Line graph
En thĂ©orie des graphes, le line graph L(G) d'un graphe non orientĂ© G, est un graphe qui reprĂ©sente la relation d'adjacence entre les arĂȘtes de G. Le nom line graph vient d'un article de Harary et Norman publiĂ© en 1960[1]. La mĂȘme construction avait cependant dĂ©jĂ Ă©tĂ© utilisĂ©e par Whitney en 1932 et Krausz en 1943[2] - [3]. Il est Ă©galement appelĂ© graphe adjoint[4].
Un des premiers et des plus importants thĂ©orĂšmes sur les line graphs est Ă©noncĂ© par Hassler Whitney en 1932, qui prouve qu'en dehors d'un unique cas exceptionnel, la structure de G peut ĂȘtre entiĂšrement retrouvĂ©e Ă partir de L(G) dans le cas des graphes connexes[2].
DĂ©finition formelle
Ătant donnĂ© un graphe G, son line graph L(G) est le graphe dĂ©fini de la façon suivante :
- Chaque sommet de L(G) reprĂ©sente une arĂȘte de G;
- Deux sommets de L(G) sont adjacents si et seulement si les arĂȘtes correspondantes partagent une extrĂ©mitĂ© commune dans G (on dit alors qu'elles sont adjacentes).
Exemples
Exemple de construction
La figure suivante illustre un graphe (Ă gauche, avec des sommets bleus) et son line graph (Ă droite, avec des sommets verts). Chaque sommet du line graph est Ă©tiquetĂ© avec les extrĂ©mitĂ©s de l'arĂȘte correspondante dans le graphe d'origine.
- Graphe G
- Sommets de L(G) construits Ă partir des arĂȘtes de G
- Ajout des arĂȘtes de L(G)
- Le line graph L(G)
Quelques line graphs
- Le graphe de Petersen est le graphe complémentaire du line graph du graphe complet .
- Le line graph du graphe tétraédrique est le graphe octaédrique.
- Le line graph du graphe hexaédrique est le graphe cuboctaédrique.
- Le line graph du graphe dodécaédrique est le graphe icosaédrique.
Propriétés
Propriétés élémentaires
Les propriĂ©tĂ©s d'un graphe G dĂ©pendant uniquement de l'adjacence entre arĂȘtes peuvent ĂȘtre traduites sur L(G) en propriĂ©tĂ©s Ă©quivalentes dĂ©pendant de l'adjacence entre sommets. Par exemple, un couplage dans G, c'est-Ă -dire un ensemble d'arĂȘtes qui n'ont pas de sommet en commun, correspond Ă un ensemble de sommets deux Ă deux non adjacents dans L(G), donc Ă un stable de L(G).
En conséquence, on a les propriétés suivantes :
- Le line graph d'un graphe connexe est connexe. La réciproque n'est cependant pas vraie. Un graphe G ayant des sommets isolés peut avoir un line graph connexe.
- Un ensemble stable de poids maximal dans un line graph L(G) correspond Ă un couplage maximum dans G. Comme un couplage maximum peut ĂȘtre trouvĂ© en temps polynomial, la recherche d'un ensemble stable de poids maximal se fait Ă©galement en temps polynomial dans un line graph, mĂȘme s'il s'agit dans le cas gĂ©nĂ©ral d'un problĂšme NP-complet au sens de la thĂ©orie de la complexitĂ©.
- L'indice chromatique d'un graphe G est Ă©gal au nombre chromatique de son line graph L(G). En effet, colorer les arĂȘtes d'un graphe Ă©quivaut Ă colorer les sommets de son line graph.
- Le line graph d'un graphe sommet-transitif est un graphe arĂȘte-transitif.
- Si un graphe G a un cycle eulérien, c'est-à -dire si G est connexe et que tous ses sommets sont de degré pair, alors le line graph L(G) est un graphe hamiltonien. Il peut exister cependant des cycles hamiltoniens dans L(G) qui ne proviennent pas de cycles eulériens dans G.
Relations avec d'autres familles de graphes
Les line graphs sont des graphes sans griffe, c'est-Ă -dire des graphes qui n'admettent pas le graphe griffe comme sous-graphe induit.
Le line graph d'un graphe biparti est un graphe parfait (voir le théorÚme de König). Les line graphs des graphes bipartis sont utilisés dans la preuve du théorÚme des graphes parfaits.
