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MĂ©trolor

Métrolor, contraction de métropole et de Lorraine, est à la base le nom commercial donné à la desserte ferroviaire cadencée sur le sillon Mosellan entre Thionville, Metz et Nancy. Instaurée début 1970, c'est la première desserte régionale conventionnée d'envergure en France, et la première desserte périurbaine de qualité en dehors de l'agglomération parisienne créée dans l'après-guerre. Au départ, sa vocation est de donner de la cohérence à la métropole régionale virtuelle Metz-Nancy définie par la DATAR dans le cadre de sa politique de décentralisation naissante. Face à son succès, Métrolor inspire d'autres projets semblables ailleurs en France, et bien qu'à ses débuts financé par l'État exclusivement, marque le renouveau des transports ferroviaires régionaux et préfigure la naissance du concept du Transport express régional (TER) seize ans plus tard. Pratiquement oublié pendant les années 1990, la région Lorraine réanime la marque Métrolor pour la communication sur son réseau TER Lorraine à partir de 2002.

Logo actuel de MĂ©trolor.

Métrolor, service cadencé sur Nancy - Thionville

La genèse du projet

Rame Z 6300 en 2006 Ă  Nancy

La DATAR, à la suite de sa création en date du , avait défini huit métropoles régionales devant faire contrepoids à l'agglomération parisienne. Parmi ces pôles de croissance en province, deux étaient des axes entre deux villes : Nantes / Saint-Nazaire et Metz / Nancy. Cinq pôles ont été dotés d'Oréam, des administrations déconcentrées associées aux directions régionales de l'Équipement. Les fonctionnaires des Oréam venaient généralement d'être mutés depuis la capitale. Ils avaient comme mission d'élaborer un livre blanc et un schéma directeur. L'Oréam Lorraine, qui devait remplir de vie une métropole virtuelle, songe tout naturellement de créer un lien fort entre Metz et Nancy. C'est ainsi que vient l'idée d'instaurer un service de transport attractif, après l'abandon d'autres types de projets fédérateurs tels qu'un aérodrome et un grand stade. Au printemps 1967, l'Oréam Lorraine demande à la SNCF l'étude d'un service cadencé entre Thionville et Lunéville, via Metz et Nancy. Il s'avère alors impossible de faire circuler les trains au-delà de Nancy jusqu'à Lunéville, cette section de ligne étant tellement chargée que les sillons requis ne sont pas disponibles toutes les heures aux mêmes minutes. En même temps, l'Oréam n'a pas encore tranché entre un service ferroviaire et un service routier. C'est courant 1968 que les études penchent en faveur d'un service ferroviaire.

Dans un exposé de décembre 1968, le directeur général de la SNCF estime que les métropoles régionales verront se développer autour d'elles un trafic s'apparentant à celui de la banlieue parisienne. La SNCF n'est donc pas hostile à ce type de projet, contrairement au Conseil général de Meurthe-et-Moselle, qui retarde la mise en œuvre du projet. Certes, la desserte ferroviaire est déjà assez étoffée, mais il y a trop de ruptures de charge pour les déplacements entre deux villes sur le plan régional[a 1]. En juillet 1969, pendant l'énorme vague de transferts de services régionaux sur la route entre 1969 et 1973, l'État et la SNCF passent un contrat-programme, qui consiste en fait d'un échange de lettres[a 2]. Il prévoit, entre autres, que les collectivités territoriales puissent contribuer aux dépenses d'exploitation des services ferroviaires d'intérêt général, ou autrement combler les déficits engendrés par les dessertes maintenues ou instaurées à leur demande. Le premier cas de ce genre remontait toutefois à 1965 (service de rabattement sur le Capitole de Rodez à Brive)[a 3].

Le projet de nouvelle desserte cadencĂ©e pour le sillon Mosellan porte d'ores et dĂ©jĂ  le nom « MĂ©trolor Â» . Les Conseils rĂ©gionaux n'existant pas encore, c'est l'État directement qui prend la dĂ©cision de crĂ©er cette desserte. Il a l'accord du conseil gĂ©nĂ©ral de la Moselle, qui toutefois veut limiter son engagement Ă  une durĂ©e de deux ans, mais doit composer avec le refus persistant du Conseil gĂ©nĂ©ral de Meurthe-et-Moselle. De ce fait, MĂ©trolor ne peut se faire par une convention de financement signĂ©e par les deux dĂ©partements, comme prĂ©vu par l'OrĂ©am. Le ministère des transports et la DATAR crĂ©ent donc MĂ©trolor sans participation financière des collectivitĂ©s territoriales. Le fait que le ministre des transports d'alors, Raymond Mondon, soit le maire de Metz, n'y est certainement pas Ă©tranger[a 4].

