Accueil🇫🇷Chercher

Laurent Tailhade

Laurent Tailhade, né à Tarbes le et mort à Combs-la-Ville le , est un polémiste, poète, conférencier pamphlétaire libertaire[1] et franc-maçon[2] français.

Laurent Tailhade
Portrait de Portrait de Laurent Tailhade par Nadar.
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  65 ans)
Combs-la-Ville
Nationalité
Activités
Père
FĂ©lix Tailhade (d)
Autres informations
Idéologie
Membre de
signature de Laurent Tailhade
Signature

Il usa de nombreux pseudonymes : Azède, El Cachetero, Dom Junipérien, Lorenzaccio, Patte-Pelue, Renzi, Tybalt[3].

Biographie

Le poète satirique et libertaire Laurent Tailhade est issu d'une vieille famille de magistrats et d'officiers ministériels, lesquels, pour l'empêcher de s'adonner à la vie de bohème littéraire, l'obligèrent à faire un mariage bourgeois et à se confiner dans l'ennui doré de la vie de province. Il est le fils du magistrat Félix Tailhade[4].

« Libéré » à la mort de sa femme, Tailhade put gagner la capitale et dilapider en quelques années tout son bien, en s'adonnant à la vie qu'il désirait mener depuis toujours. Devenu l'ami de Verlaine, Jean Moréas, Albert Samain, Sacha Guitry et Aristide Bruant[5], Tailhade, tout en écrivant des vers influencés par les Parnassiens, développait sa fibre anarchiste et anticléricale dans des poèmes et des textes polémiques et d'une vigueur injurieuse peu commune.

Œil crevé dans un attentat

Tailhade caricaturé par Charles Léandre pour le no 391 du périodique Les Hommes d'aujourd'hui (1891).

Son nom devint populaire à partir de décembre 1893, lorsqu'il proclama son admiration pour l'attentat anarchiste d'Auguste Vaillant avec une phrase fameuse :

« Qu'importe de vagues humanités pourvu que le geste soit beau ! »

Par une étrange ironie du sort, Tailhade fut lui-même victime quelques mois plus tard, alors qu'il dînait au restaurant Foyot[6], d'un attentat anarchiste, d'où il ressortit avec un œil crevé ; mais il ne se renia nullement et continua à afficher son anarchisme de manière encore plus déterminée. C'était un habitué des duels (plus de 30 à son actif), et il avait été blessé plusieurs fois par ses adversaires, notamment par Maurice Barrès.

En 1892, il noue une relation avec Edward Sansot[7] - [8] - [9] et plus tard avec Anne Osmont[10].

En 1902, lors des obsèques d'Émile Zola, il prononce son panégyrique (lui-même, comme Zola, était dreyfusard) ; il est reconnaissant que ce dernier soit venu le défendre, au nom de la défense de la liberté de la presse, à la barre du tribunal l'année précédente lorsqu'il était poursuivi pour avoir écrit dans Le Libertaire un article incendiaire constituant un véritable appel au meurtre à l'encontre du tsar Nicolas II qui fait en 1901 sa seconde visite en France. Il est pour cela condamné à un an de prison ferme et séjourne environ six mois à la prison de la Santé entre et [11].

Provocateur

Laurent Tailhade prend l'habitude de passer la saison estivale à Camaret : d'opinion libertaire, de mœurs libres (il y fait scandale en partageant sa chambre à l'Hôtel de France à la fois avec sa femme et un ami peintre), il était volontiers provocateur, écrivant des articles très violents dans différents journaux, entre autres L'Action, souvent très durs à l'encontre des Bretons dont il critique à la fois l'ivrognerie et la soumission à la religion[12] (même s'il aimait les paysages bretons, se promenant beaucoup à pied dans la presqu'île de Crozon).

Coupure du journal Les Échos, sans date : Tribune de Laurent-Tailhade contre Paul Déroulède.

Le scandale du est restĂ© longtemps cĂ©lèbre Ă  Camaret : le est traditionnellement le jour de la FĂŞte de la bĂ©nĂ©diction de la mer et des bateaux : après la messe, la procession part de la chapelle Notre-Dame-de-Rocamadour, suit le « Sillon » et longe les quais du port avant de faire demi-tour et, de retour Ă  la chapelle, est suivie des vĂŞpres ; des couronnes de fleurs sont jetĂ©es Ă  la mer et les bateaux sont bĂ©nis par le curĂ© de la paroisse tout au long du parcours de la procession. Lorsque celle-ci se trouve Ă  hauteur de l'HĂ´tel de France, Laurent Tailhade, dans un geste de provocation, verse le contenu d'un vase de nuit par la fenĂŞtre de sa chambre, situĂ©e au premier Ă©tage. Le , 1 800 CamarĂ©tois font le siège de l'HĂ´tel de France, menaçant d'enfoncer la porte d'entrĂ©e, criant « Ă€ mort Tailhade ! Ă€ mort l'anarchie ! », et menacent de jeter Tailhade dans la vase du port.

