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Bardo Thödol

livre de Padmasambhava (livre des morts tibétain)

D'autres ouvrages sont qualifiés de Livre des morts

Livre des morts tibétain
Image illustrative de l’article Bardo Thödol
Bardo. Vision des divinités sereines

Auteur Padmasambhava, Yeshe Tsogyal
Pays Drapeau du Tibet Tibet
Genre Terma (religion)
Titre Bardo Thödol
Date de parution VIIIe siÚcle
Éditeur Librairie d'AmĂ©rique et d'Orient Adrien maisonneuve
Lieu de parution Paris
Date de parution 1933 et 1979

Le Bardo Thödol, (tibĂ©tain : àœ–àœąàŒ‹àœ‘àœŒàŒ‹àœàœŒàœŠàŒ‹àœ‚àŸČàœŒàœŁ, Wylie : bar do thos grol) signifiant La libĂ©ration par l'Ă©coute dans les Ă©tats intermĂ©diaires et publiĂ© en français sous le titre de Livre des morts tibĂ©tain est un texte du bouddhisme tibĂ©tain[1] dĂ©crivant les Ă©tats de conscience et les perceptions se succĂ©dant pendant la pĂ©riode qui s’étend de la mort Ă  la renaissance. L’étude de son vivant ou la rĂ©citation du principal chapitre par un lama lors de l’agonie ou aprĂšs la mort est censĂ©e aider Ă  la libĂ©ration du cycle des rĂ©incarnations, ou du moins Ă  obtenir une meilleure rĂ©incarnation.

Les thödols

Page d’un livre des morts bönpo

Le nom de l’ouvrage, composĂ© de bardo (Ă©tat intermĂ©diaire), de thö (entendre) et de dol (libĂ©rer), signifie libĂ©ration par l’audition pendant les stades intermĂ©diaires [entre la mort et la renaissance]. Entendre le texte rĂ©citĂ©, ou le connaĂźtre par cƓur, peut aider le dĂ©funt Ă  se libĂ©rer du samsara au moment de la mort. Le nom de thödol s’applique Ă  diffĂ©rents textes dont la rĂ©citation aux morts a le pouvoir de libĂ©rer des renaissances. Il existe par exemple un livre des morts associĂ© au Bonpo : La lampe qui illumine la libĂ©ration par l’écoute pendant les bardos (wylie : sNyan brgyud bar do thos grol gsal sgron chen mo), qui ressemble au livre tibĂ©tain des morts et pourrait l'avoir prĂ©cĂ©dĂ© de deux siĂšcles[2].

En 2005, une traduction plus complÚte est publiée en anglais[3],[4], laquelle est traduite en français en 2009[5],[6].

Origine

Cet ouvrage est liĂ© Ă  l’école nyingmapa, dont la tradition voit dans certains textes sacrĂ©s d'auteurs prestigieux des redĂ©couvertes par des Tertöns d’ouvrages cachĂ©s dĂ©nommĂ©s terma. Le Bardo Thödol est un terma attribuĂ© Ă  Padmasambhava, fondateur de l'Ă©cole, et redĂ©couvert sur le mont Gampodar par le fils ĂągĂ© de 15 ans de MaĂźtre Nyida Sangye, Karma Lingpa (~1350). L'ouvrage, composĂ© par Padmasambhava, fut Ă©crit par sa parĂšdre ou Ă©pouse Yeshe Tsogyal au VIIIe siĂšcle[7]. Le mont Gampodar ou Gampo Dar se situe sur le territoire du monastĂšre de Daklha Gampo.

Contenu

Thangka tibétain représentant la Roue de l'existence karmique comportant les six royaumes de la cosmologie bouddhiste (Ladakh)
Yama, fin XVIIe - début XVIIIe siÚcle, Tibet, Metropolitan Museum of Art

L’ouvrage contient la description des transformations de la conscience et des perceptions au cours des trois Ă©tats intermĂ©diaires qui se succĂšdent de la mort Ă  la renaissance, ainsi que des conseils pour Ă©chapper aux rĂ©incarnations, ou du moins obtenir une meilleure rĂ©incarnation[8] :

