Licinius Crassus proposa une loi d'aprĂšs laquelle l'Ă©lection populaire devait remplacer, dans la dĂ©signation des membres des collĂšges religieux, la cooptation. Cette loi ne fut pas votĂ©e. Mais, en -104, le tribun Cn. Domitius Ahenobarbus rĂ©ussit Ă  faire voter la lex Domitia, qui Ă©tendait ceteris sacerdotiis le procĂ©dĂ© usitĂ© depuis plus d'un siĂšcle dĂ©jĂ  pour la dĂ©signation du Pontifex Maximus. Il faut entendre ici par cetera sacerdotia toutes les fonctions religieuses prĂ©cĂ©demment dĂ©cernĂ©es par cooptation : c'Ă©taient donc les membres des sodalitĂ©s et des collĂšges qui devaient ĂȘtre dĂ©sormais dĂ©signĂ©s par les comices restreints, avant d'ĂȘtre cooptĂ©s suivant les rĂšgles du droit religieux. AbrogĂ©e par Sylla, qui rĂ©tablit l'ancien mode de la cooptation au moins pour les deux grands collĂšges des pontifes et des augures (lex Cornelia de pontificum augurumque collegiis), la lex Domitia fut rĂ©tablie et mĂȘme aggravĂ©e, semble-t-il, par la lex Atia. Cette loi, votĂ©e en -63 sur la proposition du tribun T. Atius Labienus, confiait de nouveau aux comices des dix-sept tribus la dĂ©signation prĂ©alable pour les fonctions sacerdotales ; en outre, elle assignait, non plus au Pontifex maximus, mais aux consuls la prĂ©sidence de ces comices spĂ©ciaux.

Les rĂ©formes de CĂ©sar et d’Auguste aboutirent en fait, malgrĂ© toute apparence contraire, Ă  la suppression de la cooptation. L'empereur, Pontifex maximus de droit, et d'ailleurs maĂźtre absolu de l'État, s'Ă©tait fait donner dĂšs -29 le pouvoir de disposer Ă  son grĂ© des sacerdoces et d'ajouter Ă  chaque collĂšge autant de prĂȘtres surnumĂ©raires qu'il le voudrait.

Cas des sacerdoces individuels

Les titulaires des sacerdoces individuels, comme les flamines, le Rex sacrorum, les Vestales Ă©taient nommĂ©s par le Pontifex maximus, considĂ©rĂ© comme le chef de la religion nationale, le directeur du culte public. Il est vraisemblable, d'autre part, que les duumviri, puis decemviri, puis Quindecemviri sacris faciundis nommaient les prĂȘtres des cultes d'origine Ă©trangĂšre admis et reconnus par l'État romain, par exemple les prĂȘtres de la grande MĂšre des Dieux et les prĂȘtresses de CĂ©rĂšs, etc.

Sous l'Empire, toutes les attributions du Pontifex maximus passÚrent à l'empereur, dont l'autorité s'exerçait en outre sur le collÚge des Quindécemvirs comme sur tous les autres.

Conditions de nomination

Différentes conditions étaient nécessaires au candidat au sacerdoce.

Il y avait d'abord des conditions trÚs générales, telles que :

  • l'absence de toute tare ou infirmitĂ© corporelle,
  • l'absence de toute condamnation,
  • la possession du droit de citĂ© romaine ,
  • l'ingĂ©nuitĂ©.

D'autres conditions furent, en outre, exigĂ©es pendant certaines pĂ©riodes ; par exemple, sous la royautĂ© et pendant les premiers siĂšcles de la RĂ©publique, les patriciens seuls pouvaient ĂȘtre cooptĂ©s dans les collĂšges et les sodalitĂ©s ou nommĂ©s prĂȘtres par le Pontifex maximus : ce fut seulement en -300 que la lex Ogulnia ouvrit aux plĂ©bĂ©iens les deux grands collĂšges des Pontifes et des Augures et mĂȘme leur y donna de droit la majoritĂ©.

Il est vraisemblable que la plupart des autres sacerdoces devinrent de mĂȘme accessibles aux plĂ©bĂ©iens : seuls paraissent avoir Ă©tĂ© rĂ©servĂ©es aux patriciens les fonctions du Rex sacrorum, des trois grands flamines et des Saliens.

Cette situation fut modifiĂ©e par Auguste. DĂ©sormais, les divers sacerdoces publics ne purent ĂȘtre revĂȘtus et exercĂ©s :

  • les uns que par des personnages de l'ordre sĂ©natorial (les quatre grands collĂšges, la plupart des anciennes sodalitĂ©s et les sodalitĂ©s nouvelles qui se crĂ©Ăšrent pour le culte des empereurs divinisĂ©s (Augustales, Flaviales Titiales, Cocceiani, Ulpiales, etc.), les fonctions de Rex sacrorum, des trois grands flamines, des Vestales ;
  • les autres que par des personnages de l'ordre Ă©questre.

Les simples citoyens s'en trouvĂšrent donc exclus.

Cumul des sacerdoces

Aucune incompatibilitĂ© formelle n'existait entre les diffĂ©rents sacerdoces, sauf celles que comportait la nature mĂȘme des choses, et sauf le cas des Saliens. Il allait de soi, par exemple, que le mĂȘme Romain ne pouvait pas ĂȘtre en mĂȘme temps flamine et pontife, puisque les flamines dĂ©pendaient du collĂšge des pontifes, ou encore qu'une Vestale ne pouvait pas exercer d'autre sacerdoce, puisque les Vestales Ă©taient, Ă  Rome, les seules prĂȘtresses d'État. Quant aux Saliens, celui d'entre eux qui Ă©tait investi d'un autre sacerdoce, qui devenait pontife ou augure, devait sortir du collĂšges.

