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Mahomed Ismaël-Khan

Mohamed Ismaël-Khan (ou Ismaïl-Khan-Aga-Mohammed), surnommé « le Persan », né vers 1786 et mort le à Paris, est une personnalité parisienne originaire de Perse.

Mahomed Ismaël-Khan
Biographie
Naissance
Vers
Lieu inconnu
Décès
Sépulture
Division 85 du cimetière du Père Lachaise (d)
Nationalité
Activité

Biographie

Né vers 1786[1], Mahomed Ismaël-Khan[N 1] est le fils du diplomate persan Hadji-Khalil-Khan (Hājjī Qulī Khān)[N 2]. En 1802, après avoir été envoyé à Bombay auprès de la Compagnie britannique des Indes orientales par le chah Fath Ali Qadjar, Kazbini est tué au cours d'une rixe entre ses hommes et des hindous[N 3]. Afin d'éviter une crise diplomatique, le gouverneur britannique Richard Wellesley présente ses excuses au chah, qui consent à un règlement amiable entre la compagnie et la famille du défunt. C'est ainsi que Mahomed Ismaël-Khan obtient une pension d'environ 1000 livres qui lui permet de mener une vie de rentier[2].

Installé à Paris vers 1842[3], il y est remarqué sous le Second Empire en tant qu'habitué des salles parisiennes d'opéra et de théâtre, notamment celle des Italiens (salle Ventadour), où il réserve toujours la même stalle de balcon. Vêtu de manière exotique et coiffé d'un bonnet d'astrakan, il est surnommé « le Persan » par des parisiens avides d'orientalisme[4]. Ainsi il sert d'inspiration pour le personnage fictif du « Persan » mystérieux (et sans nom) dans Le Fantôme de l'Opéra, roman de Gaston Leroux[5].

En 1864, Charles Yriarte lui consacre un chapitre de ses Célébrités de la rue à partir de notes fournies par Joseph Méry. Ce dernier semble avoir inventé de toutes pièces la plupart des renseignements fantaisistes communiqués à Yriarte. Il prétend ainsi que le Persan s'appelait « Abbas-Mirza », qu'il était un lointain descendant de Mithridate et natif d'Amasya[6]. Méry ajoute qu'Abbas-Mirza devait être zoroastrien car il adorait le soleil par l'intermédiaire du grand lustre de l'Opéra de Paris[7]. Afin d'expliquer l'exil parisien du Persan, Méry prétend qu'il avait dû fuir la colère des Anglais après avoir imaginé un projet de canal Don-Volga, plus favorable aux intérêts russes qu'à ceux des Britanniques[8].

Cette version contredit une rumeur tout aussi fantaisiste qui affirmait que le Persan s'était exilé et avait obtenu une pension des Anglais après avoir trahi son pays à Hérat pendant la guerre anglo-perse[9]. Ce dernier conflit, clôt par le traité de Paris de 1857, est pourtant postérieur à l'arrivée d'Ismaël-Khan en France, car celui-ci habitait déjà dans la capitale lors des Journées de Juin 1848[10]. La rumeur infondée d'une trahison doit beaucoup aux racontars extrapolés de l'attitude maussade manifestée par le Persan lors de la première française de Rigoletto aux Italiens, événement qui coïncidait avec l'arrivée de l'ambassadeur de Perse chargé de négocier le traité de paix, Feroukh-Khan (en)[11].

Bien que le mystérieux expatrié ait semblé ne pas maîtriser parfaitement la langue française[12], Méry lui a attribué une série d'articles de la Revue des Deux Mondes[8]. La revue a en effet publié en 1850 une pièce intitulée La Cour de Téhéran en 1845, ou Ne réveillez pas le chat qui dort et signée « Haçan-Méhémet-Khan »[13]. Or, ce nom, différent de celui d'Ismaël-Khan, est en réalité un pseudonyme du comte Eugène de Sartiges[14].

Âgé de 82 ans, Ismaël-Khan meurt d'une congestion cérébrale le à son domicile du no 204 de la rue de Rivoli[1]. Le surlendemain, Timothée Trimm consacre au Persan toute la une du Petit Journal[15]. Après des rites funéraires musulmans[16], le défunt est inhumé le dans le carré musulman du Père-Lachaise en présence de plusieurs diplomates orientaux, dont le chargé d'affaires de Perse en France, Mirza-Youssef-Khan (de)[2].

Iconographie

La gravure du Persan illustrant l'un des chapitres du livre d'Yriarte a été publiée pour la première fois dans Le Monde illustré du .