  • Le Chikhai Bardo ou Ă©tape du trĂ©pas, au moment de la mort et dans les instants qui la suivent : l'esprit est confrontĂ© Ă  la claire lumiĂšre primordiale, une luminositĂ© brillante, liĂ©e Ă  la nature fondamentale de son esprit et qui en est la projection ; un dĂ©funt, qui a Ă©tĂ© avancĂ© sur un plan spirituel durant sa vie pourra la reconnaitre et demeurer en confrontation avec elle, ce qui peut lui permettre d'Ă©chapper au cycle des renaissances. Cette Ă©tape correspond au Dharmakāya[9]. Dans le cas contraire, le dĂ©funt sombre dans l'inconscience, sa conscience s’estompe totalement pendant 3 Ă  7 jours jusqu’à l’étape suivante[10].
  • Le Chonyid Bardo ou Ă©tape de l’expĂ©rience de la rĂ©alité : elle survient 4 Ă  7 jours aprĂšs l’étape prĂ©cĂ©dente. Durant ce second bardo, au cours de 5 jours consĂ©cutifs, le dĂ©funt se trouve en prĂ©sence de 5 Bouddhas, associĂ©s Ă  une luminositĂ© brillante, tandis qu’une autre luminositĂ© pĂąle est aussi prĂ©sente. Il s’agit de Vairocana, Vajrasattva, Ratnasambhava, Amitabha et Amoghasiddhi. Du fait du karma nĂ©gatif, l’esprit du dĂ©funt peut-ĂȘtre attirĂ© par la pĂąle luminositĂ©, et effrayĂ© par la luminositĂ© brillante. La lecture du Bardo Thödol vise Ă  rassurer l’esprit du dĂ©funt, lui faisant prendre conscience que ses visions n’émanent que de son propre esprit, l’incitant Ă  prĂ©fĂ©rer les luminositĂ©s brillantes associĂ©es Ă  la sagesse des Bouddhas[11]. La conscience se rĂ©veille et perçoit un mandala de 42 dĂ©itĂ©s sous leur forme paisible ; aprĂšs sept autres jours il est remplacĂ© par un mandala de 58 dĂ©itĂ©s courroucĂ©es. Si le dĂ©funt peut les reconnaitre comme des formes de rĂ©alitĂ© de la conscience et les « prendre pour mĂšres », il peut encore Ă©viter de poursuivre son chemin vers la renaissance, ou se prĂ©parer Ă  une meilleure rĂ©incarnation[12].
  • Le Sidpa Bardo ou Ă©tape de la renaissance : aprĂšs un certain nombre de jours, le dĂ©funt acquiert un corps mental dotĂ© des 5 sens ; il peut voir sa famille, circuler dans le monde en traversant les obstacles. Il a ensuite la vision de ses bonnes et mauvaises actions comptĂ©es respectivement Ă  l’aide de pierres blanches et noires. Puis Yama se saisit de lui et le dĂ©vore organe par organe jusqu'aux os. Enfin arrive le moment de la rĂ©incarnation, Ă  moins qu'une technique de dernier ressort, dite « obturation de l'entrĂ©e de la matrice »,ne permette au dĂ©funt d'Ă©viter la venue au monde. Celle-ci peut se faire dans l’un des six Ă©tats suivants : dĂ©itĂ©, dĂ©itĂ© infĂ©rieure, humain, animal, esprit avide, esprit torturĂ©. Dans le cas d’une rĂ©incarnation humaine, la conscience est attirĂ©e par la vision du couple parental engagĂ© dans l’acte sexuel[13].

Sont Ă©galement dĂ©crits dans le texte trois autres bardos qui ne sont pas spĂ©cifiques Ă  la mort, mais appartiennent Ă  l’expĂ©rience des vivants : celui de l’état de conscience ordinaire, celui du rĂȘve, celui de la mĂ©ditation profonde[14].

L’ouvrage mentionne les rituels Ă  observer et les 4 priĂšres rĂ©citĂ©es par les lamas :

-1. L’invocation aux Bouddhas et Boddhisattvas[15];
-2. Le sentier des bons souhaits pour ĂȘtre sauvĂ© du dangereux passage Ă©troit dans le Bardo[16];
-3. Les paroles fondamentales des six Bardos[17];
-4. Le sentier des bons souhaits qui protĂšge de la peur dans le Bardo[18].

Dans le cas oĂč le corps n’est pas prĂ©sent, une effigie sur papier du dĂ©funt, appelĂ©e jangbu, est attachĂ©e Ă  un bĂątonnet et placĂ©e sur l’autel. À l’issue du rituel, le lama la brĂ»le, libĂ©rant ainsi l’ñme de ses fautes ; celle-ci se rĂ©incarne aussitĂŽt.

