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Littérature latine d'Afrique romaine

La littérature latine d'Afrique romaine est la littérature d'expression latine produite par des auteurs originaires de l'Afrique romaine[1], principalement à partir du IIe siècle et jusqu'à la fin de la latinité en Afrique du Nord. Ces auteurs peuvent être issus des populations locales de tradition lybico-berbère ou punique ou de familles romaines installées en Afrique du Nord. Après avoir grandi et avoir été formés sur place (notamment à Carthage, principal centre culturel de la région), beaucoup sont partis vivre à Rome ou ailleurs dans l'Empire ; par conséquent, les œuvres qui constituent cette littérature n'ont pas toujours été écrites en Afrique.

Romanisation de l'Afrique au IVe siècle
Exarchat de Carthage au VIIe siècle

Histoire

Bien avant la création de Rome, la civilisation carthaginoise (814 av. J.-C.- s'est imposée dans la moitié occidentale du Bassin méditerranéen. Les rivalités des deux zones d'influence s'exacerbent durant les guerres puniques (-).

L'Afrique romaine (-) s'installe, durablement, d'abord en relation avec des royaumes locaux (royaume de Maurétanie, royaume de Numidie (-)), puis selon les modalités variables de toute province romaine : Maurétanie tingitane, Maurétanie césarienne, Afrique proconsulaire, Byzacène, Tripolitaine, Numidie, Numidie cirtéenne.

La romanisation s'effectue progressivement dans ces sociétés partiellement hellénisées. Les villes principales en sont Leptis Magna, Utique, Sabratha, Cirta et la Carthage romaine.

Les romano-africains sont d'origine berbère, de souche locale, ou punique, mais peuvent aussi être des descendants de populations venues de Rome elle-même, ou de diverses régions de l'empire, notamment les légionnaires.

La vigueur des Lettres en Afrique est telle que, entre le IIe et le IVe siècle, Carthage apparaît comme une capitale culturelle dont les productions littéraires insufflent nouveautés et fraîcheur dans l'ensemble du monde romain. C'est là le résultat de longues années de pratiques des bibliothèques[2], des lectures publiques, d'échanges incessants avec le cœur de l'Empire et d'influences helléniques. Les Carthaginois ont ainsi diffusé leur goût pour la grammaire et la rhétorique dans la plupart des provinces africaines. Les plus dignes représentants de ce courant sont Florus, Sulpice Apollinaire, Nonius Marcellus, Terentianus dit le Maure et Fronton.

Ces réalités perdurent sous le royaume vandale[3] (435-534), puis l'exarchat de Carthage (Empire byzantin) (585-698)[4]. Dès la conquête arabe, l'Ifriqiya recouvre les territoires de l'Afrique romaine et commence l'arabisation.

Place de l'Afrique romaine dans la littérature latine

Pierre Grimal[5] reconnaît à l'Afrique romaine une place éminente dans la littérature latine à partir du IIe siècle : « Dans la lente décomposition de la littérature latine, une province de l'Empire semble avoir opposé une résistance plus longue que les autres. Au Ier siècle apr. J.-C., l'Espagne s'était révélée comme un réservoir de talents. Au IIe siècle, ce rôle appartient à l'Afrique. » Il donne deux explications à la vitalité des lettres latines dans cette région : des conditions sociales favorables avec la constitution d'une bourgeoisie riche et cultivée ; l'influence du monde hellénique s'exerçant à partir de la Cyrénaïque et de l'Égypte proches[6] - [7].

Ce rôle s'amplifie avec le développement de la littérature chrétienne. Selon Pierre de Labriolle[8], « c'est l'Afrique du Nord qui, pendant près de trois siècles, a donné à la littérature chrétienne la plupart des écrivains qui l'ont illustrée. L'Afrique a été, jusqu'au IVe siècle, le foyer de la pensée chrétienne occidentale. »

Les historiens de la littérature peinent à reconnaître des traits communs à tous ces auteurs qui pourraient donner à cette littérature africaine une spécificité. Paul Monceaux est l'un de ceux qui a le plus fermement défendu l'idée d'une particularité africaine en matière de littérature et surtout de langue. Il a développé la notion d'africitas (en), terme déjà utilisé par Érasme, pour désigner une variante locale du latin présentant des traits particuliers de morphologie, de syntaxe, de vocabulaire et de style. Sa position a été sévèrement critiquée dès son époque par Gaston Boissier, dans son compte rendu de l'ouvrage, et par Eduard Norden (de) dans Die antike Kunstprosa[9], mais n'en a pas moins eu une forte influence au cours du XXe siècle[10]. Le débat a été relancé au XXIe siècle à partir de l'exemple d'Apulée[11].

