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Laure Mathilde Gouin

Laure Mathilde Gouin, épouse Braquehais, née à Paris le et morte dans la même ville le est une artiste peintre et photographe française.

Laure Mathilde Gouin
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Laure Mathilde Gouin
Autres noms
Mme M. Gouin, Mme Braquehais, Veuve Braquehais
Nationalité
Activité
Père
Alexis Louis Charles Arthur Gouin (d)
Conjoint

Fille du peintre sourd-muet Alexis Gouin et épouse du photographe Bruno Braquehais, lui aussi sourd, elle exerce pour son propre compte à partir de 1874, sous le nom de Mme M. Gouin.

Biographie

Jeunesse et débuts

Laure Mathilde Gouin[Note 1] naît à Paris en 1829[2], fille d’Alexis Louis Charles Arthur Gouin[Note 2] et de Marie Catherine Bellange Gellé, son épouse. Son père, né sourd-muet à New York, est le fils de colons de Saint-Domingue[3]. Artiste peintre, il devient vers 1847 photographe, d'abord au 50, rue Basse-du-Rempart[4], puis au 37, rue Louis-le-Grand[5]. Il réalise des portraits et des nus féminins, sous la forme de daguerréotypes peints[6] - [7]. Sa femme et sa fille l'assistent, la première dans ses activités photographiques, la seconde comme coloriste des daguerréotypes[8], sans que leur travail ne soit véritablement reconnu. Comme le notera à la mort du peintre le journaliste Ernest Lacan dans La Lumière, « quand il s'agissait de recueillir les louanges, [mère et fille] laissaient ignorer leur coopération »[9].

En , Laure Mathilde Gouin épouse à la mairie du 1er arrondissement Bruno Braquehais[10] - [11] et devient Mme Braquehais. Né à Dieppe en 1823, lui aussi sourd-muet, Braquehais a été lithographe à Caen, avant de s'installer comme peintre et photographe au 10, place de la Madeleine[12] - [Note 3]. Une fois marié, il vient habiter avec sa femme au 37, rue Louis-le-Grand[14]. Vers 1852, il déplace son atelier 110, rue de Richelieu[15] et réalise lui aussi des portraits et des nus, notamment utilisés par les peintres comme études préparatoires[16].

Mort et succession d'Alexis Gouin

Alexis Gouin, qui se sait malade depuis des années, décide de prendre des dispositions testamentaires pour mettre sa fille à l'abri[Note 4]. Mais « la question de savoir si un sourd-muet a le droit de disposer de ses biens, de faire une donation ou un testament » se pose alors, certains prônant encore « l'obligation de la parole articulée »[18]. Après avoir essuyé plusieurs refus de notaires parisiens, Alexis Gouin obtient gain de cause auprès du notaire Jean-Baptiste Martin Moreau, maire du 7e arrondissement et député de Paris. Le , Alexis Gouin meurt dans son appartement[14]. Trois jours plus tard, son testament olographe, rédigé en , est officiellement déposé chez le notaire chargé de la succession[19].

Après la mort d'Alexis Gouin, les Braquehais reprennent l'atelier de la rue Louis-le-Grand[20], Laure Mathilde continuant de coloriser des daguerréotypes, désormais signés par son mari[8]. Sa mère se remarie l'année suivante avec le peintre Frédéric Peyson, ami de son mari et de son gendre, et lui aussi sourd[21] - [22]. Au moment de la rédaction du contrat de mariage, elle prend soin de préciser qu'« elle a cessé de s'occuper de la direction de l'établissement photographique qu'elle exploitait avec feu M. Gouin et qu'elle n'a aucun intérêt pécuniaire dans ledit établissement ». À la même époque et jusqu'à son décès, elle commercialise, sous le nom de « Couleurs Gouin », des boîtes de peinture contenant « 12 tubes assortis, 1 godet d'or, 1 godet d'argent, 6 pinceaux »[23]. Elle meurt en 1858[24] - [25].