La version intégrale contient de plus des descriptions des différents signes annonçant un proche trépas, et comment éventuellement en repousser l'échéance.

L’ensemble tĂ©moigne de l’expĂ©rience de la formation et de la dissolution des divers Ă©tats de conscience, obtenue grĂące Ă  la mĂ©ditation. Un parallĂšle a Ă©tĂ© fait entre le chikhai bardo et l'expĂ©rience de mort imminente. On reconnait Ă©galement l’influence des croyances et pratiques prĂ©bouddhiques appelĂ©es bön et des traditions populaires.

Traductions, interprétations et emprunts

Folios 35 et 67 du manuscrit

La renommée du Bardo Thödol en Occident remonte à la découverte de sa partie principale, les étapes du bardo, par le théosophe américain Walter Evans-Wentz, qui le fit traduire par Lama Kazi Dawa Samdup. Jung en fit un commentaire psychologique.

Dans les annĂ©es 1960, Timothy Leary et Ralph Metzner s’en inspirĂšrent pour Ă©crire The Psychedelic Experience sur les effets du LSD. John Lennon en tire Tomorrow Never Knows.

En 1992, Sogyal Rinpoché publia pour la premiÚre fois un ouvrage présentant la perspective spirituelle bouddhiste basée sur la compréhension des bardos, Le Livre tibétain de la vie et de la mort.

La premiÚre version intégrale en anglais a été publiée en 2005, traduite par Gyurme Dorje et révisée par Thupten Jinpa, traducteur officiel du Dalaï Lama, et Graham Coleman.

C'est en s'inspirant, entre autres, du Bardo Thödol, que l'Ă©sotĂ©riste italien Tommaso Palamidessi (1915-1983) a rĂ©digĂ© son ouvrage Il libro cristiano dei morti, Rome (Livre chrĂ©tien des morts), recueil de priĂšres et d’exhortations que l’officiant doit lire Ă  intervalles rĂ©guliers aprĂšs la mort de l’assistĂ©, pour orienter son esprit dans l’au-delĂ  et l’aider ainsi Ă  se dĂ©livrer du cycle des rĂ©incarnations.

Antoine Volodine (né en 1949) a écrit un roman formé de sept récits autour du Bardo Thödol, qui fut publié pour la premiÚre fois en 2004.

Pierre Henry ainsi que Éliane Radigue et Symbol Of Subversion en ont donnĂ© une interprĂ©tation musicale.

Le film de Gaspar Noé Enter the Void fonde sa structure narrative sur la succession des états de conscience, de la mort du héros à son incarnation.

Comparaison avec l’expĂ©rience de mort imminente

Dans son ouvrage Le Livre tibĂ©tain de la vie et de la mort, Sogyal RinpochĂ© Ă©crit que certains Occidentaux assimilent l’expĂ©rience de mort imminente (NDE) aux descriptions du Bardo Thödol. Sogyal RinpochĂ© note que la question mĂ©ritera une Ă©tude dĂ©passant le cadre de son livre. Il aborde cependant la question en termes de similitudes et diffĂ©rences. Il note que l’expĂ©rience de sortie hors du corps de la NDE correspond Ă  la description du Livre tibĂ©tain des morts. Il mentionne qu’au Tibet, les TibĂ©tains sont familiers avec le phĂ©nomĂšne de dĂ©lok (dĂ© lok, qui est revenu de la mort), une notion dĂ©crite par Françoise Pommaret dans son ouvrage Les Revenants de l'au-delĂ  dans le monde tibĂ©tain, publiĂ© aux Ă©ditions du CNRS en 1989. L’expĂ©rience des dĂ©loks correspond au Bardo Thödol et Ă  la NDE[19].

Dans l'ouvrage Dormir, rĂȘver, mourir : explorer la conscience avec le DalaĂŻ-Lama, un dĂ©bat est ouvert entre des scientifiques et le dalaĂŻ-lama, oĂč ce dernier donne des arguments en faveur d'un Ă©tat de rĂȘve, et non d'une sortie hors du corps de l'esprit.

