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Loi du plus fort

Le droit du plus fort désigne une situation où une confrontation se résout par un rapport de force au profit d'une partie (individu ou groupe) et au détriment d'une autre.

« La raison du plus fort est toujours la meilleure », morale de la fable Le Loup et l'Agneau de Jean de La Fontaine (1668).

Cette situation s'oppose au règlement à l'amiable, ou « par consensus », à l'issue duquel aucune des parties n'est censée se sentir lésée.

Évolution des analyses

L'observation de ces rapports de force a suscité un très grand nombre d'analyses, notamment dans le champ des sciences sociales, à partir du XIXe siècle, même si on retrouve des traces de cette réflexion de façon bien antérieure.

  • L'historien grec Thucydide relate dans son Histoire de la guerre du PĂ©loponnèse un dĂ©bat entre les athĂ©niens et les habitants de l'Ă®le de MĂ©los, situĂ©e dans le sud de la Mer ÉgĂ©e, Ă  l'est de Sparte. Ce dialogue est emblĂ©matique du conflit entre raison morale et raison du plus fort. Les AthĂ©niens exigent que les MĂ©liens se soumettent et paient un tribut, sous peine de voir leur citĂ© dĂ©truite. Les MĂ©liens affirment leur droit de rester neutres, faisant appel au sens de la justice des AthĂ©niens et Ă  leur compassion envers une petite citĂ© pacifique et sans dĂ©fense. Les AthĂ©niens rĂ©pondent sèchement que la justice ne s'applique pas entre puissances inĂ©gales, et mettent le siège devant MĂ©los comme ils avaient menacĂ© de le faire ; ayant affamĂ© la ville et obtenu après plusieurs mois sa reddition, ils tuent les hommes en âge de se battre et rĂ©duisent en esclavage les femmes et les enfants.
  • Au XVIIe siècle, Blaise Pascal fait remarquer qu'aucune loi ne peut s'exercer sans recours Ă  la force, et d'une force qui, seule, ne reprĂ©sente aucune lĂ©gitimitĂ© de droit : La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu'il y a toujours des mĂ©chants. La force sans la justice est accusĂ©e. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste[2].
  • Au XVIIIe siècle, Jean-Jacques Rousseau se demande si le droit n'est pas un simple voile destinĂ© Ă  couvrir pudiquement la rĂ©alitĂ© de la force, « Bien instruit de mes devoirs et de mon bonheur, je ferme le livre, sors de la classe, et regarde autour de moi ; je vois des peuples infortunĂ©s gĂ©missants sous le joug de fer, le genre humain Ă©crasĂ© par une poignĂ©e d'oppresseurs »[3]. Selon lui, « le plus fort n’est jamais assez fort pour ĂŞtre toujours le maĂ®tre, s’il ne transforme sa force en droit, et l’obĂ©issance en devoir. De lĂ  le droit du plus fort… »[4]). Ă€ la « loi du plus fort », Rousseau oppose en 1762 « le contrat social Â», condition minimale selon lui pour qu'un groupe ou toute une sociĂ©tĂ© puisse rĂ©gler ses conflits et vivre en harmonie.
  • Au milieu du XIXe siècle, les approches sont extrĂŞmement contrastĂ©es. En 1807, au dĂ©but du siècle, le philosophe allemand Georg Hegel nuance ce rapport de force dans son ouvrage : la PhĂ©nomĂ©nologie de l'Esprit. Hegel explique que le rapport de force entre deux parties n'est pas une simple opposition mais s'inscrit dans un mouvement dialectique. Pour Hegel, il n'y a pas seulement victoire du camp le plus fort, mais en rĂ©alitĂ© un processus symĂ©trique d'action rĂ©ciproque qui, s'il avantage temporairement le maĂ®tre, finit toujours par se retourner contre lui au profit de l'esclave.
  • Au XXe siècle, Michel Foucault distingue la règle et la loi[5] et Pierre Bourdieu Ă©labore toute une thĂ©orie de la domination en puisant chez Karl Marx (la sociĂ©tĂ© comme théâtre d’une lutte entre groupes sociaux aux intĂ©rĂŞts antagonistes) et chez Max Weber (les rapports de domination sont aussi des rapports de sens, et sont perçus comme lĂ©gitimes).

Notes et références

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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