Les débuts de Métrolor

Le coup d'envoi est finalement donné le 1970. Sont mis en circulation quatorze aller-retours Thionville - Nancy par jour de semaine, de 7 h 00 à 20 h 00, en 65 min avec quatre arrêts intermédiaires (Hagondange, Metz, Pagny-sur-Moselle et Pont-à-Mousson). L'offre de trains augmente ainsi de 50 % entre Metz et Nancy, et de 77 % entre Metz et Thionville. Malgré son caractère de service express, Métrolor est à l'époque considéré comme train omnibus, catégorie de trains vouée à une disparition prochaine aux yeux de la plupart des décideurs. Le succès est néanmoins au rendez-vous dès le début : La fréquentation dépasse de 30 % les prévisions les plus optimistes, avec 1,4 million de voyageurs et 56 millions de voyageurs-kilomètres en 1970. L'occupation moyenne des trains est de 91 personnes. 43 % des clients sont des voyageurs nouveaux qui auparavant ne prenaient pas le train. Cependant, seulement 14 % des clients ont délaissé leur voiture en faveur du train, les 29 % restants étant du trafic induit. Pendant le premier semestre 1971, l'occupation augmente de 10 %.

Le bilan financier de la première annĂ©e de MĂ©trolor est positif, prĂ©sentant un excĂ©dant d'exploitation de 70 000 francs lors d'une analyse isolĂ©e de la nouvelle desserte. Or, 57 % des usagers ayant empruntĂ© d'autres trains avant l'existence de MĂ©trolor, ces trains ont subi une baisse de frĂ©quentation, de sorte que le bilan financier global fait apparaĂ®tre un dĂ©ficit d'exploitation de 480 000 francs. Le succès de l'opĂ©ration n'est cependant dĂ©menti par personne, si bien que le Conseil gĂ©nĂ©ral de Meurthe-et-Moselle est dĂ©sormais favorable Ă  la reconduction de l'expĂ©rience après la fin du financement par l'État limitĂ© Ă  une pĂ©riode de deux ans. Les conseils gĂ©nĂ©raux de la Moselle et de Meurthe-et-Moselle adoptent donc le principe d'une convention avec la SNCF pour une durĂ©e de trois ans, allant de pair avec plusieurs amĂ©liorations. Le service sera maintenu pendant les vacances scolaires d'Ă©tĂ© et Ă©tendu sur les dimanches et jours fĂ©riĂ©s. Des trains supplĂ©mentaires en soirĂ©e seront proposĂ©s Ă  l'occasion de certains spectacles. Un quinzième aller-retour est crĂ©Ă©, ainsi que deux aller-retours en correspondance entre LunĂ©ville et Nancy[a 5].

Matériel affecté à Métrolor

Le début de l'exploitation se fait moyennant quatre segments de RIB 60 de trois voitures chacun, détachés provisoirement de la région parisienne, de 1970 à 1977. La traction est confiée à des BB 16500 équipées pour la reversibilité. Puis seront définitivement mis à disposition de la région Lorraine, sept rames RIB 70, nettement plus confortables grâce à leur suspension pneumatique, en lieu et place de la suspension mécanique des RIB 60[a 6]. Six de ces sept rames seront profondément rénovées en 1990, avec bouclier cabine conducteur façon RRR et mise en place d'un convertisseur, ces rames prenant le nom de RIO 90.

Avec le prolongement de certaines missions Métrolor sur Luxembourg, un matériel plus varié est utilisé sur ces services. Entrent en jeu des Z 6300, des RRR, des Z2 (françaises et luxembourgeoises), des Caravelles, et pour quelques circulations entre Metz et Nancy, une rame Intercités ainsi que des rames plus anciennes de voitures UIC et/ou USI.

Enseignements tirés de Métrolor

MĂ©trolor fut le premier cas de conventionnement d'une desserte ferroviaire rĂ©gionale hors banlieue parisienne, et le premier cas d'une amĂ©lioration du service ferroviaire rĂ©gional non issue de l'initiative de la SNCF. En 1973, l'expĂ©rience inspire une deuxième desserte amĂ©liorĂ©e en Lorraine, « MĂ©tro-Orne Â», entre Hagondange et Conflans - Jarny. L'annĂ©e suivante, une importante enquĂŞte de trafic est menĂ©e Ă  bord des trains MĂ©trolor, qui fournit nombre de rĂ©sultats intĂ©ressants. Depuis le dĂ©but du projet, le trafic a augmentĂ© de plus de 60 % entre Thionville et Metz, et de 30 % entre Metz et Nancy. On estime que ces augmentations sont dues Ă  la forme linĂ©aire de l'urbanisation, qui est tout aussi favorable Ă  l'utilisation de l'autoroute, mais que la « spĂ©cialisation Â» progressive de Metz et Nancy a jouĂ© un rĂ´le : les administrations rĂ©gionales ont Ă©tĂ© installĂ©es Ă  Metz avec la crĂ©ation du Conseil rĂ©gional de Lorraine, alors que les services hospitaliers et universitĂ©s ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s Ă  Nancy.

