Juan GarcĂa Oliver
Juan GarcĂa Oliver ou Joan Garcia i Oliver en catalan, nĂ© le Ă Reus (Tarragone, Espagne) et mort le Ă Guadalajara (Mexique), est un anarcho-syndicaliste espagnol, militant de la ConfĂ©dĂ©ration nationale du travail et de la FĂ©dĂ©ration anarchiste ibĂ©rique.
Juan GarcĂa Oliver | |
Juan GarcĂa Oliver en 1936-1937. | |
Fonctions | |
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Ministre de la Justice | |
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Gouvernement | Caballero II |
Prédécesseur | Mariano Ruiz-Funes |
Successeur | Manuel de Irujo |
Biographie | |
Nom de naissance | Joan Garcia i Oliver |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Reus |
Date de décès | |
Lieu de décès | Guadalajara (Mexique) |
Nationalité | Espagnole |
Parti politique | FAI ML (à partir des années 1930) |
Syndicat | CNT (Ă partir de 1920) |
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Ministres de la Justice espagnols | |
En à Barcelone, avec Buenaventura Durruti, Francisco Ascaso et Ricardo Sanz, il fonde le « groupe d'action » Los Solidarios créé pour riposter au pistolérisme patronal[1].
Après le coup d'État militaire des 17 et 18 juillet 1936, il dirige le Comité central des milices antifascistes de Catalogne[2].
Pendant la révolution sociale de 1936, lorsque la Confédération nationale du travail décide d'entrer dans le gouvernement du Front populaire après d'intenses débats internes[3], il est l'un des quatre ministres anarchistes du gouvernement de Francisco Largo Caballero, chargé de la Justice de à .
En , après la défaite de la Seconde République espagnole et la Retirada, il est membre, en France, du Conseil général du Mouvement libertaire.
Biographie
C’est Ă Reus (Catalogne), en 1901, qu'il naĂ®t dans une famille ouvrière, GarcĂa Oliver.
À 11 ans, il doit quitter l'école et travaille comme employé de magasin. Trois ans plus tard, il est garçon de café à Tarragone, puis à Barcelone. Il a 8 ans, en , lorsque se déroule la « Semaine tragique » en Catalogne.
Au cours de la grève générale de 1917, il s'implique dans les activités syndicales.
En 1919, la grève victorieuse menée par la CNT à l'usine La Canadiense, le mène à rejoindre les milieux anarchistes et anarcho-syndicalistes.
Membre du syndicat des garçons de café, il participe à la grève pour la transformation du pourboire en salaire. C'est dans ce contexte qu'il est incarcéré pour la première fois.
Los Solidarios
En 1920, il rejoint la Confédération nationale du travail (CNT).
En , avec Buenaventura Durruti, Francisco Ascaso et Ricardo Sanz, il fonde Los Solidarios, un groupe d'action directe qui s’oppose les armes à la main aux tueurs du syndicat libre (pistolérisme) et à leurs inspirateurs. Le groupe revendique plusieurs assassinats, dont celui du cardinal Juan Soldevilla y Romero et une tentative sur le roi Alphonse XIII.
En , il est arrêté et emprisonné un an. À sa libération, il s'exile en France où il travaille comme ouvrier vernisseur et où, avec les autres membres du groupe Solidarios, il prépare un attentat contre Mussolini (projet abandonné à la suite du retrait des militants italiens) puis un attentat contre le roi Alphonse XIII, ce qui l’oblige à entrer dans la clandestinité. Il fuit en Belgique. En 1926, il participe au congrès anarchiste tenu à Marseille.
Rentré en Espagne, il est arrêté en Navarre fin 1926 et condamné en à dix ans d’emprisonnement.
En 1931, il est libéré par l’amnistie suivant la proclamation de la Seconde République espagnole.
Du 10 au à Madrid, il participe comme délégué au troisième congrès de la CNT où il s’oppose aux partisans de la tendance trentiste (« possibilisme libertaire ») et à l’organisation de la CNT en fédérations d’industrie.
En 1932, il est le secrétaire du Comité péninsulaire de la Fédération anarchiste ibérique en remplacement de Juan Manuel Molina Mateo emprisonné pour insoumission. Il est également rédacteur du journal CNT (jusqu’à son interdiction en 1934) et membre des cadres de défense de Barcelone.
Partisan de la théorie de « la gymnastique révolutionnaire », il contribue à la préparation des mouvements insurrectionnels de en Catalogne.
