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Juan de Cabriada

Juan de Cabriada (Burgo de Osma, 1661 – Ágreda, 1743) Ă©tait un mĂ©decin et essayiste espagnol.

Juan de Cabriada
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Frontispice de Carta philosophica medico-chymica, ouvrage de Juan de Cabriada (1686)
Naissance ±
Burgo de Osma (Vieille-Castille) (Espagne)
DĂ©cĂšs
Bilbao (Espagne)
Nationalité Drapeau de l'Espagne Espagnol
Résidence Ágreda, Madrid, Séville, Bilbao
Domaines MĂ©decine, pharmacie
Institutions Université de Saragosse
Directeur de thÚse José Lucas Casalete
RenommĂ© pour Livre Carta filosĂłfica, mĂ©dico- chymica (1686, en dĂ©fense de l’iatrochimie)

Compléments

MĂ©decin de cour de Charles II

L’ouvrage intitulĂ© Carta filosĂłfica, mĂ©dico- chymica, qu’il publia dans sa jeunesse et qui est la seule publication scientifique qu’on lui connaisse, fit grand bruit au moment de sa parution et vaut Ă  son auteur d’ĂȘtre rangĂ© dans les novatores, c’est-Ă -dire les prĂ©curseurs des LumiĂšres espagnoles. Cet ouvrage qui, aprĂšs avoir fustigĂ© la mĂ©decine galĂ©niste, alors seule pratiquĂ©e en Espagne, et prĂŽnĂ© celle paracelsienne, s’attache ensuite Ă  expliquer le retard scientifique de l’Espagne, a Ă©tĂ© diversement Ă©valuĂ© ; pour les uns, le livre fut une Ɠuvre pionniĂšre et eut un rĂŽle dĂ©cisif dans l’avĂšnement de la science moderne en Espagne, pour les autres, le livre, de faible portĂ©e scientifique, n’était lĂ  que pour servir les ambitions professionnelles de son jeune auteur. NommĂ© en 1699 mĂ©decin de cour, il fut amenĂ© Ă  s’impliquer dans une infructueuse expĂ©rience mĂ©dicale alchimiste visant Ă  guĂ©rir le roi Charles II — Ă©chec qui ternit sa renommĂ©e. Il continua ensuite de soutenir le mouvement rĂ©novateur, exerça Ă  Bilbao, puis se retira dans sa rĂ©gion natale.

Vie et carriĂšre

Origines et formation

Juan de Cabriada naquit Ă  VildĂ©, petite localitĂ© non loin de Burgo de Osma, oĂč il reçut le baptĂȘme le — et non dans la paroisse de San Juan del Mercado de Valence, comme on l’a cru antĂ©rieurement —, et oĂč son pĂšre, Juan de Cabriada y Gonzalo, ancien professeur Ă  l’universitĂ© de Valence, exerçait alors la mĂ©decine. Son pĂšre ainsi que sa mĂšre Ă©taient originaires du bourg d’Ágreda, dans la province de Soria, en Vieille-Castille. Juan de Cabriada vĂ©cut plusieurs annĂ©es Ă  Ágreda avant de s’en aller Ă©tudier Ă  Valence, oĂč il obtint le titre de bachelier en arts. Il Ă©tudia ensuite la mĂ©decine Ă  l’universitĂ© de Saragosse et acquit en 1681 le titre de bachelier en mĂ©decine.

Son directeur d’examen de fin d’études fut JosĂ© Lucas Casalete, l’une des grandes figures du mouvement novateur Ă  Saragosse. Dans ses dĂ©buts, Cabriada adhĂ©rait Ă  la thĂ©orie galĂ©niste, et se fixa avant 1686 Ă  Madrid, comme mĂ©decin du comte de Monterrey.

Carta filosófica, médico- chymica

Le seul ouvrage jamais Ă©crit par Juan de Cabriada est la cĂ©lĂšbre Carta filosĂłfica, mĂ©dico- chymica (titre complet :Carta filosĂłfica, mĂ©dico- chymica. En que se demuestra, que de los tiempos, y de los experiencias, se han aprendido los mejores remedios contra las enfermedades. Por la nova-antigua Medicina, soit : Lettre philosophique, mĂ©dico-chimique. Dans laquelle il est dĂ©montrĂ© que des temps et des expĂ©riences l’on a appris les meilleurs remĂšdes contre les maladies. Pour la mĂ©decine nouvelle-ancienne) parue Ă  Madrid en 1687, oĂč l’auteur dĂ©nonçait la pratique et l’abus par les galĂ©nistes des saignĂ©es dans le traitement des fiĂšvres tierces. Cabriada cependant dĂ©borde de son sujet initial, lequel est d’un intĂ©rĂȘt relatif, et s’en sert comme point de dĂ©part pour rĂ©diger un texte sur le retard de la mĂ©decine espagnole et sur la nĂ©cessitĂ© de s’approprier les nouveautĂ©s venues de l’étranger, telles qu’en particulier la dĂ©couverte de la circulation du sang, et autres innovations qui peinaient Ă  prendre pied en Espagne, dominĂ©e alors par les traditionalistes et les conservateurs. Cabriada affronte l’autoritĂ© et l’infaillibilitĂ© des auteurs anciens et oppose Ă  leurs normes celles liĂ©es Ă  l’expĂ©rience tant anatomique, pratique que chimique. Il fait mention, en appui de ses vues, de divers auteurs, plus particuliĂšrement des chimistes et mĂ©decins enclins Ă  une explication chimique des maladies, Ă  savoir Paracelse, Thomas Willis, Sylvius, Robert Boyle, mais aussi RenĂ© Descartes et William Harvey, et dĂ©montre ĂȘtre parfaitement au courant des dĂ©couvertes les plus rĂ©centes en anatomie et en physiologie. Il considĂšre de la plus haute importance la thĂ©orie de la circulation sanguine en mĂ©decine, et c’est dans le passage correspondant qu’apparaĂźt sa fameuse phrase dĂ©nonçant le retard scientifique espagnol :

