Louis de Beaufront
Louis de Beaufront, né le à Paris et mort le à Marestmontiers, de son vrai nom Louis EugÚne Albert Chevreux, est un espérantiste français et l'un des créateurs de l'ido.
Naissance | |
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DĂ©cĂšs |
(à 79 ans) Thézy-Glimont |
SĂ©pulture | |
Nom de naissance |
Louis EugĂšne Albert Chevreux |
Nationalités | |
Activités |
Linguiste, idiste, espérantiste, espérantologue |
Membre de |
ComitĂ© linguistique dâespĂ©ranto (d) EspĂ©ranto-France |
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Biographie
La vie de Louis de Beaufront est mal voire non documentĂ©e[1]. Il semble avoir menti sur plusieurs points : il a affirmĂ© avoir des origines nobles anglaises, il a cachĂ© son vĂ©ritable nom et sâest dotĂ© seul dâun titre de noblesse, il a affirmĂ© avoir vĂ©cu en Inde[1].
Jeunesse
Louis de Beaufront nait le dans le 3e arrondissement de Paris[2], de Louise Armande Rose Chevreux, lavandiĂšre[1] - [3], et dâun pĂšre inconnu[2] - [1]. Il a deux petites sĆurs[1]. Le [3] - [4], Ă la mort de sa mĂšre, il devient orphelin[4]. Ă partir de 1869[4], il commence ses Ă©tudes Ă lâuniversitĂ© catholique de Louvain[1], oĂč il Ă©tudie la philosophie et le latin[4]. En 1874[4], Ă lâĂąge de 27 ans[5], il commence Ă travailler comme enseignant privĂ©[4]. Le [4], il est inscrit pour rejoindre lâarmĂ©e[4]. Toutefois, la visite mĂ©dicale du le juge inapte Ă cause de sa myopie, sa frĂ©quence cardiaque et sa bronchite chronique[4]. En 1876, il contracte la fiĂšvre typhoĂŻde[4].
Origine du nom
En 1882[4], il devient enseignant privĂ© de la famille Bertrand Ă Rumont[1] - [4]. Le , il est le parrain de Robert Louis Marie Lucien HĂ©zard, lors du baptĂȘme de lâenfant[4] - [2]. Louis de Beaufront signe lâacte de baptĂȘme avec « Mquis L. Chevreux de Beaufront »[2] - [4]. Il sâagit de la premiĂšre trace Ă©crite de lâutilisation du titre de marquis et du nom « de Beaufront »[4]. Un des membres de la famille Bertrand explique lâorigine du nom[4] : au dĂ©but de lâannĂ©e 1887, lors dâun voyage en train, Louis de Beaufront aurait passĂ© la tĂȘte par la fenĂȘtre pour admirer le paysage. La perruque quâil portait pour cacher sa calvitie se serait alors envolĂ©e, rĂ©vĂ©lant un crĂąne dĂ©garni. Les personnes voyageant avec lui se seraient alors moquĂ©s de ce beau front dĂ©garni[6].
DĂ©couverte de lâespĂ©ranto et prosĂ©lytisme
Alors quâil est Ă Antibes[6], au printemps 1888[6], Louis de Beaufront dĂ©couvre et apprend lâespĂ©ranto[1] - [6], moins dâun an aprĂšs la parution du premier livre sur lâespĂ©ranto. LâannĂ©e suivante, en 1889, son nom apparait dans lâAdresaro de la Esperantistoj (eo), annuaire contenant les adresses des espĂ©rantophones dĂ©clarĂ©s[6]. Il y est indiquĂ© quâil loge toujours Ă Rumont[6]. Il est difficile de savoir si Louis de Beaufront est le premier locuteur de lâespĂ©ranto[7]. En effet, il dispute ce titre avec diverses personnes, comme Auguste Demonget ou RaphaĂ«l Blanchard[7]. Par contre, il est vraisemblablement le premier espĂ©rantiste français de lâhistoire, câest-Ă -dire le premier français Ă promouvoir lâusage de lâespĂ©ranto[1] - [7]. Selon ses propres mots, il aurait abandonnĂ© son projet personnel de langue, nommĂ©e Adjuvanto[1] - [7]. Toutefois, aucun document ne permet de confirmer quâil a travaillĂ© sur un tel projet[1].
Il travaille comme enseignant privĂ© chez le comte de LavalliĂšre Ă Saint-Sulpice-la-Pointe[1] et le comte de Maigret Ă Ăpernay[1].
Son implication pour lâespĂ©ranto est importante[8]. Il collabore Ă la revue La Esperantisto[1]. Il recrute des abonnĂ©s pour la revue et des promesses pour lâAdresaro[1].
En 1893, il propose lâĂ©toile verte comme symbole de lâespĂ©ranto[1]. En 1892, il rĂ©Ă©crit la Unua Libro en français[1], et en 1893, il traduit un livre de prĂȘche et lâĂ©dite sous lâimprimatur de lâarchevĂȘque de Reims[1].