Caractérisation des line graphs
Un graphe G est le line graph d'un autre graphe, si et seulement s'il est possible de trouver un ensemble de cliques dans G qui partitionne les arĂȘtes de G tel que chaque sommet de G appartienne exactement Ă deux des cliques. Certaines de ces cliques peuvent ĂȘtre rĂ©duites Ă un seul sommet.
Par un rĂ©sultat de Hassler Whitney[2], si G n'est pas un triangle, alors il ne peut y avoir qu'une seule partition de ce type. Si une telle partition existe, il est possible de retrouver le graphe d'origine dont G est le line graph. Pour cela, il suffit de crĂ©er un sommet pour chaque clique et de relier par des arĂȘtes les couples de cliques qui partagent un sommet en commun dans G. Roussopoulos utilisa en 1973 ce rĂ©sultat comme base pour construire une algorithme permettant d'identifier les 'line graphs en temps linĂ©aire[5].
Un corollaire de ce résultat est que, exception faite des cas du graphe complet et du graphe biparti complet , si les line graphs L(G) et L(H) de deux graphes G et H sont isomorphes, alors les graphes G et H sont isomorphes.
Une autre caractérisation des line graphs fut proposée par Beineke en 1968[6] (puis prouvée en 1970[7]). Il montra qu'il existait neuf graphes minimaux qui n'étaient pas des line graphs tel que tout graphe n'étant pas un line graph avait pour sous-graphe induit au moins un de ces graphes minimaux.
Itération de l'opérateur line graph
En 1965, van Rooij et Wilf s'intéressent à l'itération de l'opérateur line graph[8]. Considérons la séquence suivante :
Alors, si G est un graphe connexe fini, seuls quatre comportements différents sont possibles pour cette séquence :
- Si G est un graphe cycle alors L(G) ainsi que chaque graphe de la sĂ©quence est un graphe isomorphe Ă G lui-mĂȘme. Les graphes cycles sont les seuls graphes connexes Ă ĂȘtre isomorphes Ă leur line graph.
- Si G est le graphe griffe K1,3, alors L(G) et tous les graphes qui suivent dans la séquence sont des graphes triangles (donc des graphes cycles de longueur 3).
- Si G est un graphe chemin, alors chaque graphe qui suit dans la séquence est un chemin plus court jusqu'à terminer avec le graphe singleton et enfin le graphe nul.
- Dans tous les autres cas, la taille des graphes de la sĂ©quence augmente sans ĂȘtre bornĂ©e.
Si G n'est pas connexe, alors cette classification s'applique séparément à chaque composante connexe de G.
Applications et utilisations
Le concept de line graph est notamment utilisé en théorie du calcul distribué, par exemple dans la borne inférieure de Nati Linial pour la coloration dans le modÚle local[9].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Line graph » (voir la liste des auteurs).
- (en) F. Harary et R. Z. Norman, « Some properties of line digraphs », Rendiconti del Circulo Mathematico di Palermo, vol. 9,â , p. 161â169 (DOI 10.1007/BF02854581).
- (en) H. Whitney, « Congruent graphs and the connectivity of graphs », American Journal of Mathematics, vol. 54, no 1,â , p. 150â168 (DOI 10.2307/2371086, lire en ligne).
- (en) J. Krausz, « DĂ©monstration nouvelle d'un thĂ©orĂšme de Whitney sur les rĂ©seaux », Mat. Fiz. Lapok, vol. 50,â , p. 75â85.
- Didier MĂŒller. Introduction Ă la thĂ©orie des graphes. Cahiers de la CRM numĂ©ro 6, Commission Romande de MathĂ©matiques, 2012 .
- (en) N. D. Roussopoulos, « A max {m,n} algorithm for determining the graph H from its line graph G », Information Processing Letters, vol. 2, no 4,â , p. 108â112 (DOI 10.1016/0020-0190(73)90029-X).
- (en) L. W. Beineke, BeitrĂ€ge zur Graphentheorie, Leipzig, Teubner, , 17â33 p..
- (en) L. W. Beineke, « Characterizations of derived graphs », Journal of Combinatorial Theory, vol. 9,â , p. 129â135 (DOI 10.1016/S0021-9800(70)80019-9).
- (en) A. C. M. van Rooij et H. S. Wilf, « The interchange graph of a finite graph », Acta Mathematica Hungarica, vol. 16, nos 3â4,â , p. 263â269 (DOI 10.1007/BF01904834).
- (en) Nathan Linial, « Locality in Distributed Graph Algorithms », SIAM Journal on Computing, vol. 21, no 1,â , p. 193-201.