Ă€ la mĂŞme pĂ©riode, le train est de plus en plus utilisĂ© pour les dĂ©placements domicile-travail, qui reprĂ©sentent 55 % des motifs de dĂ©placement sur l'axe considĂ©rĂ© en 1970, et 77 % 1974. Ce constat n'est en principe pas favorable Ă  un trafic cadencĂ© pendant toute la journĂ©e, Ă©tant donnĂ© la forte demande pendant les heures de pointe Ă  laquelle il faut faire face. Une barrière psychologique de 30 min de trajet pour les dĂ©placements domicile-travail apparaĂ®t, constituant sans doute l'un des facteurs expliquant l'absence de croissance du trafic entre Thionville et Nancy. Ce trajet de 87 km est trop pour que les abonnements hebdomadaires de travail s'appliquent, limitĂ©s Ă  75 km. Il apparaĂ®t Ă©galement que davantage de femmes prennent le train : elles reprĂ©sentent 46 % des voyageurs en 1974 contre 36 % en 1970. Enfin, la population rajeunit un peu, puisque 53 % des usagers ont moins de vingt-cinq ans, contre 48 % auparavant.

L'accès Ă  la gare se fait lui le plus souvent Ă  pied, dans 60 % des cas Ă  Metz et Nancy et les usagers rejoignant la gare Ă  pied proviennent pour la plupart d'un rayon de 700 m autour des gares. Des Ă©tudes dans d'autres villes françaises ont donnĂ© le mĂŞme rĂ©sultat pour des services ferroviaires d'une attractivitĂ© semblable. Ainsi, les 10-15 % de la population des villes habitant dans un rayon de 700 m autour des gares reprĂ©sentent les deux tiers des clients du chemin de fer dans ces villes. C'est sans doute en raison de l'Ă©loignement des usines des gares que le pourcentage des ouvriers parmi les usagers de MĂ©trolor a diminuĂ© entre 1970 et 1974. Toutes les personnes ayant pris l'habitude de prendre MĂ©trolor pour leurs dĂ©placements domicile-travail depuis 1970 sont restĂ©es fidèles au train, Ă  moins qu'elles n'aient dĂ©mĂ©nagĂ©. Au contraire, tous les autres nouveaux clients de MĂ©trolor gagnĂ©s pour le train en 1970 n'Ă©taient plus parmi les clients en 1974. Le premier choc pĂ©trolier s'est par ailleurs traduit par une augmentation de la frĂ©quentation de MĂ©trolor de 15 % dĂ©but 1974[a 7].

Influences sur le développement dans les autres régions

En dĂ©pit de ces analyses approfondis, quelques conclusions hâtives ont Ă©tĂ© tirĂ©es de l'expĂ©rience MĂ©trolor, nĂ©gligeant l'influence de certains facteurs, tels que la modernitĂ© du matĂ©riel, les conditions Ă©conomiques et les offres promotionnelles, mais aussi les constellations locales particulières. Pas tous les corridors desservis par une ligne de chemin de fer ont les mĂŞmes potentiels de croissance que le sillon Mosellan, avec sa densitĂ© de population importante et son tissu Ă©conomique dense. La tendance est de penser que toute amĂ©lioration du service ferroviaire rĂ©gional sera couronnĂ© d'un succès commercial autant que financier. MĂ©trolor est ainsi copiĂ© plusieurs fois dans la dĂ©cennie qui suit, plus ou moins bien. Parfois l'expĂ©rience se conclut par un Ă©chec. Ă€ l'Ă©chelle de la Lorraine, c'est le cas « MĂ©tro-Orne Â» en 1973, alors que « MĂ©trovosges Â» en 1975/76 s'avère plus concluant[a 7].

Ailleurs en France, on peut citer les projets suivants :

MĂ©trolor, marque pour le TER Lorraine

Une rame luxembourgeoise entre en gare de Metz, venant de Nancy. En arrière-plan, l'ancien centre de tri de La Poste, démoli en 2007

En novembre 2002 le nom Métrolor est repris par la région Lorraine pour désigner l'ensemble du service ferroviaire régional TER Lorraine, englobant également les dessertes transfrontalières vers Luxembourg-ville et Sarrebruck. Un logo jaune et rouge, reprenant des éléments de celui de la région, est alors dessiné.

Une des nouvelles rames françaises Z 24500 au dépôt de Thionville

Notes et références

    1. p. 125-127.
    2. p. 101.
    3. p. 124.
    4. p. 126-127.
    5. p. 127-128.
    6. p. 127.
    7. p. 128-130.
    8. p. 131.
    9. p. 133.
    10. p. 153-154.
    11. p. 158-159.
    12. p. 161-164 et 185-186.
    13. p. 184.

    Voir aussi

    Bibliographie

    Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

    • Pierre-Henri Émangard, Bernard Collardey et Pierre Zembri, Des omnibus aux TER (1949-2002), Paris, La Vie du Rail, , 466 p. (ISBN 2-902808-83-6). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article

    Articles connexes

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