Dans l'ombre de Bruno Braquehais

À la fin des années 1850, le talent de peintre de Laure Mathilde Braquehais est occasionnellement salué dans la presse, en particulier sous la plume d'Ernest Lacan, qui loue la beauté des portraits stéréoscopiques peints qu'elle colorise désormais, en plus des daguerréotypes[26] - [27]. Dans Le Moniteur de la photographie, le journaliste rapporte à plusieurs reprises les progrès qu'elle a apportés à sa technique de colorisation, par l'application de fines poudres sur le papier albuminé[28] - [29] - [30]. En 1863, les Braquehais rachètent un fonds de commerce de photographie situé au 11 boulevard des Italiens, qui devient leur nouvelle adresse[31] - [32].

En 1865, Bruno Braquehais remporte un prix lors de l'Exposition photographique de Berlin, tout comme Pierre-Auguste Despaquis, un autre photographe parisien, qui devient son associé peu après[33] - [34]. Braquehais est à nouveau récompensé à l'issue de l'Exposition universelle de 1867[35]. Le catalogue loue entre autres sa « spécialité de couleurs applicables sur verres sur plaques et sur papier ». Comme souvent, le rôle de Laure Mathilde Braquehais est totalement passé sous silence[Note 5].

Mme M. Gouin, photographe

En , quelques mois après avoir photographié les événements de la Commune devenant ainsi un des précurseurs du photojournalisme Bruno Braquehais fait faillite et est enfermé treize mois à la prison Mazas pour abus de confiance[37] - [38]. En , la séparation de biens des époux est prononcée[39]. C'est à cette époque, à près de 45 ans, que Laure Mathilde Braquehais se lance seule dans une activité de « photographie industrielle » sous le nom de Mme M. Gouin au 9, rue Sainte-Apolline[40] puis, à partir de 1881 environ, au 60, rue du Château-d'Eau[41]. Son mari meurt le , dans sa maison de campagne de La Celle-Saint-Cloud, peu de temps après sa sortie de prison[42].

En 1882, elle participe, toujours sous son nom de jeune fille, à l'exposition de l'Union centrale des arts décoratifs[43]. Elle présente « côte à côte une épreuve coloriée partiellement et la même en simple photographie, destinées toutes deux à l'enseignement »[44]. Le jury rapporte que « c'est en restant dans cette juste mesure, comme le fait Mme Gouin, que l'addition coloriée est utile » et lui décerne une médaille de bronze. Mais l'année suivante, Laure Mathilde Braquehais fait à son tour faillite, ce qui met un terme à son activité de photographe[45].

Elle meurt en 1916 à domicile, 47 boulevard de l'Hôpital[2] - [Note 6]. Sur son acte de décès, elle est enregistrée par erreur sous l’identité « Louise Mathilde Gouin, veuve Broquehais »[2]. Elle est inhumée au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine, sous le nom de Laure Gouin, veuve Broquelais [sic][46].

Photographies

Exposition

Notes et références

Notes

  1. Plusieurs sources la référencent sous l'identité de Laure Gouin. Toutefois, il est probable que son prénom d'usage ait été Mathilde, plutôt que Laure. Ainsi, une fois à son compte, elle apparaît dans les annuaires sous le nom de « Gouin (Mme M.) »[1]. Dans le doute, ses deux prénoms ont été systématiquement mentionnés dans cet article.
  2. Selon les sources, il est appelé Alexis Gouin ou Arthur Gouin (Alexis et Arthur étant deux de ses prénoms) ou simplement A. Gouin, sans qu'on puisse déterminer quel prénom est abrégé par l'initiale A.
  3. Dans les annuaires de 1851 à 1854, son nom est parfois orthographié Braquehié[13].
  4. Peut-être les problèmes qu'il a lui-même rencontrés en 1847 à la mort de sa mère — dont le testament en faveur de ce fils sourd a été contesté en justice — l'ont-ils également poussé à vouloir à protéger sa fille[17].
  5. Dans les annuaires, Braquehais est d'ailleurs référencé seul, comme « gendre et successeur de A. Gouin », sans aucune mention de Laure Mathilde Braquehais[36].
  6. Il s'agit en fait de l'adresse de l’hôpital de la Salpêtrière.