L'intervention des gendarmes de Châteaulin dans la nuit suivante suffit à peine à calmer les manifestants et le l'écrivain est contraint de quitter Camaret, « bénéficiant » de plus d'une véritable « conduite de Grenoble »[13] de la part des manifestants qui l'accompagnent jusqu'à la limite de la commune. Il se réfugie à Morgat et se venge, notamment en publiant dans la revue satirique L'Assiette au beurre du un pamphlet intitulé « Le peuple noir » où il critique violemment les Bretons et leurs prêtres. Un procès lui est par ailleurs intenté par le recteur (curé) de Camaret devant la cour d'assises de Quimper. La chanson paillarde Les Filles de Camaret a d'ailleurs probablement aussi été écrite anonymement par Laurent Tailhade pour se venger des Camarétois. Le nom tailhade est devenu pendant une bonne partie du XXe siècle dans le parler local un nom commun synonyme de « personnage grossier, mal élevé », même si ce mot est désormais tombé en désuétude[14].

Portrait de Laurent Tailhade
par FĂ©lix Vallotton
paru dans Le Livre des masques
de Remy de Gourmont (1896).

Ses recueils les plus célèbres, Au Pays du mufle (1891) ou encore Imbéciles et gredins (1900), n'ont rien perdu de leur veine rageuse, insultante, et d'une verve où se mêlent l'argot des faubourgs et la richesse d'une langue luxuriante d'une vaste culture.

Sa fille fut l'épouse du journaliste Pierre Châtelain-Tailhade, journaliste au Canard enchaîné.

Il habita 47 rue du Ranelagh (16e arrondissement de Paris)[15].

« Appel aux conscrits »

En , une affiche de l’Association internationale antimilitariste (AIA) intitulée « Appel aux conscrits » est placardée sur les murs de Paris. Le texte, violemment antimilitariste et antipatriote, appelle les conscrits à tourner leurs fusils vers les « soudards galonnés » plutôt que vers les grévistes, et appelle à la « grève immédiate » et à l’« insurrection » au jour d’une éventuelle déclaration de guerre.

L’affiche est signĂ©e de 31 noms dont Miguel Almereyda, Victor Camus, Amilcare Cipriani, Émile Coulais, Charles Desplanques, Auguste Garnery, Louis Grandidier, Jules Le GuĂ©ry, Eugène Merle, FĂ©licie Numietska, Émile Pataud, Louis Perceau, Lazare Rogeon, Han Ryner, Roger Sadrin, Laurent Tailhade et Georges Yvetot.

Vingt-huit des signataires (Han Ryner, Lefèvre et Laurent Tailhade ne sont pas poursuivis) sont inculpés.

Ă€ l'issue du procès qui se dĂ©roule du 26 au , deux prĂ©venus sont acquittĂ©s et les 26 autres condamnĂ©s chacun Ă  100 francs d’amende et Ă  des peines de prison allant de 6 mois Ă  4 ans de prison[16].

Engagement dans la franc-maçonnerie

Le , il est initié en franc-maçonnerie à la loge L'Indépendance Française du Grand Orient de France à Toulouse. En 1892, il est admis à la loge parisienne Les Amis Inséparables dont il devient secrétaire l'année suivante[17]. Il s'affilie ensuite loge La Philosophie Positive à Paris. Il quitte la franc-maçonnerie le [5].

L'engagement patriotique

Une fois la guerre avec l'Allemagne déclarée, le premier mouvement de Laurent Tailhade fut patriotique. Réfugié en son pays natal, il y fit des conférences et écrivit même une lettre au Ministère de la Guerre où il se propose de s'engager (alors qu'il avait plus de 60 ans)[18].

Il revint au pacifisme vers la fin de la guerre, et salua la Révolution russe dans le journal La Vérité[9].