Dans l'édition de 1868 de son ouvrage, Yriarte signale que le sculpteur-caricaturiste Jean-Pierre Dantan a réalisé un relief montrant le Persan dans sa loge des Italiens[17]. Exécutée en plâtre et mesurant 34 cm de haut sur environ 30 cm de large, cette « charge » date de 1862 ou 1867. Elle représente en coupe une loge principalement occupée par des personnages somnolents, dont le Persan.

Il existe aujourd'hui plusieurs versions de cette œuvre. L'une d'elles est conservée au Musée Carnavalet (inv. S1381), auquel elle a été léguée par les héritiers de l'artiste en 1888[18] - [19]. La haute coiffe du persan y est incomplète. Une autre version, patinée façon bronze, acquise par l'industriel André Meyer (1884-1974) puis vendue par Sotheby's à Paris en 2012, montre la coiffe entière[20].

Notes et références

Notes

  1. L'acte de décès de 1868 indique « Mahomed » pour prénom et « Ismaël Khan » pour nom de famille. Absent de ce document d'état-civil, le trait d'union est utilisé dans le présent article conformément aux conventions typographiques. Georges d'Heylli (p. 345) l'appelle « Ismaïl-Khan-Aga-Mohammed », tandis qu'un article du Petit Journal (13 septembre 1867, p. 2), écrit son nom « Mohamed-Ismael-Khan » en précisant que « Khan » est une distinction nobiliaire. Son voisin, l'ancien greffier Charles Houzé, l'appelait tout simplement « Aga Ismaël » ou « monsieur Aga » (Le Petit Journal, 8 septembre 1868, p. 1).
  2. Transcrit en français en « Hadji-Khalil-Khan-Kazbini » (Le Temps, 5 septembre 1868, p. 2), le nom de l'ambassadeur est transcrit en « Hadjee Khaleel Khan » (ou « Khuleel Khan ») dans les correspondances et documents diplomatiques britanniques de 1802 (Walter Scott Seton-Karr, Selections from Calcutta Gazettes, vol. III, Calcutta, 1868, p. 102-104, 325 et 367), qui précisent que le corps du défunt a été enterré à Kerbala, lieu saint pour les chiites.
  3. L'événement a notamment été détaillé par le vicomte George Valentia (Voyages dans l'Hindoustan, t. II, Paris, Lepetit, 1813, p. 372-375), qui appelle l'ambassadeur « Hadjy-Khaleb-Khan ».

Références

  1. Archives de Paris, état civil du 1er arrondissement, registre des décès de 1868, acte no 775.
  2. Le Temps, 5 septembre 1868, p. 2.
  3. Le Gaulois, 31 août 1868, p. 2.
  4. Yriarte (1868), p. 183.
  5. (en) R. Shah, « No Ordinary Skeleton: Unmasking the Secret Source of Gaston Leroux's Le Fantome de l'Opera », Forum for Modern Language Studies, vol. 50, no 1, , p. 16–29 (ISSN 0015-8518 et 1471-6860, DOI 10.1093/fmls/cqt048, lire en ligne)
  6. Yriarte (1864), p. 210.
  7. Yriarte (1864), p. 214.
  8. Yriarte (1864), p. 218-220.
  9. Georges d'Heylli, p. 345.
  10. Petit Journal, 13 septembre 1867, p. 3.
  11. Henry de Pène, p. 155-156.
  12. Yriarte (1868), p. 189.
  13. Revue des Deux Mondes, 15 juillet 1850, p. 193-215.
  14. Revue des deux mondes : table générale (1831-1874), Paris, 1875, p. 145.
  15. Le Petit Journal, 31 août 1868, p. 1.
  16. Le Petit Journal, 3 septembre 1868, p. 2.
  17. Yriarte (1868), p. 190.
  18. Notice de l’œuvre sur le site des collections des Musées de la ville de Paris (consulté le 20 novembre 2018).
  19. J. Petit et Philippe Sorel, Dantan Jeune, Paris, Musée Carnavalet, 1989, p. 122.
  20. Notice du lot 451 de la vente de la collection Meyer sur le site de Sotheby's (consulté le 20 novembre 2018).

Voir aussi

Bibliographie

  • Georges d'Heylli, Dictionnaire des pseudonymes, Paris, Dentu, 1887, p. 343-346.
  • Henry de Pène, Paris intime (deuxième édition), Paris, Bourdilliat et Cie, 1859, p. 155-156.
  • Charles Yriarte, Les Célébrités de la rue, Paris, Dupray de La Mahérie, 1864, p. 209-220.
  • Charles Yriarte, Les Célébrités de la rue (nouvelle édition), Paris, Dentu, 1868, p. 181-190.
  • Miranda Gill, Eccentricity and the Cultural Imagination in Nineteenth-Century Paris, Oxford, Oxford University Press, 2009, p. 180-181.
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