PĂ©riode française de lâespĂ©ranto
Lorsque les mouvements espĂ©rantistes russes et allemands perdent en vitesse, il crĂ©e en janvier 1898, sous les conseils de Zamenhof, la SociĂ©tĂ© Parisienne de Propagation de lâEspĂ©ranto (SPPE), qui deviendra plus tard la SociĂ©tĂ© Française pour la Propagation de lâEspĂ©ranto (SFPE)[1], ancĂȘtre de lâactuelle EspĂ©ranto-France. Il crĂ©e Ă©galement LâEspĂ©rantiste, journal associĂ© Ă la SPPE[1]. Il recrute alors plusieurs français cĂ©lĂšbres et influents[1]. GrĂące Ă sa propagande ciblĂ©e, le SPPE et lâEspĂ©rantiste grandissent et sâinternationalisent rapidement[1]. Pour ces raisons, Louis de Beaufront est nommĂ© « le deuxiĂšme pĂšre de lâEspĂ©ranto »[1].
Selon un contrat spĂ©cial conclu en 1901, il reprĂ©sente Zamenhof auprĂšs dâHachette[1]. Il Ă©crit plusieurs livres dâapprentissage, ainsi que des livres sur les langues, dont la premiĂšre vraie grammaire de lâespĂ©ranto : Commentaire sur la Grammaire de la Langue Internationale Esperanto, en 1900, qui seront plusieurs fois rĂ©Ă©ditĂ©s et traduits dans plusieurs langues[1].
Entre 1905 et 1908, il est membre du Lingva Komitato (eo)[1].
Peu Ă peu, des divergences l'opposĂšrent Ă Zamenhof, et Ă la majoritĂ© des espĂ©rantistes français : pour Zamenhof, l'utilisation d'une langue commune n'Ă©tait que l'expression d'un humanisme presque religieux ; pour Louis de Beaufront, l'espĂ©ranto n'Ă©tait qu'un outil : « lingvo kaj religio estas du » (« la langue et la religion sont deux ») ; cette divergence doit se replacer dans le contexte historique de l'Ă©poque oĂč se discutait en France la loi de sĂ©paration des Ăglises et de l'Ătat. De mĂȘme, d'opinion conservatrice, il apprĂ©ciait peu ceux qui liaient l'espĂ©ranto aux luttes politiques. Des querelles de personnes intervinrent Ă©galement, notamment lorsque des espĂ©rantistes firent annuler un contrat qu'il avait nĂ©gociĂ© avec l'Ă©diteur Hachette. Sous un fallacieux prĂ©texte, il n'assista pas au premier congrĂšs espĂ©rantiste de Boulogne-sur-Mer oĂč fut adoptĂ© le Fundamento de Esperanto, c'est-Ă -dire les rĂšgles intangibles qui garantissent la stabilitĂ© de la langue.
DĂ©lĂ©gation pour lâadoption dâune langue auxiliaire internationale
Il fut nĂ©anmoins dĂ©signĂ© par Zamenhof pour reprĂ©senter l'espĂ©ranto Ă la « dĂ©lĂ©gation pour l'adoption d'une langue auxiliaire internationale ». Selon le tĂ©moignage du linguiste danois Jespersen, il dĂ©fendit l'espĂ©ranto avec Ă©loquence. Lorsqu'il se rendit compte que la DĂ©lĂ©gation n'adopterait pas l'espĂ©ranto sans modifications, il proposa un projet dĂ©rivĂ©, baptisĂ© ido, quoique certains en aient attribuĂ© la paternitĂ© Ă Louis Couturat. Il devint membre du ComitĂ© permanent de la DĂ©lĂ©gation qui fut chargĂ© d'Ă©laborer les modifications Ă l'espĂ©ranto selon les idĂ©es du projet ido. La langue qui rĂ©sulta de ces travaux, bien que trĂšs diffĂ©rente du projet initial ido de Louis de Beaufront, fut nĂ©anmoins, aprĂšs bien des hĂ©sitations, Ă©galement baptisĂ©e ido. Il quitta alors les espĂ©rantistes, et resta idiste jusqu'Ă la fin de sa vie : son action n'eut pas le mĂȘme succĂšs que pour l'espĂ©ranto, et l'ido n'atteignit pas le mĂȘme nombre de locuteurs que l'espĂ©ranto.
Sa volte-face fut considĂ©rĂ© comme une trahison de la part des espĂ©rantistes, donnant lieu en espĂ©ranto au mot bofrontido («âŻpartisan de BeaufrontâŻÂ»), portant le sens de traitre. Il racontait que quand, pendant la guerre, il Ă©tait revenu Ă sa maison incendiĂ©e par des bombes allemandes, il avait retrouvĂ© au milieu des ruines fumantes un morceau de papier qui n'avait pas brĂ»lĂ© : c'Ă©tait la lettre d'un espĂ©rantiste qui le traitait de « MaĂźtre Aliboron ». Pendant la guerre Ă©galement, il aurait reçu deux fois des lettres de Zamenhof l'engageant Ă revenir Ă l'espĂ©ranto.
