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Louis Grégori

Louis-Vincent-Anthelme Grégori, né le à Belley et mort en , est un journaliste nationaliste, militariste et antisémite français.

Louis Grégori
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Louis-Vincent-Anthelme Grégori
Nationalité
Formation
Activité

Il est surtout connu pour avoir tiré sur Alfred Dreyfus le , lors de la cérémonie de transfert des cendres d'Émile Zola au Panthéon.

Biographie

Né à Belley[1], Louis-Vincent-Anthelme Grégori est le fils de Vincent-Dominique-Prosper Grégori (1808-1875), un professeur de piano[1] et organiste d'origine italienne, et de Jeanne-Marie Olivier (née vers 1820[1], morte le ), qui serait une petite-nièce du chirurgien Anthelme Richerand. Quelques années après la naissance de Louis, la famille Grégori s'installe à Bourg-en-Bresse, où Vincent est nommé titulaire de l'orgue[2] de Notre-Dame en 1849[3].

Après avoir Ă©tudiĂ© au lycĂ©e Charlemagne, Louis entre Ă  l'École normale supĂ©rieure en 1863. En 1865, cet admirateur de Victor Hugo Ă©crit avec enthousiasme au poète proscrit, qui lui adresse un livre (pour une tombola organisĂ©e par l’École normale supĂ©rieure) et lui rĂ©pond chaleureusement : « Vous ĂŞtes une gĂ©nĂ©reuse âme et gĂ©nĂ©reuse intelligence. Ne craignez rien du temps : les annĂ©es dessèchent les mĂ©diocres et grandissent les forts. Vous ĂŞtes un jeune ; vous serez un jour un vieillard ; vous ne serez jamais un vieux Â»[4].

Carrière journalistique

Grégori en 1869.

Licencié ès lettres, Grégori se consacre pendant quelque temps à l'enseignement, comme professeur au lycée de Tournon, mais abandonne bientôt cette voie au profit d'une carrière journalistique entamée dès 1866. Certains de ses articles — dont une étude du rôle de la télégraphie dans la guerre austro-prussienne qui aurait été remarquée par Napoléon III[5] — sont publiés dans la Revue des deux Mondes et, entre 1868 et 1870, il est le rédacteur du journal La Sarthe au Mans. C'est en 1869 que ce jeune journaliste, alors probablement de tendance républicaine, connaît ses premiers déboires avec les autorités[6] et écope de trois mois de prison et de mille francs d'amende[7].

Après avoir pris part à la guerre franco-allemande de 1870 au sein de l'armée de la Loire, il devient le directeur politique du Journal de l'Ouest — poste qu'il occupe le , quand il se bat en duel contre le député de gauche Georges Périn[8] — puis, vers 1876, le rédacteur en chef de La Province, à Bordeaux. Fréquentant des bonapartistes, il écrit par la suite pour des journaux conservateurs tels que Le Clairon et Le Gaulois et se spécialise dans les questions militaires. Il collabore également pendant une quinzaine d'années au Figaro et rédige de nombreux articles pour La France militaire. Vers 1893, il est le secrétaire général de La Patrie.

En marge de cette activité journalistique, il s'essaie à la dramaturgie : une de ses pièces, Les Prétendants, est créée à Lille en 1902.

Proche d’Édouard Drumont, qu'il connaît depuis le lycée et dont il partage l'antisémitisme, Grégori dirige l'édition illustrée de La France juive, parue en 1887[9]. Quatre ans plus tôt, il avait contribué à lancer, comme administrateur, Les Grimaces, un hebdomadaire violemment anti-opportuniste (et quelquefois antisémite) rédigé par Octave Mirbeau.

Outre ses articles sur l'armĂ©e, GrĂ©gori s'intĂ©resse aux questions d'affaires et cĂ´toie des financiers quelquefois sans scrupule, tel Hippolyte Mary-Raynaud[2], ce qui l'implique lui-mĂŞme dans des dĂ©mĂŞlĂ©s judiciaires. En 1909, il est ainsi acquittĂ© en appel aux termes d'une longue procĂ©dure, ayant Ă©tĂ© accusĂ© d'« abus de confiance Â»[10] et d'avoir dĂ©tournĂ© les titres d'actionnaires lĂ©sĂ©s par la liquidation (en 1901) de la Banque spĂ©ciale des valeurs industrielles, actionnaires que le journaliste avait reprĂ©sentĂ© en justice.