Extrait

Début de la récitation : le chikhai bardo extrait de Textes Tibétains inédits traduit par Alexandra David-Néel[20] :

« As-tu reçu l'enseignement du sage gourou initiĂ© au mystĂšre du bardo ? Si tu l'as reçu, rappelle-le Ă  ta mĂ©moire et ne t'en laisse pas distraire par d'autres pensĂ©es. Conserve fermement ton esprit lucide. Si tu souffres, ne t'absorbe pas dans la sensation de la souffrance. Si tu Ă©prouves un reposant engourdissement d'esprit, si tu te sens t'enfoncer dans une calme obscuritĂ©, un apaisant oubli, ne t'y abandonne pas. Demeure alerte. Les consciences qui ont Ă©tĂ© connues comme Ă©tant (nom du mourant) tendent Ă  se disperser. Retiens-les unies par la force de l'Yid kyi namparshĂ©spa (tibĂ©tain : àœĄàœČàœ‘àŒ‹àœ€àŸ±àœČàŒ‹àœąàŸŁàœ˜àŒ‹àœ”àœąàŒ‹àœ€àœșàœŠàŒ‹àœ”  ; wylie : yid kyi rnam par shes pa; français : conscience du mental). Tes consciences se sĂ©parent de ton corps et vont entrer dans le Bardo. Fais appel Ă  ton Ă©nergie pour les voir en franchir le seuil en ta pleine connaissance. La clartĂ© fulgurante de la LumiĂšre sans couleur et vide va, plus rapide que l'Ă©clair, t'apparaĂźtre et t'envelopper. Que l'effroi ne te fasse point reculer et perdre conscience. Plonge-toi dans cette lumiĂšre. Rejetant toute croyance en un ego, tout attachement Ă  ton illusoire personnalitĂ©, dissous son Non-ĂȘtre dans l'Être et sois libĂ©rĂ©. Peu nombreux sont ceux qui, n'ayant pas Ă©tĂ© capables d'atteindre la LibĂ©ration au cours de leur vie, l'atteignent Ă  ce moment si fugitif qu'il peut ĂȘtre dit sans durĂ©e. Les autres, sous l'effet de l'effroi ressenti comme un choc mortel, perdent connaissance. »

Traductions

La premiĂšre Ă©dition de , chez le mĂȘme Ă©diteur, compte 242 p. et contient un commentaire du psychologue Carl Gustav Jung, qui n'a pas Ă©tĂ© repris dans l'Ă©dition de 1979. Il y a eu deux rĂ©impressions en et , (ISBN 2-7200-0001-9).

Bibliographie

Notes et références

  1. (en) Charles S. Prebish, The A to Z of Buddhism, New Delhi, Vision Books, , 280 p. (ISBN 978-81-7094-522-2), p. 59 .
  2. Bon-po Books of the dead
  3. Gyurme Dorje, Graham Coleman et Thubten Jinpa, Tibetan Book of the Dead, Penguin Books Ltd, 2005, (ISBN 978-0-7139-9414-8)
  4. The Tibetan book of the dead (English title): the great liberation by hearing in the intermediate states (Tibetan title)
  5. Padmasambhava, Philippe Cornu, Matthieu Ricard (traduction) Le Livre tibétain des morts : La grande libération par l'écoute dans les états intermédiaires, 2009, Editeur : Buchet-Chastel, (ISBN 9782283023143)
  6. Le livre tibétain des morts: La grande libération par l'écoute dans les états intermédiaires
  7. Evans-Wentz (1960), p. liv; and, Fremantle & Trungpa (2003), p. xi.
  8. Lama Kazi Dawa Samdup 1979, p. 72-170.
  9. Lama Kazi Dawa Samdup 1979, p. 80.
  10. Lama Kazi Dawa Samdup 1979, p. 72-85,88.
  11. Lama Kazi Dawa Samdup 1979, p. 108.
  12. Lama Kazi Dawa Samdup 1979, p. 86-130.
  13. Lama Kazi Dawa Samdup 1979, p. 131-170.
  14. Lama Kazi Dawa Samdup 1979, p. 86-88.
  15. Lama Kazi Dawa Samdup, p. 171-172.
  16. Lama Kazi Dawa Samdup 1979, p. 172-175.
  17. Lama Kazi Dawa Samdup 1979, p. 176-178.
  18. Lama Kazi Dawa Samdup 1979, p. 178-182.
  19. Sogyal Rinpoché, Le Livre tibétain de la vie et de la mort, 1993, pp. 420-432
  20. Alexandra David-Néel, Immortalité et réincarnation: doctrines et pratiques, Chine, Tibet, Inde, Plon, 1961, p. 55

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes