Largeur de clique
En thĂ©orie des graphes, la largeur de clique d'un graphe est l'un des paramĂštres qui dĂ©crit la complexitĂ© structurelle du graphe ; il est Ă©troitement liĂ© Ă largeur arborescente, mais contrairement Ă celle-ci, elle peut ĂȘtre bornĂ©e mĂȘme pour des graphes denses .
DĂ©finition
La largeur de clique d'un graphe est le nombre minimum d'étiquettes nécessaires pour construire au moyen des 4 opérations suivantes :
- Création d'un nouveau sommet v d'étiquette i (noté i(v) ou )
- Union disjointe de deux graphes étiquetés G et H (notée )
- Jonction par une arĂȘte de chaque sommet Ă©tiquetĂ© i Ă chaque sommet Ă©tiquetĂ© j (notĂ© η(i,j)), oĂč
- Renommage de l'Ă©tiquette i en Ă©tiquette j (notĂ©e Ï (i, j) ou ).
Dans lâexemple, le graphe final est obtenu par la jonction des trois sommets rouges et des deux sommets verts ; le graphe prĂ©cĂ©dent est lâunion disjointe des eux graphes bleu-rouge et vert-bleu, etc. La suite des graphes construits par les opĂ©rations est figurĂ©e dans l'arbre des opĂ©rations.
Les graphes de largeur de clique bornĂ©e comprennent les cographes et les graphes Ă distance hĂ©rĂ©ditaire. Il est NP-difficile de calculer la largeur de clique lorsqu'elle n'est pas bornĂ©e, et il est inconnu si elle peut ĂȘtre calculĂ©e en temps polynomial lorsqu'elle est bornĂ©e ; des algorithmes d'approximation efficaces pour la largeur de clique existent. Sur la base de ces algorithmes et du thĂ©orĂšme de Courcelle, de nombreux problĂšmes d'optimisation de graphes qui sont NP-difficiles pour des graphes arbitraires peuvent ĂȘtre rĂ©solus ou approximĂ©s rapidement sur les graphes de largeur de clique bornĂ©e.
Les sĂ©quences de construction sous-jacentes au concept de largeur de clique ont Ă©tĂ© formulĂ©es par Courcelle, Engelfriet et Rozenberg en 1990[1] et par Wanke en 1994[2]. Le nom de largeur de clique ("clique-width") a Ă©tĂ© utilisĂ© pour un concept diffĂ©rent par ChlebĂkovĂĄ en 1992[3] . Depuis 1993, le terme a son sens actuel[4].
Un exemple
Une suite détaillée d'opérations conduisant à un graphe de largeur de clique 3 est donnée dans la table suivante.
Opération Visualisation
L'expression correspondante est :
Classes particuliĂšres de graphes
Les cographes sont exactement les graphes avec une largeur de clique au plus 2[5]. Chaque graphe Ă distance hĂ©rĂ©ditaire a une largeur de clique au plus 3. La largeur de clique des graphes d'intervalles unitaires est non bornĂ©e (en fonction de leur structure de grille)[6]. De mĂȘme, la largeur de clique des graphes de permutation biparti est non bornĂ©e (basĂ©e sur une structure de grille similaire)[7]. La caractĂ©risation des cographes comme les graphes sans sous-graphe induit isomorphe Ă un chemin de quatre sommets sans corde permet de calculer la largeur de clique de nombreuses classes de graphes dĂ©finies par des sous-graphes induits exclus.
Bornes
Courcelle et Olariu en 2000[5] et Corneil et Rotics en 2005[8] ont donné les bornes suivante pour la largeur de clique de certains graphes :
- Si un graphe a une largeur de clique au plus k, alors il en est de mĂȘme pour chaque sous-graphe induit du graphe[9].
- Le graphe complémentaire d'un graphe de largeur de clique k a une largeur de clique d'au plus 2k[10] .
- Les graphes de largeur arborescente w ont une largeur de clique d'au plus 3 · 2w â 1 . La dĂ©pendance exponentielle dans cette borne ne peut ĂȘtre Ă©vitĂ©e : il existe des graphes dont la largeur de clique est exponentiellement plus grande que leur largeur d'arbre[11]. Inversement, les graphes de largeur de clique bornĂ©e peuvent avoir une largeur d'arbre non bornĂ©e ; par exemple, les graphes complets Ă n sommets ont une largeur de clique 2 mais une largeur d'arbre n â 1 . Cependant, les graphes de largeur de clique k qui n'ont pas de graphe biparti complet Kt,t comme sous-graphe ont une largeur d'arbre d'au plus 3k(t â 1) â 1 . Par consĂ©quent, pour toute famille de graphes creux, avoir une largeur d'arbre bornĂ©e Ă©quivaut Ă avoir une largeur de clique bornĂ©e[12].
- Un autre paramÚtre de graphes, le largeur de rang, est borné dans les deux sens par la largeur de la clique : largeur de rang †largeur de la clique †2 largeur de rang + 1[13].
Par ailleurs, si un graphe G a une largeur de clique k, alors la puissance Gm a une largeur de clique d'au plus 2kmk[14]. Bien qu'il y ait un Ă©cart exponentiel des bornes entre la largeur de clique et la largeur d'arbre et la largeur de clique des puissances de graphe, ces bornes ne se combinent pas : si un graphe G a une largeur d'arbre w, alors Gm a une largeur de clique au plus Ă©gale Ă 2(m + 1)w + 1 â 2, qui est simplement exponentielle en la largeur de l'arbre[15].