Ĺ’uvres

  • Le Jardin des rĂŞves : poĂ©sies, Paris, A. Lemerre, 1880 [lire en ligne]
  • Au pays du mufle, 1891. [lire en ligne]
  • Vitraux, LĂ©on Vanier, 1891; rĂ©Ă©ditĂ© chez A. Lemerre en 1894 [lire en ligne] puis au Mercure de France en 1907 [lire en ligne]
  • Terre latine, Paris, A. Lemerre, 1898 [lire en ligne]
  • Ă€ travers les Grouins, Stock, 1899 [lire en ligne]
  • ImbĂ©ciles et gredins, 1900
  • L'Ennemi du peuple par Henrik Ibsen. Societe libre d'Ă©dition des gens de lettres, 1900 [lire en ligne]
  • La Touffe de sauge, Éditions de la Plume, 1901
  • Son importance Auguste Pluchon avec Raoul Ralph [Offenstadt], pastiche d’Émile Zola, Paris, Offenstadt, 1902, avec 26 illustrations de Florane
  • La GynnĂ©cocratie, ou La Domination de la femme, prĂ©cĂ©dĂ© d'une Ă©tude sur le masochisme dans l'histoire et les traditions, avec la coll. de Jacques Desroix, Charles Carrington, 1902
  • Discours civiques : (4 nivĂ´se, an 109 - 19 brumaire, an 110), Stock, 1902 [lire en ligne]
  • « Der kaiser Guillaume II », in L'Assiette au beurre du illustrĂ© par Georges d'Ostoya
  • Lettres familières, Collection rationaliste, Librairie de 'La raison', 1904 [lire en ligne]
  • Poèmes Aristophanesques, Mercure de France, 1904 [lire en ligne]
  • Omar Khayyam et les poisons de l'intelligence, Paris, C. Carrington, 1905 [lire en ligne]
  • La « Noire Idole », Ă©tude sur la morphinomanie, Leon Vanier, Editeur ; A. Messein, Succr., 1907
  • Poèmes Ă©lĂ©giaques, Mercure de France, 1907 [lire en ligne]
  • Le Troupeau d'AristĂ©e, Sansot, 1908
  • La Farce de la marmite, Messein, 1909
  • La Feuille Ă  l'envers - Revue en un Acte, Messein, 1909 [lire en ligne]
  • Pour la paix, Lettre aux conscrits, Messein, 1909 [lire en ligne]
  • Un monde qui finit. La DĂ©votion Ă  la croix. Don Quichote. Appendice, Messein, 1910 [lire en ligne]
  • De CĂ©limène Ă  Diafoirus. Essai consacrĂ© Ă  Molière et Ă  son Ă©poque. « Misanthropie et misanthropes - la pharmacopĂ©e au temps de Molière - notes », Messein, 1911 [lire en ligne]
  • Pages choisies. Vers et proses, Messein, 1912
  • Quelques fantĂ´mes de jadis. (Verlaine. - Auguste Rod de Niederhausern. - Charles Cros. - Vigny), Messein, Collection « SociĂ©tĂ© des Trente, 1913 [lire en ligne]
  • Les CommĂ©rages de Tybalt. Petits mĂ©moires de la vie. 1903-1913, Crès, 1914
  • Les Livres et les hommes (1916-1917), Vrin, 1917
  • Les Saisons et les jours, Crès, 1917
  • Petit BrĂ©viaire de la gourmandise, notes sur quelques grands gourmands de l'histoire, Messein, 1919 [lire en ligne]
  • La Douleur. Le Vrai Mystère de la Passion, Messein, 1919 [lire en ligne]
  • Carnet intime, Éditions du Sagittaire, Kra, 1920
  • Quelques fantĂ´mes de jadis. Édition française illustrĂ©e, 1920
  • Les Reflets de Paris (1918-1919), P. Jean Fort, 1921
  • Petits MĂ©moires De La Vie, MĂ©moires d'Ă©crivains et d'artistes, Éditions G. Crès, 1921 [lire en ligne]
  • Plâtres et marbres, Éditions AthĂ©na, 1922 [lire en ligne]
  • Des TragĂ©dies d'Eschyle au pessimisme de Tolstoi. La Nouvelle revue critique, 1924
  • Épitres des hommes obscurs, La Connaissance, 1924 [lire en ligne]
  • Le Paillasson. MĹ“urs de Province, Le livre, 1924
  • L'Escrime et la boxe, A. Messein, 1924 [lire en ligne]
  • La MĂ©daille qui s'efface, Crès, 1924 [lire en ligne]
  • PoĂ©sies posthumes, Messein, 1925 [lire en ligne]
  • Masques et visages. Essais inĂ©dits, Les Ă©ditions du monde moderne, 1925
  • Diderot, L’IdĂ©e libre, 1925 [lire en ligne]
  • Lettres Ă  sa mère 1874-1891, RenĂ© van den Berg et Louis Enlart, 1926
  • La Pâque socialiste, L'idĂ©e Libre, 1927 [lire en ligne]
  • La Corne et l'Ă©pĂ©e. RĂ©flexions sur la tauromachie, Messein, 1941 [lire en ligne]
  • Les filles de Camaret, 1910 environ [lire en ligne]
  • Au pays du mufle, choix et prĂ©sentation par Henri GillibĹ“uf,coll. OrphĂ©e, La DiffĂ©rence, 2014
  • Mufles et groins, Propos liminaire, choix de textes, lexique et index de Pascal Boulage, coll. Les Placets invectifs, Obsidiane, 2023