En , au congrès de Saragosse de la CNT, il défend l’unité syndicale (la réunification syndicale) et le communisme libertaire.
Ministre anarchiste
À la suite du coup d'État militaire des 17 et 18 juillet 1936 contre le gouvernement républicain, il joue un rôle important dans le Comité central des milices antifascistes de Catalogne (CCMA) qui organise la lutte antifranquiste au début de la guerre civile[4].
Dès les premiers jours de la révolution sociale, il défend la thèse minoritaire de la prise totale du pouvoir par les anarcho-syndicalistes qui sont majoritaires sur les barricades et dans les entreprises. Selon l'historien César M. Lorenzo : « Il aurait alors fallu installer une dictature féroce contre les partis, ce qui est contraire aux principes anarchistes »[5].
Il est nommé responsable des opérations militaires avec Buenaventura Durruti au CCMA.
Responsable de la formation des cadres militaires, il organise la colonne Los Aguiluchos de la FAI et l'École populaire de guerre où sont formés les premiers officiers d’origine ouvrière[6].
C'est sous son impulsion que le CCMA signe, le à Barcelone, un pacte avec le Comité d'action marocaine (représenté par Mohamed Hassan Ouazzani et Omar Abdeljalil) prévoyant l'indépendance du Maroc espagnol en échange d'un soulèvement antifranquiste sur place[7]. Cependant, compte tenu du fait que le Maroc est à l'époque divisé entre l'Espagne et la France, le président du gouvernement Largo Caballero refuse d'activer le pacte sans l'accord de cette dernière. Malgré l'insistance de Ouazzani auprès de Léon Blum, cet accord ne viendra jamais[8].
Bien qu'Ă©tant opposĂ© Ă la participation de la CNT au gouvernement central, le , lorsque la confĂ©dĂ©ration dĂ©cide d'entrer dans le gouvernement du Front populaire après d'intenses dĂ©bats internes, GarcĂa Oliver est l'un des quatre ministres anarcho-syndicalistes du second gouvernement de Largo Caballero (1936-1937) : GarcĂa Oliver Ă la Justice, Federica Montseny Ă la SantĂ© et Assistance Sociale, Joan PeirĂł Ă l'Industrie et Juan LĂłpez Sánchez au Commerce[9] - [10].
Le à Barcelone, il est à la tête du cortège lors de l'enterrement de Buenaventura Durruti[11].
Au cours des journĂ©es de mai 1937 Ă Barcelone oĂą s'affrontent communistes et anarchistes, il prend position publiquement en faveur d'un cessez-le-feu. Avec Federica Montseny, il appelle Ă la radio Ă dĂ©poser les armes et Ă retourner au travail. Il perd alors beaucoup de son influence dans les milieux anarcho-syndicalistes. Durant ces Ă©vènements de mai Ă Barcelone, Garcia Olliver et les leaders anarchistes sont accusĂ©s d'avoir trahi la cause prolĂ©tarienne : « Au lieu de tirer profit du peu de cohĂ©sion des troupes gouvernementales, la direction anarchiste insistait, heure après heure, pour dĂ©manteler les barricades, laisser entrer la colonne du gouvernement de Valence sans tirer un coup de feu, et faire cesser la grève. »[12]. La rancĹ“ur dans la base des organisations anarchistes est telle que « sur de nombreuses barricades on ne parlait que de fusiller GarcĂa Oliver et les autres leaders »[12].
Il quitte le gouvernement le , mais reste actif jusqu'Ă la chute de Barcelone le .
Le , au cimetière de MontjuĂŻc, Juan GarcĂa Oliver rend hommage Ă Durruti, tuĂ© un an plus tĂ´t sur le front de Madrid. L’ex-ministre de la Justice de Largo Caballero remonte le cours de l’histoire : « Je n’ai pas honte de le dire, je le confesse avec fiertĂ©, nous avons Ă©tĂ© les rois du pistolet ouvrier de Barcelone, les meilleurs terroristes de la classe ouvrière… “Nosotros”, ceux qui n’ont pas de nom, ceux qui n’ont pas d’orgueil, ceux qui ne forment qu’un bloc, ceux qui payent l’un après l’autre, “Nosotros”… La mort n’est rien, nos vies individuelles ne sont rien ! Tant que l’un de nous vivra, “Nosotros” vivra ! »[13].
Exil
Il se réfugie en France durant la retirada.