« Que voilĂ  une chose regrettable, voire honteuse, que nous soyons, comme si nous Ă©tions des Indiens, les derniers Ă  recevoir les nouvelles et lumiĂšres publiques qui se sont dĂ©jĂ  rĂ©pandues en Europe. Et en outre que les hommes Ă  qui il incombe de savoir cela s’offusquent de l’avertissement et s’emportent contre la dĂ©mystification. Et oh, qu’il est certain que de tenter de repousser le jugement d’une opinion dĂ©passĂ©e est ce qu’il y a de plus difficile que l’on puisse prĂ©tendre chez les hommes ! »

Parmi les diffĂ©rents systĂšmes de mĂ©decine de son Ă©poque, Cabriada avait optĂ© pour l’iatrochimie paracelsienne, contraire Ă  la doctrine physiopathologique des galĂ©nistes, qui ramenaient la maladie Ă  un dĂ©sĂ©quilibre entre les qualitĂ©s de chaud, froid, sec et humide. Cependant, c’est prĂ©cisĂ©ment sur le galĂ©nisme, lequel s’étudiait alors dans les Ă©coles de mĂ©decine et exigeait des connaissances en logique, physique et Ă©thique, qu’était fondĂ© le prestige de la profession mĂ©dicale, et s’en prendre Ă  la mĂ©decine humorale revenait Ă  s’attaquer au pouvoir des mĂ©decins. L’ouvrage de Cabriada, qui provoqua une Ăąpre polĂ©mique, s’inscrivait ainsi dans une querelle de territoire entre les mĂ©decins en place, les galĂ©nistes, et ceux qui aspiraient Ă  les supplanter, les iatrochimistes. Toutefois, l’iatrochimie commençait dĂ©jĂ  Ă  ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme obsolĂšte dans le reste de l’Europe et Ă©tait critiquĂ©e comme Ă©tant trop thĂ©orisante et spĂ©culative ; les auteurs Ă©clectiques estimaient que les iatrochimistes n’étaient pas moins rigides que les galĂ©nistes et que tous deux Ă©taient systĂ©matiques Ă  l’excĂšs. Dans d’autres pays d’Europe, le texte de Cabriada n’aurait eu que peu ou pas de sens, attendu qu’en 1687, l’iatrochimie n’avait dĂ©jĂ  presque plus rien de moderne et passait pour largement spĂ©culative. NĂ©anmoins, Cabriada a Ă©tĂ© jugĂ© par le chercheur JosĂ© MarĂ­a LĂłpez Piñero et ses collaborateurs comme Ă©tant l’auteur le plus important du mouvement novateur et comme celui qui aurait pris Ă  tĂąche d’introduire la science moderne en Espagne ; LĂłpez Piñero en effet affirme :

« Par la vigueur et la hauteur de son texte, et par son exceptionnelle influence, le livre de Cabriada mĂ©rite d’ĂȘtre considĂ©rĂ© comme l’authentique manifeste du mouvement rĂ©novateur de la mĂ©decine et des savoirs liĂ©s Ă  celle-ci dans l’Espagne de la fin du XVIIe siĂšcle. »

Le brĂ»lot de Cabriada eut un grand retentissement et donna lieu Ă  une littĂ©rature abondante, mais de faible portĂ©e scientifique ; l’un des rares textes de quelque tenue est celui du mĂ©decin catalan CristĂłbal Tixedas (ou CristĂČfor Tixedas), oĂč celui-ci rĂ©fute point par point les thĂšses de Cabriada au long de plus de 450 pages. Selon Tixedas, les courants modernes n’impliquent pas de nier la validitĂ© du galĂ©nisme et ce systĂšme reste valable en dĂ©pit de critiques dont il fait l’objet. Les positions de Cabriada furent aussi Ă  l’origine de deux autres polĂ©miques encore entre innovadores et traditionnalistes.