Références

  1. « Gouin (Mme M.) », sur Gallica, Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, Firmin Didot et Bottin réunis, (consulté le ), p. 1584.
  2. Acte de décès de Louise [sic] Mathilde Gouin, Vve Broquehais [sic], no 2831 du , Paris 13e, Archives de Paris.
  3. « Secours aux colons de Saint-Domingue. Indemnisation des colons spoliés. Gouin (Alexis Charles Arthur) (cote F/12/2806) », sur www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr, Archives nationales (consulté le ).
  4. « Gouin, peintre-artiste », sur Gallica, Annuaire général du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, (consulté le ), p. 142.
  5. « Gouin, peintre-artiste », sur Gallica, Annuaire général du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, (consulté le ), p. 224.
  6. Charles Gabet, Dictionnaire des artistes de l'école française au XIXe siècle, (lire en ligne), p. 322.
  7. « Nouvelles du jour. Paris (Si c'est un triomphe pour l'humanité…) », sur Gallica, La Presse, (consulté le ), [vue 2/4].
  8. Thomas Galifot, « La parentèle au risque de la photographie ? Amateures et professionnelles au XIXe siècle et au début du XXe siècle (France, Grande-Bretagne, États-Unis) », sur AWARE Women artists / Femmes artistes, (consulté le ).
  9. Ernest Lacan, « Nécrologie », sur Gallica, La Lumière, (consulté le ), p. 33.
  10. Fiche de l’état civil reconstitué, mariage Gouin-Braquehais, , ancien 1er arrondissement de Paris, Archives de Paris.
  11. « Minutes et répertoires du notaire Ferdinand Ducloux. Contrat de mariage sous le régime de la communauté de biens, 3 juillet 1850 (cote MC/ET/XXVI/1149) », sur www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr, Archives nationales (consulté le ).
  12. « Publications de mariage », sur Gallica, Le Pays, (consulté le ), [vue 4/4].
  13. « Braquehié, daguerréotype colorié », sur Gallica, Annuaire général du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, (consulté le ), p. 560.
  14. « Minutes et répertoires du notaire Ferdinand Ducloux. Inventaire après décès d'Alexis Louis Charles Arthur Gouin, artiste peintre, (cote MC/ET/XXVI/1183) », sur www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr, Archives nationales (consulté le ).
  15. « Braquehié (B.), artiste photographe », sur Gallica, Annuaire général du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, (consulté le ), p. 1173.
  16. (en) « Bruno Braquehais (French, 1823 - 1875) (Getty Museum) », sur The J. Paul Getty in Los Angeles (consulté le ).
  17. « Testament. Disposition incomplète », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Droit, (consulté le ).
  18. Ferdinand Berthier, Le Code Napoléon, code civil de l'Empire français : mis à la portée des sourds-muets, (lire en ligne), p. 427.
  19. « Minutes et répertoires du notaire Ferdinand Ducloux. Dépôt judiciaire du testament olographe d'Alexis Louis Charles Arthur Gouin, artiste peintre, (cote MC/ET/XXVI/1179) », sur www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr, Archives nationales (consulté le ).
  20. « Braquehais, photographe, Louis-le-Grand, 37 », sur Gallica, Annuaire général du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, (consulté le ), p. 128.
  21. « Minutes et répertoires du notaire Ferdinand Ducloux. Contrat de mariage sous le régime de la séparation de biens, (cote MC/ET/XXVI/1193) », sur www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr, Archives nationales (consulté le ).
  22. Yann Cantin, « Les archives de la communauté sourde à Paris, quelles possibilités d’un regard élargi ? », Cahiers d'histoire, vol. 37, no 1, , p. 197–215 (ISSN 0712-2330 et 1929-610X, DOI 10.7202/1067961ar, lire en ligne, consulté le ).
  23. « Couleurs Gouin [encart publicitaire] », sur Gallica, La Lumière, (consulté le ), p. 172.
  24. Fiche de l’état civil reconstitué, décès Catherine Bellange Gellé, , ancien 1er arrondissement de Paris, Archives de Paris.