Le à Paris, il est membre du Conseil général du Mouvement Libertaire Espagnol (MLE)[14] aux côtés notamment de Federica Montseny et Juan Manuel Molina Mateo.
Il vit ensuite en Suède, puis au Mexique, jusqu'à sa mort, le .
Postérité
Oliver, Durruti et Ascaso sont parfois surnommés les « trois mousquetaires de l'anarchisme espagnol[15] - [16] » qui eux aussi, étaient quatre, avec Jover[17].
Citations
- « Le fut une très longue journĂ©e. Elle avait dĂ©butĂ© le 18. Ce fut le temps de la grande victoire. Ce fut le temps oĂą commença la grande dĂ©faite. » Juan GarcĂa Oliver, El eco de los pasos.
- « L’anarchisme est une arme inefficace pour libĂ©rer l’humanitĂ©. » Juan GarcĂa Oliver, lettre Ă Cipriano Mera, .
MĂ©moires
- L'Ă©cho des pas, Toulouse, Le Coquelicot, 2014[18].
- (es) El eco de los pasos, Planeta, 2008, extraits en ligne.
- (en) My Revolutionary Life, Kate Sharpley Library, 2008, extraits en ligne.
Bibliographie et sources
En français
- César M. Lorenzo, Les Anarchistes espagnols et le pouvoir, 1868-1969, Éditions du Seuil, 1969, extraits en ligne.
- Burnett Bolloten, La Révolution espagnole : la gauche et la lutte pour le pouvoir, Ruedo Ibérico, 1977, extraits en ligne.
- Abel Paz, Durruti : un anarchiste espagnol, Quai Voltaire, 1993, lire en ligne.
- Miguel Amoros, Durruti dans le labyrinthe, Éditions de l'Encyclopédie des Nuisances, 2007.
- Freddy Gomez, D’une Espagne rouge et noire. Entretiens avec Diego Abad de Santillán, Felix Carrasquer, Juan GarcĂa Oliver, JosĂ© Peirats, Éditions du Monde libertaire, 2009[19].
- Joël Delhom, Les anarchistes espagnols dans les conspirations contre la Dictature et la Monarchie (1923-1930), Cahiers de civilisation espagnole contemporaine, 1|2012, lire en ligne, DOI 10.4000/ccec.3938.
En anglais, espagnol et catalan
- (es) AgustĂn GuillamĂłn, Ecos y pasos perdidos de Juan GarcĂa Oliver, Calumnia Edicions, 2021
- (en) Sam Dolgoff, Controversy : Anarchists in the Spanish Revolution in Fragments : a Memoir, Refract Publications, Cambridge, 1986, lire en ligne.
- (en) Burnett Bolloten, The Spanish Civil War : Revolution and Counterrevolution, University of North Carolina Press, 1991, extraits en ligne.
- (es) JosĂ© RamĂłn MegĂas Cillero, El plano autobiográfico, el problema de la expresiĂłn y los territorios en « El eco de los pasos », de Juan GarcĂa Oliver, thèse de doctorat, UniversitĂ© de Grenade, 2002, notice.
- (en) Antony Beevor, The Battle for Spain : The Spanish Civil War 1936-1939, Penguin, 2006, .extraits en ligne
- (en) Abel Paz, Durruti in the Spanish Revolution, AK Press, 2007, extraits en ligne.
- (es) Stuart Christie, Nosotros los anarquistas : Un estudio de la Federación Anarquista Ibérica (FAI), Universitat de València, 2011, lire en ligne.
- (ca) Guillem Carreras RodrĂguez, Columnes i milĂcies catalanes al front d’AragĂł, DĂ©partement Histoire contemporaine, UniversitĂ© de Barcelone, 2013, lire en ligne.
- (ca) Jordi MartĂ Font, L'eco dels passos, quan el seny esborra la rauxa. L'oblit de l'anarcosindicalista reusenc Joan GarcĂa Oliver, Kesse, butlletĂ del Cercle d'Estudis Històrics i Socials Guillem Oliver, 40|2006, lire en ligne.
Articles
- Juan GarcĂa Oliver, Ă€ contretemps, « Revue de critique bibliographique et d'histoire du mouvement libertaire », no 17, , sommaire en ligne :
- Freddy Gomez, Un entretien avec Juan GarcĂa Oliver, , texte intĂ©gral.
- JosĂ© Fergo, GarcĂa Oliver : Ă©chos et contre-Ă©chos, texte intĂ©gral.