Durée du sacerdoce

CooptĂ©, dĂ©signĂ© par l'Ă©lection des comices restreints, ou nommĂ© par le Pontifex maximus, le nouveau prĂȘtre devait ĂȘtre installĂ© dans sa fonction sacerdotale.

On sait que le Rex sacrorum, les grands flamines et les augures Ă©taient inaugurĂ©s, Ă  la requĂȘte du Pontifex maximus, dans les comices calates. Mais ni les grands collĂšges, ni les confrĂ©ries ou sodalitĂ©s, ne faisaient inaugurer leurs membres. Pour les autres prĂȘtres, l'entrĂ©e en fonctions paraĂźt avoir eu lieu sans prise spĂ©ciale d'auspices : dans les collĂšges et les sodalitĂ©s, le chef ou prĂ©sidentad sacra vocabat le membre nouvellement dĂ©signĂ©.

En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, les sacerdoces publics de l'État romain Ă©taient confĂ©rĂ©s Ă  vie : dans la plupart des circonstances oĂč il Ă©tait, en fait, dĂ©rogĂ© Ă  ce principe, le prĂȘtre qui cessait d'exercer ses fonctions sacerdotales les quittait volontairement par dĂ©mission ou abdication. La dignitĂ© sacerdotale paraĂźt avoir Ă©tĂ©, en droit, inamovible Ă  Rome. Lorsqu'un Salien quittait son collĂšge, lorsqu'une Vestale usait du droit qui lui Ă©tait dĂ©volu par la loi religieuse de rĂ©signer ses fonctions aprĂšs trente ans de prĂȘtrise, on employait les termes exaugurare, exauguratio, pour dĂ©signer l'acte par lequel ils dĂ©pouillaient leur caractĂšre sacerdotal. L'emploi de ce mot n'implique nullement que les Saliens ou les Vestales fussent inaugurĂ©s, au sens strict du mot, lors de leur entrĂ©e en fonctions. De telles exaugurations Ă©taient, d'ailleurs, exceptionnelles.

Hiérarchie des sacerdoces

S'il est inexact de parler pour les sacerdotes publici populi romani d'une hiĂ©rarchie officielle et organisĂ©e, il ne serait pas moins contraire Ă  la rĂ©alitĂ© historique de nier entre eux l'existence de rapports hiĂ©rarchiques Ă©tablis les uns par la tradition, les autres par l'histoire mĂȘme du culte.

Sous la royautĂ©, semble-t-il, les prĂȘtres dĂ©pendaient tous du Roi, et ils se classaient entre eux selon le rang assignĂ© au dieu dont le culte leur Ă©tait confiĂ©.

Un texte souvent citĂ© de Festus nous apprend que l’ordo sacerdotum traditionnel Ă©tait le suivant : « Le plus grand paraĂźt ĂȘtre le roi ; puis vient le flamine de Jupiter ; aprĂšs lui le prĂȘtre de Mars, en quatriĂšme lieu celui de Quirinus, au cinquiĂšme rang le grand pontife. Ainsi, dans les festins, le roi se place seul sur le lit au-dessus de tous. De mĂȘme le prĂȘtre de Jupiter prend place au-dessus de celui de Mars et de Quirinus, et celui de Mars au-dessus de ce dernier. De mĂȘme tous prennent. place au-dessus du pontife »[3]. Aulu-Gelle et Servius confirment les indications donnĂ©s par Festus, et attestent en mĂȘme temps la survivance sous l'Empire de cette antique hiĂ©rarchie, tout extĂ©rieure d'ailleurs.

Sous la RĂ©publique, l'organisation sacerdotale se caractĂ©risa par la prĂ©dominance incontestĂ©e du Pontifex Maximus : parmi les collĂšges et sodalitĂ©s, les Pontifes, les Augures, les Septemviri Epulonum, les Duumviri (puis Decemviri, puis Quindecimviri sacris faciundis) formaient les quattuor amplissima collegia. Il est, en outre, Ă©vident que le Pontifex maximus exerçait une autoritĂ© particuliĂšre sur les prĂȘtres et les prĂȘtresses, sur les flamines, sur les Vestales qu'il nommait, qu'il investissait de leurs fonctions sacerdotales ; de mĂȘme les prĂȘtresses de CĂ©rĂšs et les prĂȘtres de la MĂšre des dieux dĂ©pendaient des Duumviri, etc., sacris faciundis.

Sous l'Empire, l'empereur, grùce à son titre de pontifex maximus, fut, comme l'avait été le roi dans l'organisation primitive de la cité, le chef de la religion officielle.

Agents subalternes du culte

Aux collĂšges, aux sodalitĂ©s, aux personnes des prĂȘtres investis de sacerdoces individuels Ă©taient attachĂ©s un nombreux personnel d'agents subalternes et de servants du culte, apparitores (appariteurs), calatores (hĂ©rauts), camilli, cultrarii, lictores, popae, tibicines (joueur de flĂ»te), viatores, etc.

Immunités et privilÚges

Tous les prĂȘtres de l'État romain jouissaient d'immunitĂ©s et de privilĂšges honorifiques : ils portaient la toge prĂ©texte, des places d'honneur leur Ă©taient attribuĂ©es dans les fĂȘtes et dans les jeux, ils Ă©taient exempts, sauf cas exceptionnels et d'urgente nĂ©cessitĂ©, des charges publiques, des impĂŽts, du service militaire.

Notes et références

  1. Religion et piété à Rome, Paris, La Découverte, 1985, p. 39 et suiv.
  2. Il reprend une expression de Plutarque (Questions romaines, 111) qui dit du flamine de Jupiter qu'il est « comme une statue vivante et sainte Â».
  3. Festus Grammaticus, De la signification des mots, livre XIII, mot ORDO SACERDOTUM

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

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