  25. « Minutes et répertoires du notaire Ferdinand Ducloux. Règlement entre Auguste Bruno Braquehais, artiste peintre, et Laure Mathilde Gouin, son épouse, (cote MC/ET/XXVI/1218) », sur www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr, Archives nationales (consulté le ).
  26. Ernest Lacan, « Exposition photographique de 1859 (La photographie stéréoscopique ne compte…) », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Gazette nationale ou le Moniteur universel, (consulté le ), p. 3.
  27. « Maison Gouin, Braquehais [encart publicitaire] », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Moniteur de la photographie, (consulté le ), p. 3.
  28. Ernest Lacan, « Revue photographique (Mme Braquehais (née Gouin)…) », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Moniteur de la photographie, (consulté le ), p. 1.
  29. Ernest Lacan, « Revue photographique (Mme Braquehais…) », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Moniteur de la photographie, (consulté le ), p. 2.
  30. « Revue photographique (Ainsi pour ne prendre qu'un exemple…) », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Moniteur de la photographie, (consulté le ), p. 1.
  31. « Liste de fonds de commerce vendus du 13 au (Photographie, boul. des Italiens, 11) », sur Gallica, L'Annonce-Viguier. Paraissant tous les cinq jours, (consulté le ), [vue 2/4].
  32. « Minutes et répertoires du notaire Albert Henri Yver. Reconnaissance de dépôt d'obligations par Bruno Braquehais, photographe, et Laure Mathilde Gouin, son épouse, (cote MC/ET/XVII/1364) », sur www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr, Archives nationales (consulté le ).
  33. A. Davanne, « Récompenses décernées à la photographie pendant l'année 1865 (Exposition photographique de Berlin) », sur Gallica, Annuaire photographique pour l'année 1866, Paris, Gauthiers-Villars, (consulté le ), p. 37.
  34. « Despaquis & Braquehais [Encart publicitaire] », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Moniteur de la photographie, (consulté le ), p. 4.
  35. Exposition universelle de 1867 à Paris : catalogue général (2e édition, revue et corrigée), Paris, Dentu, (lire en ligne), p. V [vue 348/1792].
  36. « Braquehais, gendre et successeur de A. Gouin », sur Gallica, Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, Firmin Didot et Bottin réunis, (consulté le ), p. 1226.
  37. Odile Morain, « Il a photographié la Commune de Paris : Bruno Braquehais premier photo-reporter de l’Histoire de France », France Info, .
  38. « Déclaration de faillite du », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, La Presse, (consulté le ), p. 4.
  39. « Séparations de corps et de biens de Paris et de la Seine, du 22 au », sur Gallica, Archives commerciales de la France, (consulté le ), p. 304
  40. « Gouin (Mme M.) », sur Gallica, Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, Firmin Didot et Bottin réunis, (consulté le ), p. 315.
  41. « Gouin (Mme M.) », sur Gallica, Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, Firmin Didot et Bottin réunis, (consulté le ), p. 1931.
  42. (en) John Hannavy (dir.) et Frédérique Taubenhaus, Encyclopedia of nineteenth-century photography: A-I, index, Taylor & Francis, (ISBN 978-0-415-97235-2, lire en ligne), « Braquehais, Auguste Bruno », p. 202.
  43. « Exposition de l'Union centrale des arts décoratifs », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Moniteur de la photographie, (consulté le ), p. 173-174.
  44. Alfred Firmin-Didot, « Exposition de l'Union centrale des arts décoratifs. Extrait du rapport du jury des industries du papier », Bulletin de la Société française de photographie, , p. 239 (lire en ligne).
  45. « Déclarations de faillites du au », sur Gallica, Archives commerciales de la France, (consulté le ), p. 460.
  46. Registres journaliers d'inhumation, cimetière parisien d'Ivry, , Archives de Paris.
  47. Inv. SNR-1 (Gouin, Laure), Laure Gouin, [Recueil. Œuvre de Laure Gouin], (lire en ligne).

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