Complexité de calcul
De nombreux problĂšmes d'optimisation qui sont NP-difficiles pour des classes de graphes gĂ©nĂ©rales peuvent ĂȘtre rĂ©solus efficacement par programmation dynamique sur des graphes de largeur de clique bornĂ©e, lorsqu'une sĂ©quence de construction pour ces graphes est connue[16] - [17]. En particulier, chaque propriĂ©tĂ© de graphe qui peut ĂȘtre exprimĂ©e dans la logique monadique du second ordre MSO1 (une forme de logique permettant la quantification sur des ensembles de sommets) admet un algorithme en temps linĂ©aire pour les graphes de largeur de clique bornĂ©e, par une des formes du thĂ©orĂšme de Courcelle[17]. Des rĂ©sultats sur les bornes pour des propriĂ©tĂ©s de classes de graphes ont Ă©tĂ© donnĂ©es par Bergougnoux et KantĂ©[18]. Des classes de graphes fermĂ©s par passage au sous-graphe induits sont prĂ©sentĂ©s dans un article de synthĂšse de Konrad K. Dabrowski Matthew Johnson et DaniĂ«l Paulusma[19].
Des colorations de graphes optimales ou des cycles hamiltoniens pour les graphes de largeur de clique bornée se calculent en temps polynomial, lorsqu'une séquence de construction est donnée, mais l'exposant du polynÎme augmente avec la largeur de clique, et les preuves de la théorie de la complexité montrent que cette dépendance est inévitable[20]. Les graphes de largeur de clique bornée ont la propriété que leur nombre chromatique est au plus une fonction de la taille de leur plus grande clique[21].
Les graphes de largeur de clique 3 peuvent ĂȘtre reconnus, et une sĂ©quence de construction peut ĂȘtre construite, en temps polynomial Ă l'aide d'un algorithme basĂ© sur la dĂ©composition fractionnĂ©e (en)[22]. Pour les graphes de largeur de clique non bornĂ©e, il est NP-difficile de calculer exactement la largeur de clique, et aussi NP-difficile d'obtenir une approximation avec une erreur additive sous-linĂ©aire[23]. Cependant, quand la largeur de clique est bornĂ©e, il est possible d'obtenir une sĂ©quence de construction de largeur bornĂ©e (exponentiellement plus grande que la largeur de clique rĂ©elle) en temps polynomial[24]. Il est ouvert si la largeur exacte de la clique, ou une approximation plus stricte de celle-ci, peut ĂȘtre calculĂ©e en temps traitable Ă paramĂštres fixes, ou si elle peut ĂȘtre calculĂ©e en temps polynomial pour chaque borne fixe de la largeur de la clique, ou mĂȘme si les graphes de largeur de clique quatre peuvent ĂȘtre reconnu en temps polynomial[23].
Liens avec la largeur arborescente
La théorie des graphes de largeur de clique bornée est similaire à celle des graphes de largeur arborescente bornée, mais contrairement à la largeur arborescente, elle s'applique aussi à des graphes denses. Si une famille de graphes a une largeur de clique bornée, alors soit elle a une largeur arborescente bornée, soit chaque graphe biparti complet est un sous-graphe d'un graphe de la famille[12]. La largeur arborescente et la largeur de clique sont également reliés par la théorie des line graphs : une famille de graphes a une largeur d'arbre bornée si et seulement si leurs line-graphs ont une largeur de clique bornée[25].
Si on note la largeur de clique et la largeur arborescente de , on a l'inégalité[26] :
- .
On ne peut pas majorer la largeur d'arborescene par une expression en la largeur de clique, comme on peut voir sur les graphes complets : Le graphe complet a l largeur arborescente et une largeur de clique au plus 2. On a donc pour :
- .
Si n'a pas de graphe biparti complet Kt,t comme sous-graphe, alors[12] :
- .
Notes et références
- (en)/(de) Cet article est partiellement ou en totalité issu des articles intitulés en anglais « Clique-width » (voir la liste des auteurs) et en allemand « Cliquenweite » (voir la liste des auteurs).
- Courcelle, Engelfriet et Rozenberg (1993).
- Wanke (1994).
- ChlebĂkovĂĄ (1992).
- Courcelle (1993).
- Courcelle et Olariu (2000).
- Golumbic et Rotics (2000).
- BrandstÀdt et Lozin (2003).
- Corneil et Rotics (2005).
- Courcelle et Olariu 2000, Corollary 3.3.
- Courcelle et Olariu 2000, Theorem 4.1.
- Corneil et Rotics 2005, plus précis que Courcelle et Olariu 2000, Theorem 5.5.
- Gurski et Wanke (2000).
- Oum et Seymour (2006).
- Todinca (2003).
- Gurski et Wanke (2009).
- Cogis et Thierry (2005).
- Courcelle, Makowsky et Rotics (2000).
- Bergougnoux et Kanté (2019).
- Dabrowski, Johnson et Paulusma (2019).
- Fomin et al. (2010).
- DvoĆĂĄk et KrĂĄl' (2012).
- Corneil et al. (2012).
- Fellows et al. (2009).
- Oum et Seymour 2006 ; HlinÄnĂœ et Oum 2008 ; Oum 2009.
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