Traductions

Bibliographie

  • Laurent Tailhade dans la tourmente de l'anarchie, Jacques Lebeau, L’Écarlate, 2015
  • Laurent Tailhade, ou De la provocation considĂ©rĂ©e comme un art de vivre, Gilles Picq, 2001, Maisonneuve & Larose, 828 p.
  • Laurent Tailhade intime. Correspondance publiĂ©e et annotĂ©e par Madame Laurent-Tailhade, Mercure de France, 1924
  • Laurent Tailhade au pays du mufle, Quignon, 1927. MĂ©moires Ă©crits par sa femme
  • Les plus belles pages de Laurent Tailhade, Quignon, 1928
  • Laurent Tailhade : son Ĺ“uvre, Ă©tude critique, document pour l'histoire de la littĂ©rature française, Fernand Kolney, 1922. [lire en ligne]
  • LĂ©o Campion, Le Drapeau noir, l'Équerre et le Compas : les Maillons libertaires de la ChaĂ®ne d'Union, Éditions Alternative libertaire, 1996, lire en ligne, pdf
  • Thierry Maricourt, Histoire de la littĂ©rature libertaire en France, Albin Michel, 1990, pp. 222-226

Notices

Notes et références

  1. François Forestier, « Ce que j’écris n’est pas pour les charognes ! » : Laurent Tailhade, le libertaire le plus survolté de 1900, L'Obs, La boîte à bouquins, 4 novembre 2022, lire en ligne.
  2. Thierry Maricourt, Histoire de la littérature libertaire en France, Albin Michel, 1990, page 222.
  3. BNF : notice.
  4. https://www.ladepeche.fr/article/2010/07/23/878011-bagneres-de-bigorre-laurent-tailhade-un-epicurien.html.
  5. Léo Campion, Le Drapeau noir, l'Équerre et le Compas : les Maillons libertaires de la Chaîne d'Union, Éditions Alternative libertaire, 2002, texte intégral [PDF].
  6. L. Bloy, Lettre à Guérin du 15 avril 94 midi in L. Bloy, Journal inédit, vol. 1, p. 682, L'Âge d'homme, 1996.
  7. Gilles Picq, Laurent Tailhade ou de la provocation considérée comme un art de vivre
  8. Quelques Lettres de Laurent Tailhade, Revue de l’Époque, octobre 1921
  9. Maitron
  10. Robert Kanters, À perte de vue
  11. L'Éphéméride anarchiste : notice biographique.
  12. Ces articles finissent par ĂŞtre connus Ă  Camaret car certains sont repris par Louis Coudurier dans La DĂ©pĂŞche de Brest et de l'Ouest, le journal local.
  13. Réception hostile ou expulsion sous des huées : allusion à la Journée des Tuiles, le , au cours de laquelle le peuple de Grenoble rétablit son parlement, exilé par ordre du roi, en bombardant de tuiles les soldats du Royal-Marine et en s'en prenant au duc de Clermont-Tonnerre, lieutenant général de la province.
  14. Marcel Burel, « Sur les pas de Laurent Tailhade dans la presqu’île de Crozon », revue Avel Gornog no 19, 2011.
  15. Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, Les Éditions de minuit, septième édition, 1963, t. 2 (« L-Z »), « Rue du Ranelagh », p. 318.
  16. Dictionnaire des anarchistes, « Le Maitron » : Roger Sadrin.
  17. Gilles Picq, Laurent Tailhade ou De la provocation considérée comme un art de vivre, Maisonneuve et Larose, 2001, lire en ligne.
  18. Cf. Courrier républicain de l'arrondissement de Bagnères-de-Bigorre des 11 octobre et 22 novembre 1914, Avenir des Hautes-Pyrénées des 23 août, 4 et 25 octobre 1914.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.