Filmographie
- (es) Juan GarcĂa Oliver en meeting Ă Valence, 1936, voir en ligne.
- (es) Juan GarcĂa Oliver, Hommage sur la tombe de Durruti, CNT, , voir en ligne.
- (es) Mateo Santos, Juan GarcĂa Oliver, ministre de Justice, durant l'inauguration du monument Ă la mĂ©moire de Durruti, Francisco Ascaso et Francisco Ferrer au cimetière de MontjuĂŻc de Barcelone, , voir en ligne.
- (es) (nl) Willum Thijssen, Linda Van Tulden, De toekomst van ’36 - El futuro del 36, autour des mémoires (El eco de los pasos) de Garcia Oliver, 1983, Pays-Bas, Belgique.
Notices
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Dictionnaire international des militants anarchistes : notice biographique.
- (es) Miguel Iñiguez, Esbozo de una Enciclopedia histórica del anarquismo español, Fundación de Estudios Libertarios Anselmo Lorenzo, Madrid, 2001, page 256.
- (ca) « Joan Garcia i Oliver », Gran Enciclopèdia Catalana, sur enciclopedia.cat, Barcelone, Edicions 62..
- (ca) Estel Negre : notice biographique.
- (en) Spartacus Educational : notice biographique.
Notes et références
- (en) Chris Ealham, Class, Culture and Conflict in Barcelona, 1898-1937, Routledge, 2004, page 50.
- Édouard Waintrop, Abel Paz, un ado sur les barricades, Libération, 6 août 2001, lire en ligne.
- RĂ©mi Skoutelsky, L'espoir guidait leurs pas, Grasset, 1998, page 31.
- (en) Julius Ruiz, The 'Red Terror' and the Spanish Civil War : Revolutionary Violence in Madrid, Cambridge University Press, 2014, pp. 231-232.
- Édouard Waintrop, Martinez Lorenzo, l'historien critique, Libération, 7 août 2001, lire en ligne.
- (en) Michael Alpert, The Republican Army in the Spanish Civil War, 1936-1939, Cambridge University Press, 2013, page 145.
- (es) Francisco Sánchez Ruano, Islam y Guerra Civil Española : moros con Franco y con la República, Madrid, La Esfera de los Libros, , 771 p. (ISBN 84-9734-206-2 et 978-84-9734-206-3, OCLC 60414623), p. 213-214
- La démocratie au Maghreb : aspirations, réalisations, perspectives, Fès, Fondation Mohamed Hassan Ouazzani, , 190 p. (lire en ligne), chap. 9 (« Biographie de Mohamed Hassan Ouazzani »), p. 170
- (en) José Peirats, Chris Ealham, The CNT in the Spanish Revolution, volume 2, ChristieBooks.com, 2005, page 179.
- (es) Octavio Ruiz Manjón-Cabeza, Historia general de España y América, volume 17, Ediciones Rialp, 1986, page 403.
- Vicente Séinchez-Biosca, Cinéma et culte aux morts : fonction du rituel dans la construction du charisme politique (Espagne, 1936-1939), in Sous les images, la politique... Presse, cinéma, télévision, nouveaux médias (XXe – XXIe siècle), CNRS Éditions, 2014, lire pp. 34-35.
- Grandizo Munis, Leçons d’une défaite, promesse de victoire
- Freddy Gomez, La folle épopée d’Antonio Ortiz, A contretemps, n°5, novembre 2001, lire en ligne.
- Freddy Gomez, L’exil libertaire espagnol, 24 août 1944, 29 octobre 2014, lire en ligne.
- (en) Paul Preston, Ann L. Mackenzie, The Republic Besieged : Civil War in Spain 1936-1939, Edinburgh University Press, 1996, page 146.
- Louis Nucéra, L'ami, Grasset, 1974, page 69.
- Caballero Marcel, Les anarchistes espagnols à Force ouvrière, Mouvements 1/2006, pp. 53-56 lire en ligne.
- L’Écho des pas de Juan GarcĂa Oliver, Les GimĂ©nologues, 11 janvier 2015, lire en ligne.
- Philippe Pelletier, L'anarchisme, Le Cavalier Bleu Ă©ditions, 2010, page 124.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Les MĂ©moires de Juan Garcia Oliver sur blogs.mediapart.fr.
- Juan GarcĂa Oliver sur lacntenelexilio.blogspot.fr.