L'attentat du Panthéon (1908)

Photographie de la parade militaire.
Arrêté, Grégori est conduit à la mairie du Panthéon par des agents de la Sûreté.
La cérémonie.

Au printemps 1908, la dĂ©cision de porter les cendres d'Émile Zola au PanthĂ©on irrite profondĂ©ment les antidreyfusards, qui n'ont pas oubliĂ© le rĂ´le jouĂ© par l'Ă©crivain en faveur d'Alfred Dreyfus et son cĂ©lèbre « J'accuse...! Â» dirigĂ© contre les officiers d'Ă©tat-major hostiles Ă  la rĂ©vision du procès.

Grégori, qui s'était pourtant peu signalé et était resté relativement modéré dans ses propos pendant les polémiques de « l'Affaire », est surtout choqué par la participation de la troupe à cette cérémonie. Il est en effet prévu qu'une parade militaire défile devant les invités d'honneur, parmi lesquels on attend Dreyfus, qui a été pleinement réhabilité par la Cour de cassation en 1906 puis décoré de la Légion d'honneur et promu au grade de commandant.

Le , muni d'une carte de presse qui lui donne accès aux marches du Panthéon ainsi que d'un révolver de mm de calibre chargé de cinq balles, Grégori parvient à tirer deux coups de feu sur le commandant Dreyfus, qu'il blesse au bras et à l'avant-bras. Immédiatement maîtrisé par les membres de l'assistance puis arrêté, Grégori est accusé de tentative d'homicide volontaire avec préméditation[11].

L'extrême-droite salue le geste « très français » de Grégori, qui reçoit le soutien de Georges Thiébaud et de l'Action française, tandis que Drumont et Gaston Méry de La Libre Parole ouvrent une souscription en sa faveur.

Le procès[12] s'ouvre le jeudi à la cour d'assises de la Seine. Grégori, défendu par Joseph Ménard, vice-président (nationaliste) du conseil municipal de Paris, prétend avoir voulu commettre un acte symbolique en tirant sur le « Dreyfusisme » et tente de faire de son procès « la révision de la révision ». Parmi les témoins à décharge figure l'ancien ministre de la Guerre Maurice Berteaux, qui ne cautionne pas l'acte, présente l'accusé comme un journaliste militaire consciencieux et dépourvu de passion politique. Autres témoins cités par la défense, les principaux animateurs de l'antidreyfusisme, tels que le commandant Lebrun-Renault, le lieutenant-colonel du Paty de Clam ainsi que le député et syndicaliste jaune Pierre Biétry, tentent en vain d'exposer à la barre leurs arguments destinés à prouver la culpabilité de Dreyfus. Également appelé à témoigner à décharge, Henri Rochefort compare le geste de son confrère à un crime passionnel qui devrait — en tant que tel — bénéficier d'un acquittement. Cette opinion est partagée par l'ancien magistrat Quesnay de Beaurepaire, dont une lettre de soutien est lue par Me Ménard lors d'une plaidoirie qui lui permet d'attaquer violemment la mémoire de Zola.

Le réquisitoire de l'avocat général, Théodore Lescouvé, surprend par sa relative indulgence, requalifiant les faits de « coups et blessures » en écartant la tentative d'homicide : il s'agit peut-être d'éviter que le vieux journaliste ne soit érigé en martyr de la cause nationaliste[13].

Le , le jury acquitte l'accusé.

Après l'acquittement

Les antidreyfusards interprètent l'acquittement de Grégori comme un désaveu de l'arrêt de la Cour de cassation de 1906 et comme une condamnation indirecte et implicite d'Alfred Dreyfus, l'ancien prisonnier de l'île du Diable.

L'attentat contre Dreyfus est même commémoré à deux reprises. Le , une réunion a ainsi lieu en présence d'Armand du Paty de Clam à l'hôtel des sociétés savantes, rue Serpente, et donne lieu à de violents affrontements entre camelots du roi et étudiants républicains[14]. Le second anniversaire de l'attentat est organisé le par la Ligue de la Rose Blanche présidée par le secrétaire de Grégori[15], Achille Joinard : cette célébration nationaliste et antisémite a lieu à l'école libre de la rue Saint-Maur, sous la présidence du général de Taradel et en présence de Grégori, de Joinard, du sénateur Gaudin de Villaine, du lieutenant-colonel du Paty de Clam, de l'avocat Paul Watrin et du journaliste Joseph Santo[16].

PersuadĂ© que le prĂ©sident FĂ©lix Faure, mort en 1899 dans les bras de Marguerite Steinheil, a Ă©tĂ© en rĂ©alitĂ© assassinĂ© par les dreyfusards, GrĂ©gori dĂ©pose en une plainte pour « homicide par imprudence ou autrement Â»[17] contre la maĂ®tresse du dĂ©funt chef d’État. Cette plainte et celle, contre X, dĂ©posĂ©e par Jules Delahaye, qui ont pour but de suspendre la prescription des faits, sont cependant toutes deux dĂ©clarĂ©es irrecevables[18]. En mai de la mĂŞme annĂ©e, il se rend Ă  l’ÉlysĂ©e pour remettre au prĂ©sident Fallières une pĂ©tition rĂ©clamant la dissolution de la Chambre des dĂ©putĂ©s et la convocation d'une assemblĂ©e constituante[19].

Louis Grégori meurt en , peu de temps avant son 68e anniversaire, des suites d'une opération chirurgicale[20]. Après une cérémonie religieuse à l'église de la Trinité, Grégori est inhumé le au cimetière de Billancourt, en présence de nombreuses personnes, dont Maurice Barrès, Georges Thiébaud[21] et les adhérents de la Ligue de la Rose Blanche[22] dirigée par Joinard. Ce dernier continuera à fleurir la tombe du journaliste pendant plusieurs années[23].

Références

  1. Registres d'Ă©tat civil de la commune Belley : acte de naissance no 93 du 27 octobre 1842.
  2. Le Petit Parisien, 6 juin 1908, p. 1.
  3. L'Orgue, no 253-256, 2001, p. 35-40.
  4. « Courrier des Lettres Â», Le Figaro, supplĂ©ment littĂ©raire no 450, 19 novembre 1927, p. 4.
  5. « M. GrĂ©gori Â», Journal des dĂ©bats, 5 juin 1908, p. 4.
  6. Émile Legrand, « Bulletin judiciaire Â», Journal des dĂ©bats, 22 juin 1869, p. 3.
  7. La Presse, , p. 2.
  8. La Presse, 17 octobre 1874, p. 3.
  9. Voir le site de la Société internationale d'histoire de l'affaire Dreyfus : http://affaire-dreyfus.com/2016/12/22/quelques-lettres-de-drumont-a-louis-gregori/
  10. « M. GrĂ©gori en correctionnelle Â», Journal des dĂ©bats, 4 fĂ©vrier 1909, p. 4.
  11. Philippe Oriol, L'Histoire de l'affaire Dreyfus de 1894 Ă  nos jours, Paris, Les belles Lettres, 2014, p. 1093-1095
  12. Philippe Oriol, L'Histoire de l'affaire Dreyfus de 1894 Ă  nos jours, op. cit., p. 1095-1099
  13. Hypothèse de Michel Drouin (cf. bibliographie, p. 64).
  14. « M. GrĂ©gori cĂ©lèbre lui-mĂŞme l'anniversaire de son attentat Â», Le Petit Parisien, 27 juin 1909, p. 3.
  15. « Les Amis de M. Millerand », Armée et démocratie, 16 février 1913, p. 117.
  16. « L'anniversaire de l'acte du PanthĂ©on contre le traĂ®tre Dreyfus Â», La Bastille, no 394, 25 juin 1910, p. 2.
  17. « L'affaire Steinheil Â», Le Petit Parisien, 16 fĂ©vrier 1909, p. 2.
  18. « Bulletin », La Bastille, no 326, 20 février 1909, p. 3-4.
  19. « Une pĂ©tition de M. GrĂ©gori Â», La Presse, 2 mai 1909, p. 2.
  20. A. M., « NĂ©crologie Â», Les Annales catholiques, no 2109, 6 novembre 1910, p. 132.
  21. « Les obsèques de M. GrĂ©gori Â», Le Temps, 30 octobre 1910, p. 4.
  22. « Mort de M. GrĂ©gori Â», L'IndĂ©pendant du Blanc, no 44, 30 octobre 1910, p. 2.
  23. « Petites nouvelles Â», La Presse, 5 juin 1912.

Bibliographie

  • Michel Drouin, « Qui Ă©tait GrĂ©gori ? », in Alain Pagès (Ă©d.), Zola au PanthĂ©on, l'Ă©pilogue de l'affaire Dreyfus, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2010, p. 55-64.
  • Louis GrĂ©gori, Le Procès du PanthĂ©on - GrĂ©gori, Dreyfus et Zola devant le jury - La rĂ©vision de la rĂ©vision, Paris, 1908.

Liens externes

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