Fin de vie
Il passe les 27 derniĂšres annĂ©es de sa vie Ă Grivesnes[1]. Il meurt dâune congestion pulmonaire le Ă ThĂ©zy-Glimont, dans sa maison rue du Marais[1] - [2]. Son acte de dĂ©cĂšs le nomme « Pierre Josselin GĂ©rald EugĂšne Albert Louis de Beaufront »[2]. Il est enterrĂ© le Ă Marestmontiers, Ă©galement dans la Somme[1]. Sa tombe ne porte pas de nom, mais seulement la mention «âŻCi-gĂźtâŻÂ» et un crucifix[9]. Selon Ric Berger, il Ă©tait alors tellement isolĂ© qu'on n'apprit sa mort que par un exemplaire de la revue occidentaliste Cosmoglotta qui fut renvoyĂ©e avec la mention : « dĂ©cĂ©dĂ©, hĂ©ritiers inconnus ».
Ćuvres
En français
- Langue universelle Esperanto : Manuel complet avec double dictionnaire traduit sur lâouvrage russe du Dr. L. Zamenhof,
- Commentaire sur la Grammaire de la Langue Internationale Esperanto, (lire sur Wikisource)
- Dictionnaire Esperanto-Français,
- Supplément au dictionnaire Esperanto-Français,
- Grammaire et exercices de la langue internationale Esperanto, (lire sur Wikisource)
- Texte synthĂ©tique des rĂšgles, prĂ©fixes, suffixes, expressions de lâEsperanto,
- Corrigé de grammaire et exercice,
- LâEsperanto seule vraie solution de la Langue internationale auxiliaire,
- La langue internationale peut-elle ĂȘtre le latin ?,
- ThĂšmes dâapplication, lexicologie, syntaxe, formation des mots de lâEsperanto,
- Structure du dictionnaire Esperanto. RĂ©ponse Ă beaucoup dâobjections,
- La langue internationale Esperanto : Ses raisons dâĂȘtre, sa structure, ses services, sa diffusion,
- CorrigĂ© de lâ âEkzercaro de la lingvo internacia Esperantoâ de L.-L. Zamenhof,
- Un bien beau leurre. Tre bela tromplogilo : La compréhensibilité immédiate dans la langue Internationale,
En espéranto
- (eo) PreÄareto por katolikoj,
- (eo) Ekzercoj de aplikado, leksikologio, sintakso, vortfarado Esperantaj,
- (eo) Louis de Beaufront et Gaston Moch, Pri tri Projektoj prezentitaj al la Boulogneâa Kongreso,
- (eo) Klariga libreto de lâDelmasâaj helpaj bildoj por la praktika instruado de lâmodernaj lingvoj per la senpera metodo kaj bildaro,
Notes et références
- Gorecka et Korzhenkov 2018, p. 30.
- SAT AMIKARO, « Sep dokumentoj pri la identeco de Bofronto », sur SAT AMIKARO, (consulté le )
- « Acte de décÚs no1663, V4E 1031 », p. 11
- Amouroux 1988, p. 1.
- Lettre à Bourlet du 18 décembre 1901.
- Amouroux 1988, p. 2.
- (eo) La redakcio, « Louis de Beaufront, la dua patro de Esperanto », sur La Ondo de Esperanto, (consulté le )
- Jean-Claude Lescure, « La crĂ©ation d'un rĂ©seau culturel transnational : les dĂ©buts de l'espĂ©ranto », Relations internationales, no 116,â , p. 515â533 (ISSN 0335-2013, lire en ligne, consultĂ© le )
- Jossinet 1998.
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (eo) Ivan Chiriaïev, Lajos Kökény et Vilmos Bleier, Enciklopedio de Esperanto, vol. 1, Budapest, Literatura Mondo, , 271 p.
- (eo) IstvĂĄn Szerdahelyi, Krestomatio de Esperanta Literaturo, vol. 3,
- (eo) Jean Amouroux, La Franca Periodo de Esperanto, Eldonejo Ludovikito, , 229 p.
- (eo) Roland Jossinet, « La franca savinto de Esperanto : Louis de Beaufront », Franca Esperantisto, no 498,â , p. 42-48 (lire en ligne )
- (eo) Josip Pleadin, Ordeno de Verda Plumo : Leksikono pri Esperantlingvaj Verkistoj, ÄurÄevac, Grafokom, , 272 p. (ISBN 953-96975-5-7)
- (en) Geoffrey Sutton, Concise Encyclopedia of the Original Literature of Esperanto, New York, Mondial, , 728 p. (ISBN 978-1-59569-090-6)
- (eo) Carlo Minnaja et Giorgio Silfer, Historio de la esperanta literaturo, , 748 p. (ISBN 3-906595-21-8)
- (eo) Halina Gorecka et Alexander Korzhenkov, Nia diligenta kolegaro, Sezonoj et association lituanienne dâespĂ©ranto, , 320 p. (ISBN 609-95087-6-7), p. 30-31.