Une autre discussion porte sur l'identité culturelle profonde de ces auteurs[12]. Sont-ils des Africains de souche ou appartiennent-ils à des familles d'origine romaine ou italienne installées en Afrique ? Tertullien (150-220) et Augustin d'Hippone (354-430).

Auteurs

Anthologie

Un folio du codex Salmasianus, principal témoin de l’Anthologia Latina.

Voir aussi

Bibliographie

  • Paul Monceaux, Africains II. Les auteurs latins d'Afrique. Les païens (1894), présentation et bibliographie : Leila Ladjimi Sebaï, Carthage : Cartaginoiseries, 2012, 296 p. (ISBN 9789973704221).
  • Paul Monceaux, Histoire littéraire de l'Afrique chrétienne depuis les origines jusqu'à l'invasion arabe (7 volumes), Paris, 1901-1923 (Prix Halphen de l'Académie française).
  • Serge Lancel, « Y a-t-il une africitas ? », Revue des études latines, 63, 1985, p. 161-182.
  • (en) Benjamin Todd Lee, Ellen Finkelpearl et Luca Graverini, Apuleius and Africa (« Routledge monographs in classical studies », 18), New York - London, Routledge, 2014, xvi + 344 p. (ISBN 9780415533096) ((en) compte rendu par Vincent Hunink, Bryn Mawr Classical Review, 2015, en ligne).

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. Il s'agit ici en fait de la partie de l'Afrique romaine où la langue véhiculaire était le latin (Afrique proconsulaire et Tripolitaine, Maurétanie césarienne et Maurétanie tingitane), à l'exclusion de la Cyrénaïque et de l'Égypte, de langue grecque.
  2. Noureddine Tlili, « Les bibliothèques en Afrique romaine », Dialogues d'histoire ancienne, 2000, no 26.
  3. Voir notamment les épigrammes réunies dans l’Anthologie latine, œuvres de Symphosius, Luxorius, Flavius Felix, Coronatus et Caton ainsi que de poètes anonymes. Épigrammes latines de l'Afrique vandale, établies, traduites et annotées par Ingrid Bergasa, avec la collaboration d'Étienne Wolff (coll. « Fragments »), Paris, Les Belles Lettres, 2016, CV + 378 p. (ISBN 9782251742175)
  4. Serge Lancel, « La fin et la survie de la latinité en Afrique du Nord. État des questions », Revue des études latines, 59, 1981, p. 269-297.
  5. La littérature latine, Paris, PUF (coll. « Que sais-je ? », no 327), 1re éd., 1965.
  6. « …l'une des raisons de l'éclat que connut alors la culture romaine en Afrique est probablement cette double influence, occidentale et orientale, qui la pénètre. »
  7. Dans les cercles lettrés, le grec était pratiqué à côté du latin, comme en témoigne Apulée, Florides, XVIII, 16. C'était vrai non seulement à Carthage, mais même dans de petites cités comme Ammaedara/Haïdra : Z. Benzina Ben Abdallah et L. Naddari, « Omnium litterarum scientissimus… : à propos d’une famille de lettrés des environs d’Ammaedara », in L’Africa romana, 19, 2, Sassari, 2012, p. 2113–2134.
  8. Histoire de la littérature latine chrétienne, Paris, Les Belles Lettres, 1924, p. 79.
  9. Die antike Kunstprosa vom VI. Jahrhundert v. Chr. bis in die Zeit der Renaissance, 2 vol., Leipzig, Teubner, 1898.
  10. Pour un état de la question, voir Serge Lancel, « Y a-t-il une africitas ? », Revue des études latines, 63, 1985, p. 161-182.
  11. Benjamin Todd Lee, Ellen Finkelpearl et Luca Graverini, Apuleius and Africa, New York - London, Routledge, 2014.
  12. Voir, par exemple, sur Fronton : Jens E. Degn, « Africain romanisé ou Romain africanisé ? L'identité culturelle de Marcus Cornelius Fronto », Classica et Mediaevalia. Danish Journal of Philology and History, 61, 2010, p. 203 et suiv. (en ligne).
  13. « Quand Carthage rayonnait sur la littérature latine », sur Leaders (consulté le ).
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