Cabriada ne publiera plus ensuite d’autres ouvrages, ni sur l’iatrochimie, ni sur aucun autre sujet, ce qui porte Ă  penser que cette Ɠuvre, comme toute la polĂ©mique autour de l’usage de mĂ©dicaments chimiques, fut motivĂ©e davantage par le souci d’acquĂ©rir de la notoriĂ©tĂ© et du pouvoir que par la dĂ©fense d’un point de vue scientifique clair et dĂ©cidĂ©. On note qu’il tend Ă  exagĂ©rer les difficultĂ©s rencontrĂ©es par les remĂšdes chimiques, afin de rehausser son propre rĂŽle et de dramatiser outre mesure la situation. Pourtant, il ne retira aucun bĂ©nĂ©fice de la polĂ©mique, car il ne rĂ©ussit pas Ă  augmenter son prestige ni Ă  se faire nommer Ă  des postes d’importance, et du reste cessa tout Ă  fait d’écrire des ouvrages.

L’expĂ©rience mĂ©dicale de Roque GarcĂ­a de la Torre

En 1699, c’est-Ă -dire Ă  peu prĂšs au mĂȘme moment oĂč eut lieu cette expĂ©rience, Cabriada venait d’ĂȘtre promu Ă  la fonction de mĂ©decin de cour (mĂ©dico de cĂĄmara), aprĂšs avoir prĂ©sentĂ© nombre de mĂ©moires, sans toutefois s’interroger plus avant, dans aucun de ceux-ci, sur les causes du retard scientifique espagnol dĂ©noncĂ© par lui dans sa Carta, probablement pour ne pas mettre davantage Ă  l’épreuve les susceptibilitĂ©s de ses collĂšgues. Dans l’un de ces mĂ©moires destinĂ©s Ă  obtenir les honneurs de mĂ©decin de cour de Charles II, il se lamente de ce que ses mĂ©rites n’aient eu d’autre effet que de susciter la haine des confrĂšres qui cherchaient Ă  empĂȘcher sa nomination.

En 1698, Roque GarcĂ­a de la Torre, mĂ©decin valencien Ă©tabli Ă  Naples, arriva Ă  Madrid pour Ă©laborer un remĂšde secret capable de prolonger la vie de Charles II, alors gravement malade. L’objectif Ă©tait de le maintenir en vie assez longtemps que pour lui assurer une descendance. L’apothicaire Juan del Bayle Ă©tait chargĂ© de superviser l’expĂ©rimentation de Roque GarcĂ­a de la Torre, qui eut lieu dans une maison sise Ă  Madrid dans le voisinage de l’AlcĂĄzar. Un four fut Ă©difiĂ© et l’on dota Roque des instruments et matiĂšres premiĂšres nĂ©cessaires Ă  l’élaboration de son remĂšde, qu’il promit de terminer en . Cependant, ne parvenant pas Ă  honorer ce dĂ©lai, Roque s’en excusa en allĂ©guant une maladie — les symptĂŽmes qu’il dĂ©crit portent Ă  penser qu’il souffrait d’une intoxication au mercure —, et sollicita de pouvoir se retirer de l’expĂ©rience. Il remit Ă  Bayle toutes ses notes Ă©crites pour lui permettre de mettre au point le remĂšde secret. C’est alors que Juan de Cabriada rĂ©apparut, au terme de plusieurs annĂ©es dans l’anonymat, assistant Roque lors de ses travaux, aux cĂŽtĂ©s de Juan del Bayle.

Acte de décÚs de Juan de Cabriada (1743)

Bayle s’était donc mis en devoir d’élaborer le remĂšde, ou du moins affirma le tenter pour rĂ©pondre au dĂ©sir de ceux qui cherchaient un mĂ©dicament Ă  mĂȘme de guĂ©rir le roi. Cependant Charles II succomba Ă  sa maladie peu aprĂšs, Ă  l’ñge de 35 ans. Cet Ă©pisode ne fut pas favorable Ă  Cabriada, loin alors de remplir les attentes crĂ©Ă©es par sa Carta et apparaissant incapable, en sa qualitĂ© de mĂ©decin de cour, d’apports significatifs. Du reste, le fait qu’il ait pris sur lui de poursuivre l’expĂ©rimentation alchimique du guĂ©risseur Roque semble indiquer qu’il ne pouvait pas s’enhardir Ă  rĂ©pudier certains travaux, quelque suspects qu’ils fussent, car alchimiques, et nonobstant qu’ils n’eussent aucune chance de rĂ©ussite.

AprĂšs cet Ă©pisode, l’on n’a plus guĂšre de renseignements sur Cabriada, mais les rares donnĂ©es indiquent qu’il continua d’ĂȘtre liĂ© au mouvement novator et de plaider pour les mĂ©dicaments chimiques. En 1700, il cofonda la SociĂ©tĂ© royale de mĂ©decine et autres sciences (Regia Sociedad de Medicina y otras ciencias) de SĂ©ville. L’on sait encore qu’il exerça la mĂ©decine Ă  Bilbao en 1730, Ă  l’ñge de bientĂŽt 70 ans, et que son office Ă©tait alors « avantageux et perdurable ». À la fin de sa carriĂšre, il retourna dĂ©finitivement Ă  Ágreda, oĂč — aprĂšs y avoir dĂ©jĂ  sĂ©journĂ© en 1718 — il demeurera jusqu’à sa mort le .